« L`ÉTUDE DE CAS » DU BRÉSIL Giselle Dupin 1. Vie culturelle

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« L`ÉTUDE DE CAS » DU BRÉSIL Giselle Dupin 1. Vie culturelle
« L’ÉTUDE DE CAS » DU BRÉSIL
Giselle Dupin
1. Vie culturelle :
Au Brésil, les données issues d’enquêtes sur la consommation de biens et
services culturels, ne correspondent pas toujours à la réalité, car souvent la
formulation de leurs questions ne prend pas en compte les pratiques populaires
traditionnelles telles que les danses et les fêtes de la rue. Ainsi, quand les
chercheurs demandent à quelqu’un s’il fréquente les théâtres (en tant qu’espaces
formels), les présentations de danse ou les concerts de musique, ils se refèrent
souvent aux pratiques formelles d’origine européenne, et ils obtiennent une
réponse négative même quand l’enquêté est souvent spectateur voire artiste de
présentations culturelles dans les rues, que ce soit de la danse, du théâtre ou de la
musique. Pas besoin de dire qu’au Brésil ce type de manifestation est non
seuleument nombreuse, mais aussi très vivace et représentative de la diversité
culturelle du pays.
2. Participation culturelle :
Le Ministère de la Culture du Brésil a reconnu la pluridimensionalité de
l’expérience culturelle bresilienne, et il a créé le Programme Culture Vivante et les
Points de Culture à partir d’un concept de culture aux trois dimensions articulées :
culture comme usine de symboles, culture comme droit et citoyenneté, et culture
comme économie. Dans ce sens, les Points de Culture sont des interventions
aigües pour éveiller, stimuler et projeter ce qu’il y a de plus positif et particulier
dans les communautés, dans les banlieues et dans les villages : la culture locale. Il
faut dire que celle-ci est parfois basée sur l’oralité et l’informalité, comme c’est le
cas pour les peuples indiens et les communautées quilombolas (descendants
d’anciens esclaves noirs). Cela veut dire que la production culturelle prise en
compte par le Programme dépasse parfois celle des arts reconnus en tant que
tels.
Il s’agit, surtout, d’une politique publique de mobilisation et d’enchantement social.
Plus qu’un ensemble d’oeuvres physiques et d’équipements, elle implique la
potentialisation des énergies créatrices du peuple brésilien. Mais, loin de la logique
du “laisser faire”, le Programme promeut une instigation, une émulation, qui
correspond à un “do-in” anthropologique (référence au massage chinois sur les
points d’énergie du corps pour les stimuler). Mais le chemin à parcourir, les choix,
les définitions, tout au long du processus, sont libres : il n’y a pas de modèle
unique pour les Points de Culture, que ce soit pour les installations physiques,
pour la programmation ou pour les activités développées. Et les résultats sont
imprévisibles, voire surprenants.
La réussite du programme dépend de l’intéraction, de l’échange d’informations et
de la distribution de connaissances et de réalisations.
3. Mon itinéraire culturel dans la vie :
Mon ADN culturel a débuté quand j’étais encore à l’école, où je prenais part à
toutes les manifestations culturelles, tels que spectacles de théâtre, de danse ou
de poésie. Ensuite, j’ai pris des cours de ballet jusqu’à l’âge de 20 ans, quand j’ai
commencé à prendre des cours de théâtre. Pendant une dizaine d’années, j’ai
travaillé comme commédienne, mais j’ai fini par entrer dans la fonction publique.
Tout d’abord, j’ai travaillé à la Mairie de ma ville (Belo Horizonte) dans le domaine
de la gestion de la culture. En 2003-2004, j’ai fais une formation de Gestion de la
Culture à l’Université de Paris Dauphine, et je me suis penchée sur les questions
posées par la diversité culturelle. J’ai participé des débats qui ont amené l’Unesco
à adopter la Convention pour la Protection et la Promotion de la Diversité
Culturelle, en 2005. Mes recherches sur ce sujet ont abouti à une invitation pour
intégrer l’équipe du Ministère de la Culture, et à mon démenagement à la capitale
du pays, Brasilia. Comme Point de Contact de l’Unesco au Brésil pour ce qui
concerne la Convention, je participe souvent à des rencontres et séminaires pour
présenter et débater son contenu et les défis qu’elle nous pose.
4. Existe-t-il une plateforme de la société civile pour les arts et la culture à
l'échelon national ?
Oui. Le Programme Culture Vivante a créé un réseau d’articulations, de réception
et de dissémination d’iniciatives culturelles nouvelles. Les Points de Culture
articulent ce réseau et fonctionnent comme organisateurs locaux de la culture, et
centres de référence pour de nouvelles connexions au réseau.
La capacité de rechercher des micros solutions à partir de la construction de
réseaux locaux, et la facilite de se connecter em réseau avec d’autres Points de
Culture, ont été quelques-uns des critères adoptés pour le choix des Points de
Culture.
Pour l’établissement de ce réseau, tous les Points de Culture ont reçu um
équipement de culture numérique connecté à l’internet par bande large. Ainsi, les
Points peuvent se communiquer entre eux, échanger leurs expériences, et diffuser
leurs produits culturels tels que musiques, vidéos, photographies et autres.
5. Quelles sont les questions que vous souhaitez aborder et approfondir
avec les autres participants ?
La Convention 2005 de l’Unesco apporte la définition suivante de diversité
culturelle :
« Diversité culturelle » renvoie à la multiplicité des formes par lesquelles les cultures des groupes et
des sociétés trouvent leur expression. Ces expressions se transmettent au sein des groupes et des
sociétés et entre eux. La diversité culturelle se manifeste non seulement dans les formes variées à
travers lesquelles le patrimoine culturel de l’humanité est exprimé, enrichi et transmis grâce à la variété
des expressions culturelles, mais aussi à travers divers modes de création artistique, de production, de
diffusion, de distribution et de jouissance des expressions culturelles, quels que soient les moyens et
les technologies utilisés. »
Pourtant, lors des débats entre les membres du Comité Intergouvernamental de la
Convention, les représentants du Brésil sont souvent mal compris quand ils parlent
de leur politique publique de culture pour les peuples Indiens et les manifestations
populaires, car cela serait le sujet de la Convention du Patrimoine Immatériel,
tandis que la Convention de 2005 aurait comme sujet l’industrie culturelle.
À mon avis, quand on travaille avec la diversité culturelle, il faut être vraiment
ouvert à toutes les possibilités d’expression culturelle y compris les expressions
basées sur l’oralité. Penser la diversité culturelle seulement en rapport avec les
expressions issues de la culture européenne – les arts de la scène, la
photographie, le cinéma et d’autres – est oublier que dans certains pays la majorité
de la population est Indienne. En Amérique Latine, par exemple, les Indiens sont
70% de la population de la Bolivie, et 38% de la population du Pérou, tandis que le
Paraguay, où la langue Indienne Guarani est une des deux langues officielles du
pays, à côté de l’Espagnol, la majorité de la population est d’origine Indienne. En
Afrique du Nord, nous pouvons penser aux expressions culturelles des peuples
Berbères, basées elles-aussi sur l’oralité...
Cela veut dire que les expressions majoritaires de la culture contemporaine de ces
pays ne sont pas les arts de la scène ou le cinéma, mais celles des peuples
Indiens qui vivent encore leurs traditions ancestrales. Cette réalité est aussi celle
de nombreux pays d’autres régions du monde.
Voudrons-nous donc continuer à parler du « développement de l’industrie
culturelle » de tous les pays membres de la Convention de la Diversité des
Expressions Culturelles, et travailler avec eux à partir d’un modèle Européen de la
culture ?
Même quand il s’agit de renforcer l’industrie culturelle d’un pays, que ce soit le
cinéma ou autre, la dimension symbolique de cette production est tout aussi
importante que les aspects économiques. La leçon de l’écrivain Russe Léon
Tolstoï, selon qui quand nous voulons être universels il nous faut parler de notre
village, est aussi valable pour notre industrie culturelle, car elle sera d’autant plus
forte quand elle se base sur la réalité quotidienne, la cosmogonie, les savoirs et les
connaissances traditionnelles d’un peuple. Ainsi, si nous voulons promouvoir la
diversité culturelle, il nous faut respecter et protéger les expressions culturelles
souvent appellées « patrimoine culturel ».
Je propose donc une discussion sur la place pour les expressions culturelles
traditionnelles, notamment les expressions orales, et la Convention sur la
promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles, ainsi que
l’établissement d’un vrai dialogue entre les deux dernières Conventions de
l’Unesco (2003 et 2005).