format PDF - Secteur Pastoral de Palaiseau

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« Au réveil, je me rassasierai de ton visage »
L’antienne du psaume de ce dimanche est le tout dernier verset du psaume 16.
Une longue plainte, un cri lancé vers le Seigneur dans l’angoisse. Et qui ouvre,
qui s’épanouit dans cette belle confession d’espérance : « Au réveil, je me
rassasierai de ton visage »
De quel réveil s’agit-il ? Du grand réveil bien sûr, du réveil du grand sommeil de
la mort. La résurrection est envisagée par le psalmiste comme le réveil après
une nuit d’angoisse et de cauchemars, auprès du visage de l’être aimé. Ceux
qui connaissent les angoisses nocturnes perçoivent probablement la force de
cette image, de ce verset.
« Au réveil, je me rassasierai de ton visage »
Il ne s’agit pas d’apercevoir le visage du Seigneur, mais d’en être rassasié,
comme d’un bon pain qui assouvit une longue faim, comme d’une bonne eau
fraiche qui comble une soif pénible. Et ce n’est pas simplement la présence de
Dieu qui est l’objet de ce rassasiement, c’est un visage, son visage. Le visage,
cette fenêtre ouverte sur l’âme, le visage, ce qui révèle la singularité
irréductible de tout être et donne accès à son intériorité. C’est ce type de
présence, personnelle, unique, d’une profondeur à nulle autre pareil que la
résurrection nous donnera de partager, de goûter. Entrer en communion avec
Dieu, dans sa singularité, dans son intimité.
Mais par-delà son contenu de sens, cette parole, placée comme elle est, à la fin
de la longue plainte du psalmiste : « Au réveil, je me rassasierai de ton visage »,
cette parole résonne comme une confession de foi, efficace en elle-même,
efficace en ce que sa profération ouvre par elle-même à l’espérance. Quand
nous sommes dans la nuit, dans l’angoisse, quand le sol semble se dérober sous
nos pauvres pieds humains, l’espérance, la grande espérance de la
résurrection, ouvre une brèche. Ou plus exactement, le fait de confesser notre
foi en la résurrection fait refluer en nous la tristesse et le désespoir. Ce n’est
pas la bonne vieille méthode Coué, c’est simplement la confiance en l’efficacité
de la Parole de Dieu. Ce que Dieu dit, il le fait. Et quand Dieu met sur les lèvres
du psalmiste une telle parole, qui dit la certitude de la résurrection : « Au matin
je me rassasierai de ton visage », comment la puissance de la Parole de
résurrection ne pourrait-elle pas commencer, réellement, à faire son œuvre ?
Car la foi en la résurrection n’est pas première dans l’expérience du peuple de
Dieu. Je vous le dis souvent, l’expérience fondatrice de la foi d’Israël est une
expérience de libération, la libération de la servitude d’Egypte qui constitue le
peuple, un peuple dont l’identité est d’être un peuple libéré, et libéré par un
Autre, par le Tout Autre, le Dieu unique qui s’est d’abord révélé en tant que
libérateur. Et ce libérateur, le peuple de Dieu a ensuite découvert qu’il était
aussi son Créateur, le Créateur de tout ce qui existe. Et ensuite, il a découvert,
et c’est précisément le livre des martyrs d’Israël dont nous avons lu un extrait
qu’il ne pouvait pas laisser les morts comme cela, dans le non-lieu du Shéol.
L’expérience des martyrs d’Israël est décisive et fondatrice. Voilà des croyants,
des hommes engagés, -n’ont-ils pas donné leur vie pour leur foi persécutée-,
mais pas parfaits, -l’histoire des annulettes païennes retrouvées sur leur corps
après la bataille en témoigne-, voilà des hommes et des femmes pour lesquels
on a dit : « Si Dieu et Dieu, quelles que soient leurs limites, il ne peut pas les
laisser végéter dans le Shéol ». C’est au nom même de ce que le peuple hébreu
a progressivement découvert de l’Identité de son Dieu, qu’il est comme le
rappelle Jésus dans l’Evangile, le Dieu des vivants et pas le Dieu des morts, si
vraiment il est le Dieu des vivants, alors la mort elle-même ne pourra pas avoir
le dernier mot, et ce Dieu libérateur, créateur, ne peut pas, en raison de sa
nature profonde, ne pas libérer ses enfants des griffes de la mort, ne peut pas
les recréer à partir de la poussière même de leurs tombeaux. Si Dieu est Dieu,
nom de Dieu, alors il ne peut pas ne pas nous arracher aux griffes de la mort.
Cette longue, cette patiente auto-révélation de Dieu , libérateur, créateur,
ressusciteur trouve son épanouissement dans la personne de Jésus-Christ. Et la
résurrection n’est plus en Jésus le sommet, le couronnement de notre foi mais
elle est son fondement, sa pierre d’angle. Alors que nous venons de fêter la
Toussaint, alors que nous venons de commémorer nos fidèles défunts, dans un
beau diptyque consacré à la communion des saints, alors que nous orientons
notre regard, avec la fin de l’année liturgique vers la consommation des temps,
aujourd’hui la liturgie nous rappelle qu’au fondement de notre foi, il y la foi en
la résurrection. Résurrection de Jésus mais aussi résurrection des morts.
Croyons-nous vraiment à la résurrection ? A la résurrection de Jésus, mais aussi
à la résurrection des morts ? Si cet aspect de notre foi vacille, Paul nous dit que
nous sommes les plus malheureux des hommes ? Alors redisons avec foi, avec
une confiance dans la performativité de la Parole de Dieu qui fait ce qu’elle dit :
« Au réveil, je me rassasierai de ton visage ». Au réveil de tous nos sommeils,
de tous nos assoupissements, jusques et y compris au réveil du grand sommeil
de la mort, nous nous rassasierons du visage du plus beau, du plus jeune, du
plus vivant des Enfants des hommes. Et alors, nous commencerons à
expérimenter, la puissance la résurrection à l’œuvre dans nos vies, dans nos
cœurs, dans nos corps. Amen !