« Autoportrait à la frontière entre le Mexique et les Estados Unidos »

Transcription

« Autoportrait à la frontière entre le Mexique et les Estados Unidos »
« Autoportrait à la frontière entre le Mexique
et les Etats Unis »
de
Frida KAHLO (1932)
Huile sur toile, 30 x 34 cm, New York
I.
Présentation du peintre et de l’œuvre
Frida KAHLO est née en 1907 au Mexique, d’un père
d’origine allemande et d’une mère d’origine espagnole et
indienne.
Enfant, elle tombe et ressent une vive douleur dans la jambe
droite. A partir de ce moment là, elle souffre de graves
problèmes physiques (une jambe plus courte que l’autre) et
moraux parce que les enfants se moquent de son handicap.
Son père lui apprend la photographie et la peinture.
En 1922, elle réussit l’examen d’entrée à l’Ecole Préparatoire Nationale où elle rencontre son premier amour
Alejandro. Elle y fait aussi la connaissance du célèbre muraliste Diego Rivera qui réalisait alors une fresque dans
l’école.
En 1925, Alejandro et Frida se trouvent dans un bus qui heurte un train. Au cours de l’accident, Frida reçoit un
morceau de fer qui traverse son corps. Dans un état critique, Frida est immobilisée.
Pendant cette période difficile, son père alimente la passion de sa fille pour la peinture et installe au plafond, au
dessus de son lit des miroirs. Frida se prend alors pour principal modèle.
En 1928, elle se rétablit. Pour dissimuler son handicap, elle s’habille en homme.
Pendant une veillée, elle connaît Diego Rivera : l’homme de sa vie. En 1929, ils se marient.
En 1930, le couple part vivre aux Etats Unis. Frida est affectée par les aventures féminines de son mari d’autant
plus qu’elle continue à souffrir de la jambe.
Les époux voyagent à Détroit, New York. En 1939, le couple divorce. Fragilisée par cette séparation, Frida se
réfugie dans le travail. Plusieurs années plus tard, Diego et Frida se remarient.
Frida est une portraitiste qui peint sur tout sur de petits formats avec précision.
La santé de Frida se dégrade mais elle continue à peindre. Elle subit plusieurs opérations de la colonne
vertébrale et se retrouve en fauteuil roulant.
Sa jambe est amputée. En 1954, elle meurt d’une embolie pulmonaire.
« Autoportrait à la frontière entre le Mexique et les Etats Unis » a été peint par Frida Kahlo en 1932 alors
qu’elle se trouve aux Etats Unis avec son mari. Comme le titre l’indique, il s’agit d’un autoportrait du peintre qui
avait pour habitude de se prendre pour sujet : « Je me peins parce que je passe beaucoup de temps seule et
parce que je suis le sujet que je connais le mieux ».
Son style est à la fois surréaliste et folklorique de par les nombreux éléments traditionnels mexicains
qu’elle inclut dans ses œuvres. D’autre part, ses peintures sont très personnelles, presque autobiographiques,
très sensibles, dans lesquelles souvent elle représente sa propre souffrance : beaucoup de ses tableaux sont en
effet des autoportraits très originaux.
II.
Description
D’emblée, la figure centrale attire notre attention. Il est question d’une femme et plus précisément de
Frida Kahlo, elle –même, ce qui se vérifie sur le piédestal qui porte son nom et sur lequel Frida a décidé de se
représenter.
Le décors se divise en deux parties. En effet, le corps de la femme, de Frida forme une barrière, une
frontière entre deux espaces différents. Le peintre sépare deux mondes opposés.
Les paysages à gauche de la femme représentent les Etats Unis : nous reconnaissons le drapeau américain qui
flotte dans le ciel alors que les paysages à droite de la femme symbolisent le Mexique, pays natal du peintre. On
y distingue un temple aztèque, une statue, une tête de mort, de la végétation. De plus, c’est le drapeau du
Mexique que Frida tient dans sa main gauche.
Frida regarde droit devant elle, le spectateur. Sa posture est digne, sérieuse et rigide. Elle est vêtue d’une
élégante robe rose et porte de longs gants ainsi qu’un collier.
Dans sa main droite, elle tient une cigarette qui nous évoque son séjour aux Etats Unis mais aussi les usines qui
se trouvent à sa gauche et desquelles s’échappent d’épaisses fumées. Celles-ci nous renvoient à Détroit, ville très
industrielle où Frida et Diego ont séjourné.
Ses épais sourcils noirs se rejoignent sur son front comme les ailes d’un oiseau et constituent le symbole du
visage du peintre. Ses cheveux attachés en chignon, ses mains croisées et la rigidité de son corps traduisent
l’aspect grave du personnage.
Le fait qu’elle soit le seul être vivant nous inspire un certain sentiment de solitude. Cet autoportrait donne d’elle
l’image d’une femme digne qui fixe son regard sur celui qui la contemple.
Frida se situe entre deux mondes opposés : le Mexique, son pays natal et les Etats Unis où le peintre et
son mari ont vécu pour le travail. La frontière qui sépare ces deux nations est non seulement géographique mais
aussi linguistique, culturelle et économique.
C’est ainsi qu’apparaissent verticalement de chaque côté de Frida plusieurs oppositions entre les deux
pays :
- les nuages naturels du ciel mexicain s’opposent aux fumées polluantes de l’industrie nord américaine qui
s’échappent des cheminées des usines de Détroit.
La pyramide précolombienne s’oppose aux usines et gratte ciels américains.
- Le tas de pierres, la statue et les tons chauds s’opposent au fer et au gris d’une ville industrielle.
- Les plantes, les fleurs exotiques colorées s’opposent aux appareils modernes.
Du côté mexicain, les deux astres dans le ciel symbolisent le soleil et la lune, astres que les civilisations du
Mexique précolombien ont vénéré. Leurs pratiques religieuses se caractérisaient par des sacrifices humains
offerts à ces divinités, idoles de la fécondité. Dans les croyances aztèques, les sacrifices humains sont nécessaires
pour le fonctionnement et l’équilibre du cosmos.
Du côté américain, le nouveau dieu dans ce monde industrialisé s’appelle capitalisme et modernisation. Ces
deux univers très distincts (mexicain et américain) ne se réunissent que par le contact électrique qui provient du
piédestal sur lequel est monté le peintre et dont les boutons sont les lettres de l’inscription gravée par l’artiste.
Les fils ou les câbles électriques se mêlent aux racines des végétaux et semblent puiser leur énergie de la terre
mexicaine.
III.
Signification
Dans ce tableau, Frida parle de son monde d’alors. Elle manifeste une certaine nostalgie pour la patrie de ses
ancêtres maternels. En effet, la vie de ses ancêtres était rythmée par les cycles de la nature alors que celle des
Etats Unis repose sur le profit.
Les deux idoles de la fécondité et la tête de mort sur le sol sont le témoignage du rôle que jouent les
forces naturelles de la vie et de la mort au Mexique.
Frida elle-même tient dans sa main un drapeau de son pays comme pour revendiquer son identité mexicaine. Le
peintre indique ainsi à quel pays elle appartient.
Cette vision du pays des « gringos » se réfère à la ville de Détroit que Frida jugeait intéressante en raison de son
progrès industriel et mécanique mais froide par ses couleurs grises et bleues.
Frida organise son tableau de façon rythmée afin d’opposer constructions, objets et modes de vie.
« L’autoportrait à la frontière entre le Mexique et les Etats Unis » révèle l’inquiétant contraste qui oppose les
deux nations de façon métaphorique mais surtout critique à travers le regard franc et grave de Frida.

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