ANoël,lesEspagnols rêventdu«gordo»

Transcription

ANoël,lesEspagnols rêventdu«gordo»
0123
0123
Mardi 20 décembre 2011
A Noël, les Espagnols
rêvent du «gordo»
Lettre d’Espagne
Sandrine Morel
C
rise ou pas, cette année comme tous
les ans depuis 1812, ce sont les voix
des élèves du collège San Idelfonso,
un ancien orphelinat madrilène, chantant
les numéros gagnants de la loterie nationale, qui marqueront le début des fêtes de
Noël en Espagne.
Cette « cérémonie » particulière, qui a
lieu le 22 décembre et dure près de quatre
heures, est retransmise à la télévision
devant 8 millions de téléspectateurs.
«C’est une tradition tellement ancrée que
je pense que la loterie de Noël est inscrite
dans l’ADN des Espagnols », soutient Juan
Antonio Gallardo, directeur commercial
des Loteries et paris d’Etat (LAE).
Mais, c’est une prédisposition génétique qui coûte cher. A 20 euros le decimo,
nom donné au billet car il correspond à un
dixième d’un numéro, beaucoup économisent tout au long de l’année en rêvant au
gordo (le « gros»), le prix le plus généreux:
400 000euros par billet gagnant. En 2010,
les achats de billets pour la loterie de Noël
ont ainsi atteint 2,7 milliards d’euros.
«Aucune loterie au monde ne vend autant
pour un seul tirage au sort », assure M. Gallardo qui souligne la générosité des prix,
qui représentent 70% des ventes.
Les Espagnols dépensent en moyenne
57,6 euros par habitant pour cette loterie
et malgré la crise, les ventes restent plus
ou moins stables (– 3 % depuis 2008), car
même si «les gens achètent moins de
billets, ils sont plus nombreux à tenter leur
chance, justement à cause de la crise », souligne le directeur.
Près de la Puerta del Sol, dans la petite
rue del Carmen, plusieurs centaines de personnes font la queue sur des dizaines de
mètres. Ils attendent leur tour pour acheter au kiosque de Doña Manolita les billets
qu’ils espèrent gagnants. On dit que l’endroit porte chance depuis que plusieurs
gros lots y ont été répartis.
«Venir ici est une tradition », explique
Isidoro Lopez, qui attend depuis deux heures et quart. Cet ouvrier de la construction
de 47 ans a fait la route d’Alcorcon, une ville de la banlieue madrilène pour acheter
cinq decimos, soit 100 euros de loterie. Son
rêve: « Voyager!»
Quelques mètres derrière lui, Maria
Castañeda, une jeune fille de 19 ans, est
venue exprès de Jaen, en Andalousie, à
350 km de la capitale. Elle n’achètera
qu’un seul et unique billet pour sa mère.
« Si nous gagnons, nous enverrons l’argent à la famille, en Equateur », explique-t-elle.
Plus loin, Sofia Lopez, ancienne déléguée des ventes dans une multinationale,
au chômage depuis février, et son compagnon Enrique Soro, mécanicien automobile, attendent patiemment d’avancer
dans la longue queue, qui a bifurqué dans
une rue perpendiculaire. Ils ont pris le
train dans la matinée à Valence, à 300 km
de Madrid, pour acheter quinze billets
(300 euros) et repartir le soir même. « J’ai
économisé toute l’année en mettant des
pièces dans une tirelire, explique Sofia. Si
on gagne, on partagera avec la famille et
on fera un voyage. » « Et on paiera nos dettes », ajoute Enrique.
Faire trois heures de queue pour acheter son billet de loterie chez Doña Manolita alors qu’il existe plus de 10 000 établissements de vente dans toute l’Espagne
relève de la pure superstition. Selon une
étude du site de loterie en ligne Ventura24.es, plus de 60 % des acheteurs de decimos ont des rites pour attirer la chance.
Frotter le billet sur le ventre d’une femme
enceinte, la tête d’un chauve, le dos d’un
bossu ou le flanc d’un chat noir attirerait
la bonne fortune. Tout comme brûler les
billets de l’année passée en prononçant
ces mots magiques: « Que tes cendres
reviennent à moi sous forme de prix. »
Les Espagnols dépensent
en moyenne 57,6euros
par habitant pour la
loterie de Noël et, malgré
la crise, les ventes restent
plus ou moins stables
En 2010, un bureau de loterie d’Alcorcon s’est tout simplement offert les services d’une sorcière qui a jeté un sort aux
billets. Et l’établissement a réparti 3 millions d’euros de prix à ses clients… Mais
loin de ces cas extrêmes, il est très fréquent de retrouver dans les demeures
espagnoles les billets de la loterie soigneusement posés contre une image de la Vierge Marie ou d’un saint. Au cas où…
Si la loterie de Noël est un vrai danger
pour le portefeuille, il semble que la cabalgata de reyes (la « chevauchée des rois
mages»), qui a lieu le 5 janvier, et au cours
de laquelle Gaspard, Melchior et Balthazar
entrent dans les villes sur des chars et lancent aux enfants des poignées de bonbons, le soit pour la santé.
L’an dernier, à Huelva, une femme, blessée à l’œil par un bonbon a porté plainte
«contre le roi Balthazar » pour «lésions par
imprudence». Le juge vient finalement de
rendre son verdict : trois pages délicieuses
d’ironie. Il y explique d’abord sa réticence
à juger l’affaire car « sans pouvoir affirmer
qu’il existe une amitié intime avec le suspect, le roi mage Balthazar, avec le
concours des rois Melchior et Gaspard, a
offert au juge instructeur des présents désirés chaque 6 janvier depuis qu’il a usage de
raison».
Puis il évoque un problème de compétence car «si réellement il s’agissait du roi
Balthazar, nous pourrions nous retrouver
devant une hypothétique immunité de juridiction qui empêcherait l’action des tribunaux espagnols». Reste donc à savoir de
quelle juridiction dépend le célèbre roi
mage: « S’il est notoire qu’il vient d’Orient,
cela fait plus de deux mille ans que n’est
pas résolue la polémique quant à son vrai
pays d’origine.»
Le roi Balthazar impuni, il ne reste plus
qu’à tenter de nouveau sa chance à la loterie, celle du Niño, qui a lieu le 6 janvier et
clôt les fêtes de Noël espagnoles… p
[email protected]
C’est tout vu ! | Chronique télé
par Isabelle Talès
Bleues contre blondes
C
’était inespéré! Un événement sportif a bouleversé
les programmes, dimanche
18décembre, et nous a évité les parties de pêche dont on sait le résultat (Moby Dick, sur France 3), les
comédies dont on peut réciter par
cœur les répliques (Le Père Noël est
une ordure, sur France 2), les murders parties dont on connaît le coupable (Le Nom de la rose, sur Arte).
Outre la promesse d’une soirée
haletante, la retransmission de la
finale du championnat du monde
de handball féminin, France-Norvège, sur France 3, fleure bon la
mission de service public, l’aventure humaine, l’option sport co’l’année du bac.
Oui, il a l’air content, Lionel Chamoulaud, en annonçant au début
de « Stade 2 » que le match sera diffusé « en direct sur le service public
et gratuit », content sans doute
que la télévision puisse aussi être
un fournisseur officiel d’émotions
sans péage en ces temps où le football sur petit écran devient un
spectacle dûment tarifé.
Oui, elles ont l’air sympa, ces
filles de l’équipe de France dont
on a fait la connaissance dans quelques reportages d’avant-match.
Elles ne tirent pas la tronche dans
leur bus quand il s’agit de s’entraîner. Mais même si ces championnes françaises sont plus aimables
que, au hasard, Jeannie Longo,
elles n’en ont pas moins la gnaque. Commentaire d’une joueuse
après la victoire en quarts contre
les Russes : « C’était agréable de les
voir paniquer. » Consigne d’une
autre pendant la demi-finale
contre le Danemark: «Il faut leur
marcher sur la gueule. »
Non, on ne se rappelle pas de
toutes les règles du handball, mais
ça n’empêche pas de regarder à
perdre haleine. Philippe Bana,
directeur technique national et
commentateur d’un soir, résume
les enjeux de ce face-à-face entre
Bleues et blondes: « La Norvège est
une espèce d’iceberg imbattable
avec une circulation de balle qui
tue, il faudra défendre comme des
folles. » Les ailières tirent, les arrières défendent, les pivots pivotent
et les gardiennes, devant leurs
filets, prennent des poses d’araignées tissant leur toile. Le commentaire est plutôt objectif, à peine désigne-t-il « cette diablesse de
Sulland » qui, c’est vrai, marque
trop de buts, pendant que nos
Françaises aux prénoms de princesses tentent de résister : Cléopâtre donne à Angélique qui donne
à Alexandra…
Elles ont l’air sympa,
ces filles de l’équipe de
France de handball.
Elles ne tirent pas
la tronche dans
leur bus quand il s’agit
de s’entraîner
A la mi-temps, des experts du
jeu pensent autant au score (16-11
pour les Norvégiennes, qui ont
«beaucoup de bras ») qu’à l’Audimat: «Il faut surtout pas éteindre
la télé. Avec ces filles, c’est jamais
fini. » Mais les Norvégiennes ont
décidément trop de bras, qu’elles
lèvent pour contrer, pour marquer
et pour triompher (32-24). Pas fairplay jusqu’au bout, la retransmission s’arrête juste avant la remise
de la médaille d’or. Mais après
tout, on n’est pas sur le service
public norvégien! p
Vite vu. Letonestmontéprogressivement dans la dispute entre le
ministre Laurent Wauquiez et la
journaliste Audrey Pulvar, samedi
dans «On n’est pas couché», sur
France 2. D’abord il l’a appelée
«Audrey», puis «Mme Pulvar». L’incident s’est clos avant qu’il en vienne
à «Mme Montebourg». Juste avant.
A ne pas manquer sur 0123.fr
Listes votables Désignez les temps forts de l’année
L’année 2011 touche à sa fin. Avant d’en tourner la page, Lemonde.fr
vous propose de désigner les événements les plus importants à vos
yeux. Et puisque l’année a été placée sous le signe de la crise, de voter,
jour après jour, pour le principal fiasco de l’actualité économique,
politique, culturelle, etc.
http://www.lemonde.fr/retrospective/
pTirage du Monde daté dimanche 18-lundi 19 décembre 2011 : 399 574 exemplaires.
123
ÉLECTION
S
E
N
U
,
IS
O
U MONDE.
CHAQUE M RS ARTICLES D
EU une relecture complètesdepal’aructs dauanslitéle quotidienait
L
IL
E
M
S
E
le
fre
D
av
te qui vous
de » vous of
eilleurs artic
du « Mon
ction des m sée, retrouver l’enquê e… En un mot,
Le mensuel
ec une séle
repo
z juré de lir
écédent, av
ticle à tête
ar
un
e
t illustré.
us vous étie
du mois pr
lir
alyse que vo e élégant et fortemen
léments. Re
in
ou ses supp plonger dans cette an
az
mag
un
ns
us
da
vo
»
échappé,
du « Monde
mensuel
le meilleur
vous offrir
de.fr/abole
on
: www.lem
S ABONNER
POUR VOU
31
Hermès,
artisan contemporain
depuis 1837.
Pour information:
01 49 92 38 92
Hermes.com