Les raisons de la détérioration de la pratique du Randori

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Les raisons de la détérioration de la pratique du Randori
道
N° 18 — Février 2014
La lettre des valeurs du Judo et Ju-jutsu Il y a deux raisons pour lesquelles la
pratique est décadente.
Une des raisons est le fait que nous
avons encouragé les pratiquants à participer à des matchs (compétitions) tels que
les “tsukinami”, matchs mensuels, et les
voir maintenant beaucoup de personnes
pratiquant le randori d’une manière
contraire à l’esprit originel.
Comment corriger
les mauvaises tendances.
Cette méthode erronée de randori
s’est aujourd’hui substituée à ma vision
d’un Judo idéal. et nous devons trouver
une manière de sauver l’avenir du Judo.
Pour réussir, nous devons, avant tout,
identifier les facteurs clés selon que nous
considérons le Judo comme un exercice ou
© KODOKAN
D
éjà à son époque, le professeur fondateur Jigoro Kano avait des inquiétudes et des préoccupations
sur l’orientation du Judo et la mauvaise pratique du Randori en particulier.
Voici des extraits de ce qu’il nous dit ;
c’est édifiant et d’actualité :
traditionnels
Sous le regard de Jigoro Kano…
le-corps. Notre posture devrait être semblable à celle des boxeurs plutôt qu’à celle
des lutteurs. les lutteurs engagent une posture vers l’avant car ils n’ont pas à s’at-
Les raisons de la détérioration de la pratique du Randori
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comme un art martial. Lorsque nous étudions le Judo comme exercice physique, la
meilleure posture n’est naturellement pas
celle où on trouve le cou tendu en avant
ou bien le corps penché ou raide. Nous
devrions nous tenir d’une manière naturelle et détendue, et d’être capable de diriger notre énergie librement et instantanément vers le cou, les bras, les jambes ou
les hanches quand la nécessité le requiert
de telle sorte que nous puissions réagir immédiatement, et à volonté, par des mouvements harmonieux. Lorsque nous étudions le Judo en tant qu’art martial, nous
devrions être capables de mouvoir le corps
avec liberté, légèreté et vivacité, si bien
que nous puissions esquiver, chaque fois
que notre antagoniste nous attaque, avec
un coup de pied ou une pique des doigts.
Au Kôdôkan, quand nous pratiquons le
randori nous saisissons nos antagonistes
par leur manche ou leur revers de veste.
Cette méthode est toutefois seulement utile
pour les débutants de sorte qu’en progressant nous ne l’utilisons plus guère. Même
quand nous saisissons notre antagoniste
nous le faisons avec légèreté, autrement
nous ne pourrions esquiver vivement.
Si vous pratiquez le Judo en suivant
ces points, vous pouvez éviter les mauvaises tendances que nous pouvons voir
aujourd’hui, telle que l’usage non nécessaire de la force ou l’empoignade à bras-
tendre à recevoir des coups. Toutefois, si
nous sommes susceptibles de recevoir un
atémi, ou poussée percutante, nous adopterons une posture semblable à celle des
boxeurs. En Judo, nous ne gardons pas
nécessairement une distance entre soi et
l’antagoniste comme en boxe anglaise, car
non seulement nous délivrons des atémis,
mais nous pouvons aussi projeter ou exécuter une technique en contre. Nous approchons notre antagoniste et tentons de
l’agripper par le vêtement, la main ou le
cou. Dans ces cas, nous devons être prêts
à ce qu’il frappe des mains ou des pieds.
Alors comment approcher notre antagoniste ? Quand nous le tirons par le poignet
ou la manche droite, nous devons nous
placer sur son flanc droit. En faisant ainsi,
nous pouvons éviter toute contre attaque,
car son bras droit n’est plus libre. Malgré
que sa main gauche soit libre, ce n’est guère
dangereux du fait de son éloignement. Sa
jambe gauche n’est pas en situation d’attaquer non plus, alors que sa jambe droite est
trop proche pour attaquer correctement.
Nous devons garder ceci à l’esprit lorsque
nous approchons un antagoniste. Si nous
ne pouvons pas l’approcher, quelle est alors
la manière la plus efficace de pratiquer
le randori ? Nous en sommes venus à la
conclusion que nous devons retourner aux
usages en honneur au commencement
du Kôdôkan !
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“kohaku”, rouge et blanc, dans l’ordre de
stimuler l’expansion du Judo. Afin d’organiser ces rencontres, il était nécessaire de
créer des règles spécifiques pour rendre
les jugements. Les Shihan, instructeurs
“seniors”, ne sont pas toujours disponibles
pour être “ juges”. Même lorsque j’assistais “personnellement” et officiais en tant
que “ juge”, il était nécessaire pour moi de
suivre les règles simples préétablies. Sinon,
il n’était pas évident pour les autres de
savoir qui avait gagné ou perdu. De plus,
quand d’autres que les Shihan devaient
agir comme “ juges”, il était nécessaire
qu’ils suivent des règles peu compliquées
et claires. Une fois qu’il fut décidé de juger
selon les règles spécifiques, certains problèmes naturellement surgirent. Les gens
devinrent trop préoccupés par le règlement et cela les empêcha d’accomplir mon
idéal de mouvement naturel.
La deuxième raison de cette détérioration, était la pénurie d’instructeurs qualifiés qui puissent enseigner le randori
correctement, du fait de l’accroissement
rapide du nombre des pratiquants de Judo.
À cause de cette carence, ma méthode originelle de randori n’était pas suffisamment suivie. Les pratiquants n’avaient
plus l’opportunité de l’apprendre de manière appropriée, et dans beaucoup de cas,
ils s’empoignaient tout bonnement, opposant la force à la force. Nous pouvons
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Histoire d’une inauguration :
Actuellement, les constructions sportives se multiplient.
Stades, salles aux multiples activités poussent, surgissent partout,
même dans les villages. Tous veulent détenir ces infrastructures, et
notamment celles accueillant les arts martiaux. Les inaugurations
sont toujours de grands événements où tout le monde est très fier.
L’histoire se passe au Japon et concerne l’ouverture d’un dojo.
À cette occasion, de nombreuses personnalités se trouvaient
réunies autour de petits fours et sabrant le champagne, à moins
que ce ne soit plutôt du saké. La visite des lieux s’était déroulée
admirablement bien faisant découvrir une entrée spacieuse, des
sanitaires modernes, des vestiaires aménagés tout confort et bien
entendu l’apothéose : la visite du dojo, avec la souplesse des tatamis,
les protections murales, un beau bureau de réception, etc. Le tout se
clôtura bien sûr par l’entraînement principal, fondamental, celui qui
permet l’acquisition du Judo : la pratique du randori.
Bref, une bien belle soirée. Les congratulations fusaient. La
satisfaction se lisait sur tous les visages. Quelques personnalités
entourèrent le vieux maître qui, assailli de questions, hochait la tête.
Tout le monde prenait cela pour des signes de contentement, pour
des compliments lorsque finalement le vieux et vénérable maître
haussa le ton pour dire d’une voix tranchante : “Randori, mauvais !”.
•Avec les exécutions de Nage-komi avec
thèmes différents pour développer et éduquer le comportement et l’attitude de Uke
et Tori c’est déjà une mise en condition
au Randori.
•Avec l’enseignement de Maître Fukami
sur les déplacements ; chacun son tour
Tori et Uke doivent suivre le partenaire,
s’intégrer, travailler le décalage, puis l’accélération, la surprise, le déséquilibre,
veiller à son attitude, son centre de gravité, sa stabilité, son unité et devancer
l’autre.
•Avec un exercice intéressant pratiqué par
nos professeurs ; deux judokas sont face à
face : l’un d’eux les yeux fermés pose ses
mains à plat sur les épaules de son partenaire qui l’entraîne dans un déplacement que l’autre doit suivre afin d’éveiller la sensibilité à l’autre, être l’autre, ne
faire qu’un.
•Avec la pratique du Randori comme au
Japon dans les universités pendant une
à deux heures sans s’arrêter et parfois en
Tate il n’est pas possible d’être dur, du début à la fin. La fatigue aidant et le corps
et les muscles épuisés on rentre obligatoirement dans la souplesse.
•Avec Kakari-geiko entraînement libre
avec un seul qui attaque.
•Avec Yaku-soku-geiko « exercice avec
promesse » attaque chacun son tour ; ou
le Yaku-soku-geiko du Maître Kawaishi
qui n’arrivant pas à faire exécuter des
bons Randori, imposait, disait « chacun
son tour jeter ! ».
•Avec des Randori à thèmes et des règles de
comportement qu’il convient d’observer.
D’abord une attitude Shizen-tai, on oublie le contrôle, le blocage des bras qui deviennent des antennes pour uniquement
contrôler les attaques avec le corps d’abord
sans les bras. Cela permet de travailler son
Tai-sabaki, son déplacement, ses esquives
selon la formule : « bloquer c’est facile, esquiver c’est difficile » et accepter la chute
quand l’esquive n’est pas possible.
Le plaisir de recevoir un beau mouvement
bien réussi fait partie aussi du Randori
et des progrès. C’est l’application de :
« Entraide et prospérité mutuelle » de
Jigoro Kano.
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Ce que dit le professeur fondateur Jigoro
Kano est édifiant et visionnaire car aujourd’hui la dérive du Judo est évidente et
la mauvaise pratique du randori en fait partie. C’est pourquoi notre école EFJJT existe
pour prolonger et défendre les principes du
Judo tels que nous les décrit Jigoro Kano.
Revenons au thème évoqué par lui aujourd’hui : comment « enseigner le Randori
correctement ».
Pour une meilleure compréhension et
une bonne pratique du Randori, quelques
réflexions :
D’abord le Randori n’est pas la compétition, le randori et la compétition se ressemblent dans l’allure générale, seul le but
diffère : En compétition le but recherché est
uniquement la victoire. En Randori, c’est la
façon d’obtenir cette victoire.
Bien que « gratuites », les chutes en
Randori ont leur importance mais moins
cependant que les entrées. Le rôle de chaque
judoka en randori ressemble fort à un degré
plus ou moins grand, à celui d’un professeur, puisqu’en partie les progrès de l’un
dépendent de l’attitude de l’autre.
Pour cette raison, les débutants dont
les connaissances en Judo se limitent à
quelques rudiments ne doivent jamais pratiquer le randori ensemble. Ne sachant ni
attaquer, ni se défendre correctement ; ils
frôlent inconsciemment l’accident et ne progressent d’ailleurs pas. Mais, le Randori qui
donne les meilleurs résultats est celui qui
oppose un grade supérieur à un grade inférieur. Par sa technique, son métier en Judo,
le grade supérieur peut esquiver dans le sens
du mouvement de son partenaire et enchaîner simultanément.
Sa stabilité lui permet de laisser engager
une prise suffisamment loin, sans se mettre
en danger. Une telle attitude développe et
le sens de l’attaque et la vitesse d’exécution
chez le grade inférieur ; tandis que le grade
supérieur affine son sens de l’équilibre et
de la balance d’autant plus que la cadence
du randori s’accélère.
Inversement, les progrès seraient nuls
si les deux judokas s’observaient mutuellement sans risquer un engagement.
Dans notre école EFJJT, nous avons le
souci comme Jigoro Kano de bien pratiquer le Randori. Pour y parvenir nous exécutons une approche pédagogique avec des
exercices préparatoires et des règles qu’il
convient d’observer :
Dans le cadre de l’association des
anciens internationaux de l’équipe
de France de Judo, Luc Levannier a
été très touché de l’invitation fédérale
et remercie chaleureusement ses
organisateurs.
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