L`accès universel d`ici 2030: Y aura-t-il assez d`eau
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L`accès universel d`ici 2030: Y aura-t-il assez d`eau
Note d'information L’accès universel d’ici 2030 : Y aura-t-il assez d’eau ? Le risque que l’eau vienne à manquer n’est pas le principal problème Le manque d’eau qui est au cœur de la crise mondiale actuelle a plutôt pour origine les questions de pouvoir, la pauvreté et la mauvaise gestion des ressources (on parle alors de pénurie socio-économique) qu’une demande supérieure à la quantité disponible (qualifiée de pénurie physique) 1. Dans la grande majorité des cas, le secteur a été dans l’incapacité d’élargir l’accès à l’eau y compris là où les ressources sont abondantes, ce qui montre l’ampleur des problèmes socio-économiques. Même si la pénurie physique n’est pas le problème principal, son impact est de plus en plus important. Il faut maintenir la pression sur les pouvoirs publics pour qu’ils remplissent leur obligation de permettre à tous les citoyens d’accéder à l’AEPHA (approvisionnement en eau potable, hygiène et assainissement) en augmentant le taux de couverture. Mais le secteur doit aussi prendre conscience de la menace croissante que représente la raréfaction de l’eau pour l’atteinte de l’accès universel à l’AEPHA d’ici 2030. Les autorités et les opérateurs des services doivent se préparer aux effets aggravants qu’aura la pénurie physique émergente sur les problèmes socio-économiques existants. Lynn Johnson/National Geographic La pénurie physique, comme celle que l’on connaît pendant une sécheresse, va aggraver les problèmes socioéconomiques liés à l’extension de l’accès à l’AEPHA. 1 Note d'information Les ressources en eau sont de plus en plus surexploitées Il est difficile de quantifier les ressources en eau de manière exacte, en particulier quand le volume physiquement disponible varie énormément selon les zones géographiques et les moments de l’année. D’après les études récentes sur la raréfaction de l’eau, au moins 2,7 milliards de personnes vivent dans des bassins où la pénurie est sévère au moins un mois par an2. On observe une forte corrélation entre d’un côté la pénurie d’eau, et de l’autre la demande croissante (par exemple du fait d’une augmentation de la production des denrées alimentaires), la dégradation documentée de l’environnement et les bouleversements socio-économiques dans les bassins hydrographiques de certains fleuves parmi les plus exploités de la planète. Selon une évaluation officielle du gouvernement indien3, plus d’un sixième des ressources en eau souterraines du pays sont surexploitées. Le bassin de l’Indus, où vivent au moins 300 millions de personnes, connaît des pénuries d’eau sévères 8 mois chaque année2. Au nord-ouest du pays, dans les États du Punjab, du Rajasthan et d’Haryana qui se situent partiellement ou en totalité dans le bassin de l’Indus, les eaux souterraines sont progressivement en train d’être épuisées4. Dans la grande plaine de Chine, au nord du pays, le niveau des aquifères baisse jusqu’à 3 mètres par an à certains endroits5. Pendant trois ans, de 1995 à 1998, le fleuve Jaune n’a pas atteint la mer pendant près de 120 jours, avec des conséquences dévastatrices sur les écosystèmes de son cours inférieur6. La Banque mondiale estime que la pénurie d’eau en Chine « va avoir des conséquences catastrophiques pour les générations futures » à moins qu’on ne parvienne à un équilibre entre la quantité prélevée et la quantité consommée7. Cette pénurie physique ne se limite pas aux économies qui connaissent une croissance rapide ; de grands systèmes fluviaux comme celui du Murray-Darling8 en Australie ou du Rio Grande aux États-Unis et au Mexique9 montrent fréquemment des signes de stress environnemental extrême lié au manque d’eau. WaterAid/GMB Akash/Panos La pression sur les ressources en eau est de plus en plus forte à cause de l’augmentation de la population et de la quantité consommée. 2 Note d'information De nombreux éléments se conjuguent pour exacerber la raréfaction des ressources : la croissance démographique et l’augmentation de la quantité d’eau consommée par habitant, l’urbanisation rapide et non planifiée, le développement de l’industrie mais aussi l’évolution des habitudes alimentaires, une agriculture plus intensive et le changement climatique9. Cette concurrence croissante pour l’eau signifie que les intervenants du secteur de l’AEPHA doivent être mieux préparés aux conséquences de la pénurie physique sur l’accès durable aux services et sur la résilience des populations. La pénurie physique ne signifie pas que l’avenir sera marqué par la multiplication des guerres de l’eau Les mots généralement utilisés pour décrire un monde où l’eau viendrait à manquer – on parle de guerre, de conflit – sont exagérés. Les médias grand public, les responsables politiques et l’opinion semblent se passionner davantage pour la perspective dramatique de grands conflits potentiels autour de l’eau plutôt que pour la réalité quotidienne brutale et la violence qui sont localement le lot des 748 millions de personnes qui vivent sans accès garanti à l’eau potable dans le monde. L’inégalité observée au niveau de l’approvisionnement semble indiquer qu’à l’échelon local, ce ne sont pas les conflits internationaux qui seront la cause d’une souffrance accrue et durable des plus pauvres, des moins puissants et des plus vulnérables, mais la pénurie physique de plus en plus importante. Au lieu de faire des suppositions sur de possibles conflits à venir entre nations, nous devons nous focaliser sur la mise en place ou le renforcement de mécanismes institutionnels adaptés – officiels ou informels – qui peuvent conduire à davantage de cohésion et de coopération à l’échelle communautaire au sujet des ressources en eau partagées10. Nous devrions nous préoccuper des conséquences qu’aura la pénurie physique, exacerbée par une gestion chaotique des ressources, sur l’AEPHA Pour préserver un accès adéquat des populations pauvres et marginalisées à l’AEPHA là où l’eau se fait rare, il faut faire une analyse attentive du cadre plus large qui entoure la gestion des ressources en eau. Quand les bassins hydrographiques atteignent leurs limites (c’est-à-dire quand le volume d’eau consommé approche ou dépasse le volume renouvelable disponible) on dit qu’ils « se ferment » et les usagers sont de plus en plus dépendants les uns des autres. Le prélèvement d’une quantité plus importante d’eau dans une zone du bassin diminue le volume disponible ailleurs11. Cette interdépendance peut affecter la quantité et la qualité de l’eau disponible pour l’AEPHA. En amont de la rivière, on peut avoir l’impression que l’eau est abondante parce que les usagers en aval sont comme 3 Note d'information « invisibles ». De même, un agriculteur équipé d’un forage profond qui essaie de vivre de sa production irriguée ne sera pas forcément conscient des populations pauvres qui vivent à côté et dépendent de puits peu profonds pour leurs besoins de tous les jours. Plus la demande pour l’eau est importante, plus les actions des usagers et la compétence des autorités qui doivent gérer et réguler l’approvisionnement affecteront la quantité et la qualité de l’eau disponible pour l’AEPHA. Dans la plupart des pays, les autorités gèrent mal les ressources en eau, et la pénurie physique leur complique encore davantage la tâche La raréfaction des ressources en eau rend leur gestion à la fois plus importante et plus difficile. Gérer les demandes concurrentes, arriver à une couverture équitable des services, résoudre les conflits et préserver la sécurité hydrique pendant les sécheresses sont des tâches difficiles y compris dans les pays les mieux organisés et bien financés. Dans les bassins « fermés », quand il n’y a plus assez d’eau pour satisfaire les besoins sociaux et environnementaux12, le développement des infrastructures dépasse souvent les ressources disponibles avant que les institutions nécessaires n’aient été mises en place pour que l’eau soit gérée de manière compétente. Les pouvoirs publics sont souvent séduits par des projets attractifs sur le plan politique mais qui sont fondés sur une connaissance des données hydrogéologiques ou des études d’impact incomplètes, par exemple quand sont construits de grands systèmes d’irrigation qui vont augmenter les prélèvements au détriment des autres usagers11. La gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) est censée répondre à ces enjeux mais s’avère extrêmement complexe à mettre en œuvre (comme l’explique le Cadre directeur de WaterAid relatif à la sécurité hydrique13). Il est difficile d’arriver à un consensus par des processus réunissant toutes les parties prenantes parce qu’il n’y a que peu de solutions qui permettent à chacun d’en ressortir gagnant : ces solutions mènent pour la plupart à des compromis qui ont d’importants effets négatifs14. Par exemple, pour lutter contre la raréfaction, les pouvoirs publics mettent souvent en place des politiques pour économiser l’eau dans les zones urbaines comme les programmes de lutte contre les fuites, la collecte des eaux de pluie ou des mesures incitatives pour réduire la demande. Ce sont peut-être des initiatives locales judicieuses pour lutter contre la pénurie mais dans un bassin « fermé », ou qui en train de se fermer, ces politiques vont inévitablement réduire la quantité d’eau disponible en aval et la recharge des eaux souterraines. Les villes, les exploitations agricoles et les écosystèmes situés en aval subiront les effets négatifs (et potentiellement significatifs) de ce changement. 4 Note d'information Il peut y avoir assez d’eau en 2030 pour satisfaire les besoins de chaque individu en eau de boisson, pour préparer les repas, se laver, pour l’hygiène et l’assainissement. Mais l’accès universel est loin d’être garanti. Il dépendra beaucoup de la manière dont les ressources seront gérées (qualitativement et quantitativement), dont l’eau est répartie et à qui elle sera affectée en priorité. Comment le secteur de l’AEPHA peut-il répondre ? Au-delà de l’objectif central du secteur d’étendre l’accès à l’AEPHA, plusieurs actions peuvent contribuer à une démarche de réorientation des politiques qui soit suffisamment robuste pour répondre aux futurs défis posés par la restriction des ressources en eau : 1 Réaffirmer que l’accès à l’eau et à l’assainissement sont des droits fondamentaux de l’homme, et par conséquent non négociables. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels stipule que chacun des États parties s'engage à agir aussi rapidement et efficacement que possible en vue d'assurer le plein exercice des droits à l’eau et à l’assainissement 15. Les services d’eau et d’assainissement doivent être abordables – y compris en accordant des subventions adéquates aux plus pauvres si besoin15 – et durables tant sur le plan de la continuité des services que pour la santé des écosystèmes. Pour satisfaire cette obligation de pérennité, on doit gérer la raréfaction des ressources de façon à ce que les services d’eau et d’assainissement soient préservés quels que soient les scénarios envisagés concernant la disponibilité des ressources15. 2 Plaider pour une gestion plus redevable, transparente et durable des ressources en eau, qui place le droit à l’eau pour l’AEPHA au premier rang des priorités, et qui est basée sur un système de comptabilité économique et environnementale de l’eau et des dispositifs contraignants pour l’affectation des ressources. L’accès des populations pauvres et marginalisées à l’AEPHA dépend de l’application du principe de l’accès prioritaire à l’eau, qui est rapidement remis en cause quand la gestion des ressources est mauvaise ou inefficace. S’il n’y a pas d’institutions efficaces en charge de la gestion des ressources en eau, le travail effectué par les acteurs du secteur de l’AEPHA risque d’être sabordé, et pourrait même voir ses effets inversés, du fait de la raréfaction de l’eau qui affecte les bassins « fermés » ou en train de se fermer. La poursuite de l’exploitation des ressources, comme la construction de nouveaux réservoirs, de systèmes d’irrigation ou de barrages hydroélectriques a un rôle certain à jouer dans l’éradication de la pauvreté. Mais si le développement de ces ressources n’est pas planifié, s’il n’est pas encadré ou basé sur une compréhension exacte de la 5 Note d'information disponibilité de l’eau, il peut remettre en cause les sources d’approvisionnement des populations pauvres, en bloquant les opportunités de renforcer leurs moyens de subsistance et l’égalité sociale. Il faut parallèlement qu’il y ait le même engagement au niveau de l’organisation structurelle de la gestion des ressources hydriques de sorte qu’elle réponde aux besoins liés aux risques sociaux, environnementaux et économiques, et protège les intérêts de ceux pour qui ces questions sont cruciales mais qui n’ont que peu de poids dans les décisions. La pénurie physique va nous obliger à passer d’une logique d’augmentation du volume prélevé (ce qui est relativement aisé) à une logique de gestion de la demande (ce qui est plus difficile), ce à quoi la gestion des ressources en eau devra s’adapter. La gestion future nécessitera des réformes politiques et un engagement sur différents aspects : l’allocation des ressources basée sur des données concrètes, le financement adéquat du fonctionnement et de l’entretien des infrastructures, la mise en place de dispositifs robustes d’application de la loi, la collecte transparente et participative des données et enfin une gouvernance redevable et inclusive. Un très grand nombre de gouvernements auront besoin d’un appui à la fois technique et financier pour y parvenir. 3 Faire la démonstration de ce qu’est la gestion efficace des ressources en eau au travers de l’action menée au niveau communautaire. Si la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) est basée sur un concept valable sur le plan théorique, et malgré d’importants efforts menés à l’échelle mondiale et de gros investissements, elle n’a donné que des résultats médiocres au niveau de la mise en œuvre, surtout dans les pays fragiles ou à faible revenu. On lui a reproché d’être trop dogmatique et normative, trop focalisée sur l’eau au détriment des autres ressources, inefficace pour répondre à des problématiques complexes et ignorante des vraies difficultés que rencontrent les populations pauvres et marginalisées14. Vincent Casey/WaterAid L'approche de sécurisation des ressources en eau à l’échelle communautaire au Burkina Faso. 6 Note d'information L’expérience de WaterAid à l’échelle locale montre que les populations peuvent gérer de nombreux problèmes liés à la sécurité hydrique en s’appuyant sur des dynamiques socio-politiques locales nuancées, qui vont souvent à l’encontre de l’approche GIRE imposée par le haut10. L'approche de sécurisation des ressources en eau (SRE) – Securing water resources approach (SWRA) – peut constituer une option plus réaliste qui permet aux usagers locaux de l’eau de jouer un rôle actif dans la gestion des ressources, aux côtés des institutions locales. Cette approche peut aussi permettre de réunir des données de terrain précieuses qui serviront à orienter les décisions politiques de plus haut niveau. L'approche SRE est décrite en détail dans le Cadre directeur de WaterAid relatif à la sécurité hydrique13. 4 Augmenter l’impact de la SRE en influençant les autorités pour qu’elles respectent le droit à l’eau de leurs citoyens. Pour garantir la réussite à long terme, il faut que la gestion des ressources en eau au niveau local soit solidement reliée aux échelons supérieurs de pouvoir, que ce soient les cantons, les districts, les États ou instances nationales, et bénéficie de leur appui16. La plupart des politiques nationales de gestion des ressources en eau n’intègrent pas de processus opérationnels efficaces au niveau local, et le lien entre les données concrètes, les politiques et la pratique sont très faibles13. En s’appuyant sur des actions communautaires comme point de départ, les acteurs qui interviennent prioritairement sur l’AEPHA peuvent accroître leur implication au niveau des politiques nationales en plaidant d’une part pour la reconnaissance des acteurs locaux – ONG, groupements d’agriculteurs, organisations communautaires, etc. – et d’autre part pour l’utilisation des systèmes de collecte des données et de suivi et l’implication des usagers dans les décisions sur la gestion des ressources en eau qui les affectent. Le but ultime de la gestion au niveau local doit être d’agir comme moteur de la transformation des politiques nationales pour que celles-ci soit le reflet de la réalité du terrain. 5 Mieux comprendre comment la pénurie d’eau influence les politiques et renforce la nécessité de s’impliquer dans les aspects économiques des politiques d’AEPHA. L’accès à l’eau est loin d’être égal pour tous, avant même d’intégrer la question de la pénurie physique17. Ce constat est évident dans tous les aspects de la pénurie économique où les structures de pouvoir, le manque d’investissement et la mauvaise gestion empêchent les gens d’accéder à ce qui pourrait être par ailleurs une ressource abondante et renouvelable. Ces mêmes facteurs vont prendre de plus en plus d’importance quand on ne pourra plus augmenter le volume d’eau disponible, par exemple quand les bassins hydrographiques seront « fermés » ou les aquifères pollués. De fait, l’émergence de la pénurie est elle-même un facteur politique : elle crée de nouveaux gagnants mais aussi, en nombre plus important, de nouveaux perdants, quel que soit le cadre politique environnant. Ceux qui risquent le plus d’être perdants sont 7 Note d'information ceux qui sont déjà vulnérables (notamment les femmes et les plus pauvres), ce qui montre à quel point il est nécessaire d’identifier les causes sous-jacentes de cette vulnérabilité comme l’exclusion sociale, les droits à l’eau mal définis, un manque de régulation et une capacité insuffisante à faire respecter la loi. Ce faisant, les responsables de la gestion de l’eau pourront anticiper les conséquences de la pénurie et apporter les réponses nécessaires avant que les ressources en eau ne soient âprement disputées et que leur répartition ne devienne une tâche extrêmement compliquée. Ce qui est souligné ici, c’est la nécessité d’élaborer des stratégies de plaidoyer basées sur une analyse poussée des enjeux de pouvoir et des parties en présence, et donc de tenir compte de la réalité politique. 6 Établir des partenariats stratégiques : comprendre comment les autres usagers et usages de l’eau vont s’adapter à la pénurie d’eau, et en déduire quelles seront les incidences pour l’AEPHA. La raréfaction de l’eau et la concurrence qu’elle engendrera ne se traduiront pas partout de la même manière mais elles seront toujours de nature à rendre les conditions de vie des populations pauvres encore plus difficiles. Il est toutefois possible d’arriver à un partage plus équitable des ressources qui se raréfient en développant la coopération entre différents secteurs consommateurs d’eau. Par exemple, les grandes entreprises reconnaissent déjà que la pénurie d’eau représente un risque commercial potentiel, et joueront de leur influence pour protéger leurs intérêts. Dans un scénario comme celui-ci, la complémentarité et l’accent mis sur des intérêts communs peuvent être des armes puissantes : il est bénéfique pour les entreprises d’avoir une main d’œuvre et des clients en bonne santé, un cadre législatif et un environnement prévisible pour investir et des ressources en eau bien gérées et fiables. Compte-tenu de l’importance croissante que revêt l’interdépendance entre les différents usagers dans les bassins « fermés » ou en train de se fermer, et des sommes que le secteur privé prévoit d’investir dans la gestion des bassins versants, les acteurs de l’AEPHA doivent chercher à s’impliquer dans ces actions, et à les influencer, le but étant d’arriver à une position concertée relayée au plus haut niveau sur les bénéfices qu’apporte la sécurité hydrique aux populations pauvres et vulnérables. 7 Se focaliser sur la gestion de l’eau et la pollution en milieu urbain. L’urbanisation rapide crée une demande pour les services d’eau et d’assainissement dans les villes qui, dans la plupart des cas, n’est pas prise en compte dans les programmes d’amélioration des infrastructures, ce qui laisse des millions de personnes en situation de vulnérabilité en cas de pénurie d’eau. Au cours des 20 prochaines années, presque toute la croissance nette de la population mondiale se fera dans les villes, avec une population urbaine mondiale qui devrait augmenter de 1,4 million d’habitants par semaine18. L’arrivée non anticipée d’un nombre record de personnes, conjuguée à une planification stratégique trop insuffisante, au manque 8 Note d'information d’investissement et au peu de priorité accordée à cette question au plan politique a fait que des millions de personnes finissent par s’entasser dans des bidonvilles (un phénomène qualifié de « favélisation ») où les infrastructures essentielles comme les réseaux de distribution efficaces, les systèmes de gestion des boues de vidange et les mécanismes de régulation sont dramatiquement inadéquats. Les zones urbaines sont aussi les principales contributrices de la pollution due à des sources spécifiques. Plus de 80 % des eaux usées des pays en développement sont rejetées sans traitement, polluant les rivières, les lacs et les côtes19. Toutes les formes de pollution contribuent à la raréfaction de l’eau en rendant les ressources existantes impropres à certains usages. Les sources d’approvisionnement nécessaires pour satisfaire les besoins humains vitaux doivent être de très bonne qualité, elles sont donc particulièrement vulnérables. Pour résoudre les problèmes résultant de l’urbanisation rapide, il faudra faire plus qu’améliorer les composantes des systèmes existants. Un nouveau mode de gestion innovant sera nécessaire, qui devra s’appuyer sur un éventail de ressources, être flexible et évolutif, et impliquer les acteurs concernés dans les processus de décision. Prochaines étapes Les défis actuels et à venir liés à la raréfaction de l’eau peuvent paraître imposants mais ne sont pas insurmontables. À mesure que ce problème va prendre de l’ampleur, il faudra se focaliser davantage sur la façon dont les ressources sont réparties, régulées et gérées, avec une implication plus forte dans les processus d’élaboration et de mise en œuvre des politiques de l’eau. Les acteurs du secteur resteront focalisés sur les objectifs centraux de l’AEPHA mais ils peuvent aussi contribuer aux efforts menés autour de la question plus large de la gestion des ressources en eau, tant au niveau des politiques publiques que des pratiques, par les actions suivantes : 1 Continuer à mettre en œuvre des approches locales pour la gestion des ressources en eau, en mettant l’accent sur la documentation des réussites et des problèmes rencontrés, le partage des leçons des expériences de mise en œuvre et le plaidoyer pour faire évoluer les politiques publiques et favoriser ainsi la transposition. 2 Se concentrer sur l’établissement de liens durables entre les communautés et les collectivités territoriales dont elles dépendent (c’est-à-dire mettre en place de nouveaux canaux de communication, bâtir des liens de confiance en partageant les données hydrogéologiques, etc.) et aider les populations dans leurs efforts pour demander des comptes à leurs gouvernants. 3 Influencer les décisions d’investissement des pouvoirs publics de sorte que ceux-ci mettent au premier rang de leurs priorités les infrastructures matérielles et immatérielles nécessaires à l’extension de l’accès à l’AEPHA, ainsi que le suivi et les 9 Note d'information systèmes de comptabilisation qui sont aujourd’hui des conditions préalables essentielles à la gestion des ressources en eau. 4 Aider les pouvoirs publics à tester des méthodes simples et rapides de comptabilisation de l’eau qui font un meilleur usage des informations tirées des bases de données mondiales (sur les précipitations, le climat, l’utilisation des terres, etc.) et sont complétées par des données locales résultant de processus participatifs qui contribuent aussi à renforcer la crédibilité des informations et à faire accepter les données. 5 Utiliser toutes les informations disponibles pour aider les autorités à identifier les populations qui sont susceptibles d’être affectées par la pénurie d’eau et formuler des stratégies pour répondre aux causes de vulnérabilité et développer la résilience. 6 Répondre en priorité aux besoins des populations pauvres en élaborant des politiques basées sur l’expérience de terrain et les nouvelles recherches, et renforcer l’engagement auprès des leaders locaux, des fonctionnaires, responsables politiques et dans les débats relatifs aux politiques nationales de l’eau. 7 Réfléchir à de nouvelles formes de collaboration entre secteurs (société civile, pouvoirs publics et secteur privé) pour œuvrer dans le but d’un accès juste et équitable à une ressource partagée essentielle et limitée. Louise Whiting – Analyste politique en chef WaterAid UK 10 Note d'information Références 1 PNUD (2006) Rapport mondial sur le développement humain 2006. Au-delà de la pénurie : pouvoir, pauvreté et crise mondiale de l’eau. New York, NY: PNUD. 2 Hoekstra AY, Mekonnen MM, Chapagain AK, Mathews RE, Richter BD (2012) Global monthly water scarcity: blue water footprints versus blue water availability . PLoS One 7: e32688. 3 Gouvernement indien (2014) Dynamic groundwater resources of India [en ligne]. Consultable sur http://www.cgwb.gov.in/documents/Dynamic%20GW%20Resources%20-2011.pdf (consulté le 14 octobre 2014). 4 Rodell M, Velicogna I, Famiglietti JS (2009) Satellite-based estimates of groundwater depletion in India. Nature 460: pp999–1002. 5 Yang H, Zehnder A (2001) China’s regional water scarcity and implications for grain supply and trade. Environment and Planning A 33: pp79–95. 6 Moore S (2013) The politics of thirst: managing water resources under scarcity in the Yellow river basin, People’s Republic of China. Note de réflexion. Belfer Center for Science and International Affairs and Sustainability Science Program, Cambridge, MA, USA. 7 Banque mondiale (2001) China: agenda for water sector strategy for North China. Washington D.C., USA. 8 CSIRO (2008) Water availability in the Murray–Darling basin. Rapport de CSIRO destiné au gouvernement australien: Canberra, Aus. 9 Ward F, Booker J, Michelsen A (2006) Integrated economic, hydrologic, and institutional analysis of policy responses to mitigate drought impacts in Rio Grande Basin. Journal of Water Resource Planning and Management 132, Special issue: Economic-Engineering Analysis of Water Resource Systems, pp 488–502. 10 WaterAid (2013) Strengthening WASH services and community resilience through community-based water resource management. Note d’orientation. WaterAid, Burkina Faso. 11 F Molle, P Wester and P Hirsch River basin development and management In: Molden D (2006) Water for food, water for life: a comprehensive assessment of water management in agriculture. 12 Falkenmark M, Molden D (2008) Wake up to realities of river basin closure. International Journal of Water Resources Development 24: 201–15. 13 WaterAid (2012) Cadre directeur relatif à la sécurité hydrique, WaterAid, London. 14 Batchelor C, Butterworth J (2014) Is there mileage left in the IWRM concept? Or is it time to move on? Blog de l’IRC [en ligne] http://www.ircwash.org/blog/is-there-mileage-left-in-iwrm (consulté le 30 septembre 2014). 15 Rapporteuse spéciale des Nations unies (2014) Realising the human rights to water and sanitation. Guide rédigé par la Rapporteuse spéciale des Nations unies Catarina de Albuquerque. 16 WaterAid (2014) Water resources management for community resilience [en ligne] http://www.wateraid.org/news/news/water-resource-management-for-community-resilience (consulté le 18 novembre 2014). 17 Evans A (2011) Resource scarcity, fair shares and development. WWF-UK /Oxfam. 18 The Global Commission on the New Economy and Climate (2014) New Climate Economy. [en ligne] http://newclimateeconomy.report/ (consulté le 18 novembre 2014). 19 Programme mondial pour l’évaluation des ressources en eau (2009). The United Nations World Water Development Report 3: Water in a changing world. Paris, France: UNESCO, et Londres, UK: Earthscan. 11