L`accès universel d`ici 2030: Y aura-t-il assez d`eau

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L`accès universel d`ici 2030: Y aura-t-il assez d`eau
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L’accès universel d’ici 2030 :
Y aura-t-il assez d’eau ?
Le risque que l’eau vienne à manquer n’est pas le principal
problème
Le manque d’eau qui est au cœur de la crise mondiale actuelle a plutôt pour origine les
questions de pouvoir, la pauvreté et la mauvaise gestion des ressources (on parle alors de
pénurie socio-économique) qu’une demande supérieure à la quantité disponible (qualifiée
de pénurie physique) 1. Dans la grande majorité des cas, le secteur a été dans l’incapacité
d’élargir l’accès à l’eau y compris là où les ressources sont abondantes, ce qui montre
l’ampleur des problèmes socio-économiques.
Même si la pénurie physique n’est pas le problème principal, son impact est de plus en
plus important. Il faut maintenir la pression sur les pouvoirs publics pour qu’ils remplissent
leur obligation de permettre à tous les citoyens d’accéder à l’AEPHA (approvisionnement en
eau potable, hygiène et assainissement) en augmentant le taux de couverture. Mais le
secteur doit aussi prendre conscience de la menace croissante que représente la
raréfaction de l’eau pour l’atteinte de l’accès universel à l’AEPHA d’ici 2030. Les autorités et
les opérateurs des services doivent se préparer aux effets aggravants qu’aura la pénurie
physique émergente sur les problèmes socio-économiques existants.
Lynn Johnson/National Geographic
La pénurie
physique, comme
celle que l’on
connaît pendant
une sécheresse,
va aggraver les
problèmes socioéconomiques liés
à l’extension de
l’accès à l’AEPHA.
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Note d'information
Les ressources en eau sont de plus en plus surexploitées
Il est difficile de quantifier les ressources en eau de manière exacte, en particulier quand le
volume physiquement disponible varie énormément selon les zones géographiques et les
moments de l’année. D’après les études récentes sur la raréfaction de l’eau, au moins 2,7
milliards de personnes vivent dans des bassins où la pénurie est sévère au moins un mois
par an2. On observe une forte corrélation entre d’un côté la pénurie d’eau, et de l’autre la
demande croissante (par exemple du fait d’une augmentation de la production des denrées
alimentaires), la dégradation documentée de l’environnement et les bouleversements
socio-économiques dans les bassins hydrographiques de certains fleuves parmi les plus
exploités de la planète.
Selon une évaluation officielle du gouvernement indien3, plus d’un sixième des ressources
en eau souterraines du pays sont surexploitées. Le bassin de l’Indus, où vivent au moins
300 millions de personnes, connaît des pénuries d’eau sévères 8 mois chaque année2. Au
nord-ouest du pays, dans les États du Punjab, du Rajasthan et d’Haryana qui se situent
partiellement ou en totalité dans le bassin de l’Indus, les eaux souterraines sont
progressivement en train d’être épuisées4.
Dans la grande plaine de Chine, au nord du pays, le niveau des aquifères baisse jusqu’à 3
mètres par an à certains endroits5. Pendant trois ans, de 1995 à 1998, le fleuve Jaune n’a
pas atteint la mer pendant près de 120 jours, avec des conséquences dévastatrices sur les
écosystèmes de son cours inférieur6. La Banque mondiale estime que la pénurie d’eau en
Chine « va avoir des conséquences catastrophiques pour les générations futures » à moins
qu’on ne parvienne à un équilibre entre la quantité prélevée et la quantité consommée7.
Cette pénurie physique ne se limite pas aux économies qui connaissent une croissance
rapide ; de grands systèmes fluviaux comme celui du Murray-Darling8 en Australie ou du Rio
Grande aux États-Unis et au Mexique9 montrent fréquemment des signes de stress
environnemental extrême lié au manque d’eau.
WaterAid/GMB Akash/Panos
La pression sur les
ressources en eau
est de plus en plus
forte à cause de
l’augmentation de la
population et de la
quantité
consommée.
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Note d'information
De nombreux éléments se conjuguent pour exacerber la raréfaction des ressources : la
croissance démographique et l’augmentation de la quantité d’eau consommée par
habitant, l’urbanisation rapide et non planifiée, le développement de l’industrie mais aussi
l’évolution des habitudes alimentaires, une agriculture plus intensive et le changement
climatique9. Cette concurrence croissante pour l’eau signifie que les intervenants du
secteur de l’AEPHA doivent être mieux préparés aux conséquences de la pénurie physique
sur l’accès durable aux services et sur la résilience des populations.
La pénurie physique ne signifie pas que l’avenir sera marqué par la
multiplication des guerres de l’eau
Les mots généralement utilisés pour décrire un monde où l’eau viendrait à manquer – on
parle de guerre, de conflit – sont exagérés. Les médias grand public, les responsables
politiques et l’opinion semblent se passionner davantage pour la perspective dramatique
de grands conflits potentiels autour de l’eau plutôt que pour la réalité quotidienne brutale
et la violence qui sont localement le lot des 748 millions de personnes qui vivent sans
accès garanti à l’eau potable dans le monde. L’inégalité observée au niveau de
l’approvisionnement semble indiquer qu’à l’échelon local, ce ne sont pas les conflits
internationaux qui seront la cause d’une souffrance accrue et durable des plus pauvres,
des moins puissants et des plus vulnérables, mais la pénurie physique de plus en plus
importante. Au lieu de faire des suppositions sur de possibles conflits à venir entre nations,
nous devons nous focaliser sur la mise en place ou le renforcement de mécanismes
institutionnels adaptés – officiels ou informels – qui peuvent conduire à davantage de
cohésion et de coopération à l’échelle communautaire au sujet des ressources en eau
partagées10.
Nous devrions nous préoccuper des conséquences qu’aura la
pénurie physique, exacerbée par une gestion chaotique des
ressources, sur l’AEPHA
Pour préserver un accès adéquat des populations pauvres et marginalisées à l’AEPHA là où
l’eau se fait rare, il faut faire une analyse attentive du cadre plus large qui entoure la
gestion des ressources en eau. Quand les bassins hydrographiques atteignent leurs limites
(c’est-à-dire quand le volume d’eau consommé approche ou dépasse le volume
renouvelable disponible) on dit qu’ils « se ferment » et les usagers sont de plus en plus
dépendants les uns des autres. Le prélèvement d’une quantité plus importante d’eau dans
une zone du bassin diminue le volume disponible ailleurs11. Cette interdépendance peut
affecter la quantité et la qualité de l’eau disponible pour l’AEPHA. En amont de la rivière, on
peut avoir l’impression que l’eau est abondante parce que les usagers en aval sont comme
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« invisibles ». De même, un agriculteur équipé d’un forage profond qui essaie de vivre de sa
production irriguée ne sera pas forcément conscient des populations pauvres qui vivent à
côté et dépendent de puits peu profonds pour leurs besoins de tous les jours. Plus la
demande pour l’eau est importante, plus les actions des usagers et la compétence des
autorités qui doivent gérer et réguler l’approvisionnement affecteront la quantité et la
qualité de l’eau disponible pour l’AEPHA.
Dans la plupart des pays, les autorités gèrent mal les ressources en
eau, et la pénurie physique leur complique encore davantage la
tâche
La raréfaction des ressources en eau rend leur gestion à la fois plus importante et plus
difficile. Gérer les demandes concurrentes, arriver à une couverture équitable des services,
résoudre les conflits et préserver la sécurité hydrique pendant les sécheresses sont des
tâches difficiles y compris dans les pays les mieux organisés et bien financés. Dans les
bassins « fermés », quand il n’y a plus assez d’eau pour satisfaire les besoins sociaux et
environnementaux12, le développement des infrastructures dépasse souvent les ressources
disponibles avant que les institutions nécessaires n’aient été mises en place pour que
l’eau soit gérée de manière compétente. Les pouvoirs publics sont souvent séduits par des
projets attractifs sur le plan politique mais qui sont fondés sur une connaissance des
données hydrogéologiques ou des études d’impact incomplètes, par exemple quand sont
construits de grands systèmes d’irrigation qui vont augmenter les prélèvements au
détriment des autres usagers11.
La gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) est censée répondre à ces enjeux mais
s’avère extrêmement complexe à mettre en œuvre (comme l’explique le Cadre directeur de
WaterAid relatif à la sécurité hydrique13). Il est difficile d’arriver à un consensus par des
processus réunissant toutes les parties prenantes parce qu’il n’y a que peu de solutions qui
permettent à chacun d’en ressortir gagnant : ces solutions mènent pour la plupart à des
compromis qui ont d’importants effets négatifs14. Par exemple, pour lutter contre la
raréfaction, les pouvoirs publics mettent souvent en place des politiques pour économiser
l’eau dans les zones urbaines comme les programmes de lutte contre les fuites, la collecte
des eaux de pluie ou des mesures incitatives pour réduire la demande. Ce sont peut-être
des initiatives locales judicieuses pour lutter contre la pénurie mais dans un bassin
« fermé », ou qui en train de se fermer, ces politiques vont inévitablement réduire la
quantité d’eau disponible en aval et la recharge des eaux souterraines. Les villes, les
exploitations agricoles et les écosystèmes situés en aval subiront les effets négatifs (et
potentiellement significatifs) de ce changement.
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Il peut y avoir assez d’eau en 2030 pour satisfaire les besoins de chaque individu en eau
de boisson, pour préparer les repas, se laver, pour l’hygiène et l’assainissement. Mais
l’accès universel est loin d’être garanti. Il dépendra beaucoup de la manière dont les
ressources seront gérées (qualitativement et quantitativement), dont l’eau est répartie et à
qui elle sera affectée en priorité.
Comment le secteur de l’AEPHA peut-il répondre ?
Au-delà de l’objectif central du secteur d’étendre l’accès à l’AEPHA, plusieurs actions
peuvent contribuer à une démarche de réorientation des politiques qui soit suffisamment
robuste pour répondre aux futurs défis posés par la restriction des ressources en eau :
1 Réaffirmer que l’accès à l’eau et à l’assainissement sont des droits
fondamentaux de l’homme, et par conséquent non négociables.
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels stipule que
chacun des États parties s'engage à agir aussi rapidement et efficacement que possible
en vue d'assurer le plein exercice des droits à l’eau et à l’assainissement 15. Les services
d’eau et d’assainissement doivent être abordables – y compris en accordant des
subventions adéquates aux plus pauvres si besoin15 – et durables tant sur le plan de la
continuité des services que pour la santé des écosystèmes. Pour satisfaire cette
obligation de pérennité, on doit gérer la raréfaction des ressources de façon à ce que les
services d’eau et d’assainissement soient préservés quels que soient les scénarios
envisagés concernant la disponibilité des ressources15.
2 Plaider pour une gestion plus redevable, transparente et durable des
ressources en eau, qui place le droit à l’eau pour l’AEPHA au premier rang
des priorités, et qui est basée sur un système de comptabilité économique
et environnementale de l’eau et des dispositifs contraignants pour
l’affectation des ressources.
L’accès des populations pauvres et marginalisées à l’AEPHA dépend de l’application du
principe de l’accès prioritaire à l’eau, qui est rapidement remis en cause quand la
gestion des ressources est mauvaise ou inefficace. S’il n’y a pas d’institutions efficaces
en charge de la gestion des ressources en eau, le travail effectué par les acteurs du
secteur de l’AEPHA risque d’être sabordé, et pourrait même voir ses effets inversés, du
fait de la raréfaction de l’eau qui affecte les bassins « fermés » ou en train de se fermer.
La poursuite de l’exploitation des ressources, comme la construction de nouveaux
réservoirs, de systèmes d’irrigation ou de barrages hydroélectriques a un rôle certain à
jouer dans l’éradication de la pauvreté. Mais si le développement de ces ressources
n’est pas planifié, s’il n’est pas encadré ou basé sur une compréhension exacte de la
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disponibilité de l’eau, il peut remettre en cause les sources d’approvisionnement des
populations pauvres, en bloquant les opportunités de renforcer leurs moyens de
subsistance et l’égalité sociale. Il faut parallèlement qu’il y ait le même engagement au
niveau de l’organisation structurelle de la gestion des ressources hydriques de sorte
qu’elle réponde aux besoins liés aux risques sociaux, environnementaux et
économiques, et protège les intérêts de ceux pour qui ces questions sont cruciales mais
qui n’ont que peu de poids dans les décisions.
La pénurie physique va nous obliger à passer d’une logique d’augmentation du volume
prélevé (ce qui est relativement aisé) à une logique de gestion de la demande (ce qui
est plus difficile), ce à quoi la gestion des ressources en eau devra s’adapter. La gestion
future nécessitera des réformes politiques et un engagement sur différents aspects :
l’allocation des ressources basée sur des données concrètes, le financement adéquat
du fonctionnement et de l’entretien des infrastructures, la mise en place de dispositifs
robustes d’application de la loi, la collecte transparente et participative des données et
enfin une gouvernance redevable et inclusive. Un très grand nombre de gouvernements
auront besoin d’un appui à la fois technique et financier pour y parvenir.
3 Faire la démonstration de ce qu’est la gestion efficace des ressources en
eau au travers de l’action menée au niveau communautaire.
Si la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) est basée sur un concept valable sur
le plan théorique, et malgré d’importants efforts menés à l’échelle mondiale et de gros
investissements, elle n’a donné que des résultats médiocres au niveau de la mise en
œuvre, surtout dans les pays fragiles ou à faible revenu. On lui a reproché d’être trop
dogmatique et normative, trop focalisée sur l’eau au détriment des autres ressources,
inefficace pour répondre à des problématiques complexes et ignorante des vraies
difficultés que rencontrent les populations pauvres et marginalisées14.
Vincent Casey/WaterAid
L'approche de
sécurisation des
ressources en eau à
l’échelle
communautaire au
Burkina Faso.
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Note d'information
L’expérience de WaterAid à l’échelle locale montre que les populations peuvent gérer de
nombreux problèmes liés à la sécurité hydrique en s’appuyant sur des dynamiques
socio-politiques locales nuancées, qui vont souvent à l’encontre de l’approche GIRE
imposée par le haut10. L'approche de sécurisation des ressources en eau (SRE) –
Securing water resources approach (SWRA) – peut constituer une option plus réaliste
qui permet aux usagers locaux de l’eau de jouer un rôle actif dans la gestion des
ressources, aux côtés des institutions locales. Cette approche peut aussi permettre de
réunir des données de terrain précieuses qui serviront à orienter les décisions
politiques de plus haut niveau. L'approche SRE est décrite en détail dans le Cadre
directeur de WaterAid relatif à la sécurité hydrique13.
4 Augmenter l’impact de la SRE en influençant les autorités pour qu’elles
respectent le droit à l’eau de leurs citoyens.
Pour garantir la réussite à long terme, il faut que la gestion des ressources en eau au
niveau local soit solidement reliée aux échelons supérieurs de pouvoir, que ce soient
les cantons, les districts, les États ou instances nationales, et bénéficie de leur appui16.
La plupart des politiques nationales de gestion des ressources en eau n’intègrent pas
de processus opérationnels efficaces au niveau local, et le lien entre les données
concrètes, les politiques et la pratique sont très faibles13. En s’appuyant sur des actions
communautaires comme point de départ, les acteurs qui interviennent prioritairement
sur l’AEPHA peuvent accroître leur implication au niveau des politiques nationales en
plaidant d’une part pour la reconnaissance des acteurs locaux – ONG, groupements
d’agriculteurs, organisations communautaires, etc. – et d’autre part pour l’utilisation
des systèmes de collecte des données et de suivi et l’implication des usagers dans les
décisions sur la gestion des ressources en eau qui les affectent. Le but ultime de la
gestion au niveau local doit être d’agir comme moteur de la transformation des
politiques nationales pour que celles-ci soit le reflet de la réalité du terrain.
5 Mieux comprendre comment la pénurie d’eau influence les politiques et
renforce la nécessité de s’impliquer dans les aspects économiques des
politiques d’AEPHA.
L’accès à l’eau est loin d’être égal pour tous, avant même d’intégrer la question de la
pénurie physique17. Ce constat est évident dans tous les aspects de la pénurie
économique où les structures de pouvoir, le manque d’investissement et la mauvaise
gestion empêchent les gens d’accéder à ce qui pourrait être par ailleurs une ressource
abondante et renouvelable. Ces mêmes facteurs vont prendre de plus en plus
d’importance quand on ne pourra plus augmenter le volume d’eau disponible, par
exemple quand les bassins hydrographiques seront « fermés » ou les aquifères pollués.
De fait, l’émergence de la pénurie est elle-même un facteur politique : elle crée de
nouveaux gagnants mais aussi, en nombre plus important, de nouveaux perdants, quel
que soit le cadre politique environnant. Ceux qui risquent le plus d’être perdants sont
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ceux qui sont déjà vulnérables (notamment les femmes et les plus pauvres), ce qui
montre à quel point il est nécessaire d’identifier les causes sous-jacentes de cette
vulnérabilité comme l’exclusion sociale, les droits à l’eau mal définis, un manque de
régulation et une capacité insuffisante à faire respecter la loi. Ce faisant, les
responsables de la gestion de l’eau pourront anticiper les conséquences de la pénurie
et apporter les réponses nécessaires avant que les ressources en eau ne soient
âprement disputées et que leur répartition ne devienne une tâche extrêmement
compliquée. Ce qui est souligné ici, c’est la nécessité d’élaborer des stratégies de
plaidoyer basées sur une analyse poussée des enjeux de pouvoir et des parties en
présence, et donc de tenir compte de la réalité politique.
6 Établir des partenariats stratégiques : comprendre comment les autres
usagers et usages de l’eau vont s’adapter à la pénurie d’eau, et en déduire
quelles seront les incidences pour l’AEPHA.
La raréfaction de l’eau et la concurrence qu’elle engendrera ne se traduiront pas partout
de la même manière mais elles seront toujours de nature à rendre les conditions de vie
des populations pauvres encore plus difficiles. Il est toutefois possible d’arriver à un
partage plus équitable des ressources qui se raréfient en développant la coopération
entre différents secteurs consommateurs d’eau. Par exemple, les grandes entreprises
reconnaissent déjà que la pénurie d’eau représente un risque commercial potentiel, et
joueront de leur influence pour protéger leurs intérêts. Dans un scénario comme celui-ci,
la complémentarité et l’accent mis sur des intérêts communs peuvent être des armes
puissantes : il est bénéfique pour les entreprises d’avoir une main d’œuvre et des
clients en bonne santé, un cadre législatif et un environnement prévisible pour investir
et des ressources en eau bien gérées et fiables. Compte-tenu de l’importance croissante
que revêt l’interdépendance entre les différents usagers dans les bassins « fermés » ou
en train de se fermer, et des sommes que le secteur privé prévoit d’investir dans la
gestion des bassins versants, les acteurs de l’AEPHA doivent chercher à s’impliquer
dans ces actions, et à les influencer, le but étant d’arriver à une position concertée
relayée au plus haut niveau sur les bénéfices qu’apporte la sécurité hydrique aux
populations pauvres et vulnérables.
7 Se focaliser sur la gestion de l’eau et la pollution en milieu urbain.
L’urbanisation rapide crée une demande pour les services d’eau et d’assainissement
dans les villes qui, dans la plupart des cas, n’est pas prise en compte dans les
programmes d’amélioration des infrastructures, ce qui laisse des millions de personnes
en situation de vulnérabilité en cas de pénurie d’eau. Au cours des 20 prochaines
années, presque toute la croissance nette de la population mondiale se fera dans les
villes, avec une population urbaine mondiale qui devrait augmenter de 1,4 million
d’habitants par semaine18. L’arrivée non anticipée d’un nombre record de personnes,
conjuguée à une planification stratégique trop insuffisante, au manque
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d’investissement et au peu de priorité accordée à cette question au plan politique a fait
que des millions de personnes finissent par s’entasser dans des bidonvilles (un
phénomène qualifié de « favélisation ») où les infrastructures essentielles comme les
réseaux de distribution efficaces, les systèmes de gestion des boues de vidange et les
mécanismes de régulation sont dramatiquement inadéquats.
Les zones urbaines sont aussi les principales contributrices de la pollution due à des
sources spécifiques. Plus de 80 % des eaux usées des pays en développement sont
rejetées sans traitement, polluant les rivières, les lacs et les côtes19. Toutes les formes
de pollution contribuent à la raréfaction de l’eau en rendant les ressources existantes
impropres à certains usages. Les sources d’approvisionnement nécessaires pour
satisfaire les besoins humains vitaux doivent être de très bonne qualité, elles sont donc
particulièrement vulnérables. Pour résoudre les problèmes résultant de l’urbanisation
rapide, il faudra faire plus qu’améliorer les composantes des systèmes existants. Un
nouveau mode de gestion innovant sera nécessaire, qui devra s’appuyer sur un éventail
de ressources, être flexible et évolutif, et impliquer les acteurs concernés dans les
processus de décision.
Prochaines étapes
Les défis actuels et à venir liés à la raréfaction de l’eau peuvent paraître imposants mais ne
sont pas insurmontables. À mesure que ce problème va prendre de l’ampleur, il faudra se
focaliser davantage sur la façon dont les ressources sont réparties, régulées et gérées, avec
une implication plus forte dans les processus d’élaboration et de mise en œuvre des
politiques de l’eau. Les acteurs du secteur resteront focalisés sur les objectifs centraux de
l’AEPHA mais ils peuvent aussi contribuer aux efforts menés autour de la question plus
large de la gestion des ressources en eau, tant au niveau des politiques publiques que des
pratiques, par les actions suivantes :
1 Continuer à mettre en œuvre des approches locales pour la gestion des ressources
en eau, en mettant l’accent sur la documentation des réussites et des problèmes
rencontrés, le partage des leçons des expériences de mise en œuvre et le plaidoyer
pour faire évoluer les politiques publiques et favoriser ainsi la transposition.
2 Se concentrer sur l’établissement de liens durables entre les communautés et les
collectivités territoriales dont elles dépendent (c’est-à-dire mettre en place de
nouveaux canaux de communication, bâtir des liens de confiance en partageant les
données hydrogéologiques, etc.) et aider les populations dans leurs efforts pour
demander des comptes à leurs gouvernants.
3 Influencer les décisions d’investissement des pouvoirs publics de sorte que ceux-ci
mettent au premier rang de leurs priorités les infrastructures matérielles et
immatérielles nécessaires à l’extension de l’accès à l’AEPHA, ainsi que le suivi et les
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Note d'information
systèmes de comptabilisation qui sont aujourd’hui des conditions préalables
essentielles à la gestion des ressources en eau.
4 Aider les pouvoirs publics à tester des méthodes simples et rapides de
comptabilisation de l’eau qui font un meilleur usage des informations tirées des
bases de données mondiales (sur les précipitations, le climat, l’utilisation des
terres, etc.) et sont complétées par des données locales résultant de processus
participatifs qui contribuent aussi à renforcer la crédibilité des informations et à
faire accepter les données.
5 Utiliser toutes les informations disponibles pour aider les autorités à identifier les
populations qui sont susceptibles d’être affectées par la pénurie d’eau et formuler
des stratégies pour répondre aux causes de vulnérabilité et développer la
résilience.
6 Répondre en priorité aux besoins des populations pauvres en élaborant des
politiques basées sur l’expérience de terrain et les nouvelles recherches, et
renforcer l’engagement auprès des leaders locaux, des fonctionnaires,
responsables politiques et dans les débats relatifs aux politiques nationales de
l’eau.
7 Réfléchir à de nouvelles formes de collaboration entre secteurs (société civile,
pouvoirs publics et secteur privé) pour œuvrer dans le but d’un accès juste et
équitable à une ressource partagée essentielle et limitée.
Louise Whiting – Analyste politique en chef
WaterAid UK
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Références
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