Les outils de la redistribution
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Les outils de la redistribution
Les outils de la redistribution 1. Les règles qui encadrent la formation des revenus primaires Ce sont les réglementations liées au travail (droit social, salaire minimum...), au droit de la concurrence, au logement (encadrement des loyers...)... Mais cette réglementation peut aussi avoir des effets incertains en créant des barrières à l'embauche par exemple. 2. La distribution de services non marchands par les services publics Ce sont des services dont le coût a été mutualisé et vendu en dessous du prix de production voire gratuitement. Pour l'Insee, la contribution des services publics à la diminution des inégalités est du même ordre que celle des prélèvements obligatoires. – Le tarif unique de l'électricité ne fait pas varier le coût en fonction de la proximité de la production – Les soins de santé sont mutualisés. – Le logement social – La garde d'enfants en bas âge – L'assistance aux personnes âgées – L'enseignement scolaire est gratuit alors que les familles avec enfants sont majoritaires dans les premiers quintiles de la population. L'université est quasiment gratuite au regard des coûts réels mais elle est surtout utilisée par les familes riches. – Accès aux équipements sportifs – Cantines scolaires – ... 3. La redistribution par les prélèvements obligatoires La fiscalité progressive permet de prélever des revenus à certains qui en ont beaucoup pour les redistribuer à ceux qui en ont moins. En France, en 2010, le niveau de vie des 20 % des ménages les plus riches était 7,2 fois plus élevé que celui des 20 % les plus pauvres, avant toute redistribution. Le système fiscal et social réduit ce taux à 3,9. Ce système est l'un des plus effiace au sein des pays de l'OCDE. Revenu avant distribution Version 1.4 du 23 octobre 2013 Taux de prestations Page1 sur 3 Taux de prélèvements Revenus après redistribution sociales D1 17,2 137,6 -5 43,1 Q1 29,4 58,5 -5,9 49 Q2 61,2 9,2 -8,1 62,6 Q3 84,2 5 -11,6 67,9 Q4 112,2 2,9 -14,6 108,2 Q5 212,8 1,1 -19,8 189 276,6 0,9 -21,5 239,8 100 4,8 -15 100 D10 Total Insee 2011 ; France Portrait Social. La fiscalité augmente le niveau de vie du quintile inéfrieure de 20 points tandis qu'il diminue la part du quintile supérieur dans la richesse de 23 points Selon François, Ecalle, l'impôt sur le revenu contribue à diminuer les inégalités de près de 30%, les allocations familiales de 12%, les aides personnelles au logement de 18% et les minima sociaux de 18% du fait de leur montant global (et non de leur progressivité qui est une des plus faibles d'Europe). Au contraire, la TVA renforce les inégalités de 9% 1. Enfin, il faudrait prendre aussi en compte l'impact d'un système des retraites qui est mutualisé et qui tend à corriger la faiblesse des revenus de ceux qui ont des carrières heurtées (chômage, précarité) et des femmes qui cotisent moins. Mais l'effet redistributif est de plus en plus limité. Les transferts financiers étaient plus redistributifs dans les années 1980 et 1990 (rapport du CAE). Les impôts en France ont diminué de 100 milliards d'euros entre 2000 et 2010 (ce qu'André Orléan appelle la « contre-révolution fiscale »)2. En France, les 20 % de ménages les plus pauvres auraient reçu 400 euros en plus, en 2010, si la législation de 1990 avait été appliquée, quand les 20 % les plus riches auraient dû payer 680 euros supplémentaires en impôt. Le système fiscal est faiblement progressif pour les très hauts revenus (du fait des cotisations sociales et du nombre important d'impôts proportionnels, indirects et non progressifs).[cf travaux de Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez dans Pour une révolution fiscale] De plus, le taux de prélèvements obligatoires a diminué de 0,6% entre 2001 et 2011 pour l'ensemble de la population mais de 3,6% pour les 1% les plus riches [Antoine Bozio]. Le dixième le plus pauvre de la population a été marginalisé par la non augmentation du RMI/RSA, l'augmentation du chômage et le développement du travail à temps partiel. Les allocations indexées sur l'inflation plutôt que sur l'augmentation des revenus ont eu tendance à stagner et l'écart s'est accru avec les autres parties de la population qui voyaient leurs revenus augmenter. Ceci est dû aux réformes politiques à travers Des diminutions de l'impôt sur le revenu qui profitent à la partie de la population qui en payent donc les classes moyennes-sup et supérieures. Des diminutions de cotisations sociales aux entreprises qui augmentent alors leurs bénéfices (ce qui alimente les revenus du patrimoine de la partie de la 1 Taux calculé en fonction de l'indice Gini in « Multiplicité et opacité des canaux de la redistribution » paru dans Sociétal n°80 http://www.societal.fr/80/ecalle_80.pdf 2 L'Etat a perdu 100 milliards de recettes depuis 2000, article des Echos du 5 juillet 2010 Version 1.4 du 23 octobre 2013 Page2 sur 3 population qui en a...). L'argument utilisé est celui de la « concurrence fiscale » : si nous ne le faisons pas, les riches (ou les entreprises) fuiront la France. Avec deux implicites : « les recettes diminueront alors » et « nous perdrons les meilleurs » ce qui permet d'éviter la lutte contre l'évasion fiscale qui est un acte illégal (et revient à contester le fait que certains appartiennent à cette élite) Parfois, la raison des diminutions fiscales est plus électorale et cible certaines catégories de la population (niches fiscales, diminution ciblée de TVA...) Bref, ce sont plus des intérêts catégoriels qui ont présidé aux réformes plutôt que par une réflexion d'ensemble sur des principes de justice. Les gouvernements influent sur cette dimension : le gouvernement Jospin a plus redistribué que le gouvernement Juppé ou Villepin. Mais cela s'est toujours fait en préservant ceux qui ont des hauts patrimoines sur lesquelles portent peu la fiscalité (faible imposition par l'ISF à l'assiette étroite, importance des revenus financiers exemptés de CSG...) Pour réussir à expliquer le caractère plus ou moins redistributif de l'impôt, il faut prendre en compte un grand nombre de facteurs 3 [Nicolas Delalande] : – les recherches scientifiques, – la capacité des administrations à le mettre en œuvre, – la dimension de croyance et l'association à des valeurs (l'ISF fait plus parler que la CSG), – les rapports de forces électoraux en fonction de récits associant de manière réelle ou imaginaire les « classes moyennes »... 3 A l'inverse, certains facteurs sont purement imaginaires comme « la peur de la classe ouvrière » qui n'a jamais contribué à ce que l'impôt soit plus juste... Version 1.4 du 23 octobre 2013 Page3 sur 3