Accès de toutes les filles à l`éducation y compris les filles invisibles

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Accès de toutes les filles à l`éducation y compris les filles invisibles
ACCES DE TOUTES LES FILLES A L’EDUCATION
Y COMPRIS LES FILLES INVISIBLES PAR ABSENCE
D’ETAT CIVIL
Françoise Morvan vice-présidente de la CLEF
Situation française
Etat civil : mode de constatation des principaux faits relatifs à l’état de la personne ; service public
chargé de dresser les actes constatant ces faits (actes d’état civil, naissance, adoption, mariage,
divorce, légitimation, décès)
« En France, un officier de l’état civil ne peut pas refuser de dresser un acte de naissance
quand un certificat médical d’accouchement lui est remis, il doit cependant avertir le
procureur de la République de toutes les difficultés rencontrées lors de l’établissement de cet
acte. L’officier de l’état civil inscrit dans l’acte de naissance les informations relatives à
l’identité et à l’âge des père et mère au vu de documents produits par eux (pièces d’identité,
acte étranger etc.…) ou des déclarations qui lui sont faites. L’acte de naissance dressé dans
ces circonstances n’a pas une force amoindrie et il n’y est pas précisé qu’il a été établi sur le
fondement de simples déclarations. L’absence de pièces d’état civil relatives aux parents lors
de l’établissement de l’acte de naissance est aussi sans incidence sur les extraits ou les copies
de cet acte dont les indications concernant les père et mère sont reproduites sans aucune
observation et de façon générale, tous les documents délivrés sur présentation de l’acte
peuvent être obtenus, notamment un livret de famille leur est remis qu’ils soient ou non
mariés…
Les juridictions françaises peuvent rendre un jugement supplétif d’acte de naissance
concernant une naissance à l’étranger lorsque l’acte de naissance a été dressé mais ne peut
être produit et à condition que la personne réside en France ; en outre dans certains cas doit
être établie l’impossibilité d’obtenir un tel jugement des autorités étrangères. » (rapport
Commission internationale de l’Etat civil- secrétariat général)
Chaque enfant, fille ou garçon, né en France peut donc disposer de document d’état civil à la
condition que son père ou sa mère ou une personne (médecin, sage-femme…) ayant assisté à
la naissance aille le déclarer à la mairie du lieu de naissance. L’acte de naissance est rédigé
immédiatement par un officier d’état civil.
Néanmoins, certains enfants peuvent se retrouver sur le territoire français privés d’état civil
ou d’identité, notamment les enfants Roms et les mineurs isolés. Et ce, malgré la loi régissant
l’état civil et les textes nationaux et internationaux sur les droits de l’Enfant dont la France est
signataire.
Convention internationale des Droits de l’enfant, art.28, Code de l’éducation art L.131.1,
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels conclu à New York le
16 décembre 1966 (art13) et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales (Protocole n°1-art.2).
Les enfants Roms
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L’extrême précarité des conditions de vie dans le pays d’origine, les discriminations et
l’exclusion de leurs parents sont à l’origine des difficultés d’enregistrement de la naissance
des enfants Roms.
Si un acte de naissance a pu être établi, la fuite, l’exil et l’errance d’un pays à un autre
peuvent être à l’origine de sa perte ou de ses transformations successives qui ne permettent
plus, alors, d’attester de la filiation et de la nationalité de l’enfant. Ainsi à l’arrivée en France,
des enfants d’une même fratrie peuvent se retrouver de nationalité différente !
Les filles et les garçons sont pareillement pénalisés par ce déficit d’état civil ou d’identité
pour diverses raisons
 Pas de déclaration à la naissance
 Retard dans la déclaration
 Fausse déclaration ( ex :grand-mère déclare l’enfant de sa fille)
 Achat d’identité par les parents ou les jeunes qui souhaitent ou sont obligés de quitter
leur pays d’origine ….
Ainsi, compte tenu que la fraude en matière d’état civil est un phénomène en constante
augmentation, les demandes de preuves se font plus pressantes de la part des différents
services en particuliers les écoles ou les mairies au moment de l’inscription des enfants.
Faute d’actes d’état civil cohérents et de certificats médicaux concernant les vaccinations
obligatoires, les enfants roms peinent donc à être scolarisés en France.
Même si les parcours sont divers, les associations membres de Rom Europe qui interviennent
sur le terrain auprès des Roms d’Europe de l’Est, s’accordent à dire que les enfants roms des
squats et des bidonvilles présents en France peuvent être considérés en quasi-totalité comme
non scolarisés, alors qu’ils sont soumis, comme tout enfant sur le territoire français, à
l’obligation scolaire de 6 à 16 ans.
Aux difficultés administratives à l’inscription, dues au manque d’état civil et de domiciliation
administrative, s’ajoutent l’errance d’un camp à un autre suite aux expulsions,
démantèlements ou incendies des camps, les mariages et les grossesses précoces ainsi que
l’obligation d’aller faire la mendicité ou rechercher des moyens de subsistance pour
certains.
Ainsi, on peut considérer qu’entre 5000 et 7000 enfants roms présents en France aujourd’hui,
arriveront à l’âge de 16 ans sans avoir jamais ou presque été à l’école.
Ce phénomène est d’autant plus aggravé que l’immense majorité des familles n’a pas accès
aux prestations de la CAF, et que la conséquence immédiate de cette injustice est de rendre
l’apport économique des enfants indispensable à la survie familiale.
Parmi eux, les filles sont en plus grand nombre car très vite chargées de la garde des plus
jeunes ou de la mendicité. Elles se « marient » également très jeunes. Le seul avenir des filles
roms semblent donc souvent se résumer à veiller à la survie de la communauté et fonder une
famille sous l’autorité de leur père.
Mettre un terme, sur le plan européen et national, à la grande précarité des roms en permettant
leur accès à tous les services y compris ceux de l’état civil, à l’emploi, l’éducation et le
logement permettrait de faire primer l’intérêt supérieur des enfants.
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Il s’agirait aussi de permettre aux filles d’accéder à l’éducation en exigeant l’abandon de
pratiques coutumières les privant d’un traitement égal avec leurs frères. « ….l’école
représente le seul lieu stable où il est possible pour ces filles de nouer des liens en dehors de la
communauté et éviter qu’elles basculent vers des activités de rue : mendicité, travail
clandestin, délinquance ou encore prostitution « (rapport Hors la rue RA 2008)
Les mineures isolées sur le territoire métropolitain
Le phénomène des mineurs isolés, c'est-à-dire sans protection adulte, ne cesse de croître en
France depuis le milieu des années 90. Selon le rapport 2010 de l’UNICEF, on estime
aujourd’hui à plus de 4000, dont 10 à 20% seraient des filles, le nombre d’enfants livrés à eux
mêmes en France, enfants exilés (mineurs qui viennent de toutes les régions ravagées par la
guerre et les conflits ethniques), enfants mandatés par leur famille (Chine…), enfants
exploités (trafiqués victimes de la traite des êtres humains, Europe de l’Est..), fugueurs,
errants (enfants de la rue ), ou rejoignant un autre adulte, …3000 mineurs arriveraient dans
l’hexagone chaque année.
Malheureusement, ni le rapport de l’UNICEF, ni celui d’Isabelle Debré, sénatrice des Hauts
de Seine (mai 2010) n’apportent de statistiques sexuées alors que les dangers encourues pour
les filles sont évidents et demandent une protection accrue.
La Convention relative aux droits de l’Enfant rend juridiquement impossible leur expulsion
du territoire mais l’absence d’outils statistiques sexués rend difficile la mesure de ce problème
qui peut s’avérer pour les années à venir une véritable « bombe à retardement ».
Ces mineures se trouvent dans des situations de vulnérabilité extrême (mendicité,
délinquance, prostitution….) exploitées malgré leur très jeunes âge par des réseaux mafieux
très organisés. (Anecdote de notre haut fonctionnaire pris en flagrant délit de relations
sexuelles avec une jeune roumaine dans sa voiture, gang des filles dans le métro parisien…)
La prostitution enfantine se développe en France de manière inquiétante, malgré les lois du 4
mars 2002, relative à l’autorité parentale qui stipule « que la prostitution de mineurs est
interdite sur le territoire français et que les clients de mineurs prostitués âgés de 15 à 18ans
sont pénalisés. »
La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance affirme dans son article 1ER « que
la protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent
rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur
famille et d’assurer leur prise en charge »
Malgré cette évolution législative, le phénomène est mal maîtrise car très méconnu, comme si
on ne voulait pas le voir… et constater que des mineures de plus en plus jeunes sont
concernées par la traite.
La prise en charge de ces jeunes clandestines « sans papiers », sans identité, pâtit des clivages
institutionnels, politiques et idéologiques. Selon leur âge au moment de leur mise sous
protection, elles bénéficieront ou non d’une autorisation de séjour et d’une naturalisation.
Leur avenir et leur protection est liés à un examen médical
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La première preuve de la minorité résulte de la détention de documents d’identité et en
particulier d’un acte d’état civil. Si la « preuve par les papiers » n’est pas établie l’estimation
médicale de l’âge, demandée par l’autorité judiciaire (examen fait par les UMJ, radio de l’os
du poignet, évaluation physique et examen dentaire) va déterminer la nature de l’aide
apportée dans l’immédiat à la mineure mais aussi décider de son avenir selon qu’elle aura 16
ans au plus lors de sa prise en charge.
Situation des mineures isolées à Mayotte
200 000 habitants dont 60% de moins de 25 ans. La pression démographique est forte du fait
d’un taux de natalité élevé (cinq à sept enfants par femme). L’Etat civil n’est pas encore
totalement organisé. Ainsi les mineurs sont souvent menacés d’expulsion malgré leur filiation
avec un parent français, faute de pouvoir prouver leur nationalité.
L’absence d’état civil ou d’identité établie touche aussi les mineurs isolés qui sont en grande
nombre à Mayotte, environ 4000. Là aussi pas de statistiques sur le nombre d’enfants par
sexe, ni par spécificité des dangers encourus ou des violences subies que l’on soit un garçon
ou une fille ! Un lien peut sans doute être fait avec le nombre de grossesses précoces
enregistrées à Mayotte ?
Trois catégories d’enfants étrangers isolés ont été cependant répertoriées :
Ce sont les enfants étrangers isolés arrivés seuls à Mayotte venant du Congo, du Rwanda et du
Burundi suite aux conflits intérieurs sévissant dans ces pays.
Les enfants abandonnés suite à la reconduite à la frontière de leurs parents, ainsi, un nombre
important d’enfants se retrouvent abandonnés sur l’île confiés à des tiers qui les maltraitent ou
les exploitent.
Les enfants qui arrivent en « kwassa-kwassas » des îles voisines et sont emmenés directement
en centre de rétention avec les adultes
A Mayotte, la situation des filles reste très inégalitaire et ignorée. Elles sont encore trop
souvent victimes de pratiques coutumières néfastes sans que leur entourage familial et
éducatif s’en alarme.
Situation des mineures isolées en Guyane
La Guyane, département français, est dans une situation particulièrement difficile du point de
vue de l’immigration. Frontalière avec le Surinam, le Guyana et le Brésil, elle doit faire face à
un flux migratoire très important alors que c’est un département français qui dispose de
ressources très modiques et le premier en terme de propagation du VIH/SIDA.. Il n’y a pas ou
peu de prise en charge des mineurs isolés possibles, moyens extrêmement limités du Conseil
général et peu d’associations.
Plus de 500 mineurs isolés, dont la moitié entre 10 et 15 ans originaires du Brésil, d’Haïti du
Guyana ou Surinam vivent dans des bidonvilles ou squats autour de Cayenne dans une
extrême précarité, livrés à eux-mêmes, privés d’école et de soins. Près d’une sur cinq fille est
confrontée à une grossesse précoce. Une situation dramatique pour ce département où, selon
le rapport UNICEF 2009, l’accès aux service de base, aux soins et à l’école n’est pas assuré
non plus pour les nombreux enfants de nationalité française.
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Compte tenu de la situation dramatique des filles et fillettes ainsi que de tous les mineurs
privés d’identité et de protection à Mayotte et en Guyane, il serait souhaitable de mettre
à profit l’année 2011, année de l’Outre Mer pour dénoncer ces manquements graves au
regard de la législation française sur la protection de l’Enfance, de la Convention
internationale des Droits de l’Enfant et de la CEDAW et amplifier la lutte contre la
traite des êtres humains et la prostitution enfantine.
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