Les inondations constituent dans le monde la calamité

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Les inondations constituent dans le monde la calamité
LES ALPES MARITIMES À L’ÉPREUVE
DES RISQUES NATURELS
CATALOGUE
DE L’EXPOSITION ITINÉRANTE
ARCHIVES DÉPARTEMENTALES
Conseil général des Alpes-Maritimes
Édition 2011
CLIMAT ET RELIEF FACTEURS D’INONDATIONS
Les inondations constituent dans le monde la calamité naturelle la plus grave par le
nombre de victimes et le coût des dégâts. Les phénomènes de débordement que connaissent les
Alpes-Maritimes comme le reste de la région méditerranéenne sont liés aux caractéristiques du
climat et du relief. Les précipitations brutales, orageuses, localisées, s’abattant sur des petits
bassins où les pentes sont généralement fortes, entraînent des crues soudaines, violentes,
aggravées par l’accumulation de tout ce qui est arraché par l’eau sur son passage. Ce sont des
crues torrentielles qui se distinguent des crues lentes et longues des grands fleuves. Les cours
d’eau alpins ont le caractère de torrents par leur pente rapide et par leur débit capricieux sur un lit
de cailloux roulés. Réduits la plupart du temps à de simples filets d’eau, ils peuvent subitement
prendre des proportions impressionnantes lorsque leurs innombrables affluents déversent fontes
des neiges et pluies d’orages des régions supérieures, qui culminent à plus de 3000 mètres dans le
massif du Mercantour. L’élévation et surtout la forte déclivité des pentes sont la cause directe de
la rapidité, de l’ampleur mais aussi de la brièveté des crues. Le Var, long de 115 kilomètres, naît
près du col de la Cayolle à 1800 mètres d’altitude et reçoit quatre cours d’eau, l’Estéron, le Cians,
la Vésubie et surtout la Tinée qui prend sa source à 2500 mètres avec une forte dénivelée sur son
parcours de 75 kilomètres jusqu’au confluent du Var. Les autres fleuves côtiers Roya, Paillon,
Cagne, Loup, Brague et Siagne ont des cours qui n’excèdent pas 60 kilomètres alors que leurs
sources se situent entre 1500 et 1600 mètres d’altitude. Après de longues périodes de sécheresse
les pluies, abondantes, se concentrent en quelques jours sous forme orageuse au printemps et
surtout en automne, faisant gonfler brusquement les cours d’eau.
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Photographie aérienne des Alpes-Maritimes prise par le satellite Landsat , IGN
Carte du relief des Alpes-Maritimes, par A. Ripart
Carte du débit des cours d’eau des Alpes-Maritimes par Reyne et Ottavi
Carte des précipitations dans les Alpes-Maritimes par A. Ripart
Rapport de Portalis, procureur du pays de Provence à l’assemblée des communautés, 22 novembre
1784, PerA 851
Nous avons observé que l’état de la Provence n’est pas assez connu. Dans les temps les plus calmes et les
plus heureux, notre existence n’est que précaire. […] Nos récoltes sont annuellement exposées à l’inégalité
des saisons et à l’inconstance du climat. La moindre intempérie de l’air détruit toutes nos espérances et fait
évanouir toutes nos ressources. Dans la moitié de la province, les campagnes sont menacées par les rivières
et par les torrents ; il faut se défendre par des digues contre les débordements et retenir par artifice un sol
penchant, toujours prêt à s’échapper. Telle est la position de la Provence que les biens y sont périssables,
l’entretien onéreux, les récoltes incertaines, les accidents fréquents et périodiques et par intervalle la
dévastation entière et désolante. […] Il n’est pas rare, dans les pays que nous habitons, de voir des
communautés affligées par des orages. Ces accidents sont malheureusement assez communs ; il n’est
presque point d’année qui n’en offre quelque exemple. Chaque contrée se ressent successivement de ces
fléaux qui parcourent et désolent la province.
Ex-voto représentant une crue subite du Paillon à Nice le 2 juin 1855, sanctuaire de Laghet, photo
Graniou
Extrait de la Statistique du département des Alpes-Maritimes établie par Fodéré relatant une crue du
Var à Entraunes, 1803, CET 39
Le Var, arrivé à Entraunes, a environ deux tiers de mètre de profondeur, un et demi de largeur mais à la
fonte des neiges, dans les grandes pluies et dans les orages, il déborde considérablement, il roule des
rochers énormes et menace, ainsi que le Bourdoux, le village d’Entraunes qui se trouve placé entre ces deux
eaux, dans un espace triangulaire dont il tire son nom, inter amnes.
J’ai été témoin d’une de ces scènes. Arrivé à Entraunes par un beau temps, le Var et le Bourdoux, le long
duquel j’étais descendu, ne paraissant que des espèces de ruisseaux, se trouvèrent le lendemain des rivières
épouvantables par la pluie qui survint la nuit et qui dura trois jours durant lesquels j’étais enfermé comme
dans une isle. Le mugissement de leurs eaux noires comme l’encre, joint au fracas des rochers qu’ils
entraînaient formaient dans la nuit un bruit mille fois plus effrayant que celui qu’on entend en pleine mer
lorsqu’elle est irritée. Le jour, on était entouré du spectacle à la fois magnifique et menaçant d’un grand
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nombre de torrents qui tombaient en cascades rapides de toutes ces montagnes élevées et qui remplissaient
l’air de poussière d’eau avant de parvenir au fond de la vallée.
[…] Après le Bourdoux, le Var reçoit dans le territoire de Saint-Martin d’Entraunes les torrents
Chastellonette, Chamfisson, des Filleuls, Cheisau, deux à l’Est et deux à l’Ouest. Ces torrents ont de l’eau
en tout temps et servent à faire tourner des moulins et à l’arrosage mais ils sont redoutables en automne et
au printemps par les dégâts qu’ils occasionnent aux terres et aux chemins qu’ils traversent.
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Carte des cours d’eau des Alpes-Maritimes
Diagramme des débits mensuels moyens du Var, en mètres cubes par seconde, à la Mescla de 1951 à
1978
Diagramme des précipitations mensuelles à Antibes et Peïra-Cava en 1980
L’AGGRAVATION DU RISQUE
La région a toujours été confrontée au problème des inondations mais le phénomène
s’est progressivement aggravé. Au XVIIIe siècle, malgré la réglementation, les défrichements
s’intensifient pour les besoins de la Marine et les usages domestiques. La déforestation accentue
le ravinement et la violence des crues. La conséquence est le ravage des terres agricoles envahies
par les graviers. La question des dommages et de coût des travaux pour prévenir de nouveaux
débordements revient régulièrement dans les délibérations des communautés de Provence au
XVIIIe siècle. Les assemblées déplorent leur impuissance malgré les secours et les délais
accordés aux sinistrés pour payer les impositions. La multiplication des demandes conduit à
refuser en 1731 tout nouveau concours sauf dans des circonstances extraordinaires. Le cas de
Saint-Laurent-du-Var est exemplaire. Un rapport de 1718 constate que les eaux du Var
deviennent de plus en plus abondantes, à la suite des défrichements qui n’ont pas épargné les
abords du fleuve. Les crues se succèdent en 1761, 1762 et 1765. A cette date, un rapport indique
que la moitié des cultures ont été emportées, bon nombre de maison détruites ou en partie ruinées.
La situation de Gréolières est aussi révélatrice des effets du défrichement. Le procès-verbal
consécutif aux ravages des crues de 1761 précise que trente ans plus tôt la montagne du Cheiron
était couverte de végétation. Or on a mis en culture de nombreuses étendues et la terre végétale a
été entraînée par les eaux pluviales. Plusieurs ravins se sont formés insensiblement et ont fini par
enlever les terres cultivées autour du village. Le reboisement et l’endiguement du Var réalisés
dans la deuxième moitié du XIXe siècle améliorent la situation des terres agricoles de la basse
vallée. Par contre, les voies de communication qui connaissent un essor considérable souffrent
des crues : routes et ponts emportés, comme le pont Charles-Albert détruit en 1951, ceux-ci
faisant parfois obstacle à l’écoulement. Au XXe siècle, le développement des activités sur le
littoral a eu pour conséquence la colonisation imprudente des basses vallées. Aussi, en dépit de la
réglementation et des travaux engagés sur les cours d’eau, on assiste à une aggravation des
catastrophes liée à l’urbanisation croissante des plaines alluviales. Déjà en 1882 lors de la grande
inondation meurtrière de Cannes, ce sont les travaux d’urbanisme qui sont mis en cause : sols
rendus moins perméables avec les grands boulevards, obstacles à l’écoulement par des réseaux
d’évacuation mal dimensionnés.
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Délibération de l’assemblée des communautés de Provence sur la construction d’une digue pour
protéger le village de Saint-Laurent des crues du Var, 1765, PerA 851
Plan de construction d’une digue à Guillaumes après la crue de 1843, FS401/I
Coupe montrant la mode de construction d’une digue, 1844, FS401/I
Supplique de la communauté de Guillaumes touchée par les débordements du Var, 1706, E7 DD1
Délibération de l’assemblée des communautés de Provence sur les progrès de l’érosion à Gréolières,
1762, PerA 851
Dégâts occasionnés par la crue du Var à Puget-Théniers, 1er novembre 1906, 23Fi 617
Inondation du Var à l’entrée ouest de Nice, 19 décembre 1945, photo Laboratoire départemental de
l’Equipement, 3Fi 9829
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Pont Charles-Albert emporté par la crue du Var en 1951, photo Laboratoire départemental de
l’Equipement, 3Fi 6922
COURS D’EAU DE HAUTE MONTAGNE :
LES CRUES D’AUTOMNE
L’inondation est un phénomène récurrent à Nice dans les plaines alluviales du Paillon et
du Var. La mise en aqueduc de certains vallons rend difficile l’évacuation d’averses orageuses.
Sur les collines, le développement de l’urbanisation, en diminuant la capacité de rétention des
sols par infiltration et en accroissant les écoulements sur les toits, les serres, les chaussées,
augmente la vulnérabilité des lieux. L’histoire de Nice fut longtemps liée au Paillon et à ses
crues. Le Var était en position marginale, à la limite de la ville, ses rives étaient dédiées aux
cultures maraîchères et les constructions étaient peu nombreuses. La situation au début du XXIe
siècle est bien différente en raison de l’artificialisation croissante de la plaine du Var gagnée par
la ville. La crue du 5 novembre 1994 révèla la vulnérabilité de cette zone. Les fortes pluies
tombées les jours précédents sur les reliefs où les précipitations dépassèrent fréquemment 200
mm et le coefficient de ruissellement très élevé sur un sol saturé entrainèrent la rupture de deux
seuils aménagés dans le lit du Var. Le centre administratif des Alpes-Maritimes fut envahi ainsi
que le marché d’intérêt national, le quartier de l’Arénas et l’aéroport. Plus en amont, des brèches
furent creusées dans les digues, la route et la voie ferrée furent coupées. Le bilan des dégâts fut
lourd : 1 milliard de francs pour cette crue qualifiée de « millénale ». En 1997, l’État décida de
geler les terrains situés en zones non urbanisées en attendant les résultats d’une étude hydraulique
permettant de déterminer les risques et un syndicat fut chargé de surveiller le fleuve.
D’importants travaux de réhabilitation des digues entrepris au début du XXIe siècle ont permis de
réduire les risques notamment à l’occasion de la construction de la route 6202 bis en rive droite.
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Article de Nice-Matin du 6 novembre 1994 sur la crue du Var
Le Var à la sortie des gorges de la Mescla avant et pendant la crue du 5 novembre 1994, photos C.
Raybaud
Courbe du débit du Var du 2 au 7 novembre 1994
Vue aérienne de l’embouchure du Var le 8 novembre 1994 , IGN
Route nationale 202 emportée par la crue du Var entre Villars-sur-Var et Malaussène, novembre
1994
Le Var dans les gorges de la Mescla le 6 novembre 1994, photo C. Raybaud
LES CRUES DE PRINTEMPS
Les crues de printemps sont provoquées en haute-montagne par le cumul de la fonte des
neiges avec de fortes précipitations. Les vallées de la Tinée et de la Vésubie sont particulièrement
exposées. Le torrent de Salzo-Moreno, affluent de la Tinée, sur la commune de Saint-Etienne-deTinée, menace régulièrement le hameau du Pra par ses crues. De grandes masses de matériaux
arrachés à la montagne s’accumulent dans le lit du torrent, formant des barrages qui se rompent
sous la pression des eaux et envahissent le hameau pourtant protégé par des surélévations de la
digue. Ainsi, le 21 juin 1961, un orage violent fait sauter un bouchon formé en amont du hameau
et une lame d’eau de plusieurs mètres vient dévaster un chantier de l’entreprise Nicoletti,
emportant un des ouvriers et détruisant des maisons.
La Guercia, qui collecte les eaux du vallon de Chastillon, rejoint la Tinée à hauteur du
village d’Isola et connaît des crues de printemps redoutables. En juin 1957, le torrent gonflé par
les pluies des jours précédents, reçoit dans l’après-midi et la soirée du 13 l’afflux de plusieurs
orages successifs. En quelques heures, le lit du torrent s’exhausse de plusieurs mètres en raison
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des matériaux entraînés (blocs, pierrailles, graviers, troncs d’arbres) et la Guercia submerge sur sa
rive gauche la gendarmerie, les locaux d’EDF, la Poste et des habitations, nécessitant le
sauvetage de plusieurs personnes en pleine nuit. Au total, plus de 100 sinistrés sont recensés
tandis que plusieurs quartiers de la commune sont recouverts par des milliers de mètres cubes de
matériaux.
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Vue du hameau du Pra après une crue du Salso Moreno, 1900, 3Fi 9570
Article de Nice-Matin sur la crue du Salso Moreno, 22 juin 1961
Rocher charrié par le Salso Moreno, 1960, 139W 9
Pont de Vens emporté par le Salso Moreno le 21 juin 1961
Délibération de la commune de Saint-Dalmas-le-Selvage sur les dégâts provoqués par la crue du Salso
Moreno le 1er juin 1964, 139W 9
Carte du confluent de la Guercia avec la Tinée en vue de travaux d’endiguement, 1957, 38W8115
Courbes des températures et des précipitations relevées à Auron du 1 er au 14 juin 1957, archives Météo
France Nice
Article de Nice-Matin sur les crues dans les vallées de l’Ubaye et de la Tinée, 15 juin 1957
Vue du quartier d’Isola au confluent de la Guercia et de la Tinée dévasté par la crue, juin 1957,
Laboratoire départemental de l’Equipement
COURS D’EAU DES PRÉALPES : LA SIAGNE
A deux reprises, en 1994 et en 1996, la basse vallée de la Siagne a été victime
d’inondations importantes. Le 26 juin 1994, la Siagne sort de son lit en raison de fortes
précipitations tombées en amont d’Auribeau-sur-Siagne, provoquant glissements de terrain,
ravinements, érosion de berges et inondations de maisons. Le 12 janvier 1996, des pluies sur un
sol saturé d’eau (240 mm en 3 jours sur le pays grassois) entraînent un accroissement du
ruissellement et le débordement de la Siagne qui envahit une grande partie de la vallée en aval
d’Auribeau, dévastant notamment la zone industrielle et de nombreuses habitations. Les archives
montrent que les débordements de la Siagne ne sont pas un phénomène récent. Le fleuve a
changé plusieurs fois de cours comme l’atteste la présence de méandres comblés et d’un ancien
lit appelé « Vieille Siagne ». Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la plaine de la Siagne apparaît
comme étant insalubre et inhabitable. La géographie a fait de la basse vallée du fleuve un site
propice aux inondations. Peu étendue et presque imperméable, dotée d’obstacles naturels à
l’écoulement à son embouchure, elle reçoit des apports en eau considérables, par de nombreux
vallons mais surtout par la Siagne dont le lit est incapable d’en assurer l’écoulement.
Exclusivement agricole jusqu’au milieu du XXe siècle, la plaine de la Siagne s’est
progressivement urbanisée. Au sud de l’autoroute se sont implantés l’aéroport de CannesMandelieu et des structures d’accueil touristiques ; plus en amont, la zone industrielle de
Pégomas et des habitations. Outre le renforcement des digues, comme pour d’autres secteurs du
département menacés par les crues, un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPR) a
été établi en 1999. Ce dernier permet de localiser les zones exposées et réglemente l’occupation
et l’utilisation du sol.
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Vue de la vallée de la Siagne, autochrome par Dhumez, s.d., vers 1930
Devis de travaux à réaliser pour le nettoyage du cours de la Siagne, 12 juin 1786, G 763
Du douze juin 1786
Réparations déterminées à faire pour empêcher les débordements de la rivière de Siagne dans le terroir de
Mandelieu, au quartier de la Levade, données à prix faits à Antoine Roux et Honoré Mauban, travailleurs
du lieu d’Auribeau, obligés solidairement.
Premièrement
Couper et déblayer tous les arbres et bois tombés dans la rivière et ceux qui y penchent, raser la rive de
tous les arbres et arbrisseaux à la distance de trois pans sur le bord à commencer depuis la terre de la
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demoiselle Fabre, veuve Rey, en suivant jusques au plus bas du pré de la Levade de Messieurs du chapitre
de Grasse.
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Article de Nice-Matin sur les inondations provoquées par la Siagne entre Auribeau et La Roquette, 27
juin 1994
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Vue aérienne du cours de la Siagne d’Auribeau à La Roquette, 14 janvier 1996, IGN
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Carte du champ d’inondation de la Siagne, janvier 1996, J.M. Castex, A. Dagorne, J-Y. Ottavi
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Projet de curage par le syndicat intercommunal de défense contre les inondations de la Siagne, 28
août 1952, 183 W 223
42-43 Cartes comparant l’occupation des sols de la vallée de la Siagne en 1970 et 1995, J.M. Castex, A.
Dagorne, J-Y. Ottavi
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Plan de prévention des risques naturels de la vallée de la Siagne, décembre 1999, Direction
départementale de l’Equipement
LE LOUP
Deux crues extraordinaires du Loup ont eu lieu en 1994 et en 1996 alors qu’aucun
phénomène de cette importance n’avait été observé depuis 1960. Le 5 novembre 1994, des
précipitations soutenues en amont du bassin versant sur les montagnes de l’Audibergue et du
Cheiron provoquent une crue soudaine du Loup. Le fleuve commence à monter vers 14 h, atteint
un débit maximal de 184 m3/s entre 17 et 18 h et amorce sa décrue en début de soirée. Les
quartiers du Plan-du-Moulin (La Colle-sur-Loup), des Ferrayonnes et du Plan (VilleneuveLoubet) subissent des dégâts considérables. Les circonstances de la crue du 12 janvier 1996 sont
différentes puisque deux jours de pluies violentes avaient donné l’alerte. En dépit d’un débit plus
important (228 m3/s à l’embouchure), les dégâts sont moindres en raison de travaux de protection
réalisés entre temps. D’autres crues apparaissent dans les archives depuis le XVIIIe siècle, dont
certaines provoquent des changements du cours du fleuve, comme en 1928. Les débordements
du Loup sont dus au caractère méditerranéen de ce fleuve. Le bassin versant (280 km²) est très
montagneux et soumis à des précipitations violentes et concentrées dans le temps qui en font un
des secteurs les plus arrosés des Alpes-Maritimes. D’autre part, le fleuve et ses affluents ont une
forte pente. Ainsi, des pluies abondantes provoquent la crue du Loup, même si une partie de l’eau
s’infiltre dans les massifs calcaires. A la hauteur du Moulin du Loup, près de son embouchure, le
fleuve ne peut absorber plus de 140 m3/s et le surplus inonde les terrains voisins. La durée et
l’intensité des précipitations, ainsi que leur localisation sur le bassin versant, provoquent des
crues aux caractéristiques différentes. Les dégâts causés par ces dernières sont aggravés par
l’urbanisation des secteurs proches du fleuve, à la Colle-sur-Loup et à Villeneuve-Loubet, entre
1960 et 1994, période pendant laquelle la mémoire du risque avait été oubliée. Réhabilitation du
lit et renforts de berges ont été entrepris depuis 1994 et un plan de prévention des risques naturels
prévisibles mis en place.
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Carte du réseau hydrographique de la vallée du Loup, L. Léandri-Vandeuvre
Rapport sur les dégâts causés par l’inondation du Loup à Villeneuve-Loubet en septembre 1787, 7B
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[...] lesquels experts déclareront : 1° S’il n’est pas vrai que lors des grosses pluies survenues vers la fin du
mois de septembre les eaux de la rivière du Loup se sont introduites en si grande abondance dans les terres
sous fermées audit Nicolas par les endroits où la gerbade 11 se trouve dégradée [...] ; 2° Si des eaux
considérables qui s’introduisirent par ledit endroit ne formèrent pas un torrent si violent qu’en se
précipitant dans lesdites terres, elles firent un grand trou qui est fort profond [...] ; 3° Si les eaux n’ont pas
aussi entraîné une quantité considérable de cailloux dans lesdites terres [...].
Plan annexé au rapport d’endiguement du Loup en 1906, 7S 39
Plan d’une amorce de déviation du cours du Loup au quartier du Plan à Villeneuve-Loubet à
l’automne 1928, 7S 39
Talus de gazon (gerbado en provençal)
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Courbes des précipitations et du débit du Loup lors des crues de novembre 1951 et de janvier 1996, L.
Leandi-Vandeuvre, sources EDF et Météo France
Article de Nice-Matin sur les inondations de la basse vallée du Loup,13-14 janvier 1996
Plan de prévention des risques naturels de la basse vallée du Loup, avril 2000, Direction départementale
de l’Equipement
LES AVALANCHES
Les avalanches font partie des risques naturels. Même si les espaces touchés sont pour
l’essentiel en dehors des zones d’activité humaine, des accidents se sont produits dans des
endroits habités anciennement comme à Entraunes où une avalanche ensevelit une maison et fait
deux victimes en 1804. Mais c’est la fréquentation touristique de la montagne et la pratique des
sports d’hiver qui ont donné une importance à ce risque. Au XX e siècle, la mise en place
d’aménagements touristiques et la construction d’ensembles immobiliers en haute altitude comme
à Isola 2000 exigent la prise en compte de ce risque météorologique ; les déplacements en masse
de neige pouvant, dans les régions à relief accusé, causer des dommages considérables. Une
expertise dans un secteur de la station d’Isola met en évidence plusieurs couloirs d’avalanche
partant d’une altitude de 2400 mètres avec des pentes extrêmement raides de 70 à 90 %
présentant des pierriers et des pelouses rases. Les manifestations de ces couloirs sont d’ampleur
variable mais fréquentes. En 1972, la sécurité des stations de montagne donne lieu à des
directives rigoureuses du ministère de l’Intérieur et une cartographie de localisation probable des
avalanches est publiée par le ministère de l’Agriculture en vue des études d’implantation des
équipements des stations de ski. En hiver la station de ski d’Isola est fréquemment touchée par les
avalanches. Le 16 décembre 2008 une importante avalanche a détruit un chalet dans un hameau
de Saint-Etienne et obstrué la Tinée.
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Rapport de gendarmerie signalant une avalanche à Entraunes, 22 pluviôse an XIII (12 février 1804),
CEM 218
J’ai l’honneur de vous informer que le six du présent à sept heures du matin, il y eut à la commune
d’Entraunes un éboulement de neige bien considérable. Il entraîna les maisons d’Hyacinthe Lieutaud et de
Joseph Aillaud qui périrent tous deux sous les ruines de leurs maisons ainsi que la fille du premier.
Carte de localisation des zones d’avalanche de la station de sports d’hiver d’Auron, 1971, 179W 29
Plan des zones exposées aux avalanches à Isola pour l’implantation d’un ensemble immobilier, 1978,
172W 1298
Planche photographique d’étude des avalanches à Isola, 1978, 172W 1298
Ouverture de la route dans une coulée d’avalanches à Casterino, 7 mai 1963, photo Laboratoire
départemental de l’Equipement, 22Fi 6305078 et 11
LES INCENDIES DE VILLAGES
DE MONTAGNE
Les espaces forestiers de montagne des Alpes-Maritimes, qui ne sont pas à l’abri des
feux d’écobuage en hiver, sont moins sensibles aux incendies que le littoral : une humidité plus
grande et la nature de la végétation diminuent les risques. Jusqu’au XXe siècle, ce sont par contre
les villages qui paient le plus lourd tribut en montagne. L’urbanisation serrée et le mode de
construction présentent un certain danger. Très souvent, le dernier étage des maisons comporte un
grenier en bois qui sert de grange et les toitures sont couvertes en bardeaux de mélèze. La place
importante des matériaux combustibles dans les habitats et la proximité des maisons facilitent le
développement du feu et sa propagation. Les incendies atteignent parfois des proportions
gigantesques anéantissant presque tout un village en raison de l’insuffisance des moyens de lutte.
Ainsi à Villeneuve d’Entraunes, le 7 juillet 1924, malgré l’arrivée à minuit des sapeurs-pompiers
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de Nice et d’un détachement de chasseurs alpins, 23 familles sont totalement sinistrées après la
destruction de 21 maisons. Le 31 juillet 1929 Saint-Etienne-de-Tinée est la proie des flammes. Là
encore le feu est parti d’une grange et les maisons très rapprochées les unes des autres se sont
embrasées avec une rapidité effroyable. Lorsque les auto-pompes de Nice et Cannes arrivent, 152
immeubles dont trois hôtels sont déjà détruits.
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Tableau représentant l’incendie de Guillaumes conservé dans l’église paroissiale, cliché M. Graniou
Vue du village d’Entraunes avec ses toits de bardeaux, s.d. vers 1890, 10Fi 1287
Plan de reconstruction de Villeneuve-d’Entraunes après l’incendie de juillet 1924, E17 2O2
Rapport sur l’incendie de Villeneuve d’Entraunes, 8 juillet 1924, 1M 976
Article de La France de Nice et du Sud-Est relatant l’incendie de Saint-Etienne-de- Tinée, 1er août
1929, 1M 976
Vue de Saint-Etienne-de-Tinée, s.d., vers 1890, 10Fi 1937
LES INCENDIES DE FORÊT MÉDITERRANÉENNE
Si l’homme est généralement responsable du déclenchement des incendies de forêts, ce
qui n’exclut pas des facteurs naturels comme la foudre, la propagation est favorisée par la
géographie et le climat. Les forêts sont dangereuses dans tout le Midi de la France en raison de la
sécheresse des étés. Les mois critiques sont juillet et août qui, à eux seuls, totalisent souvent la
moitié de la surface brûlée. Le vent, qui sévit épisodiquement en bourrasques, est redoutable car
il favorise l’extension rapide des incendies. Tous les témoignages mettent en évidence le fléau,
ainsi en 1751 à la Roquette-sur-Siagne : « le feu ayant calmé deux ou trois jours, fut reenflammé
par le même vent de mistral, si violemment que plusieurs oliviers furent brûlés et que le village
eut même bien de la peine à ce garantir ». La végétation joue également un rôle important. La
menace est surtout sensible dans la région du littoral et du moyen pays où l’on rencontre les
peuplements les plus combustibles, futaies de pins d’Alep et de pin maritime et garrigues de
l’étage méditerranéen. De plus le recul de l’agriculture a pour conséquence l’extension des
friches. Les terrains laissés à l’abandon se recouvrent de broussailles et de taillis qui alimentent le
feu.
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Carte de répartition géographique des feux de forêts dans les Alpes-Maritimes entre 1973 et 1987,
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Carte de combustibilité des peuplements forestiers des Alpes-Maritimes, 678W 120
Aquarelle de Mossa représentant l’incendie du Mont Gros à Nice, 1910, collection J.L. Tortorolo
Lettre relative aux incendies de pinèdes dans l’arrondissement de Grasse, 23 octobre 1851, 1M 970
Depuis longtemps et souvent, on s’est occupé attentivement de ces désastres qui se renouvellent presque
chaque année dans les forêts résineuses. Au moment des sinistres des perquisitions minutieuses poursuivies
avec ce sentiment d’indignation que tout le monde partage, n’ont jamais pu faire découvrir d’une manière
certaine l’imprudence qui les occasionne ou les moyens dont on se servirait pour les produire.
Rapport de gendarmerie sur un incendie sur la commune de Mandelieu, 21 août 1891, 7M 632
Le 20 août courant, vers midi, un incendie s’est déclaré dans la forêt de pins, de bruyères et de chênes-liège
du quartier de Barbossi sur le territoire de la commune de Mandelieu à plusieurs kilomètres à l’ouest du
hameau des Thermes. Activé par un vent très violent, le feu menace bientôt les habitations de Mandelieu et
des Thermes. Plusieurs villas situées sur les collines environnantes sont entourées de flammes et
sérieusement en danger.
Rapport sur les incendies de l’arrondissement de Grasse pendant l’été 1919, 14 octobre 1919, 1M 971
Les incendies de forêts se sont déclarés à partir de mai 1919. De peu d’importance alors, ils deviennent
plus fréquents en juin, mais c’est surtout en juillet et août qu’ils atteignent une grande intensité, causant de
vrais désastres, principalement dans l’arrondissement de Grasse. Il faut arriver à fin septembre pour
considérer tous les foyers éteints.
Les causes présumées des incendies sont attribuées :
I°) à la grande sécheresse qui a sévi cet été ;
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2°) à l’entretien défectueux de nos forêts qui ne sont qu’imparfaitement débarrassées des broussailles,
aiguilles de pins, herbes sèches qui alimentent le feu ;
3°) à l’imprudence des chasseurs, des braconniers, des agriculteurs eux-mêmes, qui procèdent à l’écobuage
sans prendre aucune garantie contre le vent probable et sans se soucier aucunement du voisinage des bois ;
4° à la malveillance.[...]
Le développement des incendies a eu pour principal auxiliaire le mistral, vent particulièrement violent, qui
transportait et dispersait des gerbes de flammes communiquant le feu à des parties boisées et créant ainsi
successivement d’autres foyers. Les moyens employés pour combattre le sinistre consistent en des tranchées
aussi larges que possible, destinées à isoler le foyer et dans l’abattage des arbres situés dans la zone
immédiate du feu. Chaque fois qu’il a été possible d’avoir à proximité des réservoirs ou des bouches d’eau,
les pompes à incendies ont fonctionné, la main d’œuvre a été assurée par les habitants et par le concours de
la troupe qui se trouvait dans le voisinage du sinistre.
Statistique des incendies de 1919 établie par le conservateur des Eaux et Forêts, 4 décembre 1919, 1M
971
Diagramme des mois les plus critiques en fonction des surfaces brûlées entre 1973 et 1987, 678W 120
LES RAVAGES DANS L’ESTEREL
Les forêts de l’Estérel et du Tanneron sont dévastées périodiquement au XIXe siècle par
d’immenses incendies, particulièrement en 1838, 1848, 1854 et 1877. Face à cette situation,
l’administration prend des dispositions qui portent en partie leurs fruits. Création de routes et
chemins d’accès dans les massifs pour faciliter les secours, établissement d’un réseau
téléphonique dès 1881 pour accélérer l’intervention, installation d’ouvriers auxiliaires chargés de
la surveillance du massif en 1878, débroussaillage, mise en place de brigades ambulantes pour
faire respecter l’interdiction de tout feu en forêt prescrite par la loi de 1893. Aussi en 1903 le
garde général des forêts se réjouit des résultats, même si les collines de Maurevieille dans la
région de La Napoule sont encore à maintes reprises ravagées par le feu, notamment en 1900 et
1901 : « sur plus de 700 hectares on n’aperçoit que landes et bruyères dont la regénération en pin
maritime sera très lente ». La loi de 1893, en outre, impose l’ouverture de tranchées « garde feu »
en limite des forêts domaniales mais, si l’administration des forêts a fait la démonstration de
l’efficacité de ces mesures, les nombreuses forêts particulières mal entretenues sont la proie des
flammes. Préconisant des acquisitions foncières de l’Etat pour y remédier, le garde général fait le
parallèle avec la restauration des terrains en montagne : « la conservation du massif de l’Estérel
n’est-elle pas aussi intéressante que celle des régions alpestres ? Dans nos montagnes, l’ennemi
c’est le torrent, dans l’Estérel c’est le feu : l’un n’est pas moins redoutable que l’autre ». Les
moyens de lutte restent limités : battage avec des branches, réalisation de tranchées et abattage
d’arbres, utilisation de l’eau chaque fois qu’il est possible d’avoir des réservoirs à proximité. Un
rapport de 1927 insiste sur l’importance de la surveillance par des observateurs afin de localiser
précisément les foyers et de rendre plus efficaces les interventions. Le service forestier obtient
également la possibilité de recourir à des aviateurs de l’armée pour recueillir des informations
urgentes sur les sinistres.
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Rapport sur l’application de la loi de 1893 pour la protection des forêts contre l’incendie, 20 mai 1903,
7M 632
Les mesures que prescrit cette loi sont de deux sortes :
1°) Pendant la période allant du 1er juin au 1er octobre, interdiction absolue d’employer le feu, même pour
les exploitations agricoles et forestières dans l’intérieur et à moins de 200 mètres de tous bois, forêts ou
landes peuplées de morts bois. .[...]
2°) Ouverture entre propriétés contigues en matière de bois, forêt ou landes peuplées de morts bois, d’une
tranchée limite débarassée de tous bois d’essence résineuse, maintenue en parfait état de débroussaillement
et variant de 20 à 50 mètres de largeur.
Reportage de l’Illustration sur l’incendie de l’Esterel et de Mandelieu, 1er septembre 1923
Carte extraite de l’Illustration montrant l’étendue de l’incendie de 1923
Procès-verbal de police relatant un incendie de forêt à Mandelieu, 13 novembre 1923, 3U2/1201
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Le 18 du mois dernier, jour de l’incendie, vers 18 heures, j’aperçus le feu dans la forêt au-dessus du village.
Je revins aussitôt sur mes pas et me trouvai au lieu-dit « Jeanne d’Arc » avec tous les habitants du hameau.
L’incendie se propageait avec rapidité. Tous criaient qu’il fallait allumer le contre-feu pour préserver les
maisons mais personne ne se décidait. C’est alors qu’avec Monsieur Thessier, fleuriste au Capitou, et
Monsieur Brun [...] nous partîmes pour allumer le contre-feu. Nous nous étions munis de branches pour
éteindre les flammes de notre côté. Mais la vitesse du feu était telle que j’eus à peine le temps de jeter
l’allumette et nous fûmes obligés de nous enfuir, entourés de flammes sous la poussée de l’incendie qui
descendait la colline. Nous rejoignîmes aussitôt le groupe et d’un commun accord nous nous mîmes en
devoir de combattre le fléau avec des branches, des pelles, etc. Nous avons réussi à préserver plusieurs
immeubles, entre autres la maison du cimetière, celle de Monsieur Thessier, du comte de Maranne de
Mouchie, etc. .[...] Le contre-feu seul pouvait nous sauver. Si nous n’avons pas pleinement réussi, c’est que
nous nous y sommes pris trop tard et que la violence du vent augmentait à l’excès la vitesse de l’incendie
venant des collines. Aucune autre précaution en pouvait être prise.
Rapport du conservateur des Eaux et Forêts sur l’organisation de la prévention et de la surveillance
des incendies, 13 août 1927, 1M 973
La surveillance des incendies rentre dans les obligations professionnelles ordinaires des gardes forestiers,
des gardes champêtres et de la gendarmerie. En outre, pendant les quatre mois de la période du feu,
l’administration des Eaux et Forêts utilise la collaboration de tous ceux que leurs fonctions retiennent sur
les sommets ou qu’on y détache dans ce but, ou qui survolent le territoire.
a) Gardiens des forts. Les gardiens des forts connaissent dans les moindres détails les régions
environnantes ; ils sont munis de vues panoramiques pour le repérage des forêts et de consignes précises ;
ils disposent du téléphone et du télégraphe. On n’a retenu pour ce service que le fort du Mont Chauve
d’Aspremont.
b) Guetteurs des sémaphores. Les gardiens des sémaphores de la Garoupe, du Cap Ferrat et du Cap Martin
également dotés du télégraphe et du téléphone, de vues panoramiques et de consignes nous prêtent aussi
leurs concours.
c) Guetteurs civils. Pour compléter ce réseau de vigies, nous avons choisi quatre postes d’observations, tous
à portée de télégraphe et du téléphone : Cabris, Mougins, Vence et Berre-les-Alpes.
d) Aviateurs. Pendant leurs vols réglementaires, les aviateurs des divers camps du littoral repèrent et
signalent les feux de forêts .[...]
Carte des pare-feux crées dans l’arrondissement de Grasse, 28 janvier 1929, 7M 633
Modèle de pompe à incendie, 1909, E96/49 1I5
Véhicule automobile autopompe Renault, s.d., vers 1930
Lettre d’un particulier réclamant des mesures énergiques contre la propagation des incendies de
forêt, 20 août 1927, 1M 973
LE RENFORCEMENT DES MOYENS DE LUTTE
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, malgré les mesures de prévention et le
renforcement des moyens de lutte, les grands incendies de forêts continuent périodiquement leurs
ravages, particulièrement sur la bande littorale. Une étude de 1987 montre des fluctuations
annuelles considérables pour les surfaces brûlées (plus de 12 000 hectares en 1970, moins de 150
en 1987). Mais les moyennes décennales qui mesurent l’évolution sur le long terme révèlent une
dégradation de la situation : moins de 2000 hectares jusque dans les années 50 et plus de 3000
dans les décennies 70 et 80. Deux années d’une exceptionnelle gravité ont marqué la période :
1970 avec le drame du Tanneron resté dans les mémoires par l’action militante de Martin Gray
qui a perdu sa famille dans l’incendie et 1986 lorsque le feu a semé la désolation au mois d’août
sur tout le littoral des Alpes-Maritimes. Le feu ne peut être éradiqué mais il ne prend jamais de
proportions catastrophiques lorsqu’il commence à être combattu sur une surface inférieure à un
hectare. Aussi, les mesures prises visent essentiellement à diminuer les délais d’intervention :
développement des postes de guet et des patrouilles de surveillance afin de détecter les fumées et
de diffuser rapidement l’alerte. Des progrès sensibles ont été réalisés puisque 30 % des feux
étaient combattus trop tard dans les années 70 contre 24 % dans les années 80. Les succès
constatés dans les dernières années du XXe siècle avec des bilans encourageants tiennent aussi au
recours massif à de puissants moyens aériens. C’est à la suite d’un incendie de l’Estérel en 1965
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que le ministre de l’Intérieur a décidé de mettre en œuvre cette nouvelle forme de lutte avec des
avions bombardiers d’eau Catalina.
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Camion Citroën feux de forêts, 1964, collection A. Bertolo
Article de Nice-Matin sur les nouvelles techniques aériennes de lutte contre le feu, 26 juillet 1967
Article de Nice-Matin sur les premières utilisations d’avions bombardiers d’eau, 27 juin 1953
Etude photographique du site de l’incendie du Tanneron d’octobre 1970, expertise déposée au
tribunal administratif le 23 janvier 1976, 172W 1196
Tract de la fondation Dina Gray créée à la suite de l’incendie du Tanneron, 1972, 177W 463
Article de Nice-Matin sur les incendies de forêts des Alpes-Maritimes du 25 août 1986
Schéma d’utilisation des Canadairs publié dans Nice-Matin, 3 août 1998
LES TEMPÊTES
En Méditerranée, la saison froide est caractérisée par des dépressions barométriques. A
partir de novembre, les troubles deviennent constants jusqu’au mois de février. C’est en effet la
période de l’année où l’écart positif entre la température de la mer et la température de l’air est le
plus grand. Or, lorsque l’air froid et épais arrive sur une étendue d’eau tiède, il se crée une
dépression d’autant plus creuse que le contraste thermique entre l’eau et la mer est plus
important. Ces dépressions, centrées la plupart du temps vers le 42ème parallèle entre le Roussillon
et la Corse, induisent des vents forts, générateurs de houle. De plus, lorsque la mer est plus
chaude que l’air, les phénomènes de convection renforcent le vent. A chaque situation
dépressionnaire, un vent d’Est à Nord-Est souffle fort sur le littoral azuréen. Les vitesses atteintes
peuvent être exceptionnelles (74 nœuds en rafales en décembre 1961 à Nice). Les archives font
état de tempêtes exceptionnelles. Celle du 20 janvier 1855 provoque des dégâts importants aux
môles des ports de Nice et Villefranche et la perte d’une vingtaine de bateaux de pêche avec des
creux observés d’environ quatre mètres. La tempête du 1er décembre 1959 est particulièrement
violente puisque le vent atteint force 12 (130 kilomètres par heure) pendant une heure et les
dégâts innombrables sur le littoral des Alpes-Maritimes. La dernière grande tempête de décembre
1999 a été plus destructrice dans le reste de la France que dans les Alpes-Maritimes.
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Avis d’un ouragan ayant causé la chute d’arbres sur la place du château de Cagnes, 5 mai 1807,
ECagnes 2N1
Monsieur le Maire a exposé qu’un ouragan arrivé le 13 février dernier a déraciné quatre gros arbres de la
place publique dite « derrière le château » et qu’il serait convenable de prendre une détermination à ce
sujet pour en retirer un parti quelconque.
Rapport sur la tempête exceptionnelle survenue dans la nuit du 19 au 20 janvier 1855, 4S 90
A trois heures et demi vint tout d’un coup un paquet de mer effrayant lequel pendant presque une demiheure fut servi d’autres à peine moins furieux. Vers quatre heures il y eut une légère décrue, mais à peine
sensible jusqu’à six heures. A ce moment, la mer commença à diminuer sensiblement en intensité si bien que
vers midi la tempête ne présentait plus rien d’insolite.
En ce qui concerne la hauteur des flots proprement dite.[...] j’estime pourtant qu’elle devait dépasser
quatre mètres soit parce que le commandant du port assure que les lames déferlaient sur le parapet du môle
extérieur qui s’élève à 9,97 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer, soit parce que dans l’intérieur du
port [...]la différence de niveau entre les moments de montée et de descente des flots atteint bien 2,50
mètres.
Dans la matinée, vers huit heures, la hauteur des flots le long de la plage parallèle au théâtre et au
boulevard du Midi était encore de 2,80 mètres. Si, de la hauteur des flots nous passons à celle des embruns,
il semble que son maximum ait été à la pointe de Raubacapeu où, d’après les renseignements, elle devait
monter à 35 ou 40 mètres de hauteur.[...]
Article du Petit Niçois sur la tempête du 16 janvier 1885
Tempête à Nice sur la promenade des Anglais, 5 janvier 1919, photo Y. Vallée, 45Fi 95
Article de L’Illustration sur la tempête qui a touché la Côte d’Azur le 31 octobre 1906
Courbe des effets de houle au port de Nice et carte de la dépression du 30 janvier 1986 en
Méditerranée occidentale, 824W 74
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Article de Nice-Matin sur la tempête du 28 décembre 1999
Article de Nice-Matin sur la tempête du 7 décembre 2003
LES MOUVEMENTS DE TERRAIN
La constitution géologique des Alpes du Sud et le relief caractérisé par des pentes
accentuées sont deux facteurs déterminants du risque d’érosion. Les Alpes sont presque partout
composées de roches très dures alternant avec des couches plus tendres. Les talus marneux
couronnés par des escarpements de calcaire compact sont rongés par les infiltrations des eaux ce
qui entraîne des éboulements successifs de roches fissurées et désagrégées par le gel. Dans les
Alpes-Maritimes, les sols offrent une faible résistance à l’érosion et le relief est marqué par de
fortes déclivités puisqu’en moins de 100 kilomètres on passe du niveau de la mer à plus de 3000
mètres. Ceci explique que le risque soit généralisé à l’ensemble du territoire. Si 118 communes
sur 163 sont toujours touchées par les risques de feux de forêts, et 148 par les inondations, c’est la
totalité des 163 communes du département qui est affectée par les mouvements de terrain. Au
cours des deux derniers siècles, les Alpes-Maritimes ont été touchées par environ cent cinquante
événements majeurs qui ont fait plusieurs dizaines de morts et de blessés et d’importants dégâts
matériels sur les édifices et les routes. Ces mouvements sont de plusieurs types : écroulements
rocheux par chutes de blocs (Plan-du-Var) glissements de terrain en volumes importants
(Roquebillière, Puget-Théniers et La Clapière), coulées boueuses (Menton), effondrements dans
les calcaires ou les gypses (La Bollène et Nice-Cimiez en 2005). Dans tous les cas, si le contexte
géologique est particulièrement favorable aux mouvements de terrain, l’eau en constitue le
facteur déclenchant. En 1883, à Grasse, un rapport d’expert conclut : « les éboulements de murs
et les glissements de terrain qui se sont produits ont pour unique cause les eaux pluviales qui,
faute de drainage, s’infiltrent dans les terrains cultivables qu’elles pénètrent et détrempent jusqu’à
ce que rencontrant la couche argileuse ou imperméable elles s’écoulent entre deux et déterminent
le glissement des couches supérieures ». Dans un autre exemple en 1959 à Vence, à la suite de
longue périodes pluvieuses des précédentes années, une masse ébouleuse ancienne provenant de
sédiments alpins est elle aussi affectée de mouvements sous l’influence des eaux d’infiltration et
de ruissellement parvenues rapidement au dessus des couches de marnes imperméables.
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Carte géologique des Alpes-Maritimes par Jorda, Redondeau et Rousset
Cône d’éboulis dans les marnes et gypses triasiques à Guillaumes, 1912, 23Fi 1379
Ravinement du talus de la route départementale conduisant à Saint-Dalmas-le- Selvage, 1961, 139W 9
Plan d’un éboulement dû à des infiltrations d’eau à Grasse, 1883, 3U2/654
Schémas montrant le processus d’un glissement de sédiments alpins recouvrant des marnes qui s’est
produit à Vence, 1960, 201W 229
Rapport de l’inspecteur des Eaux et Forêts sur les ravinements du ravin de Beroulf dûs à la pente et à
la nature des sols, 1909, E49/225 11O2
Le ravin de Béroulf prend naissance vers la côte 1109, sur une ligne de crête secondaire qui se détache au
sud de la cime de Linéras ; il vient se jeter dans la Bévéra après un parcours d’environ 5 kilomètres à la
hauteur des gorges de Piaon (400 mètres d’altitude) sensiblement en amont du village de Sospel. [...]
L’ensemble du bassin est taillé dans les calcaires marneux du sénonien, en contact normal avec des
calcaires à nummulites alternant vers la crête avec des couches de flysh gréseux.
Les berges du ravin de Béroulf et de ses affluents sont à pentes raides, parfois à pic, avec des arrachements
marqués dans les parties hautes ; ces berges sont en voie de glissement dans la partie moyenne du versant
rive gauche qui est recouvert de cultures et d’olivettes prospères. Le restant du bassin est occupé par un
pâturage à moutons en assez médiocre état. [...] Un canal d’irrigation qui traverse cette berge au-dessus et
parallèlement au chemin supérieur de Béroulf à Sospel provoque en grande partie ce glissement par ses
infiltrations.
Plan d’un glissement de terrain lié aux infiltrations d’eau d’un canal d’alimentation des moulins à La
Turbie, 1892, 3U1/1168
12
LES CHUTES DE ROCHERS
Les éboulements rocheux en masse ou sous forme de blocs isolés sont fréquemment
observés dans les gorges (défilé de la Mescla notamment). Ils entraînent des coupures de routes
préjudiciables à l’économie et ont fait des victimes. Les roches qui se détachent proviennent soit
de barres rocheuses par rupture d’équilibre, soit des talus par glissement sur des surfaces très
inclinées. Les rochers exposés aux intempéries s’effritent sous l’effet du gel. En 1927, à SaintDalmas-le-Selvage, un rocher fissuré qui domine le village d’une hauteur de 200 mètres se
détache à la suite des pluies de novembre. En dessous, un talus d’éboulis incliné à 45° fait dévaler
plusieurs blocs jusqu’aux abords des maisons. Le rapport des Ponts et Chaussées ne propose pas
la destruction par explosif contrairement au souhait du maire en raison des risques de dommages
aux maisons. Par manque de moyens, on est alors désarmé et l’implantation ancienne du village
montre qu’on a parfois composé avec les risques naturels, faute de pouvoir les éviter totalement
dans des régions très exposées. Au XXe siècle, les travaux d’élargissement des routes de
montagne pour les besoins de la circulation automobile ont entamé les parois rocheuses et
fragilisé les falaises. La multiplication des accidents a conduit à partir des années 80 à la pose de
grands filets métalliques de protection afin de prévenir les chutes de pierre mais l’ampleur de la
tâche et le coût ont réduit la mise en œuvre. Des éboulements de rochers sont fréquemment à
l’origine de l’interruption de la circulation, par exemple à Fontan en 1998, au nord de Breil en
2000 ou à Saint-Sauveur en 2006.
104-105 Profil et plan des chutes de rocher sur le village de Saint-Dalmas-le-Selvage, 1927, 2O 1034
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Expertise de chute de rochers sur la commune de Grasse, 1923, 3U2/681
Le 26 mai 1923 à 21 heures 30, alors que Monsieur Lazzeri, Madame Lazzeri et leur enfant se trouvaient
à l’intérieur de leur maison de campagne située sur le vieux chemin de Saint-Christophe, un rocher
provenant de la montagne est tombé à une trentaine de mètres de l’habitation en causant des dégâts assez
importants aux arbres et aux cultures. A la suite de démarches faites par Monsieur Lazzeri et ses voisins
sous l’émotion et l’impression de cet accident, Madame d’Andon, propriétaire des terrains d’où semblait
provenir le rocher éboulé, fit faire par Monsieur Peirone, entrepreneur de terrassement, le débitage d’un
second rocher qui menaçait de tomber à son tour. Au cours de ce travail, une portion du bloc attaqué par
des ouvriers se détacha brusquement le 17 octobre à 10 heures 30, alors que Madame Lazzeri et son
enfant se trouvaient dans leur propriété et vint s’arrêter non loin d’eux en les couvrant de débris et de
poussière et en causant des dégâts importants.
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Profils de l’écroulement rocheux de Cap-d’Ail, 3U1/1217
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Vue de la maison détruite par la chute de rocher de Cap-d’Ail, 3U1/1217
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Article de Nice-Matin du 9 mai 2007 sur l’exposition des routes des Alpes-Maritimes aux chutes de
rochers
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Installation de pièges à blocs au col de Braus en 1988, photo Laboratoire départemental de
l’Equipement, 22Fi 880314
L’ÉCROULEMENT ROCHEUX SUR PLAN-DU-VAR
Le 30 mars 1963, un écroulement rocheux détruit une partie du hameau de Plan-du-Var.
Des blocs pesant chacun plusieurs dizaines de tonnes s'abattent sur les maisons et notamment sur
l'école communale où l’institutrice, son mari et un de leurs enfants sont tués. Sept maisons sont
endommagées ou détruites. Au cours de leur descente, les blocs ont ouvert deux brèches dans le
canal de la Vésubie qui alimente en eau la ville de Nice. Le canal se vidant de son eau, des
centaines de mètres cubes d’eau dévalent la pente en emportant sur leur passage les éboulis
meubles pour les déposer sur les lieux sinistrés. Leur déblaiement demandera plusieurs jours.
L’enquête montre que les blocs responsables de la catastrophe proviennent d’un goulet
d’éboulement de la falaise dominant le hameau, constituée de calcaires du Jurassique supérieur
disposés en bancs épais de 0,50 à 3 mètres, séparés les uns des autres par des joints marneux et
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fracturés par des cassures, ou diaclases. De plus, la pente de ces bancs est, dans ce goulet
d’éboulement, orientée vers le vide. L’action de l’eau et du gel, les variations de température, les
racines d’arbustes ont favorisé la dissolution des joints et l’agrandissement des diaclases. A la
suite de la pluie, les blocs ont glissé les uns sur les autres, basculé et culbuté jusqu’au hameau. Ce
dernier se révèle en fait être construit sur un cône de déjections formé de terre, de graviers et de
roches provenant des parties supérieures de la montagne et amenés par le goulet d’éboulement.
Les constructions qui se sont faites tardivement depuis la fin du XIX e siècle auraient dû être
implantées dans l’axe du goulet. Un premier éboulement destructeur, en 1925, n’a pas remis en
cause l’urbanisation malgré la connaissance du risque.
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Article de Nice-Matin sur la chute de rochers de Plan-du-Var le 30 mars 1963
Montage photographique d’étude de l’éboulement annexé au rapport d’expertise, juin 1963, 722W
295
F1-F2 (jaune) zone où se sont détachés les rochers
AB goulet d’un cône de déjection par lequel sont tombés les rochers
CD point de rupture du canal de la Vésubie
1-2-3 localisation des trois rochers tombés sur le hameau
tracé vert : ligne de chute des rochers
tracé jaune : écoulement d’eau accidentel du canal de la Vésubie
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Vues du déblaiement des rochers et des matériaux qui ont envahi le hameau de Plan-duVar, photo Laboratoire départemental de l’Equipement, 22Fi63 040310, 16, 54, et 62
EFFONDREMENTS ET GLISSEMENTS
DANS LA VÉSUBIE
En raison de sa formation géologique, la moyenne vallée de la Vésubie est affectée par
d’importants mouvements de terrain. En effet, le Trias supérieur fait saillie, dans la région de
Lantosque, Roquebillière, La Bollène-Vésubie et Belvédère, entre des terrains plus récents qui le
bordent de chaque côté. Le Trias supérieur est formé de gypse, de marnes, de dolomies et de
roches jaunes magnésiennes appelées « cargneules ». Même s’il se montre peu perméable aux
eaux d’infiltration, le gypse qui le compose est soluble et se dissout quand l’eau réussit à rentrer
dans le sous-sol, notamment sous l’action d’une irrigation trop importante. Il peut se former à
l’intérieur des masses gypseuses des crevasses et de grandes cavités souterraines qui, en
s’effondrant, s’agrandissent et font apparaître en surface de véritables entonnoirs. L’instabilité de
ces terrains se manifeste par de fréquents glissements, éboulements et ravinements. C’est le cas
de la Bollène-Vésubie où les quartiers Nord et Est, construits sur du gypse, sont affectés par des
affaissements ainsi que les bâtiments qui y sont édifiés. A Belvédère, le quartier Saint-Antoine,
constitué de gypse et de marne, est particulièrement dangereux. A Lantosque, le quartier du Pivol,
construit sur un cône d’éboulis gypseux, est en équilibre instable et a nécessité une démolition
partielle en 1969. La place des Tilleuls et la route nationale sont aussi concernées par ce
phénomène comme le prouve l’effondrement d’une partie des maisons du quartier le 20 décembre
1977. Notamment à La Bollène-Vésubie, la responsabilité de l’irrigation intensive a été attestée et
des mesures ont été prises en 1927 puis en 1949 pour limiter les quantités d’eau distribuées.
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Rapport des Ponts et Chaussées sur un glissement de terrain à Lantosque, 15 janvier 1861, 3O 274
Les terrains dépendants du hameau de Pélasque qui n’est formé que par des habitations éparses sans
agglomérations, occupent un vaste coteau compris entre la vallée de la Vésubie et son affluent le vallon de
Figaret, creusés tous les deux à une grande profondeur au dessus des crêtes. Ce coteau présente
ultérieurement de vastes bancs de gypse et supérieurement tantôt des terrains marneux mêlés de bancs
calcaires, tantôt des grès sablonneux et argileux sans adhérence et facilement entraînés par les eaux.[...]
De semblables terrains, ainsi profondément creusés, produisent, lorsque les pluies sont abondantes, de
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fréquents éboulements en général peu étendus et qui n’occasionnent que de faibles dommages mais les
dernières pluies de cet hiver y ont été désastreuses. [...] Sur le versant Nord, le mouvement a été
infiniment plus considérable. Le terrain y est, en majeure partie, composé de grès brisés dans tous les sens
et mêlés à un terrain sablo-argileux sans consistance. Les eaux des vallons des Sauses et de Fargues y
avaient creusé des ravins d’une très grande profondeur et coupé ainsi les talus qui soutenaient les masses
supérieures. En outre, des sources nombreuses surgissent dans cette saison au milieu des grès ou par
dessous et forment en aval de l’éboulement un fort courant d’eau dans le ravin. La masse supérieure,
détrempée par les dernières pluies a, dans le courant du mois de décembre dernier, perdu son équilibre et
s’est mise en mouvement lentement vers les points inférieurs ; elle a marché ainsi pendant sept à huit
jours et elle ne s’est arrêtée que lorsque les ravins ont été comblés et qu’à sa base le nouveau talus a été
assez fort pour la soutenir. Le déplacement a été en plusieurs points de 40 à 50 mètres. L’espace sur
lequel s’est propagé l’éboulement et qui est représenté sur le plan par une teinte bistre, a une contenance
d’environ 31 hectares. Il ne se trouvait heureusement, sur une aussi grande surface, qu’une seule maison
de campagne de peu de valeur ; l’éboulement a commencé près l’église, à quelques mètres seulement de
plusieurs habitations importantes, sans les atteindre. [...] Un mouvement aussi considérable que celui qui
a eu lieu ne pouvait s’effectuer qu’en brisant et bouleversant le sol dans tous les sens, aussi y rencontre-ton à chaque pas de larges fentes, des accidents nouveaux, des murs complètement détruits et de grands
châtaigniers renversés ou fortement inclinés, quoique la plupart des arbres aient été entraînés dans le
mouvement sans perdre leur position verticale.
Etat des dégâts causés par les orages d’octobre et novembre 1926 dans les Alpes-Maritimes, la
Vésubie ayant été particulièrement touchée, 2O 947
Carte au 1/50000 des glissements de terrain de la moyenne vallée de la Vésubie, 1926, 2O 947
Carte au 1/20000 de la zone d’éboulement de Roquebillière, 1926, 2O 947
Rapport de gendarmerie sur des éboulements consécutifs aux fortes pluies dans la vallée de la
Vésubie, 17 novembre 1933, 1M 978
Articles de Nice-Matin sur le glissement de terrain de Lantosque, 21-22 décembre 1977
Coupe géologique du secteur de la Bollène-Vésubie, vers 1950, 69W 82
LA CATASTROPHE DE ROQUEBILLIÈRE
Le 24 novembre 1926, un glissement de terrain vient submerger le village de
Roquebillière, démolissant onze maisons, dont la mairie, et engloutissant dix-neuf personnes.
Cette catastrophe est attribuée par la commission d’enquête à un double phénomène
d’effondrement et de glissement de terrains situés sur la commune de Belvédère, favorisé par les
pluies exceptionnelles tombées sur la région en octobre et novembre 1926. Des torrents d’eau ont
détrempé le sol et le sous-sol de la région pendant plusieurs semaines (1662 mm relevés à
Venanson pendant les 31 jours qui ont précédé la catastrophe soit autant que pour l’année).
Partout où les terrains argileux ou gypseux s’y prêtaient, des éboulements et des coulées boueuses
devenaient possibles. Le mécanisme de la catastrophe apparaît alors clairement. Sous l’influence
des pluies ininterrompues, le sol s’imprègne d’eau, se transforme progressivement en une masse
argileuse gluante et se fissure, facilitant l’introduction souterraine des eaux. Celles-ci se
précipitent dans les cavernes gypseuses et, en accentuant la dissolution du gypse, provoquent leur
effondrement. Dans le même temps, les eaux infiltrées savonnent les plans de glissement sur
lesquelles la masse supérieure plastique, presque fluide, s’écoule, facilitée par la forte pente du
sol. La « loupe » décollée près du cimetière de Belvédère mesure 300 mètres de large et 50
mètres de profondeur, soit un volume de terre déplacé estimé à deux millions de mètres cubes. La
coulée, large de 60 mètres, mesure un kilomètre de long. D’autres glissements se produisent les
jours suivants. La commission d’enquête a mis en cause les méthodes d’irrigation trop intensives
des Belvédérois qui inondaient leurs prés pendant la saison chaude pour augmenter les récoltes de
fourrage. Outre le drame humain, les répercussions économiques et sociales de cette catastrophe
seront importantes. Le site du village doit être abandonné et une nouvelle agglomération
construite dans l’entre-deux-guerres sur la rive opposée.
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Une du Petit Niçois annonçant la catastrophe de Roquebillière, 25 novembre 1926
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Vue du glissement de terrain de Roquebillière, cliché Fournier, 3Fi 11715
Vue d’une maison du village effondrée, 1S 343
Rapport de Philippe Corniglion-Molinier au conseil général pour l’attribution d’une subvention en
vue de la reconstruction du village, 1928, 2O 497
Au lendemain de l’éboulement du 24 novembre 1926 qui détruisit la Mairie, la Justice de Paix, la
coopérative laitière, un grand nombre de maisons d’habitations et provoqua la mort de 19 personnes, le
conseil municipal et quelques sinistrés de Roquebillière pensèrent qu’il était peut-être permis malgré tout
de sauver le reste du village. Mais hélas, après la visite de MM. Joyan et Trote, inspecteurs généraux des
Ponts-et-Chaussées, cet espoir fut anéanti. Quelques jours après, M. le Préfet nomma d’ailleurs une
commission de 12 membres, sous la présidence de M. le Professeur Léon Bertrand, pour examiner la
situation à fond. Il résulte des divers rapports dressés par les experts composant cette commission
officielle, que le danger d’un nouvel éboulement existe et qu’à la suite d’une pluie persistante une masse
énorme actuellement détachée de la montagne reposant sur un plan incliné à 45° à base d’argile, se
trouvant à l’Est du village, peut détruire en quelques minutes le surplus de ce bourg et provoquer alors
plusieurs centaines de victimes.
En présence des éboulements partiels qui se sont produits depuis et qui ont détruit d’autres immeubles, la
population, comprenant que sa vie est en danger, a déserté en grande partie le village. Quelques
habitants utilisent depuis la première catastrophe les arches du pont en maçonnerie qui donne accès à
l’église et qui ont été transformées pour la circonstance en appartements. Plusieurs autres ont dû se
réfugier dans des maisons de campagne éloignées et d’un accès très difficile. Ceux-ci n’ayant pas l’eau
potable nécessaire pour les besoins de leurs ménages sont obligés de faire tous les jours plus de quatre
kilomètres à l’aller et autant au retour, pour venir chercher dans la Vésubie cet aliment indispensable.
Quelques rares privilégiés profitent des barraques qui ont été construites sur la place de l’église et au
vallon de Cervagné ; Mais malgré la meilleure volonté de M. le Préfet et de la municipalité, auxquels je
suis heureux de rendre ici un public hommage pour leurs heureuses initiatives et leur grand dévouement,
il a été matériellement impossible d’abriter tous les sinistrés.
De nombreuses familles ont été fatalement amenées ainsi à réintégrer les anciens foyers, mais dès qu’une
pluie survient, ces pauvres créatures fuient immédiatement et s’éloignent du village dans la crainte d’une
nouvelle catastrophe.
Devant cette situation lamentable, qui dure depuis 18 mois, la municipalité a dû se rendre à l’évidence et
envisager la reconstruction du village. A la suite du référendum, qui a été organisé par le conseil
municipal, les habitants ont choisi le quartier du Cros, désigné d’ailleurs par les experts pour y établir ce
nouveau village. Une coopérative, comprenant la presque totalité des habitants a été constituée. »
Corniglion Molinier, conseiller général, 1928
Vue des sinistrés de Roquebillière, 1S 343
Schéma de l’éboulement de Roquebillière, 1S 343
LES COULÉES BOUEUSES DE MENTON
Le 24 avril 1952, des coulées de boues endeuillent Menton en détruisant une trentaine de
maisons dans les vallons du Careï, du Borrigo et de Gorbio. Onze personnes périssent ensevelies
ou noyées tandis qu’une quinzaine d’autres sont blessées. Les causes de la catastrophe sont à la
fois géologiques et climatiques puisqu’il s’agit de glissements de terrain superficiels dus à l’eau.
En effet, le bassin de Menton est constitué de grès sur une épaisseur de 300 à 400 mètres. Dur
dans le socle, il est altéré néanmoins en surface par les eaux d’infiltration qui y pénètrent par des
fissures très fines. Sous l’action de l’eau, le grès devient friable et se transforme en sable. Les
nombreux torrents traversant Menton ont accentué le phénomène en découpant le bassin en
ravines aux pentes abruptes. Par ailleurs Menton a été soumise, les 23 et 24 avril, à des pluies
diluviennes (215 litres d’eau relevés par mètre carré) qui, déversées sur le terrain sablo-argileux
issu du grès, a transformé sa tranche superficielle en boue liquide. Suivant la pente, cette boue a
coulé comme une lave fluide, à une vitesse de 15-20 mètres seconde. Parmi les solutions
préconisées à l’époque par le professeur Coroy, auteur de l’étude géologique de la catastrophe,
figure l’interdiction de construire sur des terrains instables et le reboisement, remède efficace
contre l’érosion.
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Article de Nice-Matin sur la coulée boueuse de Menton, 25 avril 1952
Vue d’une maison effondrée, avril 1952, photo Mario Marquet, 44Fi 206
Vue de la zone emportée par la coulée, avril 1952, photo Mario Marquet, 44Fi 207
Etude géologique de la catastrophe de Menton, 660W 436
Pages de Paris-Match sur la tragédie de Menton, avril 1952
LE GLISSEMENT DU PLATEAU DU BREUIL
Le 30 janvier 1948, un glissement de terrain se produit sur le territoire de PugetThéniers, à trois kilomètres de l’agglomération. Comme dans la Vésubie, nous trouvons à
l’origine du phénomène la présence de terrains triasiques qui constituent le soubassement de la
terrasse écroulée. Cette dernière recueille la plus grande partie des eaux de la montagne du
Gourdon qui circulent en sous-sol, dissolvent les gypses et forment des cavernes qui
s’agrandissent sans cesse jusqu’à créer des entonnoirs en surface. La circulation souterraine de
l’eau a dû également être gonflée par des pluies abondantes tombées la semaine précédant la
catastrophe. Il est également probable qu’une partie des eaux du Var s’est insinuée dans les
gypses et a accéléré leur dissolution. Dès lors le mécanisme du glissement est facile à
comprendre. Sous la pression des eaux souterraines, une ou plusieurs poches ont rompu, projetant
des matériaux dans le sens horizontal en travers de la vallée. La poussée interne, considérable,
s’est vraisemblablement traduite par une sorte d’explosion. Une partie de la berge de la rive
droite du Var, la terrasse du Breuil, s’effondre dans le lit du fleuve, coupe la route nationale et la
voie ferrée, pourtant situées sur la rive opposée, et enfin fait barrage au cours de l’eau, donnant
naissance à un lac qui submerge les cultures et le lit majeur du Var sur près d’un kilomètre de
longueur et sur une superficie d’environ 8 à 10 hectares. Pour éviter la rupture brutale du barrage,
un chenal a été creusé et a permis la baisse progressive du niveau du lac. Néanmoins, la
circulation est restée interrompue pendant plusieurs semaines.
136-137 Article de Nice-Matin sur le glissement de terrain du Breuil à Puget-Théniers, 1er février 1948
138
Croquis de l’éboulement et de la constitution d’un lac de barrage, extrait de la Revue de géographie
alpine, 1948
139
Vue d’une barque sur le lac, photo Laboratoire départemental de l’Equipement
140
Vue du chenal creusé pour assurer l’écoulement du lac, photo Laboratoire départemental de
l’Equipement
141
Vue générale du site et de l’éboulement formant barrage, photo Laboratoire départemental de
l’Equipement
142
Vue générale du lac, photo Laboratoire départemental de l’Equipement
LE GLISSEMENT DE LA CLAPIÈRE
Le glissement de la Clapière, en aval de Saint-Etienne-de-Tinée, déplace un volume de
matériaux rocheux évalué à 50 millions de mètres cubes sur une surface de 85 hectares et une
dénivelée de 652 mètres. Il est un des plus importants et des plus graves connus dans les Alpes.
Depuis plusieurs décennies, des mouvements plus ou moins rapides affectent cette masse
composée de gneiss et de granites. La surface est marquée par des glissements, des basculements
de terrasse, des fissurations et des chutes de blocs atteignant parfois 1000 mètres cubes. La
vitesse a crû depuis 1976 et la route qui longeait la Clapière est devenue inutilisable. Cette
accélération a fait craindre un éboulement massif obstruant la vallée. Pour évaluer cette menace,
un système de surveillance a été mis en place et permet de suivre en direct le glissement. Entre
fin 1982 et fin 1986, la progression a été de 13,30 mètres et pendant l’été 1987 de 80 millimètres
par jour pendant trois mois. Les parades mises en place ont consisté d’abord à construire une
nouvelle route d’accès à Saint-Etienne-de-Tinée en rive droite et par le creusement en rive droite
17
d’une galerie souterraine destinée à vidanger l’éventuel lac de barrage qui serait provoqué par
l’éboulement brutal de la Clapière.
Lettre du directeur départemental de l’agriculture informant le préfet d’un glissement de terrain au
lieu-dit de la Clapière à Saint-Etienne-de-Tinée, 4 décembre 1972, 179W29
144
Carte de situation du glissement de terrain à la Clapière à Saint-Etienne-de-Tinée, étude du BRGM,
1988, 691W 126
145-146 Vues montrant l’évolution du glissement de terrain de la Clapière entre mars et juillet 1989, photo
Laboratoire départemental de l’Equipement
147
Dessin montrant la morphologie de la Haute-Tinée, étude du BRGM, 1988, 691W 126
148
Carte géologique de la zone de glissement de la Clapière, étude du BRGM, 1988, 691W 126
149
Croquis de simulation des retenues d’eau en cas d’obstruction du cours de la Tinée par
l’éboulement, étude du BRGM, 1988, 691W 126
143
LES SÉISMES ANCIENS
Le territoire français bénéficie d’une relative tranquillité face aux tremblements de terre.
Eloigné des zones de fortes déformations que représentent les frontières des plaques tectoniques,
le pays est resté à l’écart des terribles catastrophes survenues dans plusieurs régions du monde
comme le Japon, la Californie, ou plus près l’Italie. Mais si l’aléa est modéré, le risque peut être
majeur et la vulnérabilité dépend de la densité locale de la population et de la nature des biens
exposés. Au contact des plaques tectoniques européenne et africaine, la zone méditerranéenne en
général et le Sud-Est de la France en particulier peuvent être le siège de secousses sismiques lors
des réajustements de plaques. C’est en 1494, à Roquebillière, que l’on situe le plus ancien
tremblement de terre historiquement connu dans les Alpes-Maritimes, cité tardivement par
l’historien Durante en 1823. L’un des plus violents s’est produit le 20 juillet 1564. Des archives
témoignent de l’importance des répliques qui se sont succédées à huit reprises entre juillet et
septembre 1564. Son épicentre se situe en haute Vésubie. D’autres séismes de moindre envergure
ont affecté les Alpes-Maritimes, notamment le 15 février 1644, là encore en Vésubie où l’on
dénombre quatre victimes dont trois à Belvédère.
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Carte de rencontre des plaques tectoniques en Méditerranée, André Laurenti
Schéma des failles dans les Alpes du Sud, André Laurenti
Carte de reconstitution probable des effets du tremblement de terre du 20 juillet 1564, André
Laurenti
Vue en perspective de la zone du séisme de 1564, dessinée par un témoin, le génois Mogiol,
Bibliothèque universitaire d’Erlangen (Allemagne)
Ephéméride du notaire François Arnulphy mentionnant le tremblement de terre de 1564 et ses
répliques, 3E100/29
A 20 de juillet post ave grand vent et tremblament de la terre et environ la demye nuyt autre tremblament
de terre que a mys par terre toutes les maysons de la Bolène et dez autres lieux en terre neufve2 et y sont
mortz beau cop de gens.
A 26 de juillet a retourné d’avant jour ledit tremblement de terre dont c’est faicte la procession générale
au présent lieu du Broc et dict grand messe à la annontiation de Notre Dame de la Foulx pour prier dieu
vulhe avoir miséricordie du pauvre puble et cesser son ire et la métigier.
Le luns dy dernier jour de Juillet hure de vespres, encors est retourné le tremblement de terre.
Le 5 d’aoust la nuyct encores est venu le tremblement de la terre.
Sabemedy 19 de aoust a esté le tremblement de terre dont à Nice et alz portalz a faict a chacune porte a
scavoir de St Aloy, la payroliere de limppe ( ?) et a la marine, ung grand puys grandeur de ung vayseau
de dix charges et d’une canne3 de profond.
Le 27 d’aoust de matin encores a esté tremblement de terre.
Le luns dy 4 de septembre une hure davant jour a esté tremblement de terre.
Terre neuve de Provence, expression qui désigne alors le Comté de Nice.
La canne de Nice correspond à 1,984 m.
18
Le Samedy 23 de septembre a hure de sohel de vespre encore tremblement de terre avec vent.
Luns dy 25 de septembre de grand matin encores grand tremblement de terre.
Mercres dy 27 de septembre temps pervers et grandes pluyes la nuyct et jour.
Vendres dy 29 de septembre plus remps pervers avec tonoyres et fouldre et grand ruyne en plusieurs lieux.
Le [13] jour d’octobre est arrivé le roy notre seigneur à Aix en Provence.
A 7 de novembre environ demye nuyct tremblement de terre.
Le 16 de [...] la nuyct environ une heure après demye nuyct grand tremblement de terre.
155-156 Mention du tremblement de terre de 1644 et des victimes dans un registre de catholicité de
Belvédère, Archives diocésaines de Nice
Le 15 février 1644 s’est produit le grand tremblement de terre lequel fit de grands prodiges et dans ce
même lieu de Belvédère moururent seulement trois personnes, la femme de Guillaume Gastaldo et un de
ses fils, illégitime, et l’épouse de Bartholomé et mon frère François à Roquebillière.
Pierre de Laurentis, curé de la paroisse Saint-Pierre de Belvédère.
Le 15 février est morte Jeannette Gastaldo, épouse de Guillaume Spurio,
Le 15 sont morts également Louis Spurio et Claudette Volta épouse de Bartholomé à cause du
tremblement de terre
le 15 février est mort mon frère François à cause du tremblement de terre.
LE TREMBLEMENT DE TERRE DE 1887
La sismicité de la Côte d’Azur est faible par le nombre d’épicentres mais parfois forte
par l’intensité. Le 23 février 1887, au petit matin, en pleine période de carnaval, trois violentes
secousses sèment la panique et la désolation dans toute la Ligurie et le pays niçois. C’est le plus
violent tremblement de terre depuis le XVIe siècle. La zone la plus affectée est la Riviera
italienne entre Oneglia et Diano Marina où l’on dénombre plus de 600 morts dont 217 dans la
seule église de Baïardo qui s’est effondrée sur les fidèles. Dans les Alpes-Maritimes les dégâts
sont de moindre ampleur. C’est la ville de Menton qui est la plus touchée. Beaucoup de maisons
de la vieille ville sont lézardées et en partie écroulées. Certains villages du haut pays connaissent
aussi des destructions sévères. Le 3 mars 1887, le préfet indique que Castillon est « anéanti » et
en décide le déplacement lors de la reconstruction. Le séisme qui a son origine en mer au large de
la côte italienne a été enregistré par les premiers sismographes installés aux observatoires de
Moncalieri et de Perpignan. Outre les destructions de bâtiments, le séisme a eu pour conséquence
des mouvements de terrain et un raz-de-marée qui s’est manifesté par un retrait puis une vague
d’environ un mètre à Cannes et Nice.
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Carte de la zone touchée par le tremblement de terre du 23 février 1887, 1J 566
Ex-voto peint à la suite du tremblement de terre par un habitant de Vintimille, photo M. Graniou
Récit de Nietzsche, témoin du tremblement de terre pendant son séjour à Nice
Hier, écrit-il, Nice clôturait son carnaval international et voici que six heures après, la dernière
girandole à peine éteinte, nous avons été régalés d’un divertissement d’un genre nouveau. Il s’agit de la
charmante perspective qui, tout à coup, s’est entrouverte à nous de nous voir engloutis d’un moment à
l’autre (…). C’est un sentiment cocasse que d’entendre dans ces vieilles bâtisses le craquement comme
d’un moulin à café et de voir l’encrier se mettre à danser tout seul sur la table, cependant que les rues
s'emplissent de promeneurs à demi-vêtus et retentissent de crises de nerfs. J’ai fait tout gaillard une petite
ronde dans les différents quartiers à la recherche de ceux où il y avait le plus de panique. La population
campe en ce moment tout entière en plein air ; on circule comme dans le bivouac d’une armée en
campagne. Dans les hôtels en partie effondrés, j’ai rencontré quelques connaissances, hommes et femmes
tous étendus sous les arbres, bien emmitouflés (car il fait un froid de loup) et qui blêmissaient à la plus
légère secousse. Voilà qui donnera le coup de grâce à la saison ! Impossible de décider les étrangers à
reprendre leur place à la table d’hôte. Ils mangent et boivent à ciel découvert. A part une vieille dame très
pieuse, fermement convaincue que Dieu n’ose pas lui faire de mal, je suis resté seul vaillant parmi tous
ces systèmes nerveux tendus et vibrants.
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Relevés des sismographes de Moncalieri, Greenwich et du marégraphe de Gênes
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Carte des effets du tremblement de terre de 1887 dans les Alpes-Maritimes, André Laurenti
164
Gravure publiée dans La République illustrée montrant la panique de la population à Nice, 1887,
1J 263
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Vue des destructions à Diano Marina en Ligurie, 1887, 1J 566
Liste des dégâts provoqués par le tremblement de terre à La Bollène, E13/1I5
Plan de l’école de Sospel mentionnant les dégâts, 11 juin 1888, E49/204
Vue d’une maison effondrée à Bar-sur-Loup, 1J 566
Gravure représentant une école maternelle effondrée à Nice publiée dans La Science illustrée, 28
janvier 1888
Vue de ruines dans le village de Castillon, 3Fi 900
SECOUSSES SISMIQUES ET PRÉVENTION
AU XXe SIÈCLE
Le XXe siècle n’a pas été marqué par d’importants séismes dans les Alpes-Maritimes.
Les dernières secousses fortes datent des 19 juillet 1963, 22 avril 1995 (4,7 sur l’échelle de
Richter), 26 février 2001 (4,6). Elles n’ont pas fait de victimes ni provoqué de dégâts. Cependant
elles démontrent la permanence de l’exposition du département au risque. Ce n’est pourtant qu’à
la fin des années soixante que l’on a commencé à édicter des mesures de préventions. Depuis
1969, les bâtiments doivent répondre à des règles de construction parasismiques particulières et
depuis le 1er août 1994 ces dispositions ont été étendues aux maisons individuelles. La
diminution de la vulnérabilité du bâti est très lente en raison de la forte urbanisation antérieure et
une étude de 1997 révèle que 98 % de la ville de Nice ne satisfait pas à la norme. Les voies
autoroutières comportant de nombreux ouvrages d’art dus à la topographie ont été également
réalisées en tenant compte du risque. Ainsi le viaduc de Magnan qui domine de 120 mètres le
vallon de la Madeleine a des fondations à 19 mètres sous terre. Outre la législation qui a défini les
zones à risque en 1991 et élaboré des règles de prévention, l’information de la population est
capitale pour éviter des erreurs de comportement qui peuvent avoir des conséquences
dramatiques lors de séismes si les habitants ne sont pas préparés. En effet, le risque tremblement
de terre vient de façon brutale sans qu’on puisse le prévoir ce qui empêche la mise en œuvre des
systèmes d’alerte utilisés pour les autres risques.
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Pendule arrêtée à l’heure de la secousse sismique le 19 juillet 1963 à Nice
Dégâts légers provoqués par le séisme du 19 juillet 1963 à Nice
Article du Patriote sur le tremblement de terre du 19 juillet 1963
Article de Nice-Matin sur l’évaluation des risques sismiques dans les Alpes-Maritimes, 29 octobre
1989
Article de Nice-Matin sur la plus forte secousse ressentie à Nice à la fin du XXe siècle, 22 avril 1995
Document d’information de la préfecture des Alpes-Maritimes concernant la conduite à tenir en cas
de séisme, 1994, BrC 435
Carte du zonage sismique de la France pour l’application de la législation parasismique en matière
de constructions d’après Despeyroux et Godefroy, 1985, III 8323
20
Table des matières
Panneaux
pages
1
Climat et relief facteurs d’inondations
2
2
L’aggravation du risque
3
3
Cours d’eau de haute montagne : les crues d’automne
4
4
Les crues de printemps
4
5
Cours d’eau des Préalpes : la Siagne
5
6
Le Loup
6
7
Les avalanches
7
8
Les incendies de villages de montagne
7
9
Les incendies de forêt méditerranéenne
8
10
Les ravages dans l’Esterel
9
11
Le renforcement des moyens de lutte
10
12
Les tempêtes
11
13
Les mouvements de terrain
12
14
Les chutes de rochers
13
15
L’écroulement rocheux sur Plan-du-Var
13
16
Effondrements et glissements dans la Vésubie
14
17
La catastrophe de Roquebillière
15
18
Les coulées boueuses de Menton
16
19
Le glissement du plateau du Breuil
17
20
Le glissement de la Clapière
17
21
Les séismes anciens
18
22 et 23
24
Le tremblement de terre de 1887
19
e
Secousses sismiques et prévention au XX siècle
20

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