Soutenir l`implantation de démonstrateurs industriels en France et

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Soutenir l`implantation de démonstrateurs industriels en France et
Soutenir l'implantation de
démonstrateurs industriels en
France et en Europe
Document de positionnement
octobre 2012
Ce document de positionnement a été produit par des acteurs du domaine, sous l’égide de FutuRIS,
sans qu’il exprime le point de vue de FutuRIS.
Les acteurs du domaine ont été réunis en deux groupes de travail les 15 mai et 13 septembre 2012
avec pour objectif de formuler des propositions de politique publique visant à modifier ou
transformer les conditions réglementaires et financières de l’investissement public et privé dans les
démonstrateurs industriels pour en favoriser l'implantation en France et en Europe.
SOUTENIR L’IMPLANTATION DES DEMONSTRATEURS INDUSTRIELS EN FRANCE ET EN EUROPE
Les auteurs
Ce document a été conçu par deux groupes de travail réunis par FutuRIS les 15 mai et
13 septembre 2012 dans les locaux de l'ANRT à Paris. Ces groupes de travail comprenaient
respectivement 20 puis 14 responsables français issus d'entreprises industrielles – opérateurs
d’infrastructures industrielles, énergétiques ou de transport, fournisseurs d'équipements
industriels ; d'organismes publics de financement de l’innovation industrielle ; de sociétés
d’assurance ; d’organismes publics de recherche appliquée aux procédés industriels, aux systèmes
énergétiques ou de transport ou à leurs composantes ; d'associations actives dans les choix de
RDTI et de syndicats. Les principaux secteurs industriels concernés étaient représentés : énergie,
environnement, microélectronique, transports, génie des procédés, aérospatial, agroalimentaire,
chimie.
La liste des signataires est la suivante 1:
- Bernard Blez, Directeur Délégué à la Direction Recherche & Innovation, GDF-SUEZ (1)
- Louis-Joseph Brossollet, Directeur, Partenariats industriels & appui des politiques publiques,
IRSTEA (1)
- Camille Burel, Responsable des affaires Innovation, ROQUETTE (2)
- Gilles Casanova, Directeur des programmes européens, STMICROELECTRONICS (1, 2)
- Denis Cieutat, Directeur du Groupe Projets de Démonstration, AIR LIQUIDE (1)
- Marc David, Directeur d’Investissements chez ALIAD, AIR LIQUIDE (2)
- Olivier Debande, Economiste, Banque Européenne d’Investissement (2)
- Etienne Décossin, Chef de groupe Nouvelles filières de production et thermochimie EDF (2)
- Marianne Faucheux, Chef de projet Plates-formes d’Innovation au département Innovation
Recherche Universités, CDC (1,2)
- François Giger, Chargé de mission stratégie DPIT, EDF (1)
- Jean-Paul Karsenty, analyste, VIVAGORA, à titre personnel, en tant qu’observateur (1, 2)
- Jean-François Lafaye, Direction de l’expertise Innovation, OSEO, à titre personnel, en tant
qu’observateur (1)
- Régis Le Bars, Responsable du programme Energies renouvelables et fonds des
démonstrateurs IA, ADEME, à titre personnel (1)
- Yvon Le Henaff, Directeur général, ARD-SOLIANCE (1, 2)
- Stéphane Lecomte, département budget et contrôle de gestion, IFPEN (2)
- Jean Bernard Leleu, Directeur général délégué, ROQUETTE (1)
- Xavier Longaygue, Chargé de mission à la direction scientifique, IFPEN (1)
- Isabelle Martin, Secrétaire confédérale en charge de la politique industrielle et de la recherche,
CFDT (1)
- Sylvain Paineau, Partenariats RD et valorisation, SCHNEIDER ELECTRIC (2)
- Jean Perrot, Directeur des affaires institutionnelles Recherche Technologie, EADS FRANCE (1)
- Alexis Rostand, Direction des affaires économiques et internationales, FFSA (2)
- Christophe Rupp Dahlem, Directeur programmes innovation chimie du végétal, ROQUETTE (1)
- Stéphane Spalacci, Risques et dommages, FFSA (2)
- Antoine Vincent, Direction des pôles de compétitivité, OSEO, en tant qu’observateur (2)
- Jean-Luc Ygnace, Ingénieur de recherche, IFFSTAR (1)
- Quatre participants à la réunion du 15 mai 2012 ont souhaité rester anonymes, un participant à
la réunion du 13 septembre 2012 souhaite rester anonyme.
Le présent document a été rédigé par l'équipe de FutuRIS (Catherine Raffour, Pierre Bitard,
Laurent Zibell), à partir des conclusions écrites des groupes de travail, et validées par chacun
d'entre eux pour les recommandations qui le concernent.
1 Le chiffre 1 après un nom indique une participation à la réunion du 15 mai 2012, le chiffre 2 à la réunion du 13 septembre.
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Méthode de travail
Le groupe de travail du 15 mai 2012 a traité des conditions réglementaires du co-investissement
public-privé dans les démonstrateurs industriels ; celui du 13 septembre 2012 du portage, du
partage et de la rémunération des risques qui leur sont spécifiques, en considérant, par
hypothèse, le problème étant traité par ailleurs, que les capacités de financement de long terme
existent. Les deux groupes de travail ont suivi le même canevas. En première partie, les
participants ont identifié les principaux enjeux, sous la forme de la réponse à un jeu de questions
de cadrage énoncées ci-dessous. En seconde partie de réunion, les participants ont formulé les
recommandations d'action identifiées comme prioritaires lors du travail d’analyse précédent.
Dans chaque cas, une version écrite mais sommaire des conclusions et des recommandations a
fait l'objet d'un consensus explicite et positif par le groupe de travail au terme de la réunion. La
version développée et rédigée des recommandations et de leur justification fait l'objet du présent
document et a été validée à son tour par chacun des groupes de travail.
Lors de la réunion du 15 mai 2012, les membres du groupe de travail ont en première partie
exprimé quelles étaient, de leur point de vue, les justifications à un co-investissement public-privé
dans les démonstrateurs industriels, avant d’identifier les difficultés concrètes qu’ils
rencontraient dans leurs projets. Ils ont ainsi collectivement répondu aux questions suivantes :
dans quels cas, à partir de votre expérience, le co-investissement public/privé dans les
démonstrateurs industriels vous parait-il justifié ? Pourquoi ?
quels problèmes principaux avez-vous rencontrés lors du co-investissement public/privé dans
les démonstrateurs industriels ?
quelles sont selon vous les améliorations/modifications à apporter à l’environnement
réglementaire ou institutionnel par une action publique ou une action concertée des acteurs
pour soutenir un co-investissement public/privé pertinent et justifié dans les démonstrateurs
industriels ?
Lors de la réunion du 13 septembre 2012, les membres du groupe de travail ont en première
partie identifié les risques spécifiques aux démonstrateurs industriels qui font obstacle à leur
financement, avant de suggérer les mécanismes de portage, partage et rémunération des risques
et les modifications de l’environnement institutionnel et règlementaire susceptibles de soutenir le
développement des démonstrateurs industriels sur le territoire européen. Ils ont ainsi
collectivement répondu aux questions suivantes :
quels sont, selon votre expérience, les risques spécifiques aux démonstrateurs industriels qui
font obstacle à leur financement ? Quels sont parmi les risques énumérés, ceux qui, pour être
surmontés, vous paraissent relever d’une action publique, d’une action concertée entre les
acteurs (PPP) ou de la gestion du risque par l’opérateur industriel ?
quels mécanismes suggèreriez-vous pour surmonter chacun de ces risques ? Quels sont selon
vous les mécanismes les plus efficaces ?
quelles sont selon vous les améliorations/modifications à apporter à l’environnement
réglementaire ou institutionnel pour mettre en œuvre ces mécanismes de partage et de
rémunération du risque spécifique aux démonstrateurs industriels et soutenir ainsi leur
implantation en Europe ?
Dans les deux cas, la perspective du groupe de travail a été de contribuer au débat public, sur la
révision en cours de l'encadrement des aides d'État à la RDTI ou sur la création de la Banque
Publique d’Investissement. Les participants ont exprimé des choix et préférences sans
autocensure, et cela délibérément. Les groupes de travail sont conscients des difficultés de mise
en œuvre qu'impliquent leurs recommandations, et ont cherché à en identifier les plus
marquantes. Ils prennent également la mesure de la vigueur des controverses politiques et
idéologiques auxquelles ces recommandations sont susceptibles de se heurter. Cependant, ils
souhaitent, avec cette prise de position franche et ouverte, jouer leur rôle d'acteur et de facteur de
transformation dans la cité.
Ce document est à la disposition de toute personne et de tout organisme intéressé, selon les
dispositions de Propriété Intellectuelle précisées au paragraphe correspondant en dernière page.
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Pourquoi agir ?
Donner aux territoires européens un avantage de compétitivité-coût et hors coût
Implanter en France et en Europe des démonstrateurs industriels est un atout pour la
compétitivité internationale de nos territoires et un vecteur de la transition de nos économies vers
la soutenabilité. En effet, ces démonstrateurs industriels, expérimentation à taille réelle de
recherches amont, forment le germe à partir duquel se constituent les compétences et les savoirfaire, et le point focal autour duquel s'établissent les flux logistiques, qui seront répliqués dans les
tranches suivantes de production de série. En démarrant ainsi très tôt la courbe d'apprentissage
du nouveau procédé, les démonstrateurs industriels donnent au territoire qui les héberge un
avantage de compétitivité-coût et hors-coût (fiabilité, qualité du produit fini) cumulatif, facteur
structurant et d'ancrage d'activité économique pérenne et d'emplois. Ces démonstrateurs sont de
surcroît, pour beaucoup d'entre eux, les premiers exemplaires de procédés de fabrication ou de
réseaux économes en ressources (énergie, matières premières, rejets). Ils préfigurent ainsi les
systèmes de production d'une société soutenable.
Par un soutien pertinent de démonstrateurs complexes, coûteux et à risque technicoéconomique et sociétal
Ces démonstrateurs industriels sont des objets complexes, mobilisant des ressources financières
lourdes, avec de hauts niveaux de risque technico-économique (en particulier de rendement des
procédés ou d'amorçage des effets d'auto-renforcement de réseau) et sociétal (notamment
d'acceptabilité) et une perspective de rentabilité incertaine. Ce niveau de risque demeure élevé
bien que le stade de maturité purement technique du procédé ou du réseau soit avancé (les
niveaux de maturité technologique considérés sont compris entre les Technology Readiness Level
– TRL – 5 à 72).
En tenant compte des dispositifs existants dans les pays concurrents de l’Union
Européenne
Leur implantation peut justifier une intervention publique sous différentes formes et avec des
degrés variés de partage du risque et d’attentes de retour financier : subventions, crédits d’impôt,
prêts, garanties bancaires, bonifications de taux, avances remboursables, participations dans des
entreprises conjointes public-privé. De tels dispositifs d'intervention publique et d'avantages
fiscaux existent dans des pays concurrents de l'Union Européenne (États-Unis d'Amérique, Brésil,
Chine, Malaisie, Australie…). L'Union Européenne encadre rigoureusement les conditions dans
lesquelles les États-membres peuvent aider les entreprises établies sur leur territoire en matière
de Recherche, de Développement Technologique et d'Innovation (RDTI)3, dans la perspective,
par bien des points justifiée, d'assurer l'équité des conditions de concurrence à l'intérieur du
Marché Unique. De la même manière, les fonds structurels européens ne peuvent être mobilisés
en soutien des démonstrateurs que dans des conditions réglementées (Règlement 1083/2006 sur
le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion).
Myriant Technologies : une première unité industrielle d’acide succinique installée aux EtatsUnis.
L’expérience de Myriant Technologie en génie des procédés, en fermentation, en processus
d’exploitation des centrales a permis de valider la compétitivité-coût et la performance d’une
2 Les niveaux TRL ont été initialement développés par l'agence spatiale des États-Unis d'Amérique NASA. Une version de
l'Agence Spatiale Européenne est disponible ici : http://sci.esa.int/science-e/www/object/index.cfm?fobjectid=50124
3 Encadrement communautaire des aides d’Etat à la Recherche, au Développement et à l’innovation, Communication de la
Commission 2006/C 323/01.
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nouvelle plate-forme pour la production de bio-acide succinique. A la suite d’essais pilotes réussis en
Europe, au Mexique, et États-Unis, en Décembre 2009, Myriant a choisi de contruire une usine d'acide
succinique à Lake Providence en Louisiane pour laquelle elle a reçu une subvention de 50 millions de
dollars du ministère américain de l'Énergie. La commission du Port de Lake Providence a également
engagé 10 millions de dollars dans ce projet en sus des 13 millions de dollars d’aménagement du site.
(Source : www.myriant.com)
Devant l’importance croissante des enjeux liés de compétitivité et de soutenabilité rappelés cidessus, ces cadres peuvent mériter d’être amendés. Cette révision est en cours de discussion à
l’échelle de l’Union Européenne4. Les recommandations suivantes s'inscrivent dans ce débat.
Recommandations
Les recommandations formulées par les groupes de travail se fondent sur un socle commun de
justifications, centré sur l’alignement des conditions de concurrence avec les pays tiers. Elles
comprennent trois mesures complémentaires :
un assouplissement de l’encadrement des aides d’Etat à la RDTI, autorisant une contribution
publique à l’investissement et à l’exploitation des démonstrateurs industriels, dans deux cas
distincts : (a) la congruence avec les objectifs stratégiques de l’Union Européenne, (b) la
première mise sur le marché d’une technologie innovante
la création d’une Agence Européenne de l’Innovation Industrielle coordonnant puis apportant
le soutien public déjà disponible, et celui rendu licite par la mesure précédente
la création d’un fonds de garantie des démonstrateurs industriels, susceptible de mobiliser
dans cette direction les ressources privées de financement.
Nous présenterons ci-après tout d'abord ce socle commun de justification, puis chacune des
recommandations. Nous conclurons par l'exposé des difficultés de mise en œuvre anticipées par
le groupe de travail et les voies d'approfondissement qui apparaissent potentiellement
fructueuses.
Un socle commun de justification : l’alignement des
conditions de concurrence avec les pays tiers
Prendre en compte les conditions de concurrence avec les industriels établis dans des
pays tiers
La justification essentielle des contributions publiques à l'implantation de démonstrateurs
industriels en Europe est l'alignement des conditions de concurrence avec les industriels établis
dans des pays tiers, sur d'autres continents. Une telle disposition existe dans la version actuelle de
l'encadrement des aides d'État à la RDTI, dans son §5.1.7 "Clause d'alignement"5mais elle n'a
Modernisation de la politique de l’UE en matière d’aides d’Etat, Communication de la Commission COM(2012) 209 final du
08 mai 2012 qui devra déboucher sur des textes législatifs révisés d’ici fin 2013 avec une consultation sur une version de travail
du règlement révisé prévue au 2éme semestre 2012 :
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http://ec.europa.eu/competition/consultations/2012_stateaid_rdi/index_en.html
5 « En vue de compenser des distorsions actuelles ou potentielles,
directes ou indirectes, induites par le commerce
international, des intensités plus élevées que celles qui sont généralement autorisées par la présente section peuvent être
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pour l'instant, selon les informations à la disposition des membres du groupe de travail, jamais
été appliquée, en particulier du fait de risques perçus de rétorsion par les pays tiers concernés.
Cependant, les récentes propositions en cours des DG Marché Intérieur et Commerce concernant
la réciprocité dans l'accès aux marchés publics des pays tiers6 semblent indiquer que la
Commission évolue dans sa position de négociation face à ces derniers, en s'éloignant d'une
posture antérieure parfois qualifiée (selon les mots mêmes du Commissaire Barnier) de "naïve".
Sous réserve d’agir vite pour assurer la présence d’industriels européens sur les marchés
Dans la mesure où une question centrale est celle de la concurrence issue de pays et d'industriels
tiers, sur des marchés innovants ou émergents donnant une forte prime au premier entrant, il est
important que la mise en œuvre des procédures crée les conditions pour que les industriels
européens soient les premiers à déployer leur technologie à l'échelle de production industrielle
qui est la seule pertinente pour conquérir les marchés.
Les investissements du Brésil pour conserver son leaderdship dans les bio-carburants
- en 2009, la compagnie nationale brésilienne Petrobras annonce un investissement de 2,8 mds de US$
dans les bio-carburants
- en 2010, l’agence d’innovation brésilienne FINEP et la banque brésilienne de développement national
(BNDES) annonce des prêts de 18 à 22 mds de US$ dans les secteurs résidus du sucre de canne et le
bioéthanol
- en 2011, 90% des projets de RD et de démonstration pour la bio-énergie et la chimie sont financés par
la BNDES (PAISS)
En Europe, les prêts de la BEI couvrant l’ensemble des énergies renouvelable s’élèvent à 6 mds d’euros
en 2010 et 5,5mids d’euros en 2011.
Recommandation 1 - Contribution publique à
l'investissement et à l'exploitation
Cette recommandation est portée par le groupe de travail du 15 mai 2012, et n’engage que ce
dernier.
Des modalités renouvelées du co-investissement public/privé dans les démonstrateurs
industriels
Les modalités envisagées pour la part publique du co-investissement/co-financement dans les
démonstrateurs industriels comprennent, par comparaison avec l'existant :
la suppression de la notification préalable du soutien public, au bénéfice d'un contrôle a
posteriori par la DG Concurrence ;
accordées si, directement ou indirectement, des concurrents de pays tiers ont reçu (au cours des trois années précédentes) ou
vont recevoir des aides d’une intensité équivalente pour des projets, des programmes, de la recherche, du développement ou des
technologies similaires. Cependant, lorsque des distorsions induites par le commerce international sont susceptibles de se
produire après une période de plus de trois ans, notamment en raison de la nature du secteur en cause, la période de référence
peut être allongée en conséquence.»
6 « Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès des produits et services des pays tiers au
marché intérieur des marchés publics de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à
l’accès des produits et services originaires de l’Union aux marchés publics des pays tiers », COM (2012) 124 final du 21 mars
2012.
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une participation publique à l'investissement, synchronisée avec les flux de trésorerie, au-delà
des modalités actuelles de soutien au seul amortissement. L'assiette sur laquelle est calculée
l'intensité de l'aide publique est le montant brut de l'investissement. Le chiffre d'affaires
éventuellement généré par le démonstrateur industriel ne sera pas déduit a posteriori de
l'assiette sur laquelle sera calculée l'intensité de la contribution publique ;
un soutien public à la rentabilité de l'exploitation initiale.
Une combinaison d’aides nationales, régionales et européennes
La participation publique à l'investissement prend préférentiellement la forme d'une combinaison
d'aides d'État et de la Commission européenne, d'aides régionales et de fonds structurels
communautaires soutenant le développement des régions les moins avancées (Fonds Européen
de Développement Régional – Feder, Fonds Social Européen – FSE). Ainsi, ces fonds structurels
seraient réorientés depuis leur objet traditionnel (les travaux publics d'infrastructure, souvent de
transport) vers l'investissement directement productif.
Au service de l’investissement, de l’exploitation et dans certains cas de la production
d’instruments
L’intégration de subventions et d’avances remboursables comme aides d'État à l'investissement,
des crédits d'impôt par unité de volume produite7 pour soutenir l’exploitation et, dans les cas où
cela est applicable, une préférence européenne en matière d'achats publics de produits issus de
ces unités de production ou de ces réseaux innovants renforcerait l’efficacité du soutien public.
Les taux de subventions et d'avances remboursables pourraient croître avec le degré de
réutilisation du démonstrateur : plus le démonstrateur est susceptible d'être répliqué sur place
(par augmentation de capacités), plus le taux de participation publique est élevé. Dans le cas où le
démonstrateur est répliqué ailleurs que son lieu de première implantation, ou plus généralement
hors de l'Union Européenne, les avances perçues doivent être remboursées, en tenant compte du
nombre d’unités commercialisées sur une durée définie et acceptée avant la réalisation des aides
d’Etat.
Crédit d’impôt sur la chimie renouvelable aux Etats-Unis
Le « Renewable Chemical Tax Parity Act » de 2012 accorde un crédit de 0.15$ par livre de produits
chimiques verts, limité à 25 million de dollars par an et par bénéficiaire. Cette taxe restera en vigueur
durant cinq ans ou lorsque les 500 millions de dollars seront atteints
Des critères distincts de sélection des projets
Recommandation 1a
Soutien aux technologies cohérentes avec les objectifs
stratégiques de compétitivité et de soutenabilité
La recommandation 1a réserve le bénéfice de ce co-investissement public aux seuls
démonstrateurs industriels dont l'objet est cohérent avec la stratégie Europe 2020 de l'Union
Européenne : (1) la compétitivité industrielle ou (2) la transition vers la soutenabilité8.
7 à la manière du "Production Tax Credit" aux États-Unis d'Amérique.
8 Une des difficultés sera d’évaluer l’alignement des projets par rapport à ces textes
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Les démonstrateurs de procédés innovants cohérents avec l'objectif de compétitivité industrielle
relèvent : des "Technologies Clefs Génériques" (ou "Key Enabling Technologies" – KET)9 et des
Marchés Publics Pilotes (ou "Lead Markets Initiative" – LMI)10. Ceux cohérents avec l'objectif de
transition vers la soutenabilité contribuent à la réalisation des ambitions du "Paquet Climat
Énergie" adopté en décembre 2008 (réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre,
amélioration de 20 % de l'efficacité énergétique, proportion de 20 % d'énergies renouvelables en
2020)11.
Les critères de choix des projets sont analogues à ceux recommandés par le « Groupe de Haut
Niveau sur les Technologies Diffusantes Clefs » dans son Rapport de juin 2011, Annexe 6.
Les Etats Unis attractifs pour les « KET »
La société Inéos Bio a étudié la possibilité de contruire une ligne pilote pour la production de biocarburants à partir de déchets en Europe. La difficulté d’identifier les sources de financement comme
le poids de la bureaucratie qui retarde leur attribution ne les a pas confortés dans ce choix. La ligne
pilote a été construite en Floride (US) avec plus de 95% de subventions et de prêts garantis (2011) : 130
millions de dollars pour la construction de l’usine, 50 millions de dollars de subvention du ministère de
l’Energie, 75 millions de prêts garantis par le département de l’Agriculture. Source : Cross-sectoral Analysis
of the Impact of International Industrial Policy on Key Enabling Technologies (Danish Technological Institute with Idea
Consult, 2011)
Recommandation 1b
Soutien à la première industrialisation
La recommandation 1b réserve le bénéfice de ce co-investissement public aux démonstrateurs
industriels qui sont les premiers à mettre en œuvre leur technologie, à l'échelle mondiale ou à
l'échelle européenne et ont un impact positif sur le développement industriel. La perspective est
double :
- celle d’une activité pérenne ancrée sur le territoire avec son écosystème, ce qui va de pair avec le
remboursement demandé des aides publiques en cas de démantèlement du démonstrateur et avec
une implication de la puissance publique dans sa mise en œuvre et le suivi des objectifs publics.
A Lestrem (Nord) : de l’usine de démonstration à l’unité de production
Le néerlandais DSM et l'amidonnier Roquette développent une plate-forme de démonstration
industrielle de production d'acide succinique à partir de ressources renouvelables, à Lestrem (Nord). Le
site à partir de fin 2009 produit plusieurs centaines de tonnes d'acide par un procédé de fermentation
de glucose avant de déboucher sur une unité de production plus conséquente en 2011 (L’Usine Nouvelle
n°3087).
En novembre 2010, l’américain Solazyme, société californienne spécialisée dans les bioproduits et les
huiles renouvelables (issus de biotechnologie à base d’algues), et Roquette, producteur d’amidon et
produits dérivés, ont créé une joint-venture (SRN) qui allie les compétences de Roquette en tant que
fournisseur mondial d’ingrédients alimentaires à la technologie basée sur les micro-algues de Solazyme.
Un an après sa création, Solazyme Roquette Nutritionals (SRN), spécialisée dans les ingrédients
alimentaires dérivés de micro-algues, lance la deuxième phase de la construction de son usine, sur le
site du groupe Roquette, à Lestrem (Nord). (source : Newsletter Algasud – 01/2012)
9 définies dans le rapport à la Commission européenne du « High Level Group on Key Enabling Technologies », Final Report,
June 2011 http://ec.europa.eu/enterprise/sectors/ict/key_technologies/kets_high_level_group_en.htm
10 La « Lead Market Initiative » détermine six marchés porteurs sur lesquels vont porter les efforts conjoints de la Commission
européenne, des Etats membres et des industriels
initiative/
http://ec.europa.eu/enterprise/policies/innovation/policy/lead-market-
11 http://ec.europa.eu/clima/policies/package/index_en.htm
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- celle de la conquête des marchés, en donnant les moyens à l'industriel d'être le premier entrant
avec une offre industrielle et compétitive. La prise de risque par l’industriel est encouragée. Cette
position de premier entrant est susceptible de lui assurer une position de prééminence durable
sur le marché, et donc de favoriser son activité industrielle en Europe, ainsi que l'emploi.
Celluforce : inauguration d’une première usine de démonstration de nanocellulose cristalline
(NCC) au Canada (janvier 2012).
La compagnie Celluforce est une coentreprise de Domtar Corporation (fabricant intégré et distributeur
de papiers fins non couchés) et FPInnovations (structure publique sans but lucratif à vocation
scientifique soutenant la compétitivité mondiale du secteur forestier canadien) créée pour fabriquer la
nanocellulose cristalline dans la première usine du genre au monde située à Windsor (Québec). Le
gouvernement du Canada collabore avec le gouvernement du Québec pour la construction de ce
projet pilote de grande envergure. Les équipements à la fine pointe de la technologie proviennent du
monde entier et sont réunis pour la première fois afin de permettre la production commerciale de NCC.
Le projet représente un investissement total de 42,8 M$ dont 33,4 millions $CA provient d’une
participation de 23,2 M$ du gouvernement fédéral par l’entremise de Ressources naturelles Canada et
d’une contribution du gouvernement provincial de 10,2 M$ accordée par le ministère des Ressources
naturelles et de la Faune. (Source : Celluforce.com)
Recommandation 2- Créer une Agence
Européenne de l'Innovation Industrielle
Cette recommandation est portée par le groupe de travail du 13 septembre 2012, et n’engage que
ce dernier.
Cette Agence aurait pour mission d’être un guichet unique, à l'échelle de l'Union, du soutien
public aux "grands projets" de démonstrateurs industriels ayant un "'intérêt européen
commun12". La perspective est celle d’une simplification et d’une accélération des procédures,
dans un contexte de concurrence internationale où la date d’entrée sur le marché ("time to
market") des produits ou procédés innovants est un enjeu concurrentiel déterminant. L’"intérêt
européen commun" serait réputé acquis pour des démonstrateurs satisfaisant au moins une des
conditions décrites dans la Recommandation 1 ci-dessus : (a) congruence avec les objectifs
stratégiques de l’Union ; ou (b) première mise sur le marché d’une technologie innovante. Cette
agence aurait la capacité de soutenir des projets d’ambition européenne, à impacts sociaux et
environnementaux importants.
L'Agence serait créée en deux étapes.
Dans une première étape, elle assurerait l'ingénierie financière des démonstrateurs industriels, en
mobilisant l'ensemble des aides publiques disponibles pour le projet, aux échelles régionale,
nationale et de l'Union toute entière et en apportant une aide technique au montage des aides
ainsi réunies
Dans une seconde étape, elle serait dotée d'un budget propre, par transfert vers cette agence
unique des ressources budgétaires dédiées au soutien public aux démonstrateurs industriels des
Régions, des États Membres et de l'Union.
Elle déploierait les aides existantes et celles rendues licites par la Recommandation 1 ci-dessus.
12 Article 107 TFUE, § 3.b
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Recommandation 3 - Créer un fonds européen de
garantie des risques spécifiques aux
démonstrateurs industriels
Cette recommandation est portée par le groupe de travail du 13 septembre 2012, et n’engage que
ce dernier.
Ce fonds aurait pour mission de garantir totalement ou partiellement auprès de sources privées
de financement la survenue des risques spécifiques aux démonstrateurs industriels, tels que :
risque technologique (retard dans ou non atteinte des objectifs de performance du produit final
ou de rendement du procédé ; retard, non-conformité ou défaillance du fournisseur dans la
livraison de composants spécifiques)
risque d'amorçage de marché (non-franchissement du seuil de nombre d'utilisateurs nécessaire
pour assurer le décollage commercial - spécifiquement : pour des réseaux)
risque réglementaire (modification des règles établissant un marché ou un prix de marché, en
particulier pour les externalités sociales ou environnementales que le démonstrateur traite)
risque d'accident industriel (dû à l'exploration du domaine de fonctionnement de l'outil de
production et à la stabilisation des procédures)
risques environnementaux et de conséquences sur la santé publique.
Ce fonds ne couvrirait en revanche pas les risques courants liés à la construction d'une
installation industrielle, dont il est légitime qu'ils soient portés par l'opérateur industriel luimême ou par son banquier, selon les modalités courantes du financement structuré d'entreprise :
retard dans l'exécution des étapes banales du chantier
retard ou défaillance de fournisseur de composants standards
insuccès commercial
faute ou négligence dans l’opération du démonstrateur.
Il serait amorcé par une dotation publique, puis alimenté et pérennisé par une redevance versée
par les industriels ayant bénéficié antérieurement de cette garantie, à mesure du succès
commercial des procédés et réseaux engendrés par les démonstrateurs bénéficiaires.
Le montant de la garantie serait limité au montant apporté par les financeurs privés non
impliqués directement dans l’exploitation du démonstrateur. Un tel mécanisme permettrait de
compléter le financement avec partage de risque mis en place conjointement par la Commission
européenne et la Banque européenne d’investissement. En ce qui concerne les risques qualifiés
d'accidents industriels, sanitaires et environnementaux, la mise en place d'un fonds de garantie
ne saurait se justifier que pour apporter un complément aux garanties apportées par les
entreprises d’assurance dans leur activité normale de couverture des dommages et
responsabilités. Ce complément ne serait alors apporté que pour couvrir certains risques
émergents, où le recul historique est insuffisant pour quantifier précisément le montant du
dommage ou sa fréquence statistique.
Le choix des projets éligibles à la garantie par ce fonds serait effectué selon une logique de
subsidiarité dans chaque Etat-Membre de l’Union selon des dispositions spécifiques. En France,
la labellisation par un pôle de compétitivité pourrait permettre d’orienter les projets vers le bon
niveau d’intervention.
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SOUTENIR L’IMPLANTATION DES DEMONSTRATEURS INDUSTRIELS EN FRANCE ET EN EUROPE
Difficultés anticipées et questions ouvertes
Ces recommandations présentent des difficultés, dont les participants au groupe de travail sont
conscients, et qu'ils assument.
Compatibilité avec les règles de l’OMC
Concernant la Recommandation 1, la première difficulté concerne la compatibilité de ces
dispositifs avec les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Celle-ci demande à
être évaluée avec précision. Le fait que des dispositifs analogues existent, sans apparemment
susciter de conflit commercial avec leurs partenaires, dans de nombreux pays industriels, et non
des moindres, militerait dans le sens d'un certain optimisme.
Des questions règlementaires et fiscales,
En matière de soutien à l'exploitation, les questions de la compatibilité de cette
Recommandation 1 avec la réglementation des marchés publics et avec le principe d'équité fiscale
pour la mise en place d’un crédit d’impôt restent ouvertes.
Des questions de procédures...
En ce qui concerne l'attribution du caractère de "premier entrant technologique" sur un marché
(Recommandation 1b), de nombreux points restent à préciser :
qui attribue ce label de "premier entrant technologique" ? Selon quelles procédures13 ? A quelle
échelle (mondiale, européenne) le critère de nouveauté est-il considéré ?
à partir de quel degré de différenciation par rapport à l’existant un procédé est-il considéré
comme nouveau, et donc susceptible de relever de ce régime ? Selon quels critères évaluer
cette différenciation ?
comment concilier la confidentialité, plus critique encore que celle des aides à la RD, des
données techniques et de marché, sur ce nouveau couple procédé-marché avec l’exigence
démocratique de transparence dans l'allocation des ressources publiques à des projets privés ?
comment concilier vitesse de décision, nécessaire pour assurer l'avantage de premier entrant,
et équité de la procédure ?
La gouvernance des fonds
Concernant la Recommandation 2, la mise en cohérence puis en commun de financements
européens, nationaux et régionaux se heurte à des questions importantes de gouvernance :
organisation de la décision, répartition ou délégation de pouvoir, contrôle démocratique et
parlementaire.
Les risques de grande ampleur
Concernant la Recommandation 3, La manière de traiter les risques de très grande ampleur, non
connue a priori (risques sanitaires et environnementaux, en particulier), reste ouverte. Il semble
difficile, sauf à rendre inopérante la garantie, de les exclure de son champ d’application. En
revanche, ils peuvent relever de modalités de garanties spécifiques, portées par un organisme de
réassurance à 100 % public, au-delà du mécanisme mixte public-privé proposé.
13
Une agence d’innovation européenne, centrée sur les projets d’ambition européenne, pourrait jouer un rôle dans la
comparaison de projets similaires et développer des référentiels
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SOUTENIR L’IMPLANTATION DES DEMONSTRATEURS INDUSTRIELS EN FRANCE ET EN EUROPE
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