TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL N° 1108507

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL N° 1108507
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE MONTREUIL
N° 1108507
___________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
SOCIETE PROXISERVE HOLDING
___________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. Ouillon
Rapporteur
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Le Tribunal administratif de Montreuil
Mme Restino
Rapporteur public
___________
(1ère chambre)
Audience du 6 septembre 2012
Lecture du 20 septembre 2012
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C+
Vu l’ordonnance, en date du 7 octobre 2011, par laquelle le président du Tribunal
administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Tribunal administratif de Montreuil la requête de
la SOCIETE PROXISERVE HOLDING ;
Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2011, présentée pour la SOCIETE
PROXISERVE HOLDING, société anonyme, dont le siège est 28-30 rue Edouard Vaillant à
Levallois Perret Cedex (92532), par Me de Saint-Chaffray ; la SOCIETE PROXISERVE
HOLDING demande au tribunal :
1°) la décharge, pour un montant de 98 914 euros, des cotisations supplémentaires
d’impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt ainsi que des pénalités
correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005 ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros en application de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les intérêts que recevait la société Gaz Dépannage 29 en rémunération
des prêts qu’elle consentait, correspondaient à la rémunération moyenne constatée dans le
secteur financier ; que la différence avec le taux que lui appliquait sa mère correspond à la
rémunération des services de gestion centralisée de la trésorerie assumés par cette dernière ; que
si l’existence d’un acte de gestion anormale était retenu, il y aurait de neutraliser les sommes
correspondantes regardées comme des subventions intra-groupe et de n’appliquer que l’amende
de l’article 1763 du code général des impôts ; que les contrats conclus par la société Gaz
Dépannage 29 avec sa clientèle prévoient des prestations divisibles, comprenant une visite
d’entretien ainsi qu’un dépannage ponctuel, qui présentent un caractère continue ;
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Vu la décision par laquelle le chef des services fiscaux chargé de la direction du
contrôle fiscal Ouest a statué sur la réclamation préalable ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 novembre 2011, présenté par l'administrateur général
des finances publiques chargé de la direction du contrôle fiscal Ouest qui conclut au rejet de la
requête ;
Il fait valoir que la société Gaz Dépannage 29, en consentant à sa mère des prêts à un
taux moins élevé que celui demander par cette dernière, a renoncé à une recette sans justifier
d’un intérêt direct pour son exploitation ; que les sommes correspondantes, regardées comme des
subventions indirectes, doivent être neutralisées et seule l’amende de l’article 1763 du code
général des impôts sera appliquée ; qu’en application des contrats conclus avec sa clientèle, la
société Gaz Dépannage 29 s’engage à mettre en œuvre un service après vente conduisant à la
réalisation de prestations de dépannage alors même qu’il n’est pas prévu le renouvellement des
installations ; que ces prestations présentent un caractère continue ;
Vu, en date du 13 juillet 2012, l’avis envoyé aux parties, en application des dispositions
de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant que l’affaire était
susceptible d’être inscrite au rôle de l’audience du 6 septembre 2012 et que la clôture
d’instruction était susceptible d’intervenir à compter du 9 août 2012 ;
Vu l'ordonnance en date du 29 août 2012 portant clôture immédiate de l’instruction, en
application du dernier alinéa de l’article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :
- le rapport de M. Ouillon, rapporteur ;
- les conclusions de Mme Restino, rapporteur public ;
- et les observations de Me Fabrega, substituant Me de Saint-Chaffray, pour la
SOCIETE PROXISERVE HOLDING ;
1. Considérant que la société Gaz Dépannage 29, qui exerce une activité d’entretien et
de réparation d’appareils à gaz, a fait l'objet d’une vérification de comptabilité portant, en
matière d’impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2004 et 2005 ; qu’à l’issue de ce
contrôle, l’administration a estimé que la rémunération des avances consenties à sa mère était
insuffisante et réintégré dans les résultats imposables des exercices vérifiés les sommes
correspondant à cette insuffisance ; que l’administration a également rectifié l’exercice de
rattachement des produits afférents à des contrats d’abonnement ; que la société Gaz Dépannage
29 appartenant à un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions de l’article 223 A du
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code général des impôts, les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de
contributions additionnelles à cet impôt résultant de ces rehaussements ont été mises à la charge
de la SOCIETE PROXISERVE HOLDING, en sa qualité de société-mère de ce groupe, laquelle
en demande la décharge ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la renonciation à recettes,
2. Considérant, d’une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209
du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient
des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur
objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; qu’il appartient
à l’administration d’apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu’une
opération constitue un acte anormal de gestion ;
3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 223 B du code général des
impôts, dans sa rédaction en vigueur : « (…) L'abandon de créance ou la subvention directe ou
indirecte consenti entre des sociétés du groupe n'est pas pris en compte pour la détermination du
résultat d'ensemble. (…) » ; qu’aux termes de l’article 46 quater- 0 ZG de l’annexe III à ce code :
« La subvention indirecte mentionnée au sixième alinéa de l'article 223 B et au premier alinéa
de l'article 223 R du code général des impôts s'entend des renonciations à recettes qui
proviennent des prêts ou d'avances sans intérêt ou à un taux d'intérêt inférieur au taux du
marché. (…) » ;
4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société Gaz Dépannage 29 et la
SOCIETE PROXISERVE HOLDING ont conclu le 15 juillet 2003 une convention de gestion de
trésorerie aux termes de laquelle les avances consenties par cette dernière société à la société Gaz
Dépannage 29 étaient rémunérées au taux Eonia mensuel + 0.5% tandis que les sommes mises à
disposition par cette société à la société requérante portaient intérêts au taux Eonia mensuel
- 0.5% ; qu’en se bornant à se prévaloir de la seule existence de cette différence de taux
d’intérêts, l’administration n’établit pas que les taux des intérêts que la société Gaz Dépannage
29 demandait à la SOCIETE PROXISERVE HOLDING sur les avances qu’elle lui consentait
étaient inférieurs aux taux correspondant à la rémunération que la société Gaz Dépannage 29
aurait pu obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel elle
aurait placé, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent ; que, par suite,
l’administration ne démontre pas que la société Gaz Dépannage 29 aurait commis un acte
anormal de gestion en consentant à la société requérante des avances au taux en litige ;
En ce qui concerne les contrats de maintenance,
5. Considérant qu'aux termes du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts,
applicables pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même
code : « (...) les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements
reçus à l'avance en paiement du prix, sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la
livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations
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pour les fournitures de services. Toutefois ces produits doivent être pris en compte : a) pour les
prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les
prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au
fur et à mesure de l'exécution (...) » ;
6. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société Gaz Dépannage 29, dans le
cadre de son activité, concluait, avec certains de ses clients, des contrats de maintenance pour
l’entretien de chaudières à usage domestique, d'une durée d'un an renouvelable tacitement, par
lesquels elle s'engageait, en contrepartie de la perception d’une redevance forfaitaire payée au
moment de la souscription ou du renouvellement, a effectuer une visite d'entretien obligatoire de
l’appareil et à assurer un dépannage en cas d'appel justifié du souscripteur ; que la société Gaz
Dépannage 29, estimant que les redevances rémunéraient un service rendu aux clients au
moment de la réalisation de la visite d'entretien obligatoire des appareils, a rattaché les
redevances qu’elle percevait, au titre de l'exercice au cours duquel était réalisé cette visite ;
7. Considérant que les prestations de maintenance d'installations de chauffage rendues
par la société Gaz Dépannage 29 dans le cadre des contrats en cause, lesquelles prestations ne
présentaient pas un caractère divisible entre elles pour les parties au contrat, devaient compte
tenu du caractère de permanence des prestations offertes aux clients et notamment de l'obligation
qui pesait sur cette société de répondre à la demande par les clients du dépannage prévu au
contrat pendant toute la durée du contrat, être regardées comme présentant un caractère continu
au sens de l'article 38 2 bis du code général des impôts alors même que ces demandes n’étaient
présentées que dans la moitié des contrats et que cette société n’avait comptabilisé les charges
correspondantes qu’au titre de l’exercice au cours duquel la visite annuelle d’entretien avait eu
lieu ; que, dans ces conditions, c’est à bon droit que le service a considéré que les redevances
perçues par la société Gaz Dépannage 29 en rémunération de ces prestations devaient être
comptabilisées au fur et à mesure de l’exécution des contrats de maintenance ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE PROXISERVE
HOLDING est seulement fondée à demander la décharge de la fraction des cotisations
supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt ainsi que
des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004
et 2005 à raison de la réintégration dans les résultats imposables des mêmes exercices de la
société Gaz Dépannage 29 des produits financiers auxquels cette société aurait renoncé ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative :
9. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstance de l’espèce, de faire application de
ces dispositions et de mettre à la charge de l’Etat le versement à la SOCIETE PROXISERVE
HOLDING d’une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans
les dépens ;
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DECIDE :
Article 1er : La SOCIETE PROXISERVE HOLDING est déchargée de la fraction des
cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt
ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos
en 2004 et 2005 à raison de la réintégration dans les résultats imposables des mêmes exercices de
la société Gaz Dépannage 29 des produits financiers auxquels cette société aurait renoncé.
Article 2 : L’Etat versera une somme de 1 000 (mille) euros à la SOCIETE
PROXISERVE HOLDING au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE PROXISERVE
HOLDING est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SOCIETE PROXISERVE HOLDING et
à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction du contrôle fiscal Ouest.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2012, à laquelle siégeaient :
M. Barbillon, président,
M. Ouillon, premier conseiller,
M. Saby, conseiller,
Lu en audience publique le 20 septembre 2012.
Le rapporteur,
Le président,
Signé
Signé
S. Ouillon
J-Y. Barbillon
Le greffier,
Signé
H. Herber
La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de l’économie,
des finances et du commerce extérieur, chargé du budget en ce qui le concerne et à tous huissiers
de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de
pourvoir à l'exécution de la présente décision.