Cass. 1re civ., 1er oct. 2014, n° 13-21362 Obs. : L`assurance vie et

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Cass. 1re civ., 1er oct. 2014, n° 13-21362 Obs. : L`assurance vie et
Cass. 1re civ., 1er oct. 2014, n° 13-21362
Assurance vie - Faculté de renonciation (oui) - Ensemble contractuel indivisible - Notion Contrat de prêt - Nullité (non) - Caducité à effet rétroactif (oui)
Obs. : L’assurance vie et la notion d’ensemble contractuel indivisible
Eu égard aux circonstances propres à l’espèce, la Cour de cassation a retenu l’existence
d’un ensemble contractuel indivisible entre un contrat de prêt et un contrat d’assurance vie
gagé au profit de la banque prêteuse. L’anéantissement rétroactif du contrat d’assurance
vie sur le fondement de la faculté de renonciation entraine alors celui du contrat de prêt.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er octobre 2014 constitue l’une des suites de
l’abondant contentieux de la faculté de renonciation des contrats d’assurance vie.
Judiciairement constatée en première instance puis en appel (CA Paris, 21 mai 2013,
Pôle 2, Chambre 5), la renonciation au contrat d’assurance vie litigieux n’était pas en
discussion devant la Cour de cassation dans l’affaire qui lui était soumise. En revanche,
la Haute Cour a été amenée à se prononcer sur le sort d’un contrat de prêt souscrit
concomitamment au contrat d’assurance vie dont l’anéantissement rétroactif a été
admis par les juges du fond.
Dans cette affaire, le 24 octobre 2001, Monsieur C. a adhéré à un contrat d’assurance vie
collectif à effet du 18 décembre 2001 en effectuant un versement de 114.336 euros.
Le 18 décembre 2001, les époux C. ont souscrit un contrat de prêt de 114.336 euros
auprès d’une banque appartenant au même groupe que l’assureur ; ledit prêt étant
remboursable in fine avec paiement des intérêts en quarante trimestres.
Le contrat d’assurance vie a été gagé au profit de la banque en garantie du prêt.
Probablement déçus des performances financières du schéma patrimonial qui leur avait
été proposé par un groupe de bancassurance, le 28 avril 2010, le souscripteur du contrat
d’assurance vie a exercé sa faculté de renonciation sur le fondement de l’article L. 132-51 du Code des assurances tandis que les emprunteurs sollicitaient l’annulation du prêt.
Par jugement en date du 6 décembre 2011, le Tribunal de Grande Instance de Paris fit
droit aux demandes des époux C. Après avoir prononcé la nullité du contrat de prêt, le
Tribunal a notamment condamné la banque à leur restituer la somme de 50.040,42
euros correspondant aux intérêts et frais.
Cette décision a été partiellement infirmée par la Cour d’appel en ce qu’elle a retenu la
nullité du contrat de prêt. Après avoir relevé que la validité dudit contrat n’était pas
viciée, la Cour a prononcé sa caducité à effet rétroactif conduisant à des conséquences
similaires pour les parties.
Saisie par la banque, la Cour de cassation devait se prononcer sur la validité du seul de
contrat de prêt et notamment son indépendance par rapport au contrat d’assurance vie
souscrit auprès d’un tiers, l’assureur, et définitivement anéanti par l’effet de la faculté de
renonciation prorogée.
A l’appui de son argumentation, la banque avançait principalement un argument tiré de
la lettre du contrat de prêt selon lequel « en raison de l’intervention purement financière
du prêteur, il ne saurait y avoir interdépendance et/ou indivisibilité entre le présent
contrat et les autres contrats qui auraient pu être souscrits avec des tiers par le client, sauf
disposition ou écriture contraire ».
Loin de s’en tenir à la seule lettre du contrat qui était soumis à son appréciation, dans un
attendu très détaillé, la Cour de cassation procède à un rappel de différents éléments
factuels du litige, à savoir :
- L’appartenance de l’assureur et de la banque au même groupe ;
-
La plaquette commerciale de présentation d’un montage financier présenté
comme « novateur » consistant à souscrire un contrat de prêt in fine pour
abonder un contrat d’assurance vie ;
-
Le recours à un interlocuteur unique pour la souscription des deux contrats ;
-
La souscription des deux contrats à la même date pour des montants identiques ;
-
Le nantissement du contrat d’assurance vie en garantie du contrat de prêt.
Elle déduit de ce qui précède que, contre la lettre même d’une clause de l’un des
contrats, les parties ont eu la commune intention de constituer un ensemble contractuel
indivisible.
La Cour de cassation en déduit que la décision de la Cour d’appel était justifiée
confirmant ainsi la caducité à effet rétroactif du contrat de prêt et donc la restitution des
sommes perçues par la banque au titre du contrat de prêt (i.e. les intérêts et les frais).
Il n’est pas inutile de rappeler que la Cour de cassation s’est déjà prononcée sur la notion
d’indivisibilité dans le cadre du contentieux de la faculté de renonciation.
Par une décision du 16 janvier 2013, la Cour de cassation avait confirmé la décision
d’appel qui avait valablement établi l’absence de commune intention des parties de
créer un ensemble contractuel indivisible (Cass. civ. 1, 16 janvier 2013, n° 11-28183). Il
en a été de même dans l’affaire jugée le 5 novembre 2013 (Cass. com, 5 novembre 2013,
n° 11-27400, Actuassurance, n° 33, obs O. Roumélian, « Responsabilité de la banque et de
l’assureur : cas d’exonération »).
En revanche, entre les deux décisions précitées, une autre chambre de la même Cour
prononçait l’anéantissement rétroactif d’une avance privant alors l’assureur du droit
aux intérêts (Cass. civ. 2, 13 juin 2013, n° 12-16054, Actuassurance, n° 32, obs O.
Roumélian, « Faculté de renonciation : la jurisprudence « avance » »).
De cet arrêt de la Cour de cassation du 1er octobre 2014, il ressort clairement que la
commune intention des parties qui doit être recherchée pour déterminer l’existence
d’un ensemble contractuel indivisible résulte d’un ensemble de facteurs et non de la
seule lettre des contrats qui ont été conclus.
On comprend implicitement de cette décision que ces contrats s’apparentent à des
contrats d’adhésion des clients aux modèles imposés par les institutions financières,
surtout lorsqu’ils font l’objet d’une communication sur un support publicitaire unique, et
ne reflètent donc pas la réelle intention des consommateurs.
Me Olivier Roumélian
ARTESIA Association d’avocats
Avocat Associé
L’arrêt :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 21 mai 2013) que M. X... a adhéré le 24 octobre 2001, à effet
au 18 décembre 2001, à un contrat d’assurance sur la vie dénommé Philarmonis auprès de la
société SOGECAP pour la somme de 114 336 euros ; que le 18 décembre 2001, les époux X... ont
souscrit auprès de la société Compagnie générale de location d’équipement - CGL (la société
CGL), une offre de prêt personnel à taux révisable, d’un montant de 114 336 euros remboursable
in fine avec paiement des intérêts en quarante trimestres ; que le contrat d’assurance sur la vie a
été gagé au profit de la société CGL, en garantie du prêt ; que le 28 avril 2010, M. X... a informé la
société SOGECAP de sa renonciation au contrat et a sollicité la restitution de la somme investie,
et les époux X... ont demandé à la société CGL l’annulation du prêt ainsi que le remboursement
intégral des intérêts versés ;
Attendu que la société CGL fait grief à l’arrêt de prononcer la caducité à effet rétroactif du
contrat de prêt conclu le 18 décembre 2001 entre les époux X... et elle-même, et en conséquence
de la condamner à leur restituer les intérêts et frais y afférents arrêtés à la date de signification
du jugement entrepris avec intérêts à compter de cette signification et capitalisation
conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, alors, selon le moyen :
1°/ que la conclusion d’un contrat d’assurance sur la vie et d’un contrat de prêt, dont les sommes
ont été investies par les emprunteurs sur la police d’assurance, est insuffisante à caractériser,
contre la lettre du contrat de prêt lui-même, une indivisibilité juridique ; qu’aux termes de
l’article 3 du contrat de financement, il était expressément stipulé « qu’en raison de
l’intervention purement financière du prêteur, il ne saurait y avoir interdépendance et/ou
indivisibilité entre le présent contrat et les autres contrats qui auraient pu être souscrits avec
des tiers par le client, sauf disposition ou écriture contraire » ; qu’il résultait de cette stipulation
claire et précise que la commune intention des parties avait été de rendre divisibles les deux
conventions ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1218 du
code civil ;
2°/ qu’aux termes de l’article 3 du contrat de prêt, il était expressément stipulé « qu’en raison de
l’intervention purement financière du prêteur, il ne saurait y avoir interdépendance et/ou
indivisibilité entre le présent contrat et les autres contrats qui auraient pu être souscrits avec
des tiers par le client, sauf disposition ou écriture contraire » ; que ce faisant, les parties avaient
expressément exclu que les risques d’anéantissement du contrat d’assurance sur la vie puissent
être à la charge du prêteur ; qu’en considérant que l’anéantissement du contrat d’assurance sur
la vie entraînait la caducité avec effet rétroactif du contrat de prêt, la cour d’appel a substitué à
l’interdépendance contractuelle prévue une indivisibilité expressément écartée par les parties ;
qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;
Mais attendu qu’après avoir constaté que les sociétés SOGECAP et CGL dépendaient du même
groupe Société générale, que la plaquette commerciale de présentation du contrat Philarmonis
proposait un montage financier “novateur” par le biais d’une opération de crédit in fine qui
consistait à emprunter pour abonder le contrat d’assurance sur la vie et à rembourser le prêt in
fine sur les sommes investies sur le contrat d’assurance sur la vie, censées avoir fructifié et
généré des plus-values excédant les sommes versées au prêteur, que M. X... était passé par un
interlocuteur unique pour la conclusion des deux contrats, que le contrat d’assurance sur la vie
avait pris effet le 18 décembre 2001, jour de l’acceptation de l’offre de prêt, le montant
emprunté étant strictement identique à celui directement versé par la société CGL sur le contrat
d’assurance sur la vie, et que le contrat de prêt prévoyait le nantissement du contrat d’assurance
sur la vie concrétisé par la signature d’un avenant de mise en gage, l’arrêt retient que l’article 3
des conditions générales du prêt était en contradiction avec les conditions particulières du
contrat de prêt, avec toutes les informations précontractuelles données à M. X..., et avec
l’avenant de mise en gage du contrat d’assurance sur la vie, lequel liait de façon très étroite le
sort des deux contrats ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir la
commune intention des parties de constituer un ensemble contractuel indivisible contre la lettre
d’une clause de l’un des contrats, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

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