Le th or me de Poncelet

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Le th or me de Poncelet
Le thorme de Poncelet
Sylvain Ervedoza et Guillaume Pouchin
26 juin 2003
Table des matires
1 Partie thorique
1.1 La correspondance entre C = et les courbes elliptiques
1.1.1 La fonction } de Weierstrass . . . . . . . . . .
1.1.2 Les courbes elliptiques . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Thorme d'Abel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2 Application au thorme de Poncelet
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2
2
2
4
6
9
2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2.2 Rapport avec les courbes elliptiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2.3 Une dmonstration du thorme de Poncelet . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
3 Quelques prcisions ...
12
C
D
Une construction de Poncelet
1
Introduction
Cet expos traite d'un problme gomtrique, pos et rsolu par Poncelet dans le courant
du dix-neuvime sicle, qui s'nonce sous la forme :
Thorme 1 (Poncelet). Soit deux coniques non dgnres n'ayant pas de point d'intersection double. La construction de Poncelet est la suivante :
T
X
C
0
D
T
X
0
La construction de Poncelet
On prend un point X sur la premire conique C , on trace ensuite une des deux tangentes
T la deuxime D passant par ce point, puis l'autre tangente T D passant par X le point
d'intersection de C et T .
Le rsultat est alors le suivant : si le procd, partant de X x, boucle aprs n tapes,
alors il boucle pour tout point de dpart, le nombre d'tapes n tant toujours le mme.
0
0
1 Partie thorique
1.1 La correspondance entre C = et les courbes elliptiques
1.1.1 La fonction } de Weierstrass
D
nition 1. Les fonctions elliptiques sont des fonctions de C dans C mromorphes ayant
une double priodicit, c'est--dire qu'il existe !1 et !2 qui ne sont pas R -lis dans C tels
que pour tout complexe z du rseau = !1Z + !2Z, pour tout z dans C , f (z + z ) = f (z)
Le lien entre le quotient C = et les courbes elliptiques est donn par une fonction elliptique importante : la fonction } de Weierstrass. Avant de dnir la fonction } de Weierstrass on dmontre le lemme suivant : P
Lemme 1. Soit un rseau. La srie ! 0 !1 converge ds que > 2.
0
0
2
nf g
2
Dmonstration . On pose
ment :
= n f0g. On a la majoration suivante par simple dnombreX 1 8N 8
s = Ns = Ns 1
k
!
k
! ! =N
0
;
2
0
k
k
avec k:k = k:k la norme innie associe au rseau. Or, pour une certaine constante positive
C , on a :
X
X 1
1
C
s
j! j
sup(m n)]s
1
P
Donc
!
P
(
(mn) Z (00)
0
2
2
nf
g
) converge si s > 2. }
D
nition 2. On dnit la fonction } de Weierstrass par la formule suivante :
X 1
1
}(z) = z12 +
;
2 w2
! (z ; ! )
1
N =1
k
1
! =N !
k
k
s
k
0
2
Par le lemme prcdent, cette srie converge absolument uniformment sur tout compact
ne contenant pas de point de . Cette fonction est donc mromorphe donc videmment
elliptique de rseau , de ples les lments de . Dans la suite, on notera } la place de
} , en supposant que le rseau est dj x. On remarque aussi que cette fonction est paire.
La proprit principale de } qui nous servira est la suivante :
Thorme 2. L'application } vri
e l'quation direntielle
(} (z))2 = 4}(z)3 ; 60G4}(z) ; 140G6
0
o les nombres G4 et G6 sont les fonctions de rseau :
X 1
G2k =
2k
!
0
2
nf g
!
Dmonstration . On peut considrer la dirence du terme de gauche par le terme de droite la fonction obtenue sera elliptique (somme et produit de fonctions elliptiques) et sera un (1)
en 0, en utilisant les dveloppements en 0 :
}(z) = 12 + 3G4z2 + 5G6z4 + (z4 )
z
} (z) = ; z23 + 6G4z + 20G6z3 + (z3 )
C'est donc une fonction elliptique borne. En eet, ses ples sont sur , et elle est borne en
0, donc elle n'a pas de ple. Comme elle est aussi elliptique, elle est borne, donc constante,
et elle tend vers 0 en 0. Elle est donc nulle. }
On peut noter que, puisqu'on a convergence sur tout compact ne contenant pas de points
dans , la drive de } s'crit :
X
} (z) = ;2 (z ;1 !)3
!
0
0
2
3
qui est un fonction elliptique impaire. D'aprs la dnition de l'ordre d'une fonction elliptique et un thorme de Liouville expos dans la partie suivante, on peut dduire que comme
} est d'ordre 3 (car son seul ple priodicit prs est 0 qui est d'ordre 3), elle n'a que
trois racines priodicit prs. Comme par imparit on trouve trois racines f !21 !22 !1 +2 !2 g,
ce sont les seules priodicit prs. D'o
0
Thorme 3.
} (z) = 0 () z 2 f !21 !22 !1 +2 !2 g mod :
On utilise de mme un thorme de Liouville pour dmontrer le thorme suivant (en
utilisant le fait que } est d'ordre 2 et la remarque vidente }(z) = 0 ) }(;z) = 0) :
Thorme 4. L'quation }(z) = u admet exactement deux solutions z,z' ou une solution
double, l'autre solution tant z = ;z .
0
0
1.1.2 Les courbes elliptiques
D
nition 3. Une courbe elliptique E est dnie par une quation :
y2 = ax3 + bx2 + cx + d
o le polynme ax3 + bx2 + cx + d est sparable et de degr 3.
D
nition 4. La complte projective de E est dnie par l'quation homognise :
Y 2Z = aX 3 + bX 2 Z + cXZ 2 + dZ 3
Cela ajoute le point l'inni (0 :1 :0).
Par un changement ane sur x, on peut supprimer le terme de degr 2. De mme en
changeant y, on peut considrer que a = 4. Par la suite on considrera l'quation y2 =
4x3 + a x + b . On peut voir alors le lien avec la fonction } de Weierstrass. En eet l'quation
de courbe elliptique la plus reprsentative est dduite de l'quation direntielle vrie par
}. Plus exactement si on tudie la cubique de Weierstrass E (C ) associe au rseau :
0
0
Y 2 = 4X 3 ; g2 X ; g3
o g2 et g3 sont respectivement 60G4 et 140G6, alors, lorsqu'on la prolonge au plan projectif
(C )), on peut exhiber une application bijective holomorphe de
P2 (C ) (prolongement not E
(C ).
C = sur E
Thorme 5. L'application
z 7! f (z) = (}(z) : } (z) : 1) si z 2 C n (0 : 1 : 0) sinon
0
est une bijection de C = sur l'ensemble E (C ) des points de la complte projective de E dans
P2 (C ). De plus, cette fonction est holomorphe.
4
Dmonstration . On appelle le paralllogramme fondamental dlimit par !1 et !2 (o !1
et !2 sont associs ). D'aprs l'quation direntielle vrie par }, on sait que f applique
n f0g dans E (C ).
Montrons que f est injective. Supposons que f (z1) = f (z2).
Si } (z1) 6= 0, alors on a les deux quations :
0
}(z1 ) = }(z2 )
} (z1) = } (z2 ):
0
0
D'aprs le thorme 4, la premire quation donne z2 2 fz1 ;z1 g, et combine la deuxime,
on a, si on suppose que z2 = ;z1 , } (z1 ) = ;} (z1), ce qui implique que } (z1 ) = 0.
Si on a } (z1 ) = 0, alors z1 2 f !21 !22 !1 +2 !2 g.. Or les trois nombres }( !21 ), }( !22 ), }( !1 +2 !2 )
sont dirents (encore une application du thorme 4 : }( !21 ) = }( !22 ) ) !21 + !22 2 , ce qui
est faux), on a d'aprs la premire quation z1 = z2.
0
0
0
0
Montrons que f est surjective de n f0g dans E (C ) :
Soient (a b) 2 C 2 tels que b2 = 4a3 ;g2a;g3. Alors considrons les deux solutions z et z = ;z
de l'quation }(u) = a dans n f0g. L'quation direntielle donne } (z)2 = } (z )2 = b2 .
Comme } est impaire on a } (z) = ;} (z ), z et z satisfont f (u) = (a : b : 1).
0
0
0
0
0
0
0
0
Montrons que f (z) est holomorphe sur C . Dj, f est holomorphe sur C n , car }(z) et
} (z) le sont. Si z0 2 , on a f (z0) = (0 : 1 : 0), donc on tudie l'quation
0
Y 2Z = 4X 3 ; g2XZ 2 ; g3Z 3
pour Y = 1, ce qui donne alors
Z = 4X 3 ; g2XZ 2 ; g3Z 3
d'o
f (z) = (X : 1 : Z ) = ( }}((zz)) : 1 : } 1(z) )
0
0
ce qui prouve que f 4 est holomorphe en z0 , les deux fonctions apparaissant l'tant au voisinage de z0. }
On peut alors construire une loi de groupe sur la courbe elliptique E par la formule :
P Q := f (f 1(P ) + f 1(Q)):
;
;
qui n'est autre que l'addition sur les complexes transporte par la bijection f .
L'lment neutre est alors le point (0 : 1 : 0) et l'oppos de (X : Y : Z ) est (X : ;Y : Z ). Il
reste maintenant caractriser gomtriquement la somme P Q. Cela sera fait dans une
partie ultrieure.
5
1.2 Thorme d'Abel
Le thorme d'Abel est un rsultat important qui va nous servir dans la suite de notre
expos. Il s'agit en fait de la rciproque d'un thorme classique d'analyse complexe, le
quatrime thorme de Liouville.
Rappelons avant tout la dnition d'une fonction elliptique, ainsi que quelques proprits
qui les caractrisent.
D
nition 5. Une fonction f : C ! C f1g est dite elliptique si f est mromorphe dans
C et s'il existe un rseau tel que f (z + ! ) = f (z ) pour tout z 2 C et tout ! 2 .
On note un paralllogramme fondamental, dlimit par (0 !1 !2 !1 + !2 ) o !1 et !2
engendrent le rseau .
Le troisime thorme de Liouville donne alors une condition sur le nombre de zros et de
ples de cette fonction elliptique. Remarquons que, puisqu'une courbe elliptique ne possde
qu'un nombre ni de ples dans un domaine born de C , on peut choisir 2 C tel qu'elle
n'admette pas de ples sur la frontire de + .
Thorme 6 (Liouville). Soit f une fonction elliptique de rseau qui est dpourvue de
zro et de ple sur la frontire de +. Si on pose ma les ordres des zros a de f dans +
et nb ceux de ses ples b dans + , alors on a
ma = nb
Ce nombre ne dpend pas de . On l'appelle l'ordre de f.
Nous pouvons donc dsormais noncer le quatrime thorme de Liouville :
Thorme 7 (Liouville). Soit f une fonction elliptique de rseau qui est dpourvue de
zro et de ple sur la frontire de + . Soit n son ordre. Si (a1 ::: an) sont les zros de f
dans + et (b1 ::: bn ) ses ples dans + , rpts avec leur multiplicit, alors on a
a1 + ::: + an b1 + ::: + bn mod
Ces thormes sont des applications de la formule de Cauchy, que nous rappelons :
Lemme 2 (Formule de Cauchy). Soient a 2 C , r > 0, f : B (a r) ! C continue holomorphe
sur B (a r), b 2 B (a r). Alors on a
f (b) = 21{
Z
f (z) dz
C (ar) z ; b
Le thorme qui nous importe est la rciproque du thorme de Liouville, c'est--dire :
Thorme 8 (Abel). Soient (u1 ::: un) et (v1 ::: vn) deux familles de nombres complexes
et un rseau. Alors il existe f une fonction elliptique de priode dont les zros sont les
ui + et les ples sont les vi + si et seulement si
a1 + ::: + an b1 + ::: + bn mod
6
Dmonstration . Soient !1 et !2 deux gnrateurs de . On dnit alors L : C ! C f1g
par
X 1 1 z
+ + 2
L(z) = 1 +
z
Rappelons que
!
2
}(z) = z12 +
!
0
z;!
X
1
nf g
2
0
nf g
w
(z ; !)2
!
; w12
On constate que L (z) = ;}(z). Or on a vu qu } tait
existe deux nombres 1 et 2 tel que
priodique. On en dduit qu'il
0
8z 2 C L(z + !j ) = L(z) + j
pour j = 1 et j = 2. Posons : C ! C f1g la fonction dnie par
(z) = z
Y
!
2
0
nf g
(1 ; wz )exp( wz + 12 ( wz )2)
Alors on constate que ne s'annule que sur et que sa drive logarithmique est L, c'est-dire que 8z 2 C n ((zz)) = L(z). On en dduit que la fonction vj dnie par vj (z) = (z+(z!) j )
vrie l'quation direntielle vj (z) = j vj (z). On peut de plus remarquer que vj (; !2j ) = ;1.
On a donc 8z 2 C P
n vj (zP
) = ;exp(
j (z + !2j )). Choisissons des lments ai 2 ui + et
bi 2 vi + tel que ai = bi. Alors la fonction f : C ! C f1g dnie par
0
0
f (z ) =
Yn (z ; ai)
i=1
(z ; bi )
est une fonction mromorphe de priode dont les zros sont les ai + et dont les ples
sont les bi + . }
Disposant des thormes de Liouville, on peut maintenant caractriser gomtriquement
la loi de groupe sur la courbe elliptique.
Thorme 9. Une condition ncessaire et susante pour que trois points de E (C ) soient
aligns est que P Q R = 0.
Dmonstration . Supposons que P Q R soient aligns sur la droite d'quation aX + bY +
cZ = 0. Alors, en posant u = f 1(P ) v = f 1(Q) et w = f 1(R), par dnition de la loi de
groupe, u v w sont les racines de la fonction elliptique g(z) = a}(z) + b} (z) + c.
Si b 6= 0, cette fonction admet un ple unique d'ordre 3 en 0 2 C = . Le quatrime
thorme de Liouville nous donne alors que u + v + w 0 2 C = .
Si b = 0 mais a 6= 0, la droite s'crit aX + cZ = 0 qui passe par (0 : 1 : 0) 2 E (C ). On peut
alors supposer que R = 0 de paramtre w = f 1(R) 0 2 C = . Comme g admet un ple
unique d'ordre 2 dans C = , on a d'aprs le quatrime thorme de Liouville u + v = 0 mod ,
ce qui donne bien u + v + w = 0 mod .
Le dernier cas est celui o a = b = 0 et c 6= 0. Mais la cubique de Weierstrass :
;
;
;
0
;
Y 2Z = 4X 3 ; g2XZ 2 ; g3Z 3
7
admet Z = 0 comme tangente d'inexion donc le point (0 : 1 : 0) = 0 est point triple de
l'intersection de la cubique avec la droite Z = 0. D'o une fois de plus le rsultat.
Rciproquement, si on suppose u + v + w = 0, alors d'aprs la premire partie la droite
passant par f(u) et f(v) coupe E (C ) en un troisime point f(w') tel que :
u+v+w =0
0
D'o w = w et le rsultat demand. }
0
50
40
30
P Q
20
10
Q
0
P
−10
P Q
−20
−30
−40
−50
−10
−6
−2
2
6
Construction de P Q
8
10
14
18
22
2 Application au thorme de Poncelet
2.1 Introduction
On considre deux coniques C et D non dgnres n'ayant aucune intersection double
dans le plan projectif P2 (C ). On considre la conique duale D P2 , qui reprsente les
tangentes T D, et la courbe E C D forme des lments P = (X T ) o X 2 C et
T 2 D avec X 2 T .
On dnit sur E deux tranformations i et i par :
0
i(X T ) = (X T )
0
i (X T ) = (X T )
o X est la deuxime intersection de T avec C et T est la deuxime tangente D passant
par X , avec X = X lorsque T est tangente C et T = T lorsque X appartient D. On
remarque que la construction de Poncelet consiste en une itration de l'application j = i i.
Le thorme de Poncelet s'crit alors : S'il existe un entier n tel que j n(P ) = P pour un
certain P 2 E , alors j n(P ) = P pour tout P de E .
Remarque . Il peut sembler sur le dessin que la construction de Poncelet ne soit pas toujours
dnie. Cela vient du fait que notre dessin est dans R 2 . En eet, si on prend un point de C qui
se trouve l'intrieur de D, les tangentes D passant par ce point sont en fait complexes.
Cette remarque pourra tre ane dans le calcul des tangentes eectues dans la section
suivante.
0
0
0
0
0
0
0
X
X
0
T
T
0
D
C
Les applications i et i
0
2.2 Rapport avec les courbes elliptiques
Il s'agit pour nous d'utiliser les proprits des courbes elliptiques pour rsoudre ce problme gomtrique. Pour cela, nous allons montrer que E est une courbe elliptique.
Thorme 10. E est une courbe elliptique.
Remarquons que, dans une bonne base, on peut supposer que l'quation projective de
la conique D est de la forme x2 + y2 + z2 = 0. Nous la supposerons dsormais de cette
9
forme. Considrons alors un point (x0 : y0 : z0 ) de P2 . Alors les coordonnes projectives des
tangentes la conique D passant par le point (x0 : y0 : z0) sont
(;x z ; iy px2 + y2 + z2 : ;y z + ix px2 + y2 + z2 : x2 + y2)
0 0
0p 0
0 0
0p 0
0
0
0
0
0
0
(;x z + iy x2 + y2 + z2 : ;y z ; ix x2 + y2 + z2 : x2 + y2)
0 0
0
0
0
0
0 0
0
0
0
0
0
0
Nous pouvons remarquer que, comme attendu, si (x0 : y0 : z0) n'est pas un point de D,
alors il y a deux tangentes qui passent par ce point. Nous avons ainsi une paramtrisation
de nos tangentes par nos points. De plus, nous savons qu'une conique est paramtrable par
P1 (C ). Soit C un paramtrage. On a
C : P1 (C ) ! P2 (C )
C (t) = (x(t) : y(t) : z(t))
Alors on s'aperoit que, si on pose 2 = x(t)2 + y(t)2 + z(t)2 , alors E est entirement
dtermin par le couple (t ). Il s'agit donc pour nous de trouver un bon paramtrage de E .
C
tC + D
D
A
Pt
Paramtrage de C
Nous crirons l'quation projective de C sous la forme ax2 + by2 + cz2 + 2dxy + 2eyz +
2fzx = 0, et nous supposerons que le point A = ( : : ) est l'un des points d'intersection
de C et de D (Rappelons qu'il s'agit d'un point d'intersection simple par hypothse). Nous
allons paramtrer C par le faisceau de coniques tC + D, c'est--dire que, pour tout t 2 P1 (C ),
nous allons construire la tangente tC + D qui passe par le point A et nous lui associerons
le point d'intersection avec C distinct de A (et A si cette droite est tangente C , ce qui
n'arrive que dans le cas t = 1). Posons
X (t) = t(a + d + f ) + Y (t) = t(d + b + e) + Z (t) = t(f + e + c) + :
10
Alors l'quation de la tangente tC + D passant par ( : : ) est X (t)x + Y (t)y + Z (t)z = 0.
On obtient alors le paramtrage suivant (en coordonnes projectives) :
x(t) = Z (t)(;cX (t)2 + 2X (t)Z (t) + 2fY (t)Z (t) + 2eX (t)Z (t)
;2cX (t)Y (t) ; (2d + a)Z (t)2)
y(t) = Z (t)(cX (t)2 ; 2fX (t)Z (t) + aZ (t)2 )
z(t) = cX (t)3 + cX (t)2 Y (t) ; 2(e + f)X (t)2Z (t) + (2d + a)X (t)Z (t)2 + aZ (t)2Y (t)
On en dduit qu'en posant
2 = x(t)2 + y(t)2 + z(t)2
nous obtenons un paramtrage (t ) de E qui fait de E une courbe elliptique d'origine A de
faon claire, puisque l'on a 2 = det(tC~ + D~ ) o C~ et D~ sont les matrices reprsentant les
formes quadratiques dnies par C et D.
Remarque . En fait, pour vrier que det(tC~ + D~ ) = x(t)2 + y (t)2 + z (t)2 , on s'aperoit
que ces polynmes ont les mmes racines, que det(tC~ + D~ ) est scind racines simples. De
plus on peut se convaincre que P (t) = x(t)2 + y(t)2 + z(t)2 est racines simples. En eet
en considrant la courbe P (t) = 0, si on avait une racine double, on aurait P (t) = 0 =
DF (x(t) y(t) z(t)) (x (t) y (t) z (t)) (avec F (x y z) = x2 + y2 + z2 ). Comme le noyau de
DF (x y z) est en fait la droite tangente D en (x y z) 2 D car x2 + y2 + z2 = 0 et le
vecteur (x (t) y (t) z (t)) le vecteur tangent C en (x(t) y(t) z(t))(2 C par dnition du
paramtrage), P (t) = 0 implique alors que C et D ont une tangente commune, ce qui est
faux.
KerDF (x(t) : y(t) : z(t))
0
0
0
0
0
0
0
0
(x (t) : y (t) : z (t))
0
0
0
D
(x(t) : y(t) : z(t))
C
Une preuve que 2 (t) est racines simples
11
Remarque . Par analogie avec les cercles, l'interprtation de est simple : il s'agit de la
puissance du point (x(t) : y(t) : z(t)) par rapport la conique D.
2.3 Une dmonstration du thorme de Poncelet
Nous avons dsormais tous les lments pour dmontrer le thorme de Poncelet. Puisque
E est une courbe elliptique, E s'identie C = o est un certain rseau de C (cf Partie
Thorique).
On considre la projection p : E ! P1 (C ) dnie par p(X T ) = X . Etant donn notre
paramtrage, il est clair qu'il s'agit d'une fonction mromorphe priodique. Le troisime
thorme de Liouville arme alors que la fonction i est de la forme i (z) a ; z mod si
on regarde son action sur C = . En eet, si et sont deux points de E , alors la fonction f
dnie par f = pp pp(()) a ses zros en et en i (), et ses ples en et en i ( ). On a donc
0
;
0
0
0
;
+ i () + i ( ) mod
0
0
On obtiendrait par ce mme procd la mme galit pour i en considrant la fonction
p (X T ) = T dnie sur E . Ainsi, en posant i0 = i(A) et en remarquant que i0 = i (A) est
nul, on a
i(z) i ; z mod
0
i (z) = ;z mod
Ainsi notre application j dnie prcdemment comme la compose des fonctions i et
i s'crit j (z) = z ; i0 mod . Il s'agit donc en fait juste d'une translation. Il est donc
vident que si j n admet un point xe pour un certain n, c'est--dire si ni0 0 mod , alors
la transformation j n induit l'identit sur la courbe E . On a donc dmontr le thorme de
Poncelet. }
0
0
0
0
0
3 Quelques prcisions ...
Nous pouvons en eet avoir un rsultat plus prcis. Nous allons montrer le thorme
suivant :
Thorme 11 (Cayley). Soient deux coniques non dgnres C et D reprsentes par les
matrices C~ et D~ , telles qu'elles ne possdent pas de point d'intersection double. crivons
q
det(tC~ + D~ ) = A0 + A1 t + A2t2 + :::
12
Alors la construction de Poncelet forme un n-gone si, et seulement si,
A A m+1 : 2
: :
: = 0 si n = 2m + 1
:
A A: m+1
2m
A A m+1 : 3
: :
: = 0 si n = 2m
:
A A: m+1
2m 1
;
Remarque . Le coecient A0 est non nul puisqu'il vaut det(D~ ) et que D est une conique non
dgnre.
Dmonstration . Ce thorme dcoule d'un thorme plus gnral :
Lemme 3 (Cayley). Soient E une courbe elliptique d'origine o d'quation
y2 = (x ; a)(x ; b)(x ; c)
o a b c sont des nombres distincts non nuls. Soit p 2 E tel que x(p) = 0. Si on crit
p
y = (x ; a)(x ; b)(x ; c) =
X
1
k=0
Ak xk
alors p est d'ordre n dans le groupe E (C ) si et seulement si
A A m+1 : 2
: :
: = 0 si n = 2m + 1
:
A A : m+1
2m
A A m+1 : 3
: :
: = 0 si n = 2m
:
A A : m+1
2m 1
;
En fait, ce thorme est une consquence du thorme de Niels Abel (cf prcdemment).
Il s'agit pour nous d'exprimer sous quelle condition un point p de C = vrie np 0 mod .
Appelons H 0(#E n:o]) l'espace vectoriel des fonctions elliptiques sur E dont le seul ple est
0 et dont l'ordre est infrieur ou gal n. Il s'agit d'un espace vectoriel de dimension n.
13
Appelons (f1 ::: fn) une base de H 0(#E n:o]). Alors
np 0 mod , 9f 2 H 0(#E n0]) f (p) = f (p) = ::: = f (n 1) (p) = 0
0
;
, 9(a1 ::: an) 2 C nf(0 ::: 0)g 8j 2 f0 ::: n ; 1g Pni=1 aifi(j)(p) = 0
f (p) f (p) f1(p) fn(p) n
:1
:
= 0
, W (p) = :
:
:
:
(n 1)
f1 (p) fn(n 1) (p) 0
0
;
;
On veut chercher si W (p) = 0. Pour cela, on remarque qu'il sut de considrer la drive
des fonctions de la base par rapport x. En eet, il sut de montrer que l'on peut utiliser
dx (u) = f (u) 6= 0. Ceci est vrai car on a
le thorme d'inversion locale en p c'est--dire que du
pris a b c 6= 0 donc f (u) = y(u) 6= 0 (f (u)2 = ;abc).
On va donc exprimer W (x = 0) dans la base 1 x x2 ::: xm y xy x2y ::: xm 1y si n =
2m + 1 et x x2 ::: xm y yx ::: xm 2y si n = 2m.
0
0
0
;
;
On crit y sous la forme d'un dveloppement en x, c'est--dire y = A0 + A1 x + A2 x2 + :::.
Il faut donc valuer les drives l-ime des fonctions de notre base par rapport x en 0.
Alors on a
dl (x y) = l!A
l dxl
Cette remarque fait apparatre une matrice de la forme
AB 0C
o la matrice A est une matrice diagonale dont les lments sont de la forme i! et on a, pour
n = 2m+1
0 (m + 1)!A (m + 1)!A (m + 1)!A 1
m
2
BB (m + 2)!Amm+1
+2 (m + 2)!Am+1 (m + 2)!A3 C
CC
B
:
:
CC
C=B
BB :
:
CA
@ :
:
(2m)!A2m (2m)!A2m 1 (2m)!Am+1
Finalement,
;
;
W (p) = 0 , det
A(C ) = 0 A m+1 : 2
: : = 0
, :
:
: Am+1 A2m 14
On tombe ainsi sur le dterminant cherch. On a dmontr le rsultat pour n = 2m + 1. Le
calcul est similaire pour n = 2m.
Enn, il sut d'appliquer le rsultat l'application E ! P1 (C ) qui tout point u de
E associe t, qui est une application d'ordre 2 en o et qui s'annule en p, et l'application
E ! P1 (C ), qui tout point u de E associe , qui est d'ordre 3 en o. On obtient ainsi le
rsultat nonc. }
Rfrences
!1]
!2]
!3]
!4]
H. Lebesgue, Les coniques, Gauthier-Villars, 1942
P. Grith,J.Harris, L'enseignement mathmatique 24, 1978, pages 31-40
Y. Hellegouarch, Invitation aux mathmatiques de Fermat-Wiles, Masson, 1997
H.J.M. Bos, C. Kers, F. Oort, D.W. Raven, Poncelet's closure theorem, Exposi-
tiones Mathematicae, 1987, pages 289-364
!5] Mac Kean, Elliptic curves : function theory, geometry, arithmetic, Cambridge University Press, 1997
!6] D. Hsemoller, Elliptic curves, Springer, 1987
15