Conditions et conséquences de la rupture de négociations

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Conditions et conséquences de la rupture de négociations
07 JUIN 10
Hebdomadaire Paris
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N° de page : 28
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Entreprise et expertise Juridique
Conditions et conséquences
de la rupture de négociations
Des négociations peuvent être rompues tant
qu'un accord définitif n'est pas conclu. Mais
si elle est abusive, la rupture ouvre droit à
dommages-intérêts.
D
ans une espèce jugée par la cour d'appel de
Paris1, deux sociétés s'étaient accordées sur le
principe de la prise du contrôle d'une filiale de
Tune d'entre elles. Une lettre d'intention avait
été signée. Après plusieurs mois de négociations, le vendeur
potentiel avait rompu les pourparlers.
Uant qu'un contrat définitif n'est pas conclu,
les pourparlers peuvent être rompus
La lettre d'intention évoquait l'intérêt de la poursuite
des négociations en vue de la prise dc contrôle majoritaire, la situation qui existerait si ces négociations devaient aboutir, les conditions et modalités d'une prise de
contrôle, la signature d'un protocole d'accord et d'une
garantie d'actif et de passif dont le plafond et la franchise devraient être fixés après réalisation d'un audit si
les parties donnaient une suite favorable au projet et les
clauses et obligations qui devraient figurer dans un pacte
d'actionnaires. Elle soumettait la réalisation définitive
de l'opération à un accord sur le protocole d'accord, la
garantie d'actif et de passif et les autres documents qui
ne devaient être rédigés que lorsque les autres conditions
auraient été satisfaites.
La cour d'appel a estimé que «compte tenu des termes
utilisés» et «de l'emploi qui y est fait du conditionnel», la
lettre d'intention ne contenait pas «une offre précise, complète et ferme ainsi qu'une acceptation claire portant sur
les éléments essentiels du contrat» et ne révélait pas «une
volonté non équivoque et délibérée». Au contraire, ces
«stipulations expresses, claires et précises» démontraient
que «les parties étaient toujours au stade des pourparlers
précontractucls».
Aucun accord définitif n'ayant été formé, toute partie pouvait donc rompre les pourparlers.
; CA Pans 8° ch
8 décembre 2009
FIDAL
5776924200509/GST/MNL/2
2. Mais la rupture ne doit pas être abusive
L'acquéreur estimait que la rupture des pourparlers
avait été abusive. D rappelait ainsi qu'il avait associé
la cible à la mise en œuvre de ses projets de développement, que le comité d'entreprise avait été consulté,
qu'un audit financier avait été réalisé, qu'un conseil de
surveillance avait donné son feu vert à l'opération, qu'un
journal de l'acquéreur avait évoqué le rapprochement,
Olivier de Précigout, avocat associé, droit des
sociétés, fusions-acquisitions. Fidal
que la documentation d'acquisition avait été formalisée
et que des projets et contreprojcts avaient été échangés.
Il précisait enfin que c'est lors d'une réunion destinée à
finaliser les textes et régler les dernières divergences que
le vendeur avait indiqué ne plus vouloir réaliser l'opération, invoquant l'absence de garantie de l'acheteur sur
les synergies attendues du rapprochement.
Le vendeur se défendait quant à lui en plaidant ne pas avoir
reçu de réponses satisfaisantes sur l'absence des synergies
envisagées et ne pas avoir entretenu un espoir vain chez
l'acquéreur, ainsi qu'en affirmant que les parties ne parviendraient jamais à s'accorder sur l'équilibre économique
du contrat.
La cour d'appel a jugé que la question des synergies était
un «prétexte fallacieux» en énumérant les faits et événements justifiant sa position.
Elle conclut que «la rupture des pourparlers est intervenue
brutalement, de manière imprévisible et sans motif légitime» alors que l'acquéreur pouvait croire «sans imprudence de sa part, que les actes de cession allaient être
finalisés».
En l'espèce, bien que possible en l'absence d'un accord
définitif, la rupture avait donc été abusive.
3. L'octroi de (faibles) dommages-intérêts,
sanction de la rupture abusive
L'acquéreur demandait enfin à être indemnisé des coùts
internes et externes qu'il avait engagés, du gain manqué
qu'il aurait tiré de l'exécution du contrat de cession et de
son préjudice d'image.
Rappelant que la lettre d'intention stipulait que chaque
partie restait responsable des coûts ct débours engagés dans
le cadre des négociations et/ou dc la transaction et que les
conventions tiennent lieu de loi aux parties et doivent donc
être exécutées de bonne foi, la cour d'appel a rejeté la première demande de l'acquéreur.
Elle refuse également de l'indemniser pour le gain manqué,
car l'absence d'accord ferme et définitif empêchait que le
préjudice de l'acheteur évincé soit constitué des gains espérés ou de la perte d'une chance d'obtenir ces gains.
La cour accepte néanmoins que l'acquéreur soit indemnisé
pour le discrédit qui résultait pour lui de la brutalité de la
rupture fautive. •
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