[Affective disorders, antipsychotics and mood stabilizers

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[Affective disorders, antipsychotics and mood stabilizers
L’Encéphale (2010) Supplément 6, S188–S196
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
Troubles affectifs, antipsychotiques et
thymorégulateurs : innovations thérapeutiques
Affective disorders, antipsychotics and mood stabilizers:
Therapeutic innovations
M. Adida(a)*, R. Richieri(a), M. Maurel(a), A. Kaladjian(b), D. Da Fonseca(a),
T. Bottai(c), E. Fakra(a), D. Pringuey(d), J.-M. Azorin(a)
(a) Pôle Universitaire de Psychiatrie, Hôpital Ste Marguerite, 13274 Marseille cedex 09, France
(b) CHRU Hôpital R. Debré, av. Général Koenig, 51092 Reims, France
(c) CH Vallon, chemin des Rayettes, BP 248, 13500 Martigues, France
(d) Clinique de Psychiatrie et de Psychologie Médicale, Abbaye de St Pons, Pôle de Neurosciences Cliniques, CHU Pasteur
Nice, France
MOTS CLÉS
Trouble bipolaire ;
Dépression bipolaire ;
Manie ;
Traitement
pharmacologique ;
Revue de la littérature
KEYWORDS
Bipolar disorder;
Bipolar depression;
Mania;
Pharmacological
treatment;
Non-systematic review
Résumé La prise en charge du trouble bipolaire a connu de nombreux changements ces dernières années
avec la découverte et la commercialisation de nouveaux agents pharmacologiques. En accord avec
l’apparition de nouvelles thérapies mais aussi avec l’émergence de nouvelles indications de traitement,
la compréhension de la phénoménologie et de la neurobiologie sous-tendant le trouble bipolaire n’a fait
qu’évoluer pour rendre les classifications et les traitements du trouble bipolaire beaucoup plus complexes.
Cependant, un délai moyen de huit ans reste nécessaire à la détection et à la prise en charge d’un trouble
bipolaire, et les traitements nécessitent encore bien des améliorations. Dans cet article, nous avons
souligné la prudence nécessaire vis-à-vis des nouvelles utilisations de nouveaux traitements
pharmacologiques dans la prise en charge du trouble bipolaire. Nous avons aussi rappelé la nécessité d’une
prise en charge spécifique à chaque individu souffrant de trouble bipolaire. En particulier, la réussite du
traitement d’un trouble bipolaire réside dans la prévention des rechutes. Ainsi, les traitements
prophylactiques sont d’une importance majeure, et la tolérance des agents pharmacologiques est un
paramètre qui doit être pris en compte à chaque étape de la prise en charge. Au centre du soin se place
l’individu qui souffre d’un trouble bipolaire, avec qui une alliance thérapeutique doit exister. Nous
rappelons que les guidelines synthétisés dans cet article ne sont qu’un guide pour la prise en charge du
trouble bipolaire, et que c’est au soignant de les interpréter dans le contexte de sa pratique clinique.
© L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés.
Summary Management of bipolar disorder has undergone many revisions in recent years as new agents
and treatments have been developed and studied with variable success. In conjunction with the advent
of novel therapies and indications, there has been an increase in the understanding of the phenomenology
and neurobiology of bipolar disorder that has made the classification and management of the illness
necessarily more sophisticated. However, there remains a significant delay of 8 years in detecting and
diagnosing bipolar disorder, and a further need to improve treatments. However, this paper has
emphasized the need to be aware of recent advances and the emerging uses of new pharmacological
treatments in the management of bipolar disorder. It has also highlighted the need for tailoring
management to the individual. In particular, the successful treatment of bipolar disorder requires
achieving prophylaxis and preventing relapse. In this regard, maintenance therapy is of paramount
* Auteur correspondant.
E-mail : [email protected]
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts.
© L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés.
Troubles affectifs, antipsychotiques et thymorégulateurs : innovations thérapeutiques
S189
importance, and thus the tolerability of agents needs to be considered throughout treatment and should
be factored into all management decisions. At the centre is the individual with bipolar disorder and the
need to maintain a healthy therapeutic relationship. However, it is important to note that the evidence
synthesized in this paper serves only as a guide to the management of bipolar disorder and that, in
clinical practice, all treatment recommendations require contextual interpretation, the consideration of
local factors and the consultation of additional resources.
© L’Encéphale, Paris, 2010. All rights reserved.
Introduction
Le trouble bipolaire est une maladie complexe avec des
caractéristiques et une évolution qui varient d’un patient à
l’autre : il n’existe pas un traitement, ou une association de
traitements, qui ait démontré une efficacité, lors d’essais
randomisés contrôlés, dans la prévention et/ou le contrôle
de tous les aspects de la maladie, i.e. la manie aiguë, la
dépression, les épisodes mixtes et les cycles rapides.
Néanmoins, cinq principes généraux peuvent améliorer
la prise en charge des patients souffrant de trouble bipolaire : le médecin peut résumer leurs parcours de vie selon
un schéma de vie (life chart) ; le médecin doit interroger
le patient sur ses éventuels abus de substances, sur les
effets secondaires des traitements, puis mettre en place
une prise en charge adaptée ; les psychothérapies doivent
être centrées sur la compliance au traitement, la psychoéducation et le respect des rythmes circadiens ; la prévention des comportements suicidaires doit être une obsession ;
parce qu’ils peuvent induire un épisode de manie ou précipiter un cycle rapide, les antidépresseurs doivent être utilisés avec mesure ; et enfin, pour les nombreux patients qui
ne répondent pas à une monothérapie, une bithérapie
médicamenteuse doit être prescrite [16].
Avant de choisir le traitement le plus adapté, le médecin et le patient établissent ensemble un schéma de vie
(life chart), c’est-à-dire une ligne temporelle qui décrit
visuellement le début et la fin de chaque épisode, la durée
des différents traitements et des événements de vie déterminants. Au long cours, il est plus aisé d’établir un schéma
de vie que de recueillir à l’interrogatoire les antécédents
médicaux du patient. De plus, ce schéma apporte au clinicien une vision claire du décours naturel de la maladie et
de l’effet des différents traitements.
Les médecins qui traitent le trouble bipolaire doivent
aussi prendre en charge les troubles comorbides, tels que
l’abus de substance, et prévenir, le pire devenir de cette
maladie, le suicide. Selon une étude réalisée par l’Epidémiologic Catchment Area, 60 % des patients avec un trouble bipolaire remplissent aussi les critères diagnostiques,
au cours de leur vie, d’abus de substance, et deux tiers de
ces patients comorbides, remplissent aussi les critères diagnostiques de dépendance à une substance ou à l’alcool
[36]. L’abus de substances détériore le décours de la maladie, interagit négativement avec les traitements pharmacologiques prescrits et diminue la compliance des patients
à ces traitements. Les effets secondaires des traitements
représentent une autre raison majeure à la non-compliance
des patients. Le fait qu’ils sont le plus souvent non détectés et/ou non traités, n’est pas acceptable : le praticien
doit systématiquement avertir le patient de la probable
apparition d’effets secondaires connus et fréquents. Il doit
ensuite les prendre en charge ou, quand cela est impossible, envisager avec le patient une modification de traitement.
Le plus souvent, une prise en charge limitée aux traitements pharmacologiques est insuffisante dans le trouble
bipolaire. Les psychothérapies, avec en particulier les
techniques cognitivo-comportementales, centrées sur
l’amélioration de la compliance aux traitements et sur le
maintien de l’intégrité des rythmes circadiens (avec l’apprentissage des rythmes sociaux), améliorent l’efficacité
des traitements pharmacologiques : la différence d’efficacité entre un traitement médicamenteux prescrit seul et
un traitement médicamenteux associé à une psychothérapie [28] est plus importante que la différence d’efficacité
entre un traitement médicamenteux prescrit seul et un
placébo [12].
De plus, nous devrions accepter le fait, que, comme
dans toutes les pathologies médicales complexes telle que
l’hypertension, une association de traitements médicamenteux est souvent plus efficace qu’un unique traitement,
dans la prise en charge de patients souffrant de trouble
bipolaire.
Objectifs
Cet article est destiné à expliciter, pour les professionnels
de santé, la prise en charge pharmacologique d’un malade
admis en affection de longue durée (ALD) au titre de l’ALD
23 : affections psychiatriques de longue durée. Il constitue
une synthèse, écrite en langue française, des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) publiées en 2009
[25], des différents guidelines en vigueur dans d’autres
pays [7, 10, 19-23, 27, 29, 42-44] et de très récentes revues
de la littérature publiées en langue anglaise et indexées
dans les bases de données électroniques Medline, Ovid et
PsycInfo. Nous préciserons la prise en charge du patient
présentant un trouble bipolaire tel que défini dans la liste
des actes et prestations publiées par l’HAS, et nous compléterons ces recommandations par de récentes données
de la littérature scientifique. L’objectif de ce travail est
d’être un outil pragmatique auquel le médecin puisse se
référer pour la prise en charge pharmacologique de la
pathologie considérée. Les troubles bipolaires de l’enfant
et de l’adolescent ne seront pas abordés.
M. Adida et al.
S190
Rappels sur les troubles bipolaires
Les troubles bipolaires correspondent à des critères diagnostiques précis, des indications thérapeutiques spécifiques et des complications particulières [1-6] qui les
distinguent des troubles dépressifs récurrents. Le trouble
bipolaire est un trouble récurrent de l’humeur alternant
des phases d’expansions de l’humeur avec une augmentation de l’énergie et des activités (manie ou hypomanie), et
des baisses de l’humeur (dépression), avec des intervalles
libres plus ou moins longs. Dénommé par le passé psychose
maniaco-dépressive, le trouble bipolaire recouvre une définition plus large de troubles de l’humeur qui sont parfois
accompagnés ou non par des symptômes psychotiques.
Il existe plusieurs types de troubles bipolaires. Les critères diagnostiques des différentes pathologies représentant le spectre bipolaire sont décrits dans les classifications
internationales telles que la Classification internationale
des maladies de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)
(F31 – CIM 10) [35] et dans le texte révisé du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’American Psychiatric Association (APA) (DSM-IV-TR) [24]. Selon le
DSM-IV-TR, les troubles bipolaires sont catégorisés en trouble bipolaire de type I, trouble bipolaire de type II et trouble bipolaire non spécifié (NOS). Les troubles bipolaires de
type I sont caractérisés par la présence d’au moins un épisode maniaque ou mixte. Les troubles bipolaires de type II
sont caractérisés par la survenue d’un ou plusieurs épisodes
dépressifs majeurs et d’au moins un épisode d’hypomanie.
Selon Merikangas et al. (2007), aux États-Unis, les troubles
bipolaires I et II auraient des prévalences équivalentes,
estimées respectivement dans la population générale à
1,0 % et 1,1 %. Selon ces auteurs, le trouble bipolaire pourrait s’étendre à un spectre bipolaire, et sa prévalence
pourrait ainsi être augmentée de 2,4 %, ce qui porterait la
prévalence du spectre bipolaire à 4,5 %, soit environ un peu
moins d’un individu sur vingt [34].
Dès le premier épisode, le trouble bipolaire doit être
considéré comme une maladie potentiellement récurrente. Le trouble bipolaire entraîne pour le patient une
vulnérabilité chronique en raison des oscillations de l’humeur plus ou moins permanentes, et nécessite une prise
en charge à vie. Plus de 90 % des patients qui ont présenté
un épisode maniaque, présenteront d’autres épisodes thymiques. Le cycle des rémissions et des rechutes est très
variable bien que les périodes de rémissions tendent à
devenir de plus en plus courtes lorsque les troubles ne
sont pas traités. Les épisodes des troubles bipolaires peuvent être, hypomaniaques, maniaques sans symptômes
psychotiques, maniaques avec symptômes psychotiques,
dépressifs légers ou modérés, dépressifs sévères sans
symptômes psychotiques, dépressifs sévères avec symptômes psychotiques, mixtes sans symptômes psychotiques,
mixtes avec symptômes psychotiques. Actuellement, il
n’existe pas d’outil d’évaluation paraclinique pour le diagnostic des troubles bipolaires. Le diagnostic repose sur
l’évaluation clinique et peut être long et complexe. Il
peut s’écouler 8 ans en moyenne, entre le début des
troubles et la confirmation du diagnostic. Les patients
ayant un trouble bipolaire rapportent davantage de difficultés dans divers domaines de la vie. L’impact familial,
social et professionnel, des troubles bipolaires est majeur.
Ces difficultés portent sur les relations familiales, l’insertion professionnelle, les relations interpersonnelles, en
particulier avec les proches et en société, et sur les activités de loisirs.
Non correctement prise en charge, cette pathologie
peut se compliquer, d’une évolution plus sévère des
troubles avec l’apparition de cycles rapides (plus de quatre épisodes par an) et l’apparition de troubles associés
tant psychiatriques (abus, dépendance à l’alcool et aux
substances psycho-actives illicites, troubles anxieux) que
soma–tiques (troubles cardiovasculaires, diabète, etc.), de
tentatives de suicide, voire de suicide (15 % des patients
ayant un trouble bipolaire décèdent par suicide), d’actes
médicolégaux liés à la désinhibition psycho-comportementale survenant au cours de certains épisodes bipolaires,
d’une désinsertion, familiale, professionnelle et sociale.
L’ensemble de ces risques nécessite une prise en charge
précoce et adaptée.
Prise en charge pharmacologique
du trouble bipolaire
Les troubles bipolaires sévères sont souvent difficiles à
équilibrer en monothérapie thymorégulatrice. Les stratégies thérapeutiques des formes résistantes peuvent donc
inclure des polythérapies associant différents psychotropes. Leur combinaison justifie l’avis du spécialiste et
requiert une vigilance particulière quant aux interactions
médicamenteuses. Un certain nombre de molécules utilisées dans le traitement du trouble bipolaire n’ont pas
obtenu d’AMM en France.
Objectifs - cadre réglementaire
Lors des troubles aigus, les objectifs sont de réduire la
sévérité des symptômes, les troubles psycho-comportementaux, le risque suicidaire, et de protéger le patient, ses
proches et ses biens. Par la suite le traitement s’attache à
stabiliser l’humeur, prévenir les rechutes, dépister et traiter les comorbidités psychiatriques et médicales, aider le
patient à prendre conscience de sa pathologie et à accepter son traitement, préserver les capacités d’adaptation
pour contribuer à l’autonomie et à la qualité de vie du
patient, évaluer et tenter de préserver au maximum le
niveau de fonctionnement social et professionnel, et la vie
affective et relationnelle, prendre en compte le mode de
fonctionnement psychique et une dimension plus subjective (affectivité, représentations).
Le prescripteur doit s’assurer que les médicaments prescrits disposent d’une indication validée par une autorisation
de mise sur le marché (AMM). Dans le cas d’une prescription
hors AMM, celle-ci doit faire l’objet d’une information complémentaire spécifique pour le patient. L’HAS recommande,
lors du démarrage du traitement pharmacologique, de
demander un avis spécialisé psychiatrique.
Troubles affectifs, antipsychotiques et thymorégulateurs : innovations thérapeutiques
Durée du traitement médicamenteux
Le trouble bipolaire est par définition à risque élevé de
rechutes et justifie un traitement au long cours. Une prise
en charge thérapeutique prolongée généralement, et une
prise en charge au long cours, s’avèrent nécessaires pour
minimiser le risque de rechutes, améliorer la qualité de vie
et le fonctionnement social et interpersonnel.
Selon la HAS, après un premier épisode de trouble bipolaire, le traitement doit être maintenu au moins 2 ans. Il
est souhaitable que ce traitement soit maintenu jusqu’à
5 ans si le patient présente des risques de rechutes élevés
tels qu’un épisode psychotique sévère, un abus ou une
dépendance à l’alcool et aux substances psychoactives illicites (cannabis, stimulants, opiacés), des événements
ayant un retentissement sur le fonctionnement du patient,
un isolement social, une précarité. La durée du traitement,
les facteurs de risque de récidive, doivent être discutés
avec le patient et doivent être réévalués régulièrement. Si
le patient malgré tout souhaite arrêter prématurément son
traitement, il doit être encouragé à en discuter avec son
médecin.
La prise en charge des épisodes aigus maniaques
et hypomaniaques
Selon l’HAS, le traitement des troubles bipolaires lors des
épisodes aigus maniaques ou mixtes, hypomaniaques, repose
en première intention sur le thymorégulateur (le lithium),
les anticonvulsivants (le divalproate de sodium), les antipsychotiques atypiques (l’olanzapine, la rispéridone, l’aripiprazole). La prescription repose sur le principe visant à
privilégier une monothérapie le plus souvent possible.
Pour les patients recevant déjà un traitement psychotrope, en cas d’échec thérapeutique, après avoir vérifié
l’observance du patient, l’HAS recommande d’effectuer les
dosages plasmatiques du médicament et, le cas échéant,
de stupéfiants, et éventuellement d’augmenter la posologie des médicaments. Une récente revue de la littérature
scientifique sur l’intérêt du dosage de la dépakinémie dans
le trouble bipolaire a conclu qu’il n’y avait pas d’arguments
en faveur du dosage de la dépakinémie en routine à l’exception de situations impliquant un métabolisme inhabituel
du valproate, une polythérapie entraînant des interactions
médicamenteuses cliniquement patentes ou la vérification
de la prise du traitement [26]. En l’absence d’effet de
cette augmentation de posologie ou dans l’impossibilité de
l’augmenter, l’HAS propose, soit de changer de traitement
thymorégulateur, soit de prescrire une association de traitements. En effet, seulement 50 % des patients maniaques
répondent à une monothérapie et 75 % à une bithérapie
[32]. La littérature scientifique recommande les associations telles que le lithium ou le divalproate avec un antipsychotique atypique [37, 38]. Si un antipsychotique n’est
pas déjà utilisé, les guidelines recommandent l’adjonction
d’un antipsychotique quand la symptomatologie du patient
comprend des signes psychotiques [39].
La HAS précise que d’autres traitements peuvent être
envisagés en deuxième intention pour les épisodes aigus,
maniaques ou mixtes, hypomaniaques : les anticonvulsi-
S191
vants tels que la carbamazépine, le valpromide, l’oxcarbazépine (hors AMM), les neuroleptiques conventionnels
(hors AMM), d’autres antipsychotiques atypiques tels que
l’amisulpride, la clozapine (hors AMM). La prescription de
clozapine requiert des mesures de précaution obligatoires
(surveillance régulière de la numération formule leucocytaire et du nombre absolu de polynucléaires neutrophiles
(PNN) et doit être réalisées conformément aux recommandations du résumé des caractéristiques du produit
(RCP)).
La prise en charge des épisodes dépressifs aigus
Pour les patients traités pour un trouble bipolaire, l’HAS
recommande de vérifier si la dose du traitement est appropriée et de l’augmenter le cas échéant. Si nécessaire, un
antidépresseur est prescrit en association au traitement du
trouble bipolaire. L’HAS rappelle que les antidépresseurs
qui sont prescrits hors AMM sont à utiliser avec précaution
et sous étroite surveillance, en raison du risque accru de
comportement suicidaire et en raison du risque de virage
maniaque (auquel cas le traitement devra être arrêté).
Pour les patients non traités, l’HAS précise que si un
antidépresseur doit être prescrit, il doit l’être en association avec un traitement thymorégulateur : le lithium, le
divalproate de sodium, la carbamazépine. La littérature
scientifique suggère de prescrire, en première intention,
du lithium, du divalproate de sodium, de la lamotrigine, de
la quetiapine [32]. La quetiapine est un antipsychotique
atypique qui n’a pas encore obtenu l’AMM en France. Il faut
souligner que le lithium est le seul traitement à posséder
des propriétés anti-suicidaires [11, 31].
Selon la HAS, en association avec un antidépresseur,
pour certains patients non contrôlés par un traitement thymorégulateur, d’autres traitements du trouble bipolaire
peuvent être prescrits (hors AMM) : l’olanzapine, la rispéridone, l’aripiprazole, la lamotrigine. La littérature scientifique recommande, en première intention, les associations
suivantes pour traiter une dépression bipolaire : l’olanzapine avec la fluoxétine [40] et le lithium associé au divalproate de sodium ou à la lamotrigine [41, 45].
La HAS conseille de prescrire en première intention un
inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS)
sous couvert d’un thymorégulateur. D’autres classes d’antidépresseurs peuvent être également envisagées mais toujours en association à un thymorégulateur : les inhibiteurs
de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, la
tianeptine, la miansérine, la mirtazapine, les IMAO, les
antidépresseurs tricycliques (les antidépresseurs tricycliques ne sont pas recommandés en première intention dans
le traitement des épisodes aigus dépressifs en raison de la
fréquence des virages maniaques entraînés par ces traitements). La HAS recommande de débuter l’antidépresseur à
une posologie efficace la plus basse possible, et d’augmenter celle-ci progressivement si nécessaire. Si nécessaire,
les benzodiazépines et les hypnotiques peuvent être utilisés en tant que traitements adjuvants des épisodes dépressifs. En cas de résistance de l’épisode dépressif à un
traitement, il est recommandé de vérifier l’observance du
S192
patient, de faire réaliser des dosages plasmatiques des
molécules dosables, et d’adresser rapidement le patient en
consultation spécialisée psychiatrique.
Conditions d’arrêt d’un antidépresseur
Lorsqu’un patient est en rémission d’un épisode dépressif,
ou si les symptômes sont significativement moins sévères
depuis au moins 8 semaines, l’HAS recommande d’envisager
l’arrêt de l’antidépresseur. En effet, l’épisode dépressif
bipolaire justifie d’une durée de traitement de consolidation
plus courte que celle de l’épisode dépressif majeur unipolaire du fait de l’induction du risque de virage maniaque ou
mixte en cas de maintien trop prolongé d’un traitement
antidépresseur. L’HAS recommande lorsque l’arrêt du traitement antidépresseur est décidé, de diminuer progressivement sur plusieurs semaines la posologie de l’antidépresseur
tout en maintenant la posologie du thymorégulateur, afin de
minimiser les risques de symptômes de sevrage à l’arrêt du
traitement observés avec certains antidépresseurs.
Une attention particulière est portée aux patients traités par venlafaxine ou paroxétine en raison d’un risque plus
important de symptômes de sevrage.
Information des patients traités par antidépresseur
La HAS recommande d’informer les patients qui reçoivent
un traitement antidépresseur sur la possibilité de survenue
d’une inversion de l’humeur vers un épisode maniaque ou
un épisode hypomaniaque, la nécessité de respecter la
prescription et le risque encouru de sevrage en cas d’arrêt
brutal, la nécessité de surveiller l’apparition et de consulter rapidement en cas d’apparition ou d’aggravation d’idées
de suicide, d’angoisse, d’agitation, de signes d’akathisie,
la communication, l’information et l’adhésion du patient
sont primordiales à ce stade.
La prise en charge des épisodes aigus mixtes
Un épisode aigu mixte correspond à la présence simultanée
ou en alternance (en quelques heures) de symptômes
maniaques ou hypomaniaques, et, de symptômes dépressifs. La HAS recommande fortement d’interrompre tout
traitement antidépresseur, de traiter l’épisode mixte
comme un épisode maniaque. Il est recommandé de suivre
le patient très régulièrement (une fois par semaine au
minimum) en raison du risque élevé de suicide et d’adresser le patient pour un avis psychiatrique.
La prise en charge au long cours des troubles
bipolaires : traitements prophylactiques
Les traitements au long cours concernent non seulement la
prévention des comportements suicidaires, la récurrence
des états dépressifs et maniaques, mais également l’amélioration des symptômes résiduels, l’adhésion au traitement et la qualité de vie.
Selon la HAS, le traitement prophylactique du trouble
bipolaire repose en première intention sur un médicament
normothymique (ou régulateur de l’humeur) : le lithium ou
certains anti-épileptiques (divalproate de sodium, valpromide). La littérature scientifique précise que le lithium
M. Adida et al.
reste le gold standard, en monothérapie ou en association,
bien qu’il apparaisse plus efficace dans la prévention d’épisodes maniaques que dans la prévention d’épisodes dépressifs [15-18, 30, 31]. De plus, il faut rappeler que le lithium
est le seul traitement à posséder des propriétés anti-suicidaires [11, 31]. La lamotrigine et le divalproate de sodium
ont des propriétés prophylactiques avérées et doivent être
considérés comme des traitements de première intention,
la lamotrigine étant plus efficace pour prévenir des rechutes dépressives que des rechutes maniaques [8-9]. Il faut
souligner une étude très récente, multicentrique et réalisée en milieu naturel (naturalistic study), c’est-à-dire
ayant recruté des patients bipolaires sans utiliser les critères d’exclusion classiques, qui limitaient antérieurement la
portée scientifique des résultats recueillis. Les auteurs ont
montré qu’une association de lithium et de divalproate de
sodium est supérieure à une monothérapie par lithium, qui
est supérieure à une monothérapie par divalproate de
sodium, dans la prévention des rechutes thymiques du trouble bipolaire [13, 14]. Les autres anticonvulsivants (e.g.
carbamazepine) sont moins efficaces pour prévenir les
rechutes thymiques et ne doivent pas être recommandés
comme traitements prophylactiques de première intention
[32, 33].
Selon la HAS, d’autres traitements peuvent être utilisés
en seconde intention ou à visée adjuvante : la lamotrigine
(dans la prévention des épisodes dépressifs chez les patients
présentant un trouble bipolaire de type I et qui ont une
prédominance d’épisodes dépressifs), l’olanzapine (dans la
prévention de récidives d’épisodes maniaques chez des
patients ayant présenté des épisodes à prédominance
maniaque et pour qui les épisodes maniaques ont répondu
à un traitement par olanzapine), l’aripiprazole (dans la
prévention de récidives d’épisodes maniaques chez des
patients ayant présenté des épisodes à prédominance
maniaque et pour qui les épisodes maniaques ont répondu
à un traitement par aripiprazole), la carbamazépine (dans
la prévention des épisodes maniaques ou hypomaniaques,
dans les formes résistantes ou présentant des contre-indications au lithium) et hors AMM, les neuroleptiques conventionnels, la rispéridone, la gabapentine, le topiramate,
l’oxcarbazépine, l’amisulpride, la clozapine. La prescription de clozapine requiert une surveillance stricte et obligatoire de la numération formule leucocytaire et du nombre
absolu de PNN. La prescription de la lamotrigine nécessite
une surveillance du risque cutané. La littérature scientifique précise qu’il existe un intérêt grandissant à utiliser les
antipsychotiques atypiques comme traitements prophylactiques, et que la quetiapine, l’olanzapine et l’aripiprazole
ont montré des bénéfices nets pour prévenir les rechutes
thymiques. La quetiapine semble être aussi efficace pour
prévenir les rechutes maniaques que les rechutes dépressives alors que les autres antipsychotiques atypiques sont
plus efficaces dans la prévention des rechutes maniaques.
Bien que des preuves grandissantes commencent à émerger, la littérature scientifique s’accorde à dire que les propriétés prophylactiques au long cours des antipsychotiques
atypiques nécessitent encore d’être solidement établies et
que d’autres études doivent être menées à bien avant que
Troubles affectifs, antipsychotiques et thymorégulateurs : innovations thérapeutiques
de tels agents pharmacologiques soient recommandés pour
l’utilisation au long cours dans le trouble bipolaire.
Le choix du traitement prophylactique repose sur l’efficacité d’un traitement antérieur observée chez le patient,
les effets indésirables, les comorbidités du patient (maladie rénale, obésité et diabète), les souhaits et l’acceptation du patient. La HAS recommande en particulier de se
référer aux contre-indications et aux précautions d’emploi
mentionnées dans les RCP, ainsi qu’aux recommandations
de l’Afssaps (http://www.afssaps.sante.fr). Dans le cas
d’une prescription de topiramate, il est recommandé de
surveiller l’émergence de symptômes hallucinatoires iatrogènes. Il est rappelé qu’il ne faut pas associer le valproate
de sodium, le divalproate de sodium et le valpromide. Il
faut éviter d’associer le valproate (divalproate et valpromide) avec la lamotrigine en raison du risque majoré de
réactions cutanées.
La prise en charge des épisodes à cycles rapides
Un patient qui présente quatre épisodes thymiques aigus
(dépressif majeur, maniaque, mixte ou hypomaniaque) ou
plus durant une année, est défini comme ayant un trouble
bipolaire à cycles rapides. Les épisodes sont délimités soit
par une rémission partielle ou complète de l’épisode d’une
durée d’au moins deux mois, soit par un changement de
polarité vers un épisode opposé par exemple, un épisode
maniaque suivi d’un épisode de dépression. La HAS recommande de prendre en charge les troubles bipolaires à cycles
rapides comme les autres troubles bipolaires en sachant
qu’il faut éviter de prescrire des antidépresseurs et que les
stratégies thérapeutiques doivent être maintenues au
moins six mois avant d’évaluer leur efficacité.
La prise en charge des troubles anxieux associés
La prise en charge des troubles anxieux comorbides repose
sur une prise en charge spécifique. La HAS recommande de
se référer au guide médecin de la Haute Autorité de santé
(HAS) 2007 « Affections psychiatriques de longue durée :
Troubles anxieux graves ». Il est précisé dans ce guide
médecin que, outre les règles hygiéno-diététiques et les
psychothérapies, le traitement repose sur la prescription
d’antidépresseurs. La HAS recommande en première intention certains inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine (ISRS) et certains inhibiteurs de la recapture de
la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA) dans l’un ou
l’autre des cinq types de troubles anxieux et précise qu’ils
peuvent, en début de traitement, entraîner une aggravation de l’anxiété, une agitation ou, rarement, des idées
suicidaires. Dans tous les cas, une surveillance initiale
étroite est nécessaire. Les effets indésirables sont notamment des insomnies, des nausées, une dysfonction sexuelle,
une prise de poids. Ils ne provoquent pas de dépendance
physique, même après un traitement long. Quand ils sont
arrêtés brutalement, ce qui n’est pas recommandé, il peut
exister un syndrome de sevrage avec vertiges, insomnies,
syndrome pseudo-grippal.
Nous insistons sur la possibilité de survenue d’un virage
maniaque ou de cycles rapides, suite à la prescription d’an-
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tidépresseurs dans le trouble bipolaire et recommandons
donc, en première intention, la mise en place de mesures
hygiéno-diététiques et d’une psychothérapie.
La prise en charge des conduites addictives
associées
Les addictions sont très fréquemment associées aux troubles
bipolaires (40 % à 60 % sur la vie entière selon les études). Les
prises en charge addictologiques suivantes peuvent être utilisées chez les patients bipolaires : des bilans biologiques de
dépistage, des consultations et hospitalisations en service
d’addictologie, un dépistage et traitement des complications
psychiatriques et somatiques associées, en particulier des
pathologies liées au VIH et à l’hépatite C, des prescriptions de
médicaments de la dépendance à l’alcool, en particulier
acamprosate, naltrexone et disulfirame, des traitements de
substitution aux opiacés (méthadone, buprénorphine haut
dosage), des traitements de substitution nicotiniques (la
varenicline, les dispositifs de nicotine transdermiques), des
soins postcures. L’utilisation de la varenicline et du bupropion
doit être prudente en raison du risque d’exacerbation des
symptômes psychopathologiques.
Prise en charge des patientes qui souhaitent
développer une grossesse, qui sont enceintes
ou qui allaitent
La HAS recommande de se référer au site du centre de
référence sur les agents tératogènes http://www.lecrat.
org, aux recommandations de l’Afssaps http://www.afssaps.sante.fr et aux centres régionaux de pharmacovigilance pour toute information se rapportant aux risques de
tératogénicité des traitements prescrits pour une femme
envisageant une grossesse ou enceinte. Il est recommandé
de demander l’avis du spécialiste avant d’arrêter le traitement en cas de désir de grossesse.
La prise en charge et le traitement d’un trouble bipolaire
d’une patiente envisageant une grossesse ou durant la période
anténatale et postnatale, sont complexes en raison des risques de rechute élevés à l’arrêt des traitements, et des risques tératogènes ou survenant chez le nouveau-né lié aux
médicaments. La prise en charge de la patiente doit être
réalisée conjointement entre le médecin traitant, la sagefemme, le psychiatre, le gynécologue-obstétricien, le pédiatre et le pharmacologue des centres régionaux de
pharmacovigilance. Des contacts fréquents doivent être instaurés entre le psychiatre et le centre périnatal, en raison du
risque élevé de rechute durant la grossesse et en postnatal.
La HAS précise qu’une planification écrite du suivi de la
grossesse et du suivi postnatal chez une patiente bipolaire
doit être réalisée dès que possible et doit impliquer le service d’obstétrique, le médecin traitant, le psychiatre, le
gynécologue-obstétricien, la sage-femme, le pédiatre, le
pharmacologue, l’assistante sociale et éventuellement le
pédopsychiatre. Toutes les décisions médicales doivent
être notées dans le dossier médical y compris l’information
délivrée à la patiente sur les traitements. Cette information doit être incluse dans la planification de la naissance
ainsi que dans les soins administrés en postnatal. Les
M. Adida et al.
S194
patientes doivent bénéficier précocement d’une éducation
sur le déroulement de leur maladie et ses effets sur l’efficacité de la contraception, mais également sur la nécessité
de planifier la gestion des médicaments durant la grossesse
et durant la période post-partum.
Selon la HAS, les bénéfices et les risques liés à la poursuite et ceux liés à l’arrêt des traitements pendant la grossesse doivent être évalués, expliqués et discutés avec les
patientes (et leur partenaire si elles le souhaitent). Les
patientes doivent être informées du risque en l’absence de
traitement, de la survenue d’un épisode aigu maniaque,
dépressif, ou psychotique en post-partum. Suite à l’accouchement, la contraception doit être réévaluée en fonction
du traitement thymorégulateur employé et du risque de
diminution d’efficacité contraceptive.
Les patientes qui souhaitent allaiter et qui prennent un
traitement psychotrope doivent recevoir une information
sur les bénéfices et les risques de l’allaitement. Cette
information doit inclure les signes d’une intoxication de
l’enfant par le médicament. Les psychotropes étant contreindiqués lors de l’allaitement, il est déconseillé de proposer un allaitement maternel. En cas d’allaitement chez une
patiente souhaitant malgré tout allaiter son enfant, l’état
clinique de l’enfant, la numération de formule sanguine
(NFS), les dosages plasmatiques de psychotropes doivent
être surveillés attentivement. La recherche d’une hypotonie, d’une léthargie, d’une cyanose doit être effectuée
régulièrement. Une surveillance biologique attentive doit
être réalisée : enzymes hépatiques, NFS, incluant le dosage
des plaquettes.
Traitements pharmacologiques adjuvants
La prise en charge des sujets âgés
La HAS recommande d’informer le patient des risques liés
à l’usage d’alcool, de cannabis et d’autres substances psycho-actives vis-à-vis des symptômes, des rechutes et de
l’évolution à long terme de la maladie, de favoriser l’arrêt
de la consommation de ces substances et accompagner le
patient dans cette démarche, d’informer le patient des risques liés à un changement de travail, à un rythme de travail trop intensif sur une longue durée, d’expliquer en
détail les mesures à prendre en cas de voyage notamment
lors de vols de nuit ou sur des fuseaux horaires différents,
de conseiller au patient de diminuer un éventuel excès de
poids, de pratiquer une activité physique, l’arrêt du tabac,
de mobiliser avec le patient les ressources disponibles pour
éviter la désocialisation, l’exclusion et la stigmatisation
(logement, revenus, occupation, mesures de protection).
La HAS recommande d’être attentif à l’information et à
la prévention dans la sphère de la vie sexuelle (troubles de
la libido, contraception, prévention des infections sexuellement transmissibles).
La HAS recommande de vérifier soigneusement la présence
de comorbidités associées, notamment la présence d’une
maladie neurologique (absence de lésions sous-corticales
et de lésions corticales hémisphériques droites), la présence d’un diabète. Les principes du traitement d’un épisode maniaque d’un sujet âgé sont identiques à celui d’un
sujet jeune en prenant en compte l’évolution sous traitement des épisodes antérieurs. La HAS recommande que la
posologie des traitements prescrits soit adaptée à la tolérance cardiovasculaire et neurologique (risque de chutes),
à la clairance rénale (lithium) et/ou à la fonction hépatique (divalproate de sodium, valpromide) le cas échéant,
qui sont modifiées chez le sujet âgé et modifient le métabolisme de nombreux médicaments, au volume de distribution diminué chez le sujet âgé.
La HAS recommande de vérifier l’interaction potentielle
des traitements concomitants [anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), diurétiques] et des comorbidités associées
pouvant altérer le métabolisme d’excrétion des psychotropes.
Les patients âgés sont plus sensibles aux effets secondaires
des médicaments notamment pour le lithium pour lequel des
posologies faibles doivent être prescrites. Une mesure de la
lithiémie (par dosages plasmatiques réguliers et par dosages
intra-érythrocytaires) et de la créatinémie doit être réalisée
au moins 2 fois par an et systématiquement en cas de déshydratation aiguë ou de confusion mentale.
Selon la HAS, les traitements adjuvants suivants doivent
être proposés avec une prescription limitée dans le temps :
les molécules à visée anxiolytique (benzodiazépines) et les
molécules à visée hypnotique. Il est recommandé de prêter
attention aux effets secondaires cumulatifs des traitements
adjuvants. Dans le cadre des traitements adjuvants il est
également possible de prescrire les molécules suivantes
utilisées pour corriger les effets secondaires des médicaments prescrits, en se souvenant qu’elles peuvent aussi
entraîner des effets secondaires : les anticholinergiques,
les correcteurs de la sialorrhée, les correcteurs du transit,
les correcteurs de l’hypotension orthostatique, les molécules indiquées dans les dysfonctions érectiles en cas de troubles sexuels chez l’homme (par exemple sildénafil, tadalafil,
vardénafil) mais ne bénéficiant pas d’un remboursement.
Traitement pour un état d’agitation aigu
ou d’un comportement agressif
Dans le cas de la nécessité d’un traitement pour un état
d’agitation aiguë ou d’un comportement agressif, la HAS
recommande de préférer autant que possible un traitement
oral, éventuellement sous forme orodispersible, à la voie
injectable. Dans les cas d’agitation aiguë avec refus ou
impossibilité de traitement per os, les formes injectables
des antipsychotiques atypiques, des neuroleptiques conventionnels et des benzodiazépines peuvent être utilisés.
Mesures complémentaires en association
au traitement pharmacologique
Conclusion
La prévalence du spectre du trouble bipolaire est d’environ
4,5 %, en population générale. Ce trouble concerne donc
environ un individu sur vingt. Dès le premier épisode, le
trouble bipolaire doit être considéré comme une maladie
potentiellement récurrente : elle entraîne pour le patient
Troubles affectifs, antipsychotiques et thymorégulateurs : innovations thérapeutiques
une vulnérabilité chronique en raison des oscillations de
l’humeur plus ou moins permanentes. Non correctement
prise en charge, cette pathologie peut se compliquer, d’une
évolution plus sévère des troubles avec l’apparition de
cycles rapides (plus de quatre épisodes par an) et l’apparition de troubles associés tant psychiatriques (abus, dépendance à l’alcool et aux substances psychoactives illicites,
troubles anxieux) que somatiques (troubles cardiovasculaires, diabète, etc.), de tentatives de suicide, voire de suicide (15 % des patients ayant un trouble bipolaire décèdent
par suicide), d’actes médicolégaux liés à la désinhibition
psycho-comportementale survenant au cours de certains
épisodes bipolaires, d’une désinsertion, familiale, professionnelle et sociale. L’ensemble de ces risques nécessite
une prise en charge précoce et adaptée.
Selon l’HAS, le traitement des troubles bipolaires lors
des épisodes aigus maniaques ou mixtes, hypomaniaques,
repose en première intention sur le thymorégulateur (le
lithium), les anticonvulsivants (le divalproate de sodium),
les antipsychotiques atypiques (l’olanzapine, la rispéridone, l’aripiprazole). La prescription repose sur le principe
visant à privilégier une monothérapie le plus souvent possible. En cas d’échec de la monothérapie, la littérature
scientifique recommande les associations telles que le
lithium ou le divalproate avec un antipsychotique atypique.
Concernant le traitement des troubles bipolaires lors
des épisodes aigus dépressifs, l’HAS recommande de vérifier si la dose du traitement régulateur est appropriée et de
l’augmenter le cas échéant. Si nécessaire, un antidépresseur est prescrit en association au traitement du trouble
bipolaire avec en première intention un inhibiteur sélectif
de la recapture de la sérotonine (ISRS) sous couvert d’un
thymorégulateur. Selon la HAS, en association avec un antidépresseur, pour certains patients non contrôlés par un
traitement thymorégulateur, d’autres traitements du trouble bipolaire peuvent être prescrits (hors AMM) : l’olanzapine, la rispéridone, l’aripiprazole, la lamotrigine. Pour les
patients non traités, la littérature scientifique suggère de
prescrire, en première intention, du lithium, du divalproate
de sodium, de la lamotrigine, de la quetiapine.
Selon la HAS, le traitement prophylactique du trouble
bipolaire repose en première intention sur un médicament
normothymique (ou régulateur de l’humeur) : le lithium ou
certains antiépileptiques (divalproate de sodium, valpromide), le lithium restant le gold standard et la seule molécule avec des propriétés anti-suicidaires. Selon la HAS,
d’autres traitements peuvent être utilisés en seconde
intention ou à visée adjuvante : la lamotrigine, l’olanzapine, l’aripiprazole, la carbamazépine et hors AMM, les
neuroleptiques conventionnels, la rispéridone, la gabapentine, le topiramate, l’oxcarbazépine, l’amisulpride, la clozapine.
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