Le Pin des Landes
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Le Pin des Landes
“Le Pin des Landes”, España, Théophile Gautier (1845) On ne voit en passant par les Landes désertes, Vrai Sahara français, poudré de sable blanc, Surgir de l'herbe sèche et des flaques d'eaux vertes D'autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc; Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte, Le pin verse son baume et sa sève qui bout, Et se tient toujours droit sur le bord de la route, Comme un soldat blessé qui veut mourir debout. Car, pour lui dérober ses larmes de résine, L'homme, avare bourreau de la création, Qui ne vit qu'aux dépens de ce qu'il assassine, Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon ! Le poète est ainsi dans les Landes du monde; Lorsqu'il est sans blessure, il garde son trésor. Il faut qu'il ait au cœur une entaille profonde Pour épancher ses vers, divines larmes d'or ! Introduction: - Gautier (1811-1872) - écrivain, poète. Très admiré par les « grands poètes » (Hugo, Baudelaire, …). Baudelaire lui dédie Les Fleurs du Mal. Il incarne le romantisme puis « L’art pour l’art » I. Un poème construit sur une allégorie 1) La structure du poème - Structure classique équilibrée • 4 quatrains d’alexandrins • rimes croisées • alternance rime masculine / féminine - Asymétrie • 3 strophes pour découvrir le pin • dernière strophe qui explicite l’allégorie. « Le poète est ainsi » -> explicitation. « Le » -> article défini à valeur généralisante, « est » -> verbe être, définition, « ainsi » -> explicite le rapprochement 2) Un arbre humanisé dans les trois premières strophes -> l’asymétrie n’est qu’apparente - vocabulaire qui désigne ce pin en tant qu’arbre • titre • « arbre », « pin », « résine », « sève » - cet arbre se métamorphose • « plaie », « flanc », « « larmes », « sang », « assassine », « douloureux », « regretter » - > sensations (physique, douleur) et sentiments (absence de regrets, volonté) 3) L’allégorie du poète arbre - « Landes du monde » reprise de « Landes désertes » (2e hémistiche des 2 - vers) « blessure », « plaie » et « blessé » « coeur » et « tronc » « larmes de résine » et « larmes d’or » « dérober » et « trésor » - « divine » et « résine » (rime) II. Un environnement très hostile 1) Un cadre sinistre, 1re§ - « Landes » -> nom propre « Landes désertes » -> « Sahara » « poudré » -> poussière Sable est blanc -> sécheresse > désert hostile « On ne voit que » « eau verte » pas eau « de vie » mais plutôt « rare et croupie » > monde présenté comme nu, stérile, uniforme 2) Un homme au comportement de prédateur, 2e§ - allitération en ‘r’ dans tout le poème -> insistance sur les mots qui décrivent - l’homme gradation hyperbole avec « assassine » (l’homme ne tue pas l’arbre) Insistance sur le comportement de l’homme « ne […] que » comme dans la première § III.Un poète idéalisé 1) Le poète solitaire, rejeté par les hommes, « poète maudit » - premier mot, « on » -> pronom indéfini « sur le bord de la route » -> sur le bord, rejeté Landes comparées au Sahara -> hostile, lointain On parle du pin au singulier mais ils sont en fait des milliers -> le pin devient unique 2) Le poète courageux, qui souffre en silence - Lexique de la souffrance, « pâle », « larmes », « bourreau », « douloureux », - « le sang qui coule », « entaille profonde », « larmes » assonance en [ou] et allitération en consonnes dures occlusives v.9 -> harmonie imitative (figure du style) l’assonance se poursuit dans la §. Rimes en [ou] et en [oute] > Illustration sonore de cette souffrance du pin Comparaison avec le soldat -> courage métaphore christique (en rapport avec le Christ): « plaie au flanc », « avare bourreau de la création » 3) Le poète fécond, créateur - Première allusion « sillon », plaie -> sillon. L’homme a une action - paradoxalement positive « sillon » rime avec « création » -> idée de la création poétique, fécond « sève qui bout » -> bouillonnement, énergie « baume » rime entre « trésor » et « or » -> richesse - poète porteur intérieurement d’un trésor qui n ‘émergera que s’il est blessé - Idée de poète qui par sa création met en relation les hommes avec plus - grand qu’eux point d’exclamation final conclut sur la création Conclusion: - Ce poème révèle une conception très romantique du poète et de l’inspiration - - poétique: la souffrance y est perçue comme source de la création; le poète, comme un soldat courageux a une mission à remplirais un monde qui ne le comprend pas. On peut donc rapprocher cette vision du poète de celle que développe Alfred de Musset (1810-1857) dans le poème « La nuit de Mai »: « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux/ Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots ». Pourtant, la perfection un peu froide de la forme du poème et une certaine distance, une retenue dans l’émotion, l’absence de l’utilisation de la 1ere personne, nous rappellent aussi que Théophile Gautier a rapidement refusé ce qu’il considérait comme les excès du romantisme et qu’il a été ensuite le chef de file de l’Art pour l’Art. Enfin, par sa structure (métaphore filée du poète développée sur trois strophes, la quatrième explicitant la comparaison), et par sa vision du poète incompris de la société, souffrant de l’hostilité du monde, ce poème peut aussi faire penser à « L’Albatros » de Baudelaire (Les fleurs du Mal, 1857).