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MagaziNe MAI 2016 STREAM NUMÉRO SPÉCIAL ENQUÊTE SÉRIES : POURQUOI FASCINENT-ELLES AUTANT ? P. 2-4 De gauche à droite : Claire Danes (Homeland), Hugh Laurie (Dr.House), Kerry Washington (Scandal), Andrew Lincoln (The Walking Dead), Daenerys Targaryen (Game of Thrones), Kevin Spacey (House of Cards) ENQUÊTE SÉRIES TÉLÉ : LES RECETTES DU SUCCÈS À partir du 12 mai, "Marseille" la nouvelle série originale Netflix produite par Dan Franck débarquera sur TF1. Depuis son arrivée sur la plateforme, le 5 mai dernier, elle a été éreintée par la critique. L'occasion pour Stream de décrypter l'univers des séries et de s'intéresser aux ingrédients qui font le succès d'une série. C ertains tentent de confectionner le plus grand yoyo du monde, d’autres engloutissent une centaine de burgers en une heure. Mais ce n’est pas le cas d’Alejandro Fragoso, qui est officiellement l’homme le plus assidu du monde aux séries télévisées. L’étudiant de 23 ans fait preuve d’une application qui lui est propre : il détient le record d’heures passées à suivre des séries. Alejandro est resté éveillé plus de 94 heures devant son petit écran, lui assurant une récompense de 2 000 € par Guiness Book et certainement quelques maux de tête. L’homme est tout de même bien loin de la moyenne des étudiants occidentaux, qui consacrent environ 6 heures par semaine aux séries télévisées. Une donnée qui étonne les spécialistes. Le professeur Raj Devasagayam en 2014 démontre dans une étude la capacité d’attention ahurissante des étudiants, capables de visionner une saison intégrale sans marquer de pause. On connaissait déjà le « binge drinking », un mode de consommation excessif d’alcool sur une courte période, dans le but d’atteindre, le plus rapidement possible un état d’ivresse. Mais depuis quelques années, on parle également du « binge watching ». Aussi appelé visionnage excessif, le « binge watching » consiste à regarder à la suite, un grand nombre d’épisodes d’une même série. En d’autres mots, si vous êtes par exemple capable de passer la nuit à regarder la dernière saison de « House of Cards », vous êtes victime de « Binge Watching » ! Alors qu’aux Etats-Unis, cette pratique s’est fortement popularisée, en France, elle est encore en plein essor. Elle s’est développée entre autres, grâce aux sites de VOD et à l’arrivée de Netflix, en 2014. Ainsi, les grandes chaines et notamment TF1, M6 et Canal+ proposent de plus en plus de services aux sériephiles afin de les pousser à regarder le plus d’épisodes possible à la suite. Des premiers feuilletons télévisées aux récentes séries en tout genre, ce phénomène culturel a pris en plusieurs décennies, de plus en plus d’ampleur. Si bien qu’aujourd’hui, des séries télévisées, il y en a pour tous les goûts : des « Experts », à « Desperates Housewives », en passant par « The Big Bang Theory » ou encore « Grey’s Anatomy », on retrouve de nombreuses thématiques récurrentes au sein de l’univers des séries. Certaines tournent autour du réalisme (« Breaking Bad »), d’autre autour du survivalisme (« The Walking Dead »), de l’évasion (« Game of Thrones ») ou encore du surnaturel (« Vampire Diaries »). Que vous soyez passionné par la médecine, la justice, la danse, l’univers du paranormal ou n’importe quel autre thème, une série est faite pour vous. Qu’est-ce qui vous fait sortir le pop corn ? « Game of Thrones » , « Breaking Bad » , « The Walking dead », « Esprits criminels »… Toutes ces séries semblent avoir des ingrédients qui garantissent leur succès. Des éléments que l’on retrouve dans la plupart - pour ne pas dire toutes - les séries qui marchent et qui durent : Un personnage principal charismatique : Walter White dans « Breaking Bad », Grégory House dans « Dr House », ces personnages en tête d’affiche sont pour le moins marquants. Gentil ou méchant, là n’est pas la question. Ce qu’il faut, c’est un héros (ou au contraire un anti-héros) qui marque les esprits. Des répliques et scènes cultes qui sont comme la signature d’un personnage ou d’une série. Certaines d’entre elles sont même devenues des expressions de la vie de tous les jours. Les plus connues étant notamment : « Winter is Coming », ou encore « You know nothing Jon Snow » tirées de la série phare de la chaîne HBO « Game of Thrones ». On connait aussi très bien le fameux « Oh Pinaise » d’Homer Simpson, le « Oh My God » de « F.R.I.E.N.D.S », le « C’est pas faux » de « Kaamelott »… Un méchant qu’on adore…détester. On en finit même par le trouver attachant, il rend la série d’autant plus attirante : la vénale Wilhelmina Slater dans « Ugly Betty », Joffrey Lannister, le jeune et sadique roi de Westeros dans « Game of Thrones », le manipulateur Frank Underwood dans « House of Cards » ou encore le psychopathe T-Bag dans « Prison Break ». Des personnages, qui sont souvent au coeur des rebondissements et des intrigues de la série. Des thèmes d’actualité qui animent la série et la rendent d’autant plus réaliste pour le spectateur, qui peut alors mieux se projeter dans une série dont il connait le contexte. On peut citer notamment le trafic de drogue dans « Breaking Bad », le soldat américain « retourné » par l’Etat Islamique dans « Homeland », ou encore le mariage pour tous dans « Modern Family ». Du mystère, du suspens, de l’intrigue : s’il ne devait y’en avoir qu’un seul, l’intrigue serait peut-être l’ingrédient le plus important d’une série qui marche. Patienter plusieurs semaines (voire plusieurs mois) pour pouvoir visionner la suite d’une série, c’est quelque chose qu’on ne peut éviter. Le mystère dans une série, c’est ce qui fait qu’un spectateur va accrocher à une série, qu’il va être impatient de regarder le prochain épisode. C’est pour cela que les spoilers (ceux qui dévoilent l’intrigue) dérangent tant les sériephiles. Même si l’attente peut être longue, ils préfèrent la « subir » plutôt que d’être spoilé. Il semble que le succès des séries soient aussi dû au fait qu’elles se posent de grandes questions existentielles. Que ce soit concernant l’amour, le bonheur, la mort, la justice, ou autres, elles amènent toujours le spectateur à s’interroger et à réfléchir sur de nombreux sujets de société. Pour Alain Carrazé, spécialiste des séries et journaliste à Télé 2 semaines, le succès d’une série télé se tient au scénario. « Tous les autres éléments sont périphériques » selon-lui. « Avant tout, ce qui va faire la fidélisation d'une série télé est ce que l'on raconte. Si le scénario est bancal, la série le sera aussi à la différence d'un film qui peut se contenter sur le visuel, les dialogues, les bagarres... Si vous êtes captif à une série, c'est que le sujet vous interpelle, vous intrigue. Vous avez envie de savoir comment l'histoire va se poursuivre ! » Afin de captiver les spectateurs, les producteurs font appel à la créativité des scénaristes. Chargés de stimuler notre imaginaire, ces derniers tentent de nous faire retrouver le goût du roman qu’on ne lâche pas mais en version XXIème siècle. Ils repensent le rapport au temps, ornementent les relations entre les personnages… En bref, ils disposent d’ingrédients dont eux seuls ont le secret. Pour comprendre leur manière de travailler, nous avons fait appel à plusieurs scénaristes qui tiennent à peu près tous le même discours : des dialogues de qualité, des personnages auxquels on s’identifie et enfin du suspens, appelés cliffhanger dans le jargon télévisuel. La technique du cliffhanger (« suspendu à une falaise » au sens littéral) consiste à conclure un épisode par une ouverture, au moment où un personnage est au coeur d’une situation périlleuse, où le suspens est à son comble. Anne Landois est l’auteur et productrice de la série « Engrenages » diffusée sur Canal+. Selon elle, « moins il y a de mots dans un dialogue, plus il est prenant ». « La vraie difficulté ajoute-t-elle est d’imaginer un personnage charismatique, qui va allécher le public au fil d’une saison. Un bon protagoniste pense une chose, en dit une deuxième et en fait une troisième ». Alors, scénaristes en herbe… sortez une feuille blanche ! n Charlotte Fleury, Sasha Elbaz NETFLIX : UN SERVICE PAS SI REVOLUTIONNAIRE Fondé en 1997, Netflix est un fournisseur de DVD délinarisé. En d’autres termes, c’est une plateforme qui propose de la location de vidéos à la demande. En s’abonnant à Netflix, on peut avoir un accès continu à un catalogue de séries assez large sur de nombreux supports (télévision, smartphone, tablette). Au 1er janvier 2016, les fondateurs revendiquent près de 71 millions d’utilisateurs. Contrairement à ce que l’on peut croire, Netflix n’a rien révolutionné lors de son arrivée en France en septembre 2014. Tout d’abord, notre pays n’est pas en carence d’offres dématérialisées. L’Observatoire de l’Audiovisuel Européen place d’ailleurs l’Hexagone en deuxième position des territoires où l’offre reste la plus riche. Puis il existe depuis de nombreuses années des bouquets de chaîne thématiques tels qu'OCS (Orange Cinéma Séries) ou Canalplay, qui sont consacrés aux séries et au cinéma. Ensuite, Netflix ne propose pas toutes les séries du monde à cause de la cessation des droits. Là où aux Etats-Unis le service offre des dizaines de milliers de programmes, il n’en propose que 3 000 en Europe. Enfin, Netflix propose peu de simultané : il faut attendre un partenariat avec un diffuseur pour bénéficier d’une série sur le service. L’avantage de Netflix est clair : pouvoir visionner autant que possible des épisodes d’une même série, le tout dans un tarif raisonnable, dès 7,99 € par mois. Ils ont aussi souffert d’une communication risquée. Ceux-ci ont opté pour la stratégie « cupertinienne » qui consiste à laisser journalistes, fans et commentateurs jaser sur le produit avant sa sortie. Cette stratégie avait été inaugurée par Apple mais ne fonctionne pas à tous les coups : les différents contextes techniques, législatifs, et économiques ont troublé le jeu. Il semblerait que Netflix soit avant tout le symbole d’un nouveau cycle audiovisuel, d’une nouvelle façon de consommer la télévision. n