Mémo blanc - Faculté de droit virtuelle

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Fiche à jour au 11 octobre 2010
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Diplôme : Licence, 5ème semestre
Matière : Droit des Sociétés
Web-tuteur : Olivier ROLLUX
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LA DEFINITION DE L’AFFECTIO SOCIETATIS
I.
3
Cass Com. 15 mai 1974
3
Cass. Com. 3 juin 1986
3
Cass. Civ. 1ère, 1er octobre 1996
4
L’UTILISATION DE L’AFFECTIO SOCIETATIS
II.
A.
5
L’AFFECTIO SOCIETATIS, UN ELEMENT NECESSAIRE A LA QUALIFICATION
DU CONTRAT DE SOCIETE
5
Cass. Com. 5 novembre 1974
5
Cass. Com. 23 juin 2004
7
LES CONSEQUENCES DE L’ABSENCE OU DE LA DISPARITION D’AFFECTIO
SOCIETATIS
B.
Cass. Com. 22 juin 1999
Date de création du document : année universitaire 2008/09
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2
Cass. 3ème civ., 28 janvier 2009
9
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3
I. La définition de l’affectio societatis
L’affectio societatis est une notion à géométrie variable. Dans un premier
temps, la jurisprudence s’en tient à une conception passive de la notion
(Com. 15 mai 1974). La jurisprudence récente témoigne d’un
durcissement de la notion (Com. 3 juin 1986, Cass. Civ. 1ère, 1er octobre
1996).
Cass Com. 15 mai 1974
Sur le moyen unique
Attendu qu'il est reproché a l'arrêt déféré (Paris, 13 janvier 1972), d'avoir
rejeté la demande, formée par l'association la demeure historique, tendant a
faire prononcer la nullité de la société civile Chenonceaux-rentilly, constituée
a l'origine entre Antoine x..., Hubert x..., tous deux aujourd'hui décédés et
Bernard z..., alors, selon le pourvoi, que le contrat de société exigeant la
réunion de trois éléments distincts, deux éléments matériels, a savoir la
fourniture d'apports et la recherche de bénéfices à partager entre les parties,
et un élément intentionnel, a savoir l'affectio societatis, les juges d'appel ne
pouvaient, comme ils l'ont fait, déduire l'existence de ce dernier élément de
la seule présence des deux autres, qu'ainsi, ils avaient le devoir de rechercher
quel but avaient poursuivi les parties en réunissant les éléments matériels
constates et de répondre aux conclusions invoquant que ce but était d'ordre
fiscal et successoral, un tel but ne pouvant caractériser l'affectio societatis;
Mais attendu que la cour d'appel retient, tant par motifs propres que par
motifs adoptés, que, quel qu'ait été, en l'espèce, l'objectif immédiat ou
lointain d'Antoine et d'Hubert y..., il n'en reste pas moins qu'en constituant
avec Bernard z... la société litigieuse, ils ont manifesté leur volonté de se
grouper pour mettre en valeur et gérer une partie de leur patrimoine;
Que les juges du fond ont ainsi constaté l'existence en la cause de l'affectio
societatis et répondu aux conclusions invoquées par le moyen, qui est donc
sans fondement;
Par ces motifs : rejette le pourvoi forme contre l'arrêt rendu le 13 janvier
1972 par la Cour d'appel de paris
Cass. Com. 3 juin 1986
La Cour de cassation se détache de sa jurisprudence. Elle estime
désormais que l’affectio societatis suppose une collaboration de façon
effective, dans un intérêt commun et sur un pied d'égalité.
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1832 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que M. Y... et Mme
X..., épouse Z..., sont convenus par acte notarié du 25 mars 1961 d'exploiter
" en association en participation " un fonds de commerce acquis le même
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jour par Mme Z... ; qu'il était prévu : " le bénéfice net partageable sera
partagé à raison de cinquante pour cent à Mme Z... et à raison de cinquante
pour cent à M. Y..., les pertes s'il en existe seront supportées dans les mêmes
proportions " ; que le fonds de commerce ayant été vendu le 30 septembre
1973, M. Y... a introduit une demande tendant à la liquidation de la société
en participation par lui invoquée et à la liquidation de ses droits ;
Attendu que pour accueillir cette demande la Cour d'appel a déclaré que " M.
Y... a, au moins jusqu'en 1968, exprimé une " affectio societatis " en
s'intéressant à la gestion du fonds de commerce et en participant, sinon à ses
bénéfices du moins à ses dettes et à ses charges " ;
Attendu qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel, qui n'a pas recherché si en
" s'intéressant " à la gestion du fonds M. Y... avait collaboré de façon
effective à l'exploitation de ce fonds dans un intérêt commun et sur un pied
d'égalité avec son associé aux bénéfices tout en participant dans le même
esprit aux pertes, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen,
CASSE ET ANNULE en son entier, l'arrêt rendu le 18 février 1985, entre les
parties, par la Cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les
parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait
droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nancy
Cass. Civ. 1ère, 1er octobre 1996
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré qu'entre le mois
de mars 1989 et le 13 avril 1991 il a existé entre lui-même et M. B... une
société créée de fait dont l'objet était l'exercice en commun de leur profession
libérale de pédiatre au sein de la Clinique Claude X... de Metz, alors, selon le
moyen, que, d'une part, l'arrêt, violant ainsi les articles 1315 et 1832 du Code
civil, a inversé la charge de la preuve en retenant que M. Y..., défendeur, ne
démontrait pas que l'arrangement entre les médecins limité aux week-ends,
dont il se prévalait, ne serait pas établi avec certitude, et que l'arrêt a présumé
que la rétrocession d'honoraires correspondait à une activité plein temps à
partir d'un décompte ne faisant pas apparaître que le montant global des
honoraires des deux médecins ait été perçu pour des prestations hors weekends; alors que, d'autre part, l'arrêt n'a pas caractérisé la volonté des deux
pédiatres de participer aux pertes éventuelles, violant à nouveau l'article 1832
précité; alors que, enfin, l'arrêt, qui n'a pas caractérisé l'affectio societatis sur
un plein temps, a entaché sa décision de base légale au regard de ce texte;
Mais attendu, en premier lieu, que, par motifs propres et adoptés, la cour
d'appel retient souverainement qu'ont été pris en compte l'ensemble des
honoraires des deux médecins, et que la méthode de calcul entérinée par M.
Y... révèle que ceux-ci avaient procédé à une répartition égalitaire de ces
honoraires, effectuant des régularisations l'un au profit de l'autre pour
compenser la disparité apparue entre leurs recettes respectives;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté la vocation des parties à
partager les bénéfices et à participer aux pertes éventuelles;
Et attendu, enfin, qu'ayant souverainement relevé que MM. Y... et B... ont
volontairement, activement et de manière intéressée et égalitaire collaboré au
sein de la clinique dans l'exercice de l'art médical, qu'ils ont adopté un
comportement d'associé et ont exprimé une volonté d'union ainsi qu'une
convergence d'intérêts, la cour d'appel a par là-même caractérisé "l'affectio
societatis" ayant existé entre eux;
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D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Mais, sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour décider que la société créée de fait s'étend à l'activité des
médecins au sein d'une seconde clinique, la Clinique Sainte-Thérèse, la cour
d'appel retient qu'"il apparaît que la non prise en considération de la Clinique
Sainte-Thérèse dans les comptes à effectuer entre les parties par voie
d'expertise constitue un simple oubli de la part du premier juge, lequel sera
réparé par la cour";
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le Tribunal s'était expliqué de façon
précise sur les motifs pour lesquels, selon lui, les éléments de la cause ne
démontraient pas que la société de fait couvrait également les activités
professionnelles exercées par les deux pédiatres au sein de la Clinique
Sainte-Thérèse, la cour d'appel qui a infirmé cette décision sans énoncer
aucun motif propre n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et
troisième branches du second moyen;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt a décidé que la
société de fait concerne également l'exercice en commun de la profession de
pédiatre au sein de la clinique Sainte-Thérèse à Longeville-les-Metz, et dit
que l'expertise comptable inclura en conséquence cette activité, l'arrêt rendu
le 15 juin 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Metz; remet, en
conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d'appel de Metz, autrement composée;
II. L’utilisation de l’affectio societatis
A. L’affectio societatis, un élément nécessaire à la
qualification du contrat de société
Cass. Com. 5 novembre 1974
L’affectio societatis est exclusif de tout lien de subordination. La
participation d’un salarié aux résultats de l’entreprise ne peut suffire, à
lui seul, à lui octroyer la qualité d’associé.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il est reproche à l'arrêt déféré (Aix-en-Provence, 29 mars 1973)
d'avoir, en considérant qu'il existait entre les trois intéressés une société de
fait formée en vue de l'exploitation d'une entreprise de bâtiment, déclaré
commun à Antoine et Vincent y..., le règlement judiciaire précédemment
prononcé à l'égard de Fernand y..., leur x..., qui, nominalement, se livrait seul
à cette exploitation et dont ils n'auraient été que les salariés alors, selon le
pourvoi, qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que c'est seulement
depuis 1969, c'est-à-dire depuis que l'entrepreneur était tombé malade, que le
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rôle de ses frères a été plus important et que d'ailleurs l'arrêt ne retient à cet
égard que le rôle d'un seul de ses deux frères ;
Mais attendu que l'arrêt énonce "que y... Antoine et y... Vincent, bien que
portés sur les livres de paie de leur frère comme simples maçons ont joué un
rôle beaucoup plus important dans l'entreprise de celui-ci, Antoine en
particulier qui en était le véritable animateur, et, a partir de 1969, ont traité
directement avec les fournisseurs locaux qui étaient en relations d'affaires
avec eux et les considéraient comme les associés de y... Fernand" ;
Qu'ainsi, contrairement aux allégations du pourvoi, la Cour d'appel ne retient
pas qu'Antoine et Vincent y... n'ont pas eu un rôle important dans l'entreprise
avant 1969 mais que c'est à partir de cette date seulement qu'ils ont traité
pour elle avec ses fournisseurs ;
Que, de même, si elle relève qu'Antoine y... a été le "véritable animateur" de
l'affaire, elle n'en constate pas moins que Vincent y... n'y a pas seulement
exercé les fonctions d'un simple salarié ;
D'où il suit qu'en cette branche, le moyen est sans fondement ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche et sur le second moyen :
Attendu qu'il est, de plus, fait grief a la Cour d'appel d'avoir pris la décision
susvisée, au motif que des villas avaient été édifiées pour le compte
d'Antoine et de Vincent y... par des ouvriers de l'entreprise avec des
matériaux achetés par celle-ci alors que, d'une part, si le fait est exact, il y a
compte a faire, mais qu'il n'en résulte pas pour autant, faute des éléments
nécessaires pour qu'il en soit ainsi, qu'une société de fait ait existé entre les
frères y..., et alors, d'autre part, que, pour admettre l'existence d'une telle
société, la cour d'appel s'est bornée à reproduire l'énoncé des trois conditions
légales : affectio societatis, existence d'apports et partage des bénéfices et des
pertes, sans indiquer sur quoi elle se fondait pour décider que les conditions
d'affectio societatis et de partage des bénéfices étaient remplies, de sorte que
la Cour de cassation n'est pas mise en mesure d'exercer son contrôle et que,
de surcroît, l'arrêt n'établit pas l'existence d'apports ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel énonce que Antoine et
Vincent dirigeaient les chantiers ou passaient les commandes de matériaux
au même titre que leur x... Fernand et avec son accord ;
Qu'elle a ainsi caractérisé l'existence entre les intéressés de l'affectio
societatis ;
Qu'en deuxième lieu, elle relève que, pour l'acquisition d'un terrain destiné a
l'édification à leur intention de deux villas, Antoine et Vincent y... ont reçu
de leur x... une somme de 13000 francs et que ces villas ont été construites
avec des matériaux achetés par l'entreprise et grâce au concours du personnel
et du matériel de celle-ci, sans que Fernand y... leur ait jamais réclamé le
remboursement des sommes à eux remises ou dépensées dans leur intérêt ;
Qu'en retenant qu'ainsi l'actif de l'entreprise "était a leur disposition comme
s'ils avaient des droits sur lui, ainsi que le démontrent les prélèvements de
fonds ou de matériaux par eux effectués sans que cela les constitue débiteurs
de l'unique propriétaire apparent", elle a mis en évidence qu'en fait, Antoine
et Vincent y... avaient, en accord avec leur frère partagé les bénéfices de
l'entreprise ;
Qu'enfin, en décrivant l'activité déployée en faveur de celle-ci, elle a précisé
la consistance des apports en industrie qu'ils y avaient effectués ;
Que les moyens ne sont donc pas fondés ;
Par ces motifs : rejette (…)
7
Cass. Com. 23 juin 2004
La jurisprudence récente recherche l’affectio societatis pour déceler une
éventuelle société créée de fait entre concubins.
Dans cette affaire, la Cour de cassation définit l’affectio societatis
comme « l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation
d'un projet commun ».
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 11 janvier 2000), qu'après la fin du
concubinage ayant existé entre elle et M. X..., Mme Y... s'est maintenue dans
l'immeuble édifié au cours de la vie commune sur un terrain appartenant à
son concubin ; que ce dernier ayant demandé que soit ordonnée son
expulsion et qu'elle soit condamnée à lui payer une indemnité d'occupation,
Mme Y... a résisté à ces demandes en invoquant l'existence d'une société
créée de fait entre les concubins ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette prétention et
accueilli les demandes de M. X..., alors, selon le moyen :
1 / que tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à
conclusions constitue le défaut de motif ; qu'en l'espèce, pour établir
l'existence d'une société de fait entre elle et M. X..., elle faisait valoir dans
ses conclusions d'appel, d'une part, l'existence d'un compte courant commun
à partir duquel était effectué le remboursement des échéances du prêt, et,
d'autre part, les travaux d'agrandissements de la maison effectués par son
frère ; qu'en se bornant, pour écarter cette demande, à constater que le prêt
avait été souscrit par M. X..., seul, sans répondre à ces conclusions
déterminantes desquelles il résultait la volonté commune des parties de
s'associer dans la construction de la maison, la cour d'appel a entaché sa
décision d'un défaut de réponse à conclusions et a violé l'article 455 du
nouveau Code de procédure civile ;
2 / que le virement de fonds opérant dessaisissement du donateur et tradition
au bénéficiaire constitue le don manuel ; qu'elle faisait valoir qu'en virant la
somme de 100 000 francs sur son compte personnel, M. X... lui avait fait un
don manuel et qu'en utilisant cette somme pour la construction de la piscine,
elle avait manifesté sa volonté de s'associer effectivement à l'édification de la
maison ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a
violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'existence d'une société créée de fait entre concubins, qui
exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société, nécessite
l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la
réalisation d'un projet commun et l'intention de participer aux bénéfices ou
aux économies ainsi qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter ; que ces
éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire
les uns des autres ;
Attendu qu'en l'espèce, ayant constaté que Mme Y... ne faisait pas la preuve,
qui lui incombait, que les concubins avaient eu l'intention de s'associer pour
la construction de l'immeuble dans lequel leur relation avait perduré, la cour
d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions tendant à établir sa
participation financière à la construction et à l'amélioration de cet immeuble,
que cette constatation rendait inopérantes ; que le moyen ne peut être
accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
8
B. Les conséquences de l’absence ou de la disparition
d’affectio societatis
Cass. Com. 22 juin 1999
L’absence d’affectio societatis est un élément permettant de révéler la
fictivité d’une société.
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de droit russe Baltic Shipping
company Ltd (société Baltic) a financé la construction du navire " Kovrov "
au moyen d'un crédit que lui a consenti la société de droit allemand
Kreditanstalt Für Wiederaufbau (la banque) ; que le droit russe ignorant,
selon l'arrêt, l'hypothèque maritime, la société Baltic, pour offrir une telle
garantie réelle de remboursement à la banque, a constitué une filiale de droit
chypriote, la société Baltcy Shipping company Ltd (société Baltcy), qui s'est
portée co-emprunteur et au nom de qui le navire a été immatriculé au port de
Limassol (Chypre) ; que la société Baltcy a consenti à la banque une
hypothèque sur le " Kovrov " qui a été inscrite ; que la société Baltic ayant,
par ailleurs, été condamnée à payer une certaine somme à un autre de ses
créanciers, la société Translink Navigation, dans les droits de laquelle est
subrogée la société Interpac holding Ltd (société Interpac), celle-ci a fait
procéder, dans le port de Papeete, à la saisie-exécution du navire " Kovrov "
puis, après sa vente aux enchères, à la distribution du prix d'adjudication ;
qu'après collocation prioritaire de la société Interpac au titre de la partie de sa
créance privilégiée sur le navire, des difficultés sont survenues sur la
répartition du solde du prix, les créanciers chirographaires, dont la société
Interpac, prétendant que, du fait de la fictivité de la société Baltcy,
l'hypothèque constituée par elle au profit de la banque était nulle, la banque
devant, dès lors, être colloquée au marc le franc en concurrence avec les
autres créanciers chirographaires de la société Baltic ;
Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir retenu la fictivité de la
société Baltcy, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel n'a pu
fonder son appréciation relative à la fictivité de la société Baltcy sur
l'absence d'affectio societatis ; que, non seulement, il ne s'agit pas là d'un
critère de la fictivité, mais que, surtout, les constatations de l'arrêt n'excluent
nullement l'existence de l'affectio societatis ; que la cour d'appel a violé
l'article 1832 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pu
fonder son appréciation relative à la fictivité de la société Baltcy sur la
considération de la confusion de son patrimoine et de ses activités avec ceux
de la société Baltic ; qu'il résulte en effet des constatations de l'arrêt que la
société Baltcy a un patrimoine propre dont l'actif est le navire " Kovrov " (et
cinq autres navires), que son activité consiste, comme celle de tout
propriétaire armateur qui n'exploite pas lui-même le navire, à le donner en
affrètement, l'affrètement coque-nue lui permettant de disposer des revenus
nécessaires au remboursement du financement assuré par la banque ; que
rien, dans les constatations de l'arrêt, ne fait apparaître que ce patrimoine et
cette activité soient confondus avec ceux de la société Baltic, affréteur
coque-nue ; que la cour d'appel n'a, dès lors, pu dire fictive la société Baltcy
sans violer l'article 1842 du Code civil ;
9
Mais attendu que l'arrêt relève que, dans la société Baltcy, la société Baltic a
pour seul coassocié, à concurrence de 0,01 % des parts formant un capital
insignifiant, un secrétaire d'avocat établi à Limassol, qui n'est qu'un prêtenom, que cette société " ne dispose d'aucune structure pour fonctionner " et
que l'activité de fréteur coque-nue du navire " Kovrov ", qu'elle s'attribue, ne
correspond à aucune réalité ; que l'arrêt retient encore que la société Baltcy
n'a été constituée par la société Baltic que pour lui permettre d'offrir à la
banque une garantie réelle sur le navire ; que, par ces constatations et
appréciations, qui font ressortir l'absence de réalité de la société Baltcy, la
cour d'appel a légalement justifié sa décision de retenir la fictivité de la
société Baltcy ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le même moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième
branches :
Vu l'article 1844-15 du Code civil ;
Attendu que, pour dire que l'inscription hypothécaire prise par la banque sur
le navire " Kovrov " est nulle, l'arrêt retient que " l'hypothèque consentie par
la société fictive Baltcy ne peut être opposée aux créanciers de la société
Baltic, véritable propriétaire du navire " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une société fictive est une société nulle
et non inexistante et que la nullité opère sans rétroactivité, de sorte que la
sûreté réelle consentie par la société Baltcy avant que sa fictivité ne fût
déclarée demeure valable et opposable aux créanciers chirographaires, en
l'absence de fraude, non établie par l'arrêt, à leurs droits, la cour d'appel a
violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence
soulevée par la société Kristianstad für Wiederaufbau, dit que la société
Baltcy Shipping company Ltd est fictive et constaté que le navire " Kovrov "
est la propriété de la société Baltic Shipping company Ltd, l'arrêt rendu le 26
février 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en
conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d'appel de Papeete, autrement composée.
Cass. 3ème civ., 28 janvier 20091
Sa disparition permet également de dissoudre une société pour justes motifs (mésentente des
associés entraînant la paralysie de la société).
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 septembre 2007), que M. X..., porteur
de la moitié des parts et gérant de la société civile de construction-vente Les
Niaoulis (la société Les Niaoulis) à Noisy-le-Grand, qui avait proposé sa
dissolution à l'ordre du jour de l'assemblée générale de 2002, a assigné à
cette fin son coassocié, M. Y..., porteur de l'autre moitié des parts, qui s'était
installé à Nouméa en 1995 sans communiquer d'adresse ni maintenir de
contact avec son représentant conventionnel et qui s'était prononcé " à titre
conservatoire " contre l'ensemble des résolutions proposées à cette assemblée
générale ;
Sur le second moyen :
1
RTDcom. 2009, p.373, Obs. CHAMPAUD.
10
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de prononcer la dissolution anticipée
de la société Les Niaoulis et la nomination de M. Z..., en qualité de
liquidateur, alors, selon le moyen :
1° / que la mésentente entre coassociés, en tant que condition nécessaire mais
non suffisante à la dissolution anticipée de la société, ne peut se déduire ni de
l'éloignement d'un associé, ni de sa non manifestation auprès de son associé,
ni même de son désintérêt pour la vie de la société, surtout lorsque, comme
en l'espèce, la société est administrée par le coassocié seul gérant doté de
pouvoirs étendus et ayant constamment manifesté sa volonté d'user de
pouvoirs absolus sans en référer à des assemblées générales ; que l'arrêt qui
le prétend à tort a donc violé l'article 1844-7, alinéa 5, du code civil ;
2° / que le fait par un associé non gérant de ne pas user de la faculté de
provoquer l'organisation d'assemblées générales pour suppléer la carence du
gérant à le faire est incompatible avec une mésentente entre coassociés ;
qu'en effet cela traduit plutôt éventuellement leur accord tacite pour laisser
au gérant la maîtrise de fait de la société, sans pour autant pouvoir être
assimilé à une méconnaissance par l'associé non gérant de ses obligations et
a fortiori à un comportement de mauvaise foi, puisque seul le gérant a
l'obligation de convoquer et d'organiser les assemblées générales et que son
abstention persistante, comme en l'espèce, est nécessairement exclusive de
bonne foi ; que l'arrêt a donc violé derechef l'article 1844-7, alinéa 5, du code
civil ;
3° / que la mésentente entre associés ne saurait non plus résulter d'un
désaccord entre eux, se traduisant par le refus de l'un à voter les résolutions
préparées par un autre en qualité de gérant, la liberté de vote étant un droit
absolu pour tout associé, n'ayant pour limite que la notion d'abus de droit ;
qu'il en était d'autant plus ainsi en la cause, puisque le refus de vote positif de
M. Y... était intervenu après une longue période sans assemblées générales et
à défaut de convocation régulière dans une seule assemblée précédente en
1999, lors de l'unique assemblée générale de 2002, que ce refus de vote
n'était pas définitif pour avoir été formalisé " à titre conservatoire " dans
l'attente d'informations rendues nécessaires par l'ignorance dans laquelle M.
Y... avait été jusque là tenu sur la vie de la société, les seuls documents
soumis étant tout à la fois incomplets et entachés d'irrégularités et
d'anomalies précisées aux conclusions, et que de surcroît toutes les
résolutions tendant à la dissolution anticipée de la société, cet acte
extrêmement grave ne pouvait être voté à la légère ; que loin de traduire une
mésentente entre associés, le comportement de M. Y... était animé par une
volonté de défendre les intérêts bien compris de la société dans le cadre d'une
affection societatis ; que l'arrêt qui prétend le contraire a encore violé l'article
1844-7, alinéa 5, du code civil ;
4° / qu'il manquait également la seconde condition légale de la dissolution
anticipée pour juste motif, à savoir la paralysie de la société ; qu'en effet il
était constant que depuis sa constitution en 1991 jusqu'à la tenue de
l'assemblée générale de 2002, la société Les Niaoulis avait parfaitement
fonctionné à la seule initiative de l'associé gérant dont tous les actes avaient
été réalisés sans contestation de M. Y..., et que le refus de celui-ci lors de
cette assemblée générale de voter les résolutions en l'état ne pouvait
paralyser la vie de la société, puisqu'il s'agissait d'un refus " à titre
conservatoire " dans l'attente d'informations qui s'avéraient nécessaires dans
l'intérêt même de la société ne pouvant disparaître a priori et hâtivement sans
justification ; que l'arrêt ne peut manquer d'être censuré pour violation de
l'article 1844-7, alinéa 5, du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. Y... était parti vivre à Nouméa en 1995
sans laisser d'adresse, qu'il ne s'était pas manifesté auprès de son associé et
avait fait preuve d'un désintérêt total pour la vie de la société, qu'à l'époque
du départ, la construction de l'immeuble de Garges-lès-Gonesse avait été
arrêtée depuis un an et l'immeuble était squatté, que par la suite, la banque
11
qui avait consenti un prêt de quatre millions de francs pour financer
l'acquisition du terrain et la construction de l'ensemble immobilier avait fait
pratiquer une saisie immobilière, que M. X... était caution personnelle du
prêt, qu'il avait négocié seul avec la municipalité et la banque, qu'un accord
transactionnel avait été trouvé aux termes duquel il avait réglé à titre
personnel la somme de 1 375 000 francs et abandonné le prix de vente de
l'immeuble, que M. Y... ne pouvait de bonne foi se plaindre de l’absence
d'organisation d'assemblée générale entre 1995 et 1999 alors qu'en sa qualité
d'associé à 50 %, il pouvait la provoquer et même demander la désignation
d'un mandataire ad hoc, qu'il convenait de constater la disparition de
l'affection societatis, l'absence de volonté de collaborer ensemble et la
disparition de l'idée d'oeuvre commune, que M. X... démontrait avoir
communiqué à son associé tous les documents relatifs à la vie de la société et
à la dernière réalisation immobilière, que le seul actif de la société avait été
liquidé et que la société n'avait plus d'activité, que M. Y... avait refusé de
voter l'ensemble des résolutions proposées à l'assemblée générale, qu'en l'état
de la répartition égalitaire du capital aucun vote majoritaire ne pouvait être
acquis, la cour d'appel a pu retenir que la mésentente entre associés était
avérée et qu'elle entraînait la paralysie du fonctionnement de la société ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour confirmer le jugement déclarant irrecevable la demande
d'expertise, l'arrêt retient qu'en vertu de l'effet dévolutif de l'appel tous les
points du litige soumis au tribunal sont déférés à la Cour, que la demande est
mal fondée, n'ayant aucun lien avec les faits dont dépend la solution du litige
qui concerne la dissolution de la société ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux
exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la
demande d'expertise, l'arrêt rendu le 4 septembre 2007, entre les parties, par
la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les
parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait
droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée