Fada ! Fatras de maux

Transcription

Fada ! Fatras de maux
Livres
Accueil
Auteur
Livres
Actualité
Entretiens
Blog
Liens
Fada ! Fatras de maux
Note de lecture
Les clowns parlent toujours de la même chose. Ils parlent de la faim : faim de
nourriture, faim de sexe, mais aussi faim de dignité, faim d’identité, faim de
pouvoir
Dario FO
par Moncef Kaidi
’est encore avec une extraordinaire vitalité linguistique et intellectuelle que Mati nous invite à un
examen sérieux de la société et des problèmes de l’heure. « Fada ! » ne diffère ni par la forme, ni par le fond
de « sibirkafi ». Tout est toujours aussi pittoresque, insolite et captivant et c’est là autant de questions que
nous nous posons : Que l’écrivain soit prolifique peut se concevoir, mais qu’en l’espace restreint d’une
année (sibirkafi en 2003 et Fada ! fin 2004), il nous livre deux œuvres qui, sans le moindre doute,
tiendront place dans toute anthologie de la littérature qui se respecte, voilà une récidive infiniment rare et
qui bouleverse ! Car bien plus que la force des mots et la structure du récit, c’est l’originalité de l’humour, les
trouvailles pittoresques pour évoluer dans la narration et les situations saugrenues qu’il fait vivre à ses personnages
qui caractérisent le particularisme de Djamel Mati et de son œuvre. Une oeuvre critique formulée sur le ton de
l’amusement, qui ne mêle le surréel et l’impossible et ne bafoue les lois physiques et logiques que pour mieux nous
rendre conscients de la duperie du pouvoir et nous livrer une satire politique plus objective.
C
« sibirkafi » est le point de rencontre d’une horde tumultueuse d’individus. C’est une troupe quasi simiesque, étrange
et burlesque à laquelle se joint l’auteur pour mieux nous décrire les pulsions instinctives de chaque membre de la cohorte,
sous adjonction de narcotiques. C’est quelque peu cette cité fantomatique que visite Gulliver lors de son 3ème voyage et où
l’on retient malgré eux les hôtes, en leur promettant tout et rien pour le lendemain. Là s’arrête la similitude entre les œuvres
de Swift et de Mati. A deux univers différents correspondent des préoccupations différentes. Dans le récit de Mati, la lutte
pour la survie de cette bouffonne de dame née peu de temps après 1960 à la suite d’une gestation de plusieurs
millénaires, prend corps dans une dimension spatiale et temporelle hors de toute forme, mais qui bizarrement meut
avec humeur et simplicité tant de choses vraisemblables. Le fard et le camouflage comme artifices ne dissimulent rien, bien
au contraire, on reconnaît toujours les lieux et plus on maquille les personnages, plus on s’approche de leu vraie laideur.
Avec « Fada ! Fatras de maux », c’est également tout de suite métaphores, figures de style, allégories et caramboles. On
est averti, il faut attacher sa ceinture : 2 clowns dans la grande tradition du Karakouz vont se livrer un duel sans merci,
non sous un chapiteau ou sur un châssis de théâtre d’ombres, mais dans un cimetière. Et la représentation ou
l’agonie commence. D’un côté Karakouz, l’être simple dont le rôle reflète la satire cruelle de la vie ; de l’autre son
antagoniste Aziouez, narcissique, fier de lui même et d’un égoïsme sordide. Chez Mati, ils ont pour noms Fada et Kada, ce
qui est plus subtil car cela nous permet plus facilement de nous identifier à l’un ou à l’autre. Mais « Fada, fatras de
maux » ne se confine pas dans ce théâtre d’ombres bien de chez nous (interdit par l’autorité coloniale au milieu du
19ème siècle) la fiction prend effet et prise avec le réel, Fada se métamorphose, ce n’est plus un simplet depuis qu’il sait
que « les chemins de la gloire sont empruntés par des gens ordinaires et que c’est lorsqu’ils arrivent au bout que ces
gens deviennent extraordinaires ». Fada se met à réfléchir et nous aussi les hilarants Rigolus. Pas les Kada, ces
souffreteux Tristus. « Vaut mieux être un singe évolué qu’un Adam dégénéré » pense Fada. Animal, l’homme
l’est. Raisonnable, on l’admet, car il transcende le monde des vivants par la prodigieuse éruption de son esprit. Dans
cette course à l’hominisation après divers accidents, philosophe Fadathoustra, « le faux départ des gnous est fait de
rien, quelques onces de substance grise, quelque ossification prématurée, quelque hormone en mal de sécrétion, et en
file:///D|/informatique/Sites%20web%20Mati/new%20site%2...tualites/Recensions%20universitaires/Fada_notes_lec.htm (1 sur 2) [08/01/2011 19:14:22]
sibirkafi.com
Livres
voilà, pour jamais, de l’espoir de cérébralisation ! ». Mais si le gnou a encore perdu quelques distances par rapport à
l’homme sur l’arche de Noé, faut-il incriminer le déluge , la fable ou le hasard ? Et, entre hommes comment et quand se
sont faits ces faux départs ? Sur la rame de métro qui mène de la station de la place du 1er Mai à la station de la place de
la concorde, pour répondre à cette question existentialiste, un homme qui pousse indéfiniment un bloc de pierre dans un
sens puis dans l’autre enseigne comment Tristus Kada a volé la dune qui faisait face au sibirkafi.com du point B114
et comment depuis les starters ont été trafiqués pour favoriser les faux départs et éliminer de la course tout
candidat potentiellement dangereux pour le déséquilibre de la société.
C’est très sérieux pour qu’on en rie ! Car cet homme est Fada en personne ! Pour notre bonheur, il laisse à Sisyphe le soin
de lui succéder dans sa tâche de bousier et vient nous conter la bible de la vie ou comment un infiniment petit
segment d’atome décide de devenir grand (Big), en criant : Bang ! On sait mieux alors les luttes sans merci que se livrent
les étoiles, les planètes, les comètes, les vides, les trop pleins et les trous noirs, les végétaux entre eux, les minéraux de même
et aussi nos frères animaux. Dans cette création de vie qui est un théâtre, chacun joue son rôle et si celui que nous prenons
est plus important que celui du gnou, de l’âne ou de la limace, pourquoi la distribution des castes ne continuerait pas
chez chaque espèce ? Autrement, il faut comme Fada devenir tous extraordinaires. Mati dit que c’est possible. Ah, bon ?
Ah, bon !
En bref : Les 2 romans encore disponibles de Djamel Mati sont prodigieux en raison de la thématique et des sujets
qu’ils développent, mais aussi en raison du genre narratif utilisé par l’auteur. L’écrivain excelle sur tous les plans.
Son richissime bahut de mots simples et courants (et non fatras de maux) n’a d’égal que le bagout auguste qu’il utilise pour
leur emploi. Que ne sont-ils nombreux les gens des métiers à nous offrir cette clarté dans leurs écrits et ce vocabulaire
riche, mais courant et succinct, mais à la portée de tous ! C’est peut-être en ceci que réside le secret de la magnificence
des romans de Djamel Mati, et l’on comprend pourquoi dans ses romans, le détail suggère plus qu’il ne dit. Tout
comme l’écrivent Alain :« Le style est la poésie dans la prose, je veux dire une manière d'exprimer que la pensée
n'explique pas » et Montaigne : « Le parler que j'aime, c'est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu'à la bouche, un
parler succulent et nerveux, court et serré, non tant délicat et peigné comme véhément et brusque ». Chez Mati cela s’entend.
Alger le 30 juin 2005
Moncef Kaidi
[Accueil] [L'auteur] [Les livres] [Actualités] [Entretiens] [Blog] [Liens] [sibirkafi.com... le site]
Djamel MATI (c) 2005
file:///D|/informatique/Sites%20web%20Mati/new%20site%2...tualites/Recensions%20universitaires/Fada_notes_lec.htm (2 sur 2) [08/01/2011 19:14:22]

Documents pareils