Sociologie de la famille Dechaux

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Sociologie de la famille Dechaux
DECORBEZ Coraline HK3 Fiche de lecture Jean-­‐Hugues Déchaux, Sociologie de la famille, Collection Repères, Editions La Découverte, Paris, 2007, 2009. Une sociologie du changement familial Jean-­‐Hugues Déchaux, dans son introduction nous rappelle qu’aujourd’hui plus que jamais, définir la famille n’est pas quelque chose d’aisé, et que pour parvenir à en faire une analyse sociologique il faut pouvoir s’extraire autant que possible du sens commun, des idées reçues, du « discours ambiant ». La famille est en perpétuelle évolution et la définir représente un véritable enjeu, d’autant plus que l’apparition de familles dites « nouvelles » (recomposées, monoparentales, homosexuelles, etc.) et la conjoncture présente a remis en question la définition qu’on pouvait se faire d’une famille. Aussi, il est nécessaire pour Déchaux de partir d’une définition qu’il sera amené à modifier au cours de son analyse. Sa définition est la suivante, une famille est « l’ensemble des personnes apparentées par la consanguinité et/ou l’alliance », et elle a l’avantage d’être assez générale, et précise le fait que la famille élémentaire n’est qu’une composante d’un réseau plus vaste. Ainsi, Déchaux va donc essayer dans son livre d’élaborer le diagnostic d’une nouvelle donne familiale. I.
Les transformations de la morphologie familiale  La fin de la famille « traditionnelle » • Baisse puis reprise de la fécondité Tout d’abord, les chiffres traduisent une baisse puis une reprise de la fécondité. En effet, passant de 2,9 enfants par femme en 1964 à 1,66 en 1993-­‐1994 on note une véritable chute, mais ce taux est remonté pour atteindre 2,02 en 2008 ce qui place la France parmi les pays les plus féconds, devançant de fait les pays du Sud tels que l’Espagne, la Grèce ou l’Italie. On note aussi que l’âge de la fécondité de la mère a évolué puisque les maternités après 30 ans représentent plus de 53 % de la natalité aujourd’hui ; ainsi que l’âge d’arrivée du premier enfant qui en l’espace d’une vingtaine d’années est passé de 26,7 ans à 29,9 ans. Cette hausse considérable reflète les changements dans les institutions de la famille, et de ce fait la fin de la famille traditionnelle. • Le recul du mariage Le mariage fut longtemps considéré comme « l’institution centrale » de la famille. Néanmoins, depuis 1973, le nombre de mariages n’a cessé de diminuer. L’introduction du PACS (Pacte Civil de Solidarité) en novembre 1999, ne concerne que peu de personnes, néanmoins, c’est un vrai succès puisque son nombre croît régulièrement et compense même la baisse des mariages, et on remarque que, contrairement aux idées reçues, cela concerne principalement les personnes de sexe différents et très peu de couples homosexuels. Parallèlement, on constate que l’âge moyen du premier mariage s’est élevé, et il s’est produit une hausse des personnes célibataires. On note cependant que la France n’est pas un cas isolé puisque le recul du mariage est un fait commun à toute l’Europe. • Modification des calendriers familiaux Aujourd’hui, on remarque que les naissances se font de plus en plus hors mariage. En 2008 on récence 52 % de naissances hors mariage contre seulement 6,8 % en 1970. Ce phénomène est lié à l’essor de la vie en couple non marié, ce qui ne se produisait que rarement jusqu’au début des années 1970. Et aujourd’hui, les enfants nés hors mariage sont presque toujours reconnus par leur père (5 sur 6). En l’espace de 30 ans, le calendrier de constitution familial s’est différencié selon le niveau d’étude de la mère, et ce phénomène s’explique en partie grâce à la diffusion de la contraception. Le nombre d’IVG (Interruption Volontaire de la Grossesse) est resté stable depuis le début des années 1990, mais la France est l’un des pays d’Europe qui y a le plus recours. Cela s’explique avec une redéfinition du calendrier familial, l’âge des premiers rapports sexuels qui a baissé, passant de 18,9 ans à 17,6 ans chez les femmes. • Mère au foyer, un modèle en déclin Face à la réduction de la taille des ménages qui est passée de 3,2 occupants à 2,3 en 2005, ainsi que le très net recul des familles nombreuses, couplé avec l’augmentation des couples sans enfants ; le modèle de la mère au foyer lui aussi s’est marginalisé, même si on note que la proportion des mères au foyer reste importante pour les couples ayant 2 à 3 enfants, ou plus.  De nouvelles formes de vie familiale • Diffusion de la cohabitation hors mariage La vie en couple sans mariage s’est largement diffusée, alors que dans les années 1960, cela constituait un fait marginal. Ce mode de vie est notamment très courant chez les jeunes de 20 à 29 ans, est devenu un mode d’entrée normal dans la vie en couple, et on constate que ceux-­‐ci sont de moins en moins enclins à se marier. Ce phénomène s’explique tout d’abord du fait que les couples préfèrent rester plus durablement hors mariage, puis ensuite que les couples non mariés sont plus instables que les autres. Et on remarque que cette diffusion de couple hors mariage gagne toute l’Europe. • Banalisation du divorce et des unions successives Le divorce, du fait que le mariage s’est fragilisé a connu une augmentation fulgurante puisqu’il a été multiplié par plus de quatre, ce qui indique que les ruptures d’union se sont banalisées, et que plus en plus d’hommes et de femmes vivent des unions successives depuis les années 1950. • Multiplication des familles monoparentales et recomposées Les enfants, eux, connaissent des trajectoires familiales plus complexes, et la proportion de ceux qui vivent au sein de famille monoparentale est de plus en plus importante. Les familles monoparentales se forment aujourd’hui le plus couramment après un divorce ou une séparation alors que dans les années 1960 c’était après un décès et on constate que la monoparentalité s’apparente désormais à une banalité, bien que la situation de ces familles soit disparate et qu’elles rencontrent le plus souvent des conditions de vie difficiles. Sous l’effet des séparations, ce sont les familles dites « recomposées » qui affluent, et qui, bien souvent, sont de taille importante, et sont le plus fréquemment dans le bas de la hiérarchie sociale. • La vie solitaire, entre célibat et veuvage On remarque une hausse des personnes vivant seules, puisque leur proportion a plus que doublé depuis 1962. On explique ceci en partie par le vieillissement de la population et de la longue longévité des femmes. Mais, ce qui explique cette hausse est surtout la transformation des comportements conjugaux, puisque c’est parmi les jeunes et notamment chez les hommes que la situation est la plus forte, bien que vivre seul n’implique pas forcément la solitude, nombreux sont ceux qui entretiennent une forme d’ « intimité conjugale à distance ».  Diversification des modèles familiaux • La synchronisation des transformations familiales Les coïncidences qui se produisent notamment entre baisse des mariages, divorces en fortes progressions… n’est pas aléatoire, elles indiquent la mutation de la sphère familiale elle même, avec une diversification des formes de vie familiale. Diversification traduite par la modification des calendriers familiaux qui mettent en évidence l’instabilité des trajectoires familiales, bien que l’enfant demeure à une place centrale. • Le rôle décisif des femmes et des jeunes Après avoir acquis une autonomie dans leur sexualité, maternité, études, et travail, les femmes n’ont plus eu besoin du mariage pour s’affirmer, et en l’espace de 30 ans, grâce à la contraception, les hommes ont perdu le contrôle sur leur descendance ce qui a permis un relâchement de la tutelle qu’ils pouvaient exercer sur les femmes. Et le fait d’accéder massivement aux études ainsi qu’à l’emploi a permis aux femmes d’acquérir du pouvoir au sein de la famille et c’est souvent sous leurs impulsions qu’il y a séparation. Néanmoins, les femmes restent plus impliquées que les hommes pour ce qui est de la prise en charge des enfants. • Le pluralisme familial Le pluralisme familial d’aujourd’hui, diffère de celui de passé quant à ses causes, puisqu’il résulte de profondes transformations des rapports entre les générations, les sexes mais aussi de l’émergence d’un nouvel équilibre entre autonomie individuelle et appartenance familiale. Et on note que les changements familiaux s’accompagnent d’une évolution des opinions qui traduisent un « libéralisme » des mœurs, notamment au niveau du rapport hommes/femmes. II.
Les nouveaux visages du couple  L’institution matrimoniale remise en cause • Le mariage concurrencé par d’autres types d’union Le recul du mariage a été compensé par l’engouement suscité par le Pacs, puisque l’augmentation du nombre de Pacs est supérieure à la baisse du mariage. La vie en couple reste le mode de vie le plus largement répandu à l’âge adulte. • Le nomadisme conjugal On remarque que quel que soit son statut, le couple est devenu instable, ce qui a été accentué par la facilitation du recours au divorce, et la facilité de rupture du Pacs. L’éventualité d’une rupture est désormais inscrite dans la vie de couple comme une issue probable. Ainsi, on remarque une hausse des ruptures et des unions successives, et ce nomadisme renforce donc la notion de couple. • L’érosion des rites de passage Perte du caractère symbolique du mariage, et sexualité beaucoup plus précoce depuis les années 1970, puisque les rapports sexuels consolident le lien naissant et approfondissent l’intimité, sans pour toutefois déboucher assurément sur la vie commune. Le couple se constitue donc pas à pas, et on retrouve le fait que le couple repose sur la volonté des individus dans les formes de mariages qui sont aujourd’hui davantage tourné vers le groupe d’âge que vers les parents. • Comment interpréter le Pacs ? Le Pacs (novembre 1999) est la réponse législative à la demande de reconnaissance de l’union homosexuelle des années 1990, notamment pour ce qui est de disposer de droits sociaux, fiscaux etc… sauf le droit de se marier et d’avoir des enfants. Néanmoins, le Pacs n’est pas réservé aux homosexuels, les hétérosexuels y ont aussi accès, et ont de ce fait, accès aux mêmes droits. Donc, Pacs = signe de l’institutionnalisation de la diversité des modes de vie conjugale, peut être considéré comme une institution intermédiaire entre le mariage et le simple partenariat.  Le lien conjugal se « privatise »-­‐t-­‐il ? • Vie conjugale et individualisme moral Le fondement du couple moderne est désormais la relation interpersonnelle et non plus le rôle et sa contrainte externe, ce serait lui qui serait au service de l’individu et non l’inverse. L’individualisme moral, différent de l’égoïsme, change la nature du lien conjugal, le couple n’est en effet plus conforté par une assise institutionnelle, et doit de ce fait chercher ailleurs les indices de sa normalité. • Les différentes manières de « faire couple » Le climat d’incertitude qui règne autour de la vie conjugale favorise le développement d’une diversité de styles de couples. Pour concevoir sa relation, trois tâches : fixation des frontières du couple / hiérarchisation de ses objectifs / organisation de la coordination de ses membres. 2premières tâches relèvent de la cohésion du groupe conjugal et aussi de l’investissement des conjoints, quant à la troisième elle est en rapport avec la régulation du groupe conjugal. Couple = système d’action + système de symboles. Dans la société, des manières très différentes de « faire couple » existent et cohabitent, mais ne sont pas conjoncturelles. • Problèmes conjugaux : disputes et violences Au cours de la construction de sa relation, le couple rencontre des obstacles. Kellerhals et son équipe ont listé ces problèmes : manque de communication/pb liés à la sexualité/absences de l’autres, etc. Violences et disputes sont deux concepts à ne pas confondre, bien distincts. Aux vues de la variété des styles conjugaux et les différents styles de couple il n’est pas étonnant de constater la fréquence des problèmes à résoudre. Le réseau social dans lequel le couple évolue a son importance, une trop forte ou une trop faible présence accentuera les disputes. • Une hypertrophie du lien conjugal ? On note que la conflictualité conjugale est portée sur l’évolution générale du couple et que les relations conjugales rompent de plus en plus avec la tradition, et l’instabilité conjugale est devenu un phénomène presque courant. Ainsi, la fragilité des couples et la remise en cause du mariage sont bien l’expression d’attentes hypertrophiées, et concerne tous les âges.  L’ancrage social de la vie conjugale • Le poids de l’homogamie sociale Le fait que le partenaire élu reste un homologue social est une tendance qu’on dit être « homogamie sociale », et qui se trouve être forte aux deux extrémités du spectre social. Néanmoins, ce n’est pas un choix conscient, c’est un choix qui résulte de plusieurs sélections, comme le lieu de rencontre, la socialisation… Cette homogamie se réalise par de multiples médiations sociales. • Styles conjugaux et milieux sociaux Les différents styles conjugaux ne sont pas étrangers aux milieux sociaux qui conditionnent fortement le style conjugal, tout comme les ressources économique du couple, ainsi que l’activité professionnelle. De même, les problèmes rencontrés ne seront pas les mêmes selon l’appartenance sociale. Ainsi le couple reste profondément ancré dans la société. • Le couple et l’ordre sexué Couple = reflet de l’ordre sexué. Les hommes et les femmes ne jugent pas l’autre sexe de la même manière. Autre élément de l’asymétrie au sein du couple = différence d’âge. On note que la femme est presque toujours la plus jeune, mais c’est l’ « âge social » de l’homme qui importe, âge en tant que signe de stabilité sociale et professionnelle. Mais cet écart tend à se réduire. • La division du travail domestique et parentale Le temps accordé aux activités domestiques et parentales est inégalement réparti, avec un temps plus long pour les femmes que les hommes. Le temps domestique varie en fonction de la taille de la famille pour les mères alors qu’il ne bouge presque pas pour les pères. Ces temps sont liés à l’activité professionnelle de la femme avec une corrélation entre temps de travail et répartition des tps domestiques et parentaux. On constate néanmoins que les opinions ont évolué au cours des 30 dernières années. III.
L’éducation familiale sous pression  L’éducation, une affaire de famille • Les nouvelles normes de l’éducation familiale L’éducation des enfants = objectif prioritaire des parents + fonction principale de la famille. Aujourd’hui, il s’agit de plus en plus d’inculquer aux enfants des compétences relationnelles, bien que le souci de la règle n’ait pas disparu, l’éducation procède désormais par apprentissage progressif valorisant l’acquisition de l’autonomie, et la stricte discipline est remplacé par une recherche de compromis et d’attention aux désirs des enfants. • La diversité des styles et des méthodes pédagogiques 3 modèles éducatifs se dégagent : -­‐ le style autoritaire, le plus traditionnel : privilégie obéissance et discipline / vision statuaire des rapports parents-­‐enfants -­‐ le style négociateur, proches des nouvelles normes d’éducation : importance à l’autonomie de l’enfant / parents=accompagnateurs -­‐ le style maternant, mixe des deux modèles : discipline + conformité > autonomie / proximité parent-­‐enfant très forte De plus, les modèles éducatifs sont déterminés socialement, surtout les deux premiers, le style autoritaire se retrouvant dans le bas de la hiérarchie sociale, alors que c’est le contraire pour le style négociateur. Le style maternant n’étant pas vraiment influencé socialement.  Les familles face à l’école • L’ambition scolaire L’objectif de réussite scolaire s’est généralisé ces dernières années, le diplôme devenant indispensable. Ceci, couplé au fait que la condition ouvrière est de moins en moins attractive fait de l’école un enjeu crucial, et qui constitue un renversement historique des familles face à l’école. • Le travail familial de suivi scolaire Les familles, afin de préparer et soutenir leurs enfants dans leur carrière scolaire, doivent s’investir assez lourdement au niveau temporel. Les parents consacrent donc plus de temps au suivi scolaire, et leur niveau de diplôme favorise leur participation à ce travail, sans influer sur le temps consacré. Néanmoins, on note que la stratégie scolaire diffère d’une famille à l’autre selon les profils sociaux. Inégalités qui se manifestent dans le choix des établissements. En région parisienne, trois types de stratégies se démarquent, corrélés aux ressources des parents : le retrait, l’intervention interne ou la défection ; d’où une remise en cause de la mixité de la carte scolaire.  L’éducation familiale en crise ? L’implication des parents dans l’éducation de leurs enfants montre que fille et garçon ne profitent pas des même avantages, puisque globalement, ils s’investissent plus dans la scolarité de leur fils, différence plus marquée au sein des familles peu ou pas diplômées. Ainsi, garçons privilégiés du fait que les filles sont jugées plus autonomes ou le devenant. De plus, la présence d’une fille renforce le clivage sexué des rôles. Au final, les garçons sont plus contrôlés que les filles sur le plan scolaire, et inversement sur le plan social et des sorties. La réussite scolaire des enfants dépend du contexte familial dans lequel ils évoluent. On constate donc qu’en cas de rupture, divorce des parents, la réussite scolaire s’en trouve amoindrie. Aussi, on constate qu’au sein des familles défavorisées, l’impératif scolaire transforme la nature des relations parents/enfants et ébranle même les familles dans les milieux les plus modestes. IV.
Un modèle de parenté ébranlé Modèle de parenté = ensemble des lois et principes culturels qui énoncent ce qu’est la parenté -­‐> dispositif institutionnel et symbolique qui attribue des enfants aux parents Système de parenté = ensemble des relations entre individus apparentés  La révolution silencieuse des recompositions familiales Après une désunion, les recompositions de famille sont à l’origine de schémas très complexes avec une multiplication de figures familiales et parentales. Ces recompositions sont des réseaux avec des frontières qui sont susceptibles de changer, et qui posent aussi des problèmes de langage quant au fait de nommer les beaux-­‐parents etc… Cette augmentation des familles recomposées ainsi que monoparentales a fragilisée la place du père qui se trouve souvent déchu de ses droits. On constate néanmoins une évolution de l’idée que le couple parental doit survivre à l’abrogation du couple conjugal. Idée favorisée par une évolution des normes juridiques et notamment l’introduction de la médiation familiale dans le code civil. Au sein de ces familles, on observe souvent que les places des protagonistes sont flous, males définies, et le phénomène qui reste le plus courant est celui de placer la mère au milieu, le matricentrage qui révèle le statut particulier qu’à la mère. Un autre rôle important est joué par la place des « nouveaux » frères et sœurs qui aboutissent à la formation de grandes frateries.  La question de la famille homoparentale Au cours des dernières décennies, le regard porté sur les homosexuels a connu un changement brutal, et les couples ont finalement obtenu une reconnaissance légale avec la création du Pacs en novembre 1999. Bien que le Pacs ne donne pas droit à adopter des enfants, cette question de l’homoparentalité a surgit en 2004 avec la question de savoir s’il peut exister un lien juridique de filiation entre les parents et les enfants. Constituer une famille homoparentale peut se faire sous diverses formes : recomposition familiale après union hétérosexuelle/adoption/recours à un donneur/coparentage. Mais dans aucunes de ces formules, les parents ne sont juridiquement reconnus, et n’existe donc pas pour le moment dans le droit français. C’est pourquoi l’autorisation du mariage homosexuel serait une solution qui permettrait aisément l’accès à l’adoption ou encore au recours à un donneur. Mais cette question suscite de très vives réactions en France, et insiste sur le fait que le débat est ouvert.  Le défi de la parenté plurielle En Occident, la filiation rattache l’enfant à sa mère, son père ainsi qu’à ses ascendants maternels et paternels, et est un choix culturel. On a donc ici un modèle caractérisé par la bilatéralité et le biocentrisme, et c’est ce modèle que reconnaît le droit français, mais il se réfère aussi néanmoins à l’intention parentale et ne tranche pas nettement entre sang et volonté. C’est pourquoi, même si peu nombreux, les familles recomposées et homoparentales sont au cœur d’un vif débat, ainsi que la question de savoir qui est parent ou pas. D’autre part, une autre question se pose, celle de savoir si on peut ou non multiplier les lignées. Les relations plurielles qui s’établissent entre adultes et enfants peuvent être qualifiées de « parentalité », ce qui montre que parentalité et filiation se recoupent mais sont à ne pas confondre. Il semble donc que l’insertion dans une nouvelle lignée, tout en maintenant le lien avec d’anciennes n’aille pas de soi. V.
La parentèle, réseau de sociabilité et d’entraide Parentèle = ensemble des personnes avec lesquelles l’individu est apparenté.  Les relations dans la parentèle On constate que jusque dans les années 1970, la famille, étudié par les sociologues était restreinte à l’unité conjugale. Puis, cette définition a évolué et on a considéré que la famille ne s’en tenait pas à son caractère élémentaire et que son réseau de parenté était loin d’être délaissé. Enfin, dans les années 1980, on a découvert que la parentèle prenait un nouvel essor. Ces relations de parentèles incarnent un nouvel esprit de famille conjuguant individualisme moral, épanouissement de soi et continuité familiale. La parentèle constitue un réseau formé de différents cercles selon la force des liens entretenus entre les divers parents. Cette structure n’est pas fixe et peut être amenée à changer. Les relations se forment alors selon un équilibre complexe entre générations, avec une composante affective aujourd’hui évidente, la lignée devient alors un imaginaire personnel. Souvent, dans ces systèmes de filiations on observe un biais matrilatéral. C-­‐à-­‐d que des déséquilibres latéraux entre lignes paternelles et maternelles s’établissent au profit de la mère qui joue un rôle nodal au sein de la famille et qui est en charge des relations dans la parentèle.  L’économie cachée de la parenté On recense trois types de prestations dans les échanges au sein de la parentèle : -­‐ rôle d’entraide domestique (courses, entretien du logement etc.), tâches conçues comme des attributs naturels du rôle familial de la femme -­‐> échanges réciproques entre générations féminines -­‐ soutien relationnel (relations, connaissances, infos). Aides discrètes et difficiles à repérer. -­‐ Redistribution des revenus (transferts financiers, dons informels…) On constate néanmoins que cette entraide reste limitée et est inégalement répartie puisque la génération intermédiaire (50-­‐60ans) est la plus grande distributrice. Cette entraide dépend aussi du cycle de vie, avec par exemple, le moment où les enfants quittent le nid familial va être générateur d’une forte entraide, qu’on qualifie de premier temps fort d’entraide, le second, lui, réside dans la période de fin de vie.  Entraide familiale et inégalité Le solde de l’entraide familial est égale à 0, ce qui est donné par les uns est perçu par les autres et inversement. Cette entraide familiale a un effet égalisateur entre les jeunes ménages et les plus vieux. Mais cet effet est moindre et variable selon l’’âge : de même ampleur que celui des transferts publics chez les moins de 25 ans mais pas pour les autres catégories. Ainsi, l’entraide familiale n’a pas d’impact quant à la position relative des différents milieux socio-­‐économiques. L’entraide familiale n’est donc pas un mécanisme égalitaire lorsqu’elle est étudiée à travers la mobilité sociale. Cette pratique d’entraide diffère selon les milieux sociaux en raison des écarts de ressources et de conceptions morale de la parenté différentes. Ainsi, on constate que c’est dans les classes populaires que l’entraide est la moins développé, et donc dans les classes supérieures qu’elle est la plus forte, et les classes moyennes sont proches de la moyenne. Ainsi, loin d’atténuer les clivages sociaux, l’entraide tend plutôt à les souligner en poussant au repliement des milieux sociaux sur eux mêmes. Familles, normes, inégalités Les transformations de la famille au cours de ces dernières années montrent une progression des styles marqués par un individualisme moral et on peut voir que les rapports entre l’individu et la famille se sont renversés, on peut parler d’ « individualisme de la famille » pour résumer la situation. Complexité de l’individualisme familial dont on peut repérer trois aspects : -­‐ redéfinition des normes et non dissolution de celles-­‐ci -­‐ cette émergence de normes nouvelles conduit à un pluralisme normatif : abondance de normes et variétés de celles-­‐ci -­‐ cet individualisme est le produit de la société Ainsi, Jean-­‐Hugues Déchaux finit par nous dire que « plus le choix des modes de vie familiale est ouvert, plus le risque d’un écart entre l’idéal et sa réalisation est grand ».