NICE MATIN DESIGN THINKING - The Sustainable Design School

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NICE MATIN DESIGN THINKING - The Sustainable Design School
l’économie
économie
Lundi 22 février 2016
Penser au design thinking
Idées Méthode très à la mode dans l’innovation, le design thinking met l’humain au centre
des préoccupations. Il aide les entreprises à développer des stratégies pérennes
Cas pratique :
l’arrêt de bus
D
esign thinking. C’est le
mot à la mode, même
s’il existe outre-Atlantique depuis les années .
Cette approche multidisciplinaire qui met l’humain au
centre de toutes ses préoccupations est utilisée par les designers pour résoudre une
problématique d’innovation.
Visant à ses débuts à créer
des produits, elle sert aujourd’hui à développer des
stratégies de société et des
expériences globales à l’instar
d’Apple, Coca Cola, Whirpool...
Invitée au e petit déjeuner
du cycle Innovation & Connaissance de Skema à Sophia
Antipolis, Christine Truc Modica, professeur de design
thinking à la Sustainable Design School de Nice, a expliqué comment le design thinking aide à se différencier de
la concurrence. Des explications étayées par le cas pratique d’Amadeus et de son
agence de voyages du futur.
KARINE WENGER
Christine Truc Modica, consultante et enseignante de Design Thinking à la Sustainable Design School
de Nice, et Gwenaele Monboisset, responsable de la stratégie segment et innovation pour les grands
comptes de la distribution chez Amadeus, ont montré comment cette approche pouvait répondre aux
problématiques d’innovation des entreprises.
(Photo K.W.)
Il y a quelques années, l’agence de
design berlinoise pour laquelle travaillait Christine Truc-Modica a été
sollicitée par une maison de retraite
désireuse de trouver une solution
pour retrouver les patients fugueurs
atteints d’Alzheimer. Si les responsables de l’établissement voulaient
équiper les patients de bracelets
électroniques, Christine et son
équipe ont passé quelques jours
avec les résidents pour étudier leurs
comportements. Ils se sont rendu
compte que les fugueurs cherchaient
en priorité un moyen de locomotion
pour rentrer chez eux. Leur idée a
été de créer, en face de la maison de
retraite, un arrêt de bus doté d’un
banc et d’un téléphone avec un pancarte sur laquelle était inscrit : « Si
vous voulez savoir à quelle heure
passe le prochain bus, merci d’appeler
à ce numéro. » Les designers avaient
trouvé la réponse à la double problématique de savoir quand les malades
sortaient du centre et comment les y
ramener.
Six étapes pour se différencier
Professeur à la Sustainable Design
School de Nice, Christine Truc Modica décrypte le design thinking en
six étapes clés.
- Définition
Cette méthode d’innovation
centrée sur l’utilisateur permet
d’identifier une problématique,
de comprendre son
environnement et de trouver
l’idée pour la résoudre. Elle
comporte plusieurs phases :
compréhension, observation,
réappropriation, créativité,
prototypage, test,
implémentation. On ne part plus
du produit mais de l’humain et à
chaque étape de l’approche, on
revient à l’humain, qu’il soit
l’utilisateur ou le client, pour
comprendre ses besoins, évaluer
la solution puis la valider.
- Pourquoi l’utiliser ?
Parce qu’il intègre les
problématiques touchant aux
gens (ce qui est désirable), à la
technologie (ce qui est réalisable)
et à l’économique (ce qui est
viable). Le design thinking aide à
développer des solutions
innovantes et pérennes.
- Ses valeurs
Le travail en groupe, la recherche,
l’itération et la remise en
question continue et la
démonstration par la preuve
(prototypage et visualisation)
sont les bases du design thinking.
Du coup, cela développe
l’optimisme car chaque
problématique est vue comme
une opportunité pour développer
et améliorer quelque chose. Cela
favorise également l’empathie,
l’envie de comprendre l’autre et
d’avoir un impact positif. La
collaboration est un
fondamental : on ne travaille pour
mais on travaille avec, tandis que
le focus sur l’expérience permet
de nourrir la solution.
- Les fondamentaux
Tout d’abord, il faut créer un
espace dédié au projet, ce qui
améliorera la collaboration, la
créativité et le bien-être. Il faut
envahir les lieux, afficher les
résultats de la phase de
recherche, les idées, les
maquettes, y créer l’expérience.
Ce lieu servira aussi à recevoir les
clients.
Bien structurer l’équipe est un
autre point clé. Elle doit être
pluridisciplinaire et comporter
des « T-shape people », des
personnes avec une expertise très
pointue dans un domaine mais
aussi compétentes par ailleurs.
Elles feront l’interface entre les
différents membres de l’équipe et
le client.
- Approche
Elle se décompose en trois
phases.
Celle de recherche et
d’observation ethnographique
sur le terrain permet de
(re)formuler si besoin le
problème, de comprendre les
besoins et attentes des
utilisateurs. D’où l’importance de
la qualité de l’échantillon qui ne
L’agence de voyages du futur selon Amadeus
« Ces dernières années, l’arrivée d’Uber, d’AirBnB, des
low cost carriers, des réseaux sociaux a bouleversé le
monde du voyage », explique Gwenaele Monboisset,
responsable de la stratégie segment et innovation
pour les grands comptes de la distribution chez
Amadeus. Les lignes entre les différents acteurs sont
brouillées et après le « tout en ligne », on voit
émerger les agences de voyages concept store qui
apportent aux consommateurs une expérience du
voyage avant même leur départ.
Chez Amadeus, bien que tourné vers le BtoB, « Nous
pensons avoir un rôle à jouer pour aider ces agences à
développer ces solutions et à articuler une stratégie
qui s’appuie sur le digital, l’humain et l’espace physique. C’est ainsi qu’est née cette idée d’agence de voyages du futur. Nous avons utilisé le design thinking avec
une équipe pluridisciplinaire en interne. Les retours
étaient très positifs mais nous avions négligé de prendre en compte la génération YZ (entre  et  ans), très
mobile, qui n’a jamais mis les pieds dans une agence
de voyages et dont le pouvoir d’achat avoisine les
 Mds$. Dans nos bureaux, nous avons peu de représentants de cette génération. D’où notre décision de
faire appel à la Sustainable Design School et à son vivier d’étudiants. » Si Gwenaele Monboisset ne peut
tout révéler du projet car il n’est pas encore tout à fait
terminé, elle donne quelques pistes. « Les étudiants
ont réalisé des microtrottoirs, des questionnaires sur
Facebook, bâti une experience map du voyage,avant
de dessiner l’agence de voyages du futur qui répondrait aux attentes de la génération YZ.»
Quelles conclusions Amadeus tire-t-il de cette expérience ? En quoi le design thinking lui permet d’être
plus compétitif ? « Le design thinking permet d’anticiper, de réfléchir aux besoins des consommateurs pour
résoudre des problèmes dont ils n’ont pas encore conscience. Amadeus l’utilise également dans ses stratégies d’investissement pour étudier ce qui doit être
développé ou stoppé au sein de son portefolio. Et cela
se traduit dans son cycle budgétaire d’investissement.
Enfin, le design thinking permet au groupe de se positionner auprès de ses clients en tant que consultant
pour les aider à imaginer le futur. Cela enrichit la relation client entre Amadeus et les agences de voyages,
démontre son expertise et sa valeur ajoutée qui va audelà des produits et des services. »
doit pas être cantonné à l’âge et à
la profession, c’est trop réducteur.
A titre d’exemple, si on développe
un nouveau service pour les
chanteurs de plus  ans, on se
rend bien compte que Mick
Jagger n’a pas le même
comportement que Serge Lama
et pourtant, ils ont la même
profession et le même âge.
Idem, lorsqu’on se rend sur le
terrain, il faut garder un esprit
ouvert. On n’y va pas pour vérifier
des connaissances mais y
découvrir de nouvelles idées.
La phase de concept permet de
synthétiser toute l’information de
la recherche et de développer des
idées. La troisième concerne le
début du prototypage et
l’évaluation de la solution.
- Outils
Il y en a de multiples mais parmi
les plus importants, on peut
noter le persona ; une personne
fictive qui va représenter un
groupe d’utilisateurs et qui sera
présente tout au long du
parcours créatif. Elle a pour but
de rappeler pour qui on
développe la solution.
Autre outil : le mood board. Cette
collection de photos prises sur le
terrain durant la recherche est
primordiale pour la phase
d’inspiration. Une fois que les
idées sont développées, il faut les
lier en racontant une histoire : le
storytelling. Et surtout, il faut
absolument faire intervenir
l’utilisateur pour qu’il co-crée
avec les designers.