Charles Edward Montague (1867
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Charles Edward Montague (1867
Charles Edward Montague (1867-1928) Prêtre catholique irlandais, le père de Charles Montague quitte les ordres pour épouser Rosa McCabe, la fille d’un marchand de Drogheda. Le couple quitte l’Irlande et s’installe à Londres, où naît Charles en 1867. Après des études à Oxford, Charles Montague est recruté par C.P. Scott pour intégrer l’équipe éditoriale du Manchester Guardian. Les deux hommes ont les mêmes opinions politiques, militent pour l’autonomie irlandaise et s’opposent à la guerre des Boers en Afrique du Sud. De simple journaliste et critique de théâtre, Montague devient officieusement le rédacteur-en-chef du journal pendant le mandat de député de Scott. Il épouse la fille unique de ce dernier en 1898. Avant août 1914, Montague s’oppose à la guerre mais une fois celle-ci déclarée il la soutient en espérant que le conflit sera de courte durée. Malgré ses 47 ans et le fait qu’il ait sept enfants, il se porte volontaire. Il teint ses cheveux, qu’il a blancs depuis une vingtaine d’années, et parvient à tromper le bureau de recrutement sur son âge. Arrivé en France en novembre 1915, il est impressionné par l’insalubrité qui règne sur le front et l’omniprésence des rats. Son commandant se demande s’il est judicieux d’avoir dans la tranchée un homme de presque 50 ans et l’envoie devant une commission médicale. Montague doit attendre janvier pour être autorisé à regagner la ligne. Mais trois mois plus tard, un nouveau règlement interdit la présence d’hommes de plus de 44 ans dans les tranchées. Ayant commencé la guerre avec le grade de sergent-grenadier, il est ensuite promu lieutenant puis capitaine dans les renseignements. Pendant deux ans, sa mission consiste à écrire des textes de propagande pour l’armée britannique et à censurer les articles des cinq journalistes britanniques exerçant officiellement sur le front occidental. Il escorte également les personnalités qui souhaitent visiter le front. C’est ainsi qu’il accompagne H.G. Wells, George Bernard Shaw, David Lloyd George et Georges Clémenceau sur les champs de bataille. George Bernard Shaw, le célèbre dramaturge irlandais, se rappelle que Montague avait tendance à amener les visiteurs qui le souhaitaient le plus près possible des combats, n’ayant lui-même aucune peur, trouvant même un vif plaisir à côtoyer le danger. Il s’agit plus de courage que d’attirance pour la guerre. Au journaliste Philip Gibb, il confie avoir instauré pour sa part une sorte de moratorium sur la morale chrétienne. Il trouve en effet impossible de réconcilier la guerre avec l’idéal chrétien, mais contrairement aux Quakers et autres objecteurs de conscience, il ne peut envisager de déposer les armes. Dans ces conditions, la seule solution est de renoncer temporairement aux principes chrétiens pour mieux les retrouver et les vivre après la guerre. Ce genre de compromis reflète ce qu’ont vécu beaucoup de combattants, tiraillés entre des idéaux incompatibles. Du moins, l’attitude formulée par Montague a-t-elle le mérite de la lucidité. Après l’Armistice, il ne cessera de dénoncer la guerre et la façon dont elle a été menée, logique en cela avec son parcours personnel, oscillant entre le bien-fondé du pacifisme et la nécessité de se battre. Son célèbre ouvrage, Disenchantment, publié en 1922, est un des premiers livres ouvertement antimilitaristes sur la Grande Guerre. En cela, il fera date dans l’histoire de la littérature de témoignage. Constitué d’une série d’essais, Disenchantment insiste sur l’idéal que revendiquaient les combattants au début de la guerre – à savoir l’espoir de voir naître une nouvelle Europe débarrassée des haines de la vieille génération – pour montrer ensuite que ces espoirs ont été piétinés. La victoire des Alliés est d’une certaine façon une défaite. Les combattants ont été dupés et les morts ne semblent pas avoir servi à grand-chose. C’est le constat amer de Disenchantment, dans lequel beaucoup de lecteurs ont retrouvé leur propre colère, qui au début des années 20 n’était finalement que rarement exprimée. Charles Montague retrouve un emploi de journaliste au Guardian, mais son rôle au sein de l’équipe éditoriale n’est plus le même qu’avant 1914 et il se retire du journalisme en 1925 pour se consacrer à l’écriture. Il meurt en 1928, à l’âge de 61ans. L'extrait proposé traite du nécessaire recours à certaines ruses pour tromper l'ennemi. Certains lecteurs de revues que l'on appelle communément de science populaire ont pu être choqués de voir publiée, en 1917, une description détaillée de nos "appareils d'écoute", grâce auxquels un message téléphonique de l'ennemi pouvait être intercepté sur le champ de bataille. Ils ont dû penser qu'on divulguait ainsi nos procédés d'écoute les plus élaborés et que la revue en question devait être poursuivie en justice. Mais l'article émanait bel et bien du G.Q.G. Il s’agissait en fait de la dernière joute d'un long duel. Quand la guerre fut déclarée, les Allemands avaient de bons appareils pour intercepter les communications téléphoniques. Quant à nous, nous n'avions bien sûr presque rien. L'échec de notre première attaque sur Ovillers, près d'Albert, en juillet 1916, peut à coup sûr être attribué à la défaillance de notre système d’écoute. A l'heure fixée pour l'assaut, notre front essuya un tel bombardement qu'il n'y eut bientôt plus d'hommes pour l'attaque prévue. Quelques jours plus tard, en prenant Ovillers, nous avons trouvé le papier sur lequel le soldat allemand équipé de "l'appareil d'écoute" avait noté mot pour mot l'ordre donné pour notre premier assaut. On s'est alors attelé à la tâche. Nos téléphones ont été éloignés des lignes et nos "appareils d'écoute" améliorés, ce qui a poussé l'ennemi à éloigner de plus en plus les siens, renonçant ainsi, dans un souci de sécurité, à une certaine facilité de communication. Mais il arriva un moment où les communications ne pouvaient plus se faire. Tout espoir d'éloigner davantage les téléphones en faisant croire qu'on était toujours en mesure d'écouter était désormais perdu. Il ne restait plus qu'à ajouter un dernier effet de bluff pour donner aux bluffs précédents une totale efficacité. C'est ainsi que parut dans une quelconque revue anglaise cette indiscrétion selon laquelle nos oreilles électriques avaient pour le moins une bonne ouïe. Si l'article n'était pas susceptible d'avoir de nombreux lecteurs anglais, on pouvait par contre être sûr que l'ennemi le repérerait. Quand la bataille des Flandres du 31 juillet 1917 était sur le point de démarrer, nous avons eu recours à la vieille ruse de l'attaque chinoise, améliorant la méthode utilisée par les garnisons du Moyen Age, qui faisaient croire qu'elles allaient attaquer une porte alors que le coup serait porté sur une autre porte. C'est ainsi que nous avons convié l'ennemi à croire qu'une grande attaque se préparait. Mais sur Lens, et non à l'est d'Ypres. Les indices concouraient tous dans le bon sens. De nombreux canons britanniques se concentraient discrètement à l'ouest de Lens. Une petite escarmouche sur cette partie du front provoqua un étonnant bombardement britannique, apparemment déclenché dans un moment de panique. J'imagine que le corps d'un officier britannique d'état-major - reconnaissable à ses insignes et pattes d'épaule - a pu alors flotter sur la Scarpe jusqu'aux positions allemandes. Les Allemands ont sûrement dû analyser comme il se doit les cartes et les papiers trouvés sur le corps, qui donnaient Lens pour objectif. C'est alors qu'une indiscrétion vraiment inexcusable parut dans un journal londonien et qu'elle fut très vite étouffée. Pour un esprit allemand avisé, ceci ne pouvait être que le résultat typique du bavardage inconséquent d'un stupide général en permission, qui voulait faire l'important sans trop savoir de quoi il parlait. Le contenu de la révélation était sans grande valeur, sauf pour la petite allusion à Lens. Pour autant que je sache, ce babillage n'a été imprimé que dans une seule édition à faible tirage d'un journal londonien. On a ensuite vu les autorités essayer avec nervosité d'enterrer l'affaire et de ne plus rien en dire. Si cette précaution n'avait pas été prise, quelque député zélé aurait pu s'indigner à la tribune du parlement qu'une telle faille dans la procédure militaire ait pu se produire. Vous me dites qu'il n'y a pas eu de mainmise sur la presse ? La réponse est là. Les Allemands conservèrent un maximum d'artillerie à Lens, si bien que les tirs de contrebatterie à l'est d'Ypres nous occasionnèrent moins de pertes.