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L’ÉQUIPE ET LA COMPAGNIE NOVECENTO : PIANISTE D’Alessandro Baricco Traduction : Françoise Brun Mise en scène : Geneviève Dionne Une production du Théâtre de la Trotteuse en codiffusion avec le Théâtre Denise-Pelletier Salle Fred-Barry Du 22 janvier au 8 février 2014 Interprètes Karine Chiasson..................................... Danseuse Simon Dépôt.......................................... Novecento Jacinthe Gilbert...................................... Danseuse Martin Lebrun...................................... Tim Tooney Concepteurs et collaborateurs artistiques Composition musicale et environnement sonore..............Olivier Leclerc Scénographie et conception d’éclairage.....................Jérôme Huot Direction technique et régie......Gabrielle Garant Chorégraphies..............................Karine Chiasson Le Théâtre de la Trotteuse Né de la volonté de créer des spectacles intégrant plusieurs formes d’expression artistique, le Théâtre de la Trotteuse a été fondé en 2008 par Geneviève Dionne, Olivier Leclerc et Jérôme Huot. Le métissage entre le théâtre et d’autres arts amène la compagnie à envisager une pratique théâtrale multiforme, produite par des artistes polyvalents qui sont sollicités à la fois comme comédiens, acrobates, musiciens, conteurs et danseurs. Ses membres s'interrogent sur les pratiques artistiques à hybrider au théâtre, chaque nouvelle création appelant une rencontre qui lui est propre. Pour ce faire, ils s'efforcent de faire appel à des artistes de la relève dont la multidisciplinarité fait partie intégrante de leur cheminement artistique. À ce jour, le Théâtre de la Trotteuse compte deux productions. Histoire de Lunes, sa première création, a été présentée à L’AgitéE (Québec) en février 2009 sous forme de laboratoire, puis dans sa version définitive à l’été 2009 au Centre d’art La Chapelle (Québec) et en France dans différents festivals. La mise en scène intégrait la danse, la musique et le conte. Novecento : pianiste, deuxième spectacle de la compagnie, a entraîné un travail de plus longue haleine. Il propose une relecture du monologue d’Alessandro Baricco avec un comédien, un comédien-pianiste et deux danseuses. Bénéficiant d’une résidence à Premier’Acte (Québec), la compagnie y présente un laboratoire en 2010 puis y produit le spectacle en décembre 2011 (hors saison) avant de jouer au Festival FRINGE de Montréal, à Strasbourg, au Festival OFF Avignon et à Cavalaire-sur-mer à l’été 2012. En 2013, le Théâtre de la Trotteuse produit une deuxième version de son spectacle Histoire de Lunes dans le cadre d’une tournée française de 26 représentations. La compagnie a entamé à l’automne un laboratoire pour son troisième spectacle, Whip, une création intégrant les arts du cirque au théâtre. www.theatredelatrotteuse.com NOVECENTO : PIANISTE / page 51 L’AUTEUR : ALESSANDRO BARICCO Alessandro Baricco (né le 28 janvier 1958 à Turin) est un écrivain, musicologue et homme de théâtre italien contemporain. Ses romans ont été traduits dans de nombreuses langues. Après des études de philosophie et de musique, Alessandro Baricco s’oriente vers le monde des médias en devenant tout d’abord rédacteur dans une agence de publicité, puis journaliste et critique pour des magazines italiens. Il a également présenté des émissions à la télévision italienne sur l’art lyrique et la littérature. En 1991, il publie Châteaux de la colère, roman pour lequel il obtient, en France, le Prix Médicis étranger en 1995. Il a également écrit un ouvrage sur l’art de la fugue chez Rossini et un essai, L’Âme de Hegel et les Vaches du Wisconsin où il fustige l’anti-modernité de la musique atonale. En 1994, avec quelques amis, Alessandro Baricco, 2010, par Jaqen. il fonde et il dirige à Turin une école de narration, la Scuola Holden, une école sur les techniques de la narration. Alessandro Baricco invente un style qui mélange la littérature, la déconstruction narrative et une présence musicale qui rythme le texte comme une partition. http://fr.wikipedia.org/wiki/Alessandro_Baricco LA PIÈCE : NOVECENTO L’océan. Entre l’Amérique et l’Europe, un bateau. Lors de la traversée du millénaire, un bébé abandonné est retrouvé sur le piano de la salle de bal. On le nommera Novecento, en hommage au siècle nouveau. La cale et le pont deviendront les terrains de jeu de l’enfant, jusqu’au jour où, en toute clandestinité, il se glisse dans la salle de bal de première classe et s’assoit au piano. Il compose une musique étrange et magnifique, qui n’appartient qu’à lui : la musique de l’Océan. Rien ni personne ne le décidera à quitter le navire où il deviendra le plus grand pianiste du monde... C’est du moins ce que nous raconte Tim, trompettiste engagé à ses côtés à bord du transatlantique. Son monologue est celui d’un homme qui tente de survivre par le souvenir : « Tu n’es pas vraiment fichu tant qu’il te reste une bonne histoire et quelqu’un à qui la raconter ». Il nous raconte l’histoire de son ami, son meilleur ami, de la tempête et d’un légendaire duel. L’histoire d’une vie, de la musique qui la traverse et des vagues qui la portent. « …j’ai compris, à ce moment-là, que ce qu’on faisait, ce qu’on était en train de faire, c’était danser avec l’Océan, nous et lui, des danseurs fous, et parfaits, emportés dans une valse lente, sur le parquet doré de la nuit. Oh yes. » « On jouait pour les faire danser, parce que si tu danses tu ne meurs pas, et tu te sens Dieu. » page 52 / NOVECENTO : PIANISTE Novecento. Un monologo a été publié en 1994, traduit en français sous le titre Novecento : pianiste et réalisé au cinéma par Giuseppe Tornatore sous le titre La Légende du pianiste sur l’océan (La leggenda del pianista sull’oceano) sorti en 1998. Geneviève Dionne détient un baccalauréat en Études théâtrales – profil mise en scène – de l’Université Laval et a reçu une formation de marionnettiste avec Pierre Robitaille (Québec) et le Théâtre de la Dame de Cœur ainsi qu’une formation en jeu clownesque avec Yves Dagenais, Véronika Makdissi-Warren et James Keylon. Elle a signé plusieurs mises en scène pour Les Treize de l’Université Laval dont Le Songe d’une nuit d’été (Shakespeare) et Traces d’étoiles (Cindy Lou Johnson). Elle a travaillé à titre d’assistante sur un docu-théâtre multimédia L’Étape présenté au Théâtre Périscope et elle a contribué à la conception de Changing Room, docu-théâtre interactif présenté à Québec, Ottawa et Montréal. Pour le Théâtre de la Trotteuse, elle a écrit et mis en scène Histoire de Lunes en 2009. Elle travaille Geneviève Dionne aussi avec l’ensemble vocal l’Air du Temps. Ce monologue d’Alessandro Baricco vous permettait d’associer naturellement théâtre et musique. Comment se sont faits les choix musicaux ? En effet, il est assez évident d’associer la musique à ce texte puisqu’il raconte la légende d’un pianiste qui aurait passé sa vie sur le même bateau de croisière, de sa naissance jusqu’à sa mort. D’entrée de jeu, le jazz est apparu comme étant un style musical incontournable pour élaborer la musique du spectacle puisqu’on y fait fréquemment référence dans le texte, et que les années 1920-1930 sont marquées par ce courant. Cependant, une phrase de Tim, le narrateur de l’histoire, nous hantait et nous poussait à envisager d’autres couleurs musicales : « Lui, il jouait quelque chose qui n’existait pas avant que lui ne se mette à la jouer, okay ? Quelque chose qui n’existait nulle part. Et quand il quittait Photo : Ilana Pichon ENTRETIEN AVEC GENEVIÈVE DIONNE, METTEURE EN SCÈNE son piano, ce n’était plus là, définitivement… ». En fait, cette description ouvrait la porte à une musique plus intime, celle de la musique intérieure de Novecento, celle de l’océan. Une musique en avance sur l’époque du récit, une musique plus proche de nous peut-être. Il nous semblait pertinent que la musique de Novecento : pianiste soit jouée live, dans la mesure du possible, par le comédien-pianiste, alors que celle de l’époque pouvait être enregistrée. À partir de cette réflexion, nous avons choisi les moments où la musique serait jouée en direct et ceux où on aurait plutôt affaire à une trame enregistrée. Toute la musique a été composée à partir de cette réflexion par Olivier Leclerc, avec qui j’ai travaillé en étroite collaboration. NOVECENTO : PIANISTE / page 53 Comment avez-vous travaillé avec Olivier Leclerc ? Pourquoi avez-vous choisi d’intégrer également la danse acrobatique et au sol ? Premièrement, nous avons lu le texte chacun de notre côté. Ensuite nous avons mis en commun les moments où nous sentions qu’il devait y avoir de la musique. Nous avons discuté de courants musicaux, de compositeurs dont le travail nous faisait penser à ce qui était écrit entre les mots du texte. Nous avons enfin mis à l’épreuve nos choix en salle de répétition et retravaillé ce qui nous semblait moins efficace. D’ailleurs, certaines pièces se sont simplement improvisées en salle de répétition avec la collaboration du comédienpianiste qui jouait Novecento puis retravaillées par Olivier. La conception musicale a aussi été influencée par le travail chorégraphique de Karine. Mon travail avec Olivier s’est donc fait dans un esprit de collaboration avec l’ensemble des artistes. Dans le texte, il se passe par moments des choses « surnaturelles », des moments magiques, comme un piano qui se met à voler par exemple. Il était aussi question de forces de la nature, de tempête. Nous cherchions comment imager ces moments par un procédé qui stimulerait l’imagination et la sensibilité du spectateur. Il y avait cette phrase dite par Tim, la phrase fétiche de notre chorégraphe : «… et on jouait pour les faire danser, parce que si tu danses, tu ne meurs pas et tu te sens Dieu ». J’avais déjà exploré les possibilités de la danse au sol dans Traces d’étoiles. Je voyais d’emblée sa pertinence, mais je sentais qu’il fallait aussi quelque chose de plus fort. PHOTO : David Michel Muller Karine Chiasson, Simon Dépôt et Jacinthe Gilbert au TAPS Gare à Strasbourg en 2012. page 54 / NOVECENTO : PIANISTE PHOTO : David Michel Muller Martin Lebrun et Simon Dépôt au TAPS Gare à Strasbourg en 2012. J’avais vu de la danse acrobatique par un ami chorégraphe et danseur qui ouvrait sa compagnie de danse aérienne. Cela m’avait laissé diverses impressions : une sensation d’apesanteur, de flottement, une sensation de danger aussi. J’avais envie d’exploiter cette force qu’a la danse acrobatique-aérienne afin de permettre aux comédiens-danseurs de personnifier divers éléments : parfois la mer, la tempête, le bref moment d’apesanteur provoqué par la houle et le roulis du bateau, parfois l’amour, parfois le souvenir. Pour nous, la mer et l’air sont deux éléments qui se complètent. La danse nous permettait de les amener sur scène et de nous nourrir à la poésie du texte. du spectacle, je ne les voulais pas accessoires. Il y a donc eu aussi un travail d’intégration, de transition afin de leur permettre d’évoquer l’univers de la pièce, de faire surgir des personnages. La présence constante de Karine nous a donc permis de bâtir l’esthétique du spectacle. Il s’agit d’un long monologue, qui demande du souffle et de la mémoire. Pouvez-vous nous décrire votre façon de travailler avec les comédiens ? Ce que nous voulions aborder d’abord et avant tout dans ce texte, au-delà de l’histoire racontée par Tim, le meilleur ami de Novecento, c’est l’histoire d’amitié qui lie les deux personnes et qui en fait une histoire encore plus incroyable à écouter. Nous avons donc choisi de mettre en scène le monologue avec deux comédiens. J’ai voulu que Martin Lebrun et Simon Dépôt au TAPS Gare à Strasbourg en 2012. Karine a été présente tout au long du processus de création en salle. Comme elle joue et danse dans le spectacle, nous filmions les séquences chorégraphiées et les diverses explorations de mouvements qu’elle proposait pour ensuite les évaluer. Ces idées s’inspiraient tant du texte que de la musique proposée par Olivier. Je tenais aussi à ce que la présence des deux comédiens-danseurs se fasse sentir dans l’ensemble PHOTO : David Michel Muller Comment se sont faits les choix chorégraphiques ? Et votre collaboration avec la chorégraphe ? NOVECENTO : PIANISTE / page 55 le spectateur soit témoin de vrais moments vécus par les deux amis en plus des moments qui sont racontés. J’ai voulu que les gens puissent aussi comprendre leur relation d’amitié, si simple soit-elle, une relation qui fait que l’un sans l’autre, leur vie aurait été bien différente, un peu plus vide... J’avais dit un peu à la blague à Simon et Martin, lors de nos premières rencontres, qu’ils allaient devoir devenir les meilleurs amis du monde ! Je ne peux pas dire qu’ils sont depuis inséparables, une telle amitié prend plusieurs années à se construire, mais je crois qu’ils ont été sensibles à cela et ont développé une complicité qui a nourri le spectacle. Nous avons aussi travaillé, surtout avec Martin qui joue Tim, à ce que le spectateur sente qu’il est le premier à écouter cette histoire que le personnage de Tim a besoin de venir raconter. J’ai exigé une certaine simplicité dans le jeu, une ouverture puisque pour parvenir à cela, il faut accepter la présence du public dans la salle. Il fallait que pour l’acteur, le spectateur devienne un partenaire de jeu supplémentaire. Il fallait aussi trouver la source de l’urgence, la nécessité de parler de cette histoire pour bâtir le personnage. En discutant avec les comédiens, il nous est apparu que Tim était en fait un homme brisé qui tente de survivre à travers le souvenir. « Tu n’es pas vraiment fichu tant qu’il te reste une bonne histoire et quelqu’un à qui la raconter... » avait un jour dit Novecento. Raconter l’histoire de son ami nous est apparu comme étant une porte de sortie pour Tim, une façon de rester en vie, de ne pas être seul. Une bonne partie du travail a donc été de questionner la nécessité de chaque souvenir, de trouver le pourquoi de chacun, ce qui aide grandement la mémoire de l’acteur. La présence des autres comédiens et le travail de mouvement ont aussi aidé à établir des repères pour Martin qui livre plus d’une heure de texte. Le souffle du spectacle ne repose donc pas sur une seule personne et le comédien-narrateur peut ainsi faire confiance à plusieurs types de mémoires : la mémoire de sa tête, celle de son corps et surtout celle du groupe. PHOTO : David Michel Muller Martin Lebrun et Simon Dépôt au TAPS Gare à Strasbourg en 2012. page 56 / NOVECENTO : PIANISTE L’histoire se passe entre 1927 et 1945, entre le krach et la Deuxième Guerre mondiale. Qu’avez-vous retenu de cette époque dans votre mise en scène ? Et dans les aspects visuels du spectacle ? Comme l’action se passe sur le bateau, plutôt déconnecté de l’actualité de l’époque, nous n’avons pas énormément souligné les faits historiques comme le krach (dont on ne fait d’ailleurs pas mention dans le texte) ou la guerre. Nous avons fait un essai chorégraphique pour évoquer la Deuxième Guerre mondiale, mais il s’intégrait très mal dans le spectacle. Nous avons donc abandonné cette idée. En fait, nous avons un peu suivi le cheminement de Tim qui évite ce sujet et semble ne pas vouloir parler de cette période sombre. Que souhaitez-vous apporter aux spectateurs par votre spectacle ? Ultimement, nous souhaitons que le spectateur se questionne sur l’amitié. On parle souvent de l’amour comme élément central de nos vies, mais l’amitié, la vraie, n’en demeure pas moins tout aussi rare et exigeante, surtout exigeante. Je veux qu’il se demande ce qu’il aurait fait à la place de Tim quand ils se sont vus pour la dernière fois. De plus, nous aimerions que le spectacle, par sa mise en scène, par sa musique, donne au public l’envie de voir plus de poésie dans le monde qui l’entoure. J’aimerais qu’il se laisse inspirer par le PHOTO : David Michel Muller Nous avons surtout retenu de cette époque la musique, le jazz, et la danse qui y est associée, comme le charleston par exemple. Nous avons aussi retenu certains vêtements comme des robes à franges, le chapeau haut de forme. Ces éléments qui représentent une époque aussi dynamique que triste. Je voulais cependant que cela se limite seulement à certains éléments emblématiques pour appuyer la dimension légendaire de l’histoire. Simon Dépôt au TAPS Gare à Strasbourg en 2012. génie du personnage de Novecento, lui qui savait écouter. « Et il savait lire. Pas les livres, ça tout le monde peut, lui, ce qu’il savait lire, c’était les gens. Les signes que les gens emportent avec eux : les endroits, les bruits, les odeurs, leur terre, leur histoire… écrite sur eux du début à la fin. » Je souhaite que ce que Novecento a légué à Tim résonne dans leur esprit, c’est-à-dire de ne jamais oublier que quand plus rien ne semble avoir de sens, il restera toujours des histoires à se raconter pour s’aider... à vivre. Dossier : Hélène Beauchamp NOVECENTO : PIANISTE / page 57