Dans les vestiaires du Ring Gre- noblois, rares sont les boxeurs qui
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Dans les vestiaires du Ring Gre- noblois, rares sont les boxeurs qui
REPORTAGE • aU rING GreNoBloIs, le Credo de l’INtéGratIoN soCIale AU RING GRENOBLOIS, LE CREDO DE L’ I N T É G R AT I O N SOCIALE Figure singulière de l’histoire de la boxe hexagonale, le Ring Grenoblois continue de creuser sa voie en s’appuyant sur les valeurs sociales qui ont façonné son identité et sa D ans les vestiaires du Ring Grenoblois, rares sont les boxeurs qui n’ont jamais entendu Patrick Mallaizée s’époumoner entre deux exercices d’une séance d’entraînement pour distiller quelques précieux conseils. Il faut dire qu’à 54 ans, dont plusieurs décennies passées au bord des rings à couver ses champions, le directeur sportif du plus ancien club de boxe anglaise de l’agglomération grenobloise a depuis bien longtemps écarté l’idée de se complaire dans la posture du dirigeant ventripotent peu préoccupé par son affaire. Preuve de la vigilance déployée au quotidien par l’association à l’égard de ses petits protégés, cet éducateur diplômé et ses adjoints savent aussi abandonner lorsqu’il le faut leur costume d’entraîneur pour endosser ceux du grand frère ou du confident à l’écoute. « J’entretiens une relation quasi filiale avec mes boxeurs. Je sais d’où ils viennent, ce qu’ils vivent, et où ils travaillent. Il me paraît impossible 48 le Café des Sports de pratiquer la boxe correctement sans nouer un minimum de complicité avec le club qui t’accueille », juge-t-il. Soixante-six ans après sa création dans le quartier populaire de la Bajatière, le Ring Grenoblois, qui a vu éclore en son sein des champions tels Akim Tafer ou Franck Nicotra, continue de porter une attention toute particulière à l’intégration sociale de ses 150 licenciés en s’appuyant sur l’image et les valeurs sportives de la discipline. Un objectif inhérent à sa situation géographique et qui, au cours des années, a coloré l’ADN du club. Mais le Ring boxe également sur d’autres fronts. En 1995, le club a été l’un des premiers en France à faire boxer les filles. Dès 2007, il a également été parmi les précurseurs de la boxe handisport. « L’ambition principale du Ring, c’est de faire de tous ses boxeurs de bons citoyens en leur inculquant la valeur du respect, du travail, et en les confrontant à l’échec », ajoute Patrick Mallaizée. La trajectoire personnelle de l’éducateur épouse celle de ces gamins des cités que le sport a maintenu à l’écart des frontières de la délinquance. Elle trouve aujourd’hui un écho chez quelques-uns des boxeurs qui fréquentent les installations du gymnase Léon Jouhaux, où l’association a posé ses valises en 2007. Le patron du Ring Grenoblois confesse lui aussi avoir connu les « embrouilles et les petits trafics ». « Si je n’avais pas croisé le chemin du club, j’aurais fini voyou, les armes à la main. La boxe a forgé ce que je suis », insiste-il. Lorsqu’elle voit le jour à l’initiative d’Émile Chabut, un instituteur très pieux, l’Alerte Sportive de la Bajatière n’est pas encore un club de boxe. Nous sommes en 1946 et on y joue alors au football. Mais très vite, l’instituteur a l’idée de faire boxer les jeunes du quartier avec un casque de protection et des gants renforcés. À une époque où la pratique ne s’initie qu’aux seuls adultes, l’initiative est le Café des Sports 49 REPORTAGE • aU rING GreNoBloIs, le Credo de l’INtéGratIoN soCIale une première. Sans le savoir, Émile Chabut vient de créer la première école de boxe française. Le projet grenoblois parvient jusqu’aux oreilles de la fédération, qui n’approuve pas. Chabut est sommé d’y mettre fin, mais l’instituteur refuse. Il est radié. En 1968, l’arrivée d’un nouveau directeur technique national change la donne. Ce dernier se rend à Grenoble et repart enthousiasmé. La boxe éducative accède enfin à la reconnaissance de la fédération. « Des clubs similaires au nôtre se sont créés un peu partout dans la foulée, se souvient Patrick Mallaizée. De notre côté, nous étions devenus une attraction. Nous faisions des démonstrations partout. Cette initiative a changé le visage de la boxe en France. Aujourd’hui, on ne devient plus boxeur sans passer par la boxe éducative ». À partir de 1998, c’est l’époque de « L’ennui K.O. ». Pendant deux ans, le club organise dans les quartiers sensibles grenoblois des démonstrations à la tombée de la nuit, sur un ring mobile. Aux jeunes participants, il demande en échange de nouer des liens avec les habitants, « ces papys et ces mamies qu’ils croisent chaque jour et qu’ils intimident », raconte Patrick Mallaizée. Et l’opération ne tarde pas à porter ses fruits. Dans les lieux où œuvre le club de boxe, les incivilités baissent de 7%. 50 le Café des Sports Cette période faste de son histoire dans le rétroviseur, le Ring Grenoblois poursuit aujourd’hui son petit bonhomme de chemin loin des projecteurs. Le club continue de jouir de sa réputation de moteur du tissu associatif local. Pour MohamedSalah, 25 ans, l’un des espoir du Ring, ce dernier agi tel un détonateur. « Il m’a fait grandir et ne m’a jamais lâché, même quand je retombais dans mes travers ». Aujourd’hui, le jeune boxeur ne « démarre plus au quart de tour » lorsque dans la rue, on le regarde de travers. « Je préfère passer ses nerfs sur le ring », conclut-il. Texte : Benoit Pavan Photos : Sylvain Frappat le Café des Sports 51 REPORTAGE • aU rING GreNoBloIs, le Credo de l’INtéGratIoN soCIale VOTRE PUBLICITÉ ICI 210x270mm + 5mm bords perdus « Soixante-six ans après sa création dans le quartier populaire de la Bajatière, le Ring Grenoblois, qui a vu éclore en son sein des champions tels Akim Tafer ou Franck Nicotra, continue de porter une attention toute particulière à l’intégration sociale de ses 150 licenciés en s’appuyant sur l’image et les valeurs sportives de la discipline ». 52 le Café des Sports