la feuille de boucher - La Halle des bouchers
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LA FEUILLE DE BOUCHER Placée sous l’égide la synesthésie, la programmation 2014 du Centre d’art contemporain La Halle des bouchers questionne les relations entre le son et l’image, et la façon dont ces deux champs se répondent et se nourrissent l’un et l’autre. L’exposition collective « Les sons du silence / The Sounds of Silence » regroupe ainsi sept jeunes artistes qui, chacun à leur manière et selon leur sensibilité, tentent de matérialiser visuellement le silence. Si notre monde actuel est rempli d’un bruit sonore permanent, que signifie aujourd’hui faire acte de silence ? Présentée pendant le festival Jazz à Vienne, cette exposition propose autant de propositions artistiques interrogeant le silence. La vidéo The Moon shall never take my Voice (2010) de l’artiste croate Damir Očko consiste en une interprétation en langue des signes de trois poèmes (autour de Gustav Mahler, John Cage et Neil Amstrong) dans lesquels le silence occupe une place d’importance. Présentée dans la perspective de l’espace du centre d’art, cette projection opère comme le chef d’orchestre décalé liant les autres œuvres entre elles, comme la partition muette conçue par Elisabeth S. Clark, réalisée à partir d’un livre de Raymond Roussel dont l’artiste a supprimé tous les mots. De son côté, Maxime Rossi a tenté – vainement – d’apprendre le silence à un mainate, oiseau pourtant réputé pour sa capacité à reproduire fidèlement la voix humaine. Julien Tiberi propose quant à lui un aquarium duquel semble être diffusé le son d’un film documentaire, comme remontant des abysses. Dans une dynamique similaire, Sébastien Rémy mêle habilement photographie, enregistrements sonores et voix de l’au-delà. L’absence de présence humaine telle que photographiée par Charlotte Moth peut être considérée comme une forme de silence. Enfin, à la manière d’un Jimi Hendrix survolté, Émilie Pitoiset met fin à toute sonorité en brisant en mille morceaux une guitare électrique qu’elle recolle ensuite, annihilant la fonction première de cet instrument. Le thème de cette exposition est prolongé par des moments de rencontre (visites, ateliers pour enfants et adultes, projections, conférences…) propices à l’échange et au partage d’expériences. À travers ce dispositif de médiation au service de tous les publics, le Centre d’art contemporain La Halle des bouchers souhaite offrir les clés pour mieux comprendre l’art d’aujourd’hui. Synesthésie La synesthésie est un phénomène neurologique qui permet au cerveau d’associer simultanément deux ou plusieurs sens a priori distincts l’un de l’autre : le sujet peut par exemple entendre des couleurs, voir des sons, goûter des mots... Dans les arts, de nombreuses expériences ont été menées dès la fin du XIXe siècle afin que la musique puisse être traduite par des formes abstraites (chaque couleur correspondant à une note musicale). La synesthésie est célébrée par Charles Baudelaire dans un poème des Correspondances : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. » La feuille de boucher 2 Les sons du silence / The Sounds of Silence Elisabeth S. Clark (née en 1983, vit et travaille à Londres) Investissant des formes aussi diverses que la sculpture, la musique, la linguistique, la performance et l’installation, les œuvres à la fois radicales et minimales d’Elisabeth S. Clark interrogent le langage et ses variations. Se référant souvent à la science et à la littérature, elle met en place des protocoles simples qui viennent déjouer le côté immuable des choses, en retirant ou ajoutant des éléments à ce qui est déjà là. En interrogeant l’ordre des choses, elle nous oblige à (re)considérer le champ des possibles. Sa recherche s’oriente vers un langage en pointillé qui n’est jamais figé mais toujours mis en jeu, sujet au changement, au recyclage et au renouvellement. Between Words 2009 Partition reliée (impression sur papier et annotations de l’artiste, 84 pages) 30,5 x 42 x 1 cm Courtesy de l’artiste et Galerie Dohyang Lee, Paris Pour Between Words, Elisabeth S. Clark a repris l’intégralité du roman Nouvelles Impressions d’Afrique de Raymond Roussel, dont elle a supprimé tous les mots, ne conservant que la ponctuation de cet ouvrage constitué d’un long poème de 1274 lignes. Elle fait ainsi ressortir les points, virgules, parenthèses, tirets, points d’interrogation qui sont autant de marqueurs de temps de pause lors de la lecture. Ces moments de respiration révèlent alors la façon dont le texte est structuré, faisant ressortir les petits temps de silence dont il est aussi constitué. En collaboration avec des musiciens, elle transforme ensuite ce « paysage de grammaire » (un paysage de ponctuation) en une partition musicale qu’elle fait jouer par un quatuor. Interprétée cinq fois depuis 2008, cette partition a été jouée selon un tempo, une instrumentation, un rythme et une durée spécifiques. Elisabeth S. Clark est diplômée de la Slade School of Fine Art en 2008, et du Goldsmiths College (Londres) en 2005. Elle a reçu plusieurs prix, dont une bourse de voyage en Amérique du Sud en 2009 et le Clare Winsten Research Fellowship Award en 2008. Elle a été résidente du Pavillon au Palais de Tokyo en 2011, de la Fondation d’entreprise Hermès en 2010 et, plus récemment, en résidence à New York, Medellin, Bad Ems. Elle a entre autres exposé au Palais de Tokyo, à la Fondation d’entreprise Ricard, à la Biennale de Lyon en Résonance, au Dallas Contemporary (USA), à la ROOM Gallery (Londres), et à Site Gallery (Sheffield). En octobre 2012, invitée par la Fondation d’entreprise Hermès et Actes Sud, elle a présenté un nouveau Book Concerto à Paris pendant la Fiac. La feuille de boucher 3 Les sons du silence / The Sounds of Silence Raymond Roussel (1877-1933) Ecrivain, inventeur, poète – la vie et l’œuvre de Raymond Roussel sont entrés dans la légende littéraire du XXe siècle, tant cet auteur a influencé de nombreux artistes. Héritier d’une grande fortune boursière, Raymond Roussel passe sa vie à se consacrer à l’écriture, aux voyages et aux inventions. En 1897, âgé seulement de 19 ans, il publie son premier roman intitulé La Doublure, un récit en alexandrins se déroulant pendant le carnaval de Nice. La qualité indéniable de son style aujourd’hui célébré ne fait pourtant pas l’unanimité du vivant de l’auteur, et la majorité de ses ouvrages ne connaitront pas le succès public escompté. Développant un univers où l’imagination – appuyée par des jeux stylistiques complexes – domine, Impressions d’Afrique (1910), Locus Solus (1914) ou encore Nouvelles Impressions d’Afrique (1932) ont cependant eu un fort ascendant sur les Surréalistes qui adulent Raymond Roussel. La feuille de boucher 4 Les sons du silence / The Sounds of Silence Jorge Luis Borges (1899-1986) Né à Buenos Aires, Jorge Luis Borges est considéré comme l’un des grands auteurs de la littérature du XXe siècle. Passant la majeure partie de sa jeunesse en Europe, il revient en Argentine en 1921 où il fonde une revue, traduit en espagnol les œuvres de Franz Kafka et William Faulkner et publie ses premiers poèmes et essais. À la fois conteur, essayiste et poète, son œuvre se caractérise par un aspect fantastique permettant au réel de basculer subtilement vers l’étrange, à travers des thèmes et motifs tels que l’infini et le miroir ou la dérive et le labyrinthe. Ayant inspiré de nombreux écrivains et artistes, ses nouvelles, écrites à partir des années 1930, ont entre autres été publiées dans Fictions (1944), L’Aleph (1949) et Le Livre de sable (1975). When I buried the Book of Sand… 2009-2011 Le Livre de sable 1. Première edition de El libro de Arena (Le Livre de Sable) de Jorge Luis Borges, 18,5 x 12,4 cm 2. Atacama Desert, photographie (Canson Baryta Gloss print), 46,9 x 58,2 cm 3. Texte, transfert à sec, 18,5 x 12,4 cm Courtesy de l’artiste et Galerie Dohyang Lee, Paris Dans cette nouvelle, Jorge Luis Borges questionne l’infini : le narrateur fait l’acquisition d’un livre qui lui est présenté comme étant une Bible sans début et sans fin. « Il me dit que ce livre s’appelait le livre de sable, parce que ni ce livre ni le sable n’ont de commencement ni de fin ». Obsédé par cet ouvrage magique dont il devient prisonnier, le narrateur décide de le perdre délibérément dans les rayonnages des réserves de la bibliothèque nationale. Très souvent, les œuvres d’Elisabeth S. Clark parlent de déplacements et de disparitions, ou encore de transformations et d’apparitions. C’est notamment le cas avec When I buried The Book of Sand [Quand j’ai enterré Le Livre de sable], qui évoque la façondont l’artiste a volontairement enterré la première édition d’un livre majeur de l’œuvre de Jorge Luis Borges dans le désert d’Atacama, le rendant ainsi à une matière première métaphorique – le sable du désert. L’acte d’enterrer un livre peut altérer son présent et raconter son futur, tout en le rendant au silence. La feuille de boucher 5 Les sons du silence / The Sounds of Silence Charlotte Moth (née en 1978, vit et travaille à Paris) Le travail de Charlotte Moth se développe autour d’une réflexion sur la subjectivité du regard et explore les notions d’objet, de lumière et d’architecture. Une partie de ses œuvres est fréquemment réalisée dans le cadre de collaborations. La pluralité des perspectives et des subjectivités, qui engendre un nouveau degré de visibilité, et – inévitablement – d’absence, devient le résultat de processus d’échanges. Ces dialogues s’avèrent être une méthode de travail pour l’artiste, un mécanisme nécessaire à la production de ses travaux, dont le résultat varie selon le degré d’intimité de ses interlocuteurs. To see the things amongst which we live 2012 Série de 8 photographies, 41,5 x 60 cm Courtesy de l’artiste et Galerie Marcelle Alix, Paris Cette série de photographies entretient un rapport étroit à l’espace et à la lumière. L’architecture des intérieurs photographiés peut ici s’entendre comme une narration spatiale, liée aux propriétaires des lieux. Charlotte Moth a en effet photographié les salons, cheminées et bibliothèques d’historiens de l’art et de collectionneurs. Pour l’artiste, le fait d’observer et capter visuellement des éléments qui entourent quotidiennement ces personnes équivaut à un acte de silence, qui révèle, tout en retenue, l’identité et les particularités des usagers de ces lieux. Artiste britannique installée à Paris, Charlotte Moth a étudié à l’UCCA - University College for the Creative Arts (Canterbury) et à la Slade School of Art (Londres), avant d’achever sa formation à la Jan van Eyck Academie à Maastricht. Elle a été en résidence au Pavillon du Palais de Tokyo (2007-2008), à la Fondation Serralves à Porto (2011), à Fieldwork Marfa, Texas (2012) et au Schloss Solitude (Stuttgart). Son travail a fait l’objet de plusieurs expositions personnelles : au Centre d’art contemporain de Genève ; à l’Araújo Porto Institute (Fundaçao de Serralves et SONAE), Porto ; à la galerie Carlier Gebauer, Berlin ; au Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart ; au Pied-à-Terre, San Francisco. Elle a par ailleurs participé à de nombreuses expositions collectives, notamment à la Dallas Biennale, à la Cole Gallery (Londres), à la Kunsthalle de Bâle et à la synagogue de Delme. La feuille de boucher 6 Les sons du silence / The Sounds of Silence Damir Očko (né en 1977, vit et travaille à Zagreb) Les œuvres de Damir Očko s’inscrivent dans une constellation d’idées à la fois dense et poétique ou les éléments se répondent les uns aux autres, prenant la forme de poèmes, dessins, collages et vidéos. C’est l’artiste lui-même qui écrit les poèmes, qu’il transforme en partitions graphiques, avant de les transposer en films qu’il réalise en collaboration avec des compositeurs. The Moon shall never take my Voice 2010 Vidéo, couleur, son, 20’ Courtesy de l’artiste et Galerie Tiziana Di Caro, Salerne Damir Očko est l’un des artistes croates les plus prometteurs de sa génération. Après des études à l’Académie des beauxarts de Zagreb, il a récemment bénéficié de résidences en Autriche et en Irlande. Ses vidéos ont été diffusées dans de nombreux festivals. Il a bénéficié d’expositions personnelles au Künstlerhaus KM de Graz (« Studies on Shivering », 2014), à la galerie Yvon Lambert (« The Body Score », 2013), au Palais de Tokyo (« The Kindgom of Glottis », 2012), à la Kunsthalle Düsseldorf (« On Ulterior Scale », 2011), à la Miroslav Kraljevic Gallery de Zagreb (« The End of the World », 2007) ou encore au Tirana Institute of Contemporary Art (« Why does Gravity make things fall? », 2007). Ses œuvres font partie de collections telles la Fondation Louis Vuitton pour la création, le Centre national des arts plastiques, le Mudam (Luxembourg) ou le Frac Ile-de-France. La feuille de boucher Organisée en trois actes, la vidéo The Moon shall never take my Voice [La Lune ne prendra jamais ma voix] est une interprétation en langue des signes d’un poème en trois actes écrit par Damir Očko, inspiré par trois histoires (autour de Gustav Mahler, John Cage et Neil Amstrong) dans lesquels le silence a profondément influencé un rapport inédit à l’expérience et à la création. Le premier acte évoque la prise de conscience de Gustav Mahler (18601911) du pouvoir de l’absence comme mécanisme musical, lors de la composition de sa dixième et dernière Symphonie. Pendant l’été 1910, alors qu’il vit à Manhattan où il dirige l’orchestre philarmonique de New York, le compositeur autrichien est témoin d’une procession funéraire italienne passant sous ses fenêtres. Ce sont les temps morts dans l’intermittence des roulements de tambours qui lui font comprendre que ces accalmies silencieuses amplifient le lyrisme et la solennité de sa composition à venir. Le deuxième acte s’articule autour de la journée pendant laquelle John Cage, après avoir visité la chambre anéchoïque de l’université d’Harvard, réalise la difficulté à saisir le silence – ce 7 Les sons du silence / The Sounds of Silence qui l’amène à composer ses célèbres 4’33 de silence. S’il fait l’expérience d’un environnement totalement hermétique, il s’aperçoit néanmoins que « le silence n’existe pas car deux sons persistent » : les battements de son cœur et le son aigu de son système nerveux. Le troisième et dernier acte revient sur l’expérience de l’astronaute Neil Armstrong, premier homme ayant marché sur la Lune – satellite dont l’absence d’air en fait le seul et unique endroit totalement silencieux jamais visité par l’Homme. Gustav Mahler (1860-1911) Compositeur, pianiste et chef d’orchestre autrichien, le nom de Gustav Mahler reste aujourd’hui attaché à une œuvre dont la dimension orchestrale et l’originalité musicale jettent un pont entre la fin du XIXe siècle et la période moderne. Il est l’auteur de dix symphonies qui combinent des influences romantiques avec une utilisation de la musique populaire viennoise, utilisant pour ce faire les ressources de l’orchestre symphonique. On voit dans la vidéo une femme sourde et muette qui interprète ces trois actes dans une langue des signes déformée, dansant et performant le texte initial. Bien que les mots restent inexprimés, leur signification est surlignée par des sons acoustiques liés aux mouvements de l’actrice. La feuille de boucher 8 Les sons du silence / The Sounds of Silence John Cage (1912-1992) John Cage s’est illustré comme compositeur de musique contemporaine, poète, plasticien, philosophe. Vers la fin des années 1940, il visite la chambre insonorisée de l’université d’Harvard, s’attendant à « entendre » le silence : « J’entendis deux bruits, un aigu et un grave. Quand j’en ai discuté avec l’ingénieur, il m’informa que le son aigu était celui de l’activité de mon système nerveux et que le grave était le sang qui circulait dans mon corps. » C’est à ce moment qu’il réalise l’impossibilité de trouver le silence quel que soit l’endroit, ce qui le mène à composer 4’33’’. « En composant un morceau qui ne contiendrait aucun son, je craignais de donner l’impression de faire une blague… En fait, j’ai travaillé plus longt em ps à m on m or ce a u “ silencieux” qu’à aucun autre. J’y ai travaillé quatre ans… » Souvent décrit comme quatre minutes trente-trois secondes de silence, le morceau de musique avant-gardiste 4’33’’ est structuré en trois mouvements inégaux (30’’, 2’23’’, 1’40’’). Sur la partition, chacun est présenté au moyen de chiffres romains et est annoté « tacet », qui est le terme utilisé dans la musique occidentale pour indiquer à un instrumentiste qu’il doit rester silencieux pendant toute la durée du mouvement. L’œuvre musicale a été interprétée pour la première fois par le pianiste David Tudor le 29 août 1952 à Woodstock. Ce soir-là, le vent, la pluie et l’agitation du public agacé s’étaient naturellement mêlés à l’interprétation. La feuille de boucher 9 Les sons du silence / The Sounds of Silence Émilie Pitoiset (née en 1980, vit et travaille à Paris) « Émilie Pitoiset travaille sur le mouvement (instable) et la ligne (oblique), recherchant dans l’histoire du XXe siècle des moments de rupture. Ses œuvres – dessins, collages, vidéos, sculptures – jouent sur le trouble et la confusion ; elles parlent de perte de contrôle, d’équilibre précaire et de chute – qu’il s’agisse d’animaux ou d’humains, d’images fixes ou en mouvement – à travers des grilles de lecture et des lignes de fuite. L’artiste tente ainsi de brouiller les pistes, évitant que ses œuvres ne s’inscrivent dans un récit unique ou, comme elle le dit, n’« apportent des points de fiction a priori erronée ». Hard to Explain 2005 Guitare électrique Fender Stratocaster, pied, ampli Marshall, colle Collection Frac Champagne-Ardenne, Reims Émilie Pitoiset intègre très souvent dans ses œuvres des éléments possiblement violents et émotionnels, générant par-là même une forme d’affect quasi angoissant et sans véritable résolution. Hard to Explain traduit ainsi une violence à l’état brut : lors d’une performance, l’artiste a brisé une guitare sur une scène blanche, en la frappant violemment contre le sol puis en l’achevant avec une masse de 5 kg. Rappelant l’euphorie d’un « air-guitar contest » et à la manière des rockeurs en fin de concerts (tel un Jimi Hendrix survolté) où la tradition veut de détruire sa guitare comme pour marquer un geste de désinvolture, une dispute – une rupture qui sait, Émilie Pitoiset met fin à toute sonorité en brisant en mille morceaux cette guitare électrique. Comme prise de remords, elle en a ensuite recollé les morceaux pulvérisés, annihilant la fonction première de cet instrument. Daria de Beauvais Diplômée de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, Émilie Pitoiset a présenté son travail dans diverses institutions en France (Centre Pompidou ; Palais de Tokyo ; Frac Champagne-Ardenne ; Musée départemental d’art contemporain de Rochechouart ; Frac Ile-de-France ; Rencontres Photographiques d’Arles ; etc.) et en Europe (Casino - Forum d’art contemporain, Luxembourg ; Galerie Klemm’s, Berlin ; Bielefelder Kunstverein, Bielefeld ; Pavement Gallery, Manchester ; Attitudes, Genève…). Elle a obtenu une bourse et résidence de la Fondation Hermès en 2011 et a été lauréate du Audi Talents Awards en 2010. La feuille de boucher 10 Les sons du silence / The Sounds of Silence « Air guitar » Jimi Hendrix (1942-1970) Le « air guitar » est une activité qui consiste à mimer le geste d’un guitariste sans avoir l’instrument en main. Né en Finlande au milieu des années 1990, le phénomène de la « guitare invisible » se développe ensuite partout dans le monde et s’organise en championnats nationaux dont les qualifiés s’affrontent lors de la grande finale mondiale. La France y participe depuis 2005. Le Français Sylvain Quimène, alias Gunther Love, remporte le championnat du monde en 2009 et 2010. Le 18ème Air Guitar World Championships se déroulera à Oulu en Finlande fin août 2014. Guitariste mythique, Jimi Hendrix est l’un des musiciens les plus novateurs de son siècle. Improvisateur sortant des sentiers battus, il libère la guitare de ses contraintes en utilisant les ressources de l’amplification, en domestiquant l’effet larsen et en explorant toutes les facettes du maniement de la manette de vibrato ou de la pédale « wah wah ». Il est le fondateur et leader du groupe anglo-américain The Jimi Hendrix Experience, actif de 1966 à 1970, avec lequel il réalise une performance historique au Monterey International Pop Festival (États-Unis) le 18 juin 1967 : il clôt ce concert en brulant sa guitare avant de la briser en mille morceaux. « Quand j’ai brûlé ma guitare, c’était comme un sacrifice. On sacrifie ce qu’on aime et j’aime ma guitare. » La feuille de boucher 11 Les sons du silence / The Sounds of Silence Sébastien Rémy (né en 1983, vit et travaille à Paris) Le travail de Sébastien Rémy se déploie sous les formes les plus variées (vidéo, installation, article, conférence, enquête, musique, performance…). Traversant différents champs d’études (théories langagières, histoire des sciences, communication avec les défunts…), sa pratique se présente comme autant de manières d’envisager la transmission et de relire successivement des formes aux contours à redéfinir. The Voices from Space depuis 2009 Collection de documents sonores, héliogravures, vitrine, 110 x 250 x 60 cm Courtesy de l’artiste Diplômé de l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy en 2009, Sébastien Rémy a récemment participé aux expositions « Le Nouveau festival » (Centre Pompidou, 2014), « Média Mediums » (Ygrec, 2014), « L’apparition des images » (Fondation d’entreprise Ricard, 2013), « Brigadoon » (La Tôlerie, ClermontFerrand, 2013), « La Nuit des musées » (MAC/VAL, 2013), « Le tamis et le sable 3/3 » (La Maison populaire, Montreuil, 2013), « Bye Bye Ducks and Drakes! [Ricochets] » (La Villa du Parc, Annemasse, 2013). La feuille de boucher « Le phénomène de voix éléctroniques (Electronic Phenomen) est lié à l’enregistrement (un message de provenance inconnue devient audible sur un enregistrement audio). Le projet The Voices from Space (2009-2013) met en parallèle transcommunication instrumentale et photographie spirite. S’intéressant à l’iconographie associée à ces enregistrements sonores, l’artiste fait subir à l’image une succession de transformations. Il collecte sur Internet des images source qu’il transcode en sons à l’aide d’un logiciel adapté. Lorsque ce son est lu par un lecteur multimédia auquel est incorporé un spectogramme, l’image resurgit mais est altérée, comme si elle subissait des interférences. Elle rappelle la photographie spirite de la fin du XIXe siècle. L’artiste choisit de tirer ces images en utilisant un procédé photomécanique ancien qui s’oppose à la faible qualité de l’image générée : l’héliogravure contribue à brouiller la datation de l’image. Ces hybridations visuelles et sonores contenues dans une boîte d’archive surdimensionnée réincarnent cette histoire de la transcommunication intrinsèquement liée aux techniques d’enregistrement. » Audrey Illouz 12 Les sons du silence / The Sounds of Silence Transcommunication Héliogravure Inventée dans les années 1980 par le physicien allemand Ernest Senkowski (né en 1922), la Transcommunication instrumentale désigne les moyens de communication avec les esprits. Ce procédé fait intervenir des appareils électroniques, tels que les téléphones, magnétophones, téléviseurs ou ordinateurs, qui servent de support de communication avec l’au-delà lors de ces expériences. L’héliogravure est un procédé ancien de très haute qualité utilisé pour des tirages photographiques artistiques (procédé appelé aussi « héliogravure au grain »). Il s’agit d’une méthode d’impression en creux par laquelle l’encre est transférée directement depuis le cylindre métallique vers le support. Ce cylindre est gravé mécaniquement à l’aide d’un diamant ou au laser. La taille et/ou la profondeur des creux (alvéoles) va déterminer une trame plus ou moins dense et donc une intensité de couleur plus ou moins importante. L’encre doit être très liquide afin de pouvoir rentrer dans les creux du cylindre. Photographie spirite Apparu à la fin des années 1840, le Spiritisme croit à la possibilité de communiquer avec l’esprit d’un mort ou de le faire réapparaître. Dès les années 1860 aux États-Unis, puis à partir des années 1870 en Europe, plusieurs photographes, mettant en avant leurs pouvoirs médiumniques, se spécialisent dans la production de photographies montrant, à côte du modèle, l’effigie translucide d’une personne décédée. Les résultats photographiques révèlent des images fantomatiques. Véritable mouvement de caractère historique, la photographie spirite est pratiquée par des pseudo-scientifiques regroupés dans des associations ou par des amateurs. La feuille de boucher 13 Les sons du silence / The Sounds of Silence Maxime Rossi (né en 1980, vit et travaille à Paris) L’univers de Maxime Rossi convoque à la fois une housse de couette cinétique, un bagel philosophique, des préservatifs fleuris ou encore des partitions aléatoires de Frédéric Chopin. Soit autant de télescopages improbables qui lui permettent de s’inscrire dans une poésie du langage, où la sémantique et l’histoire de l’art sont constamment mises à mal, non sans humour. Diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon en 2005, Maxime Rossi a récemment bénéficié d’expositions personnelles à la galerie Tiziana Di Caro à Salerne (« Kemosabe », 2013), au Palais de Tokyo (« Mynah Dilemma », 2012), à la galerie Anne de Villepoix à Paris (« Bouquet fleuri, bouquet flétri », 2010). Il a entre autres participé aux expositions « You Imagine What you Desire – 19ème biennale de Sydney, 2014), « L’origine des choses » (La Centrale for Contemporary Art, Bruxelles, 2013), « Pop Up Store » (Galerie des Galeries Lafayette, 2012). Il a obtenu une aide à la création de la Fondation nationale des arts graphiques en 2014, et ses œuvres font parties des collections du Centre national des arts plastiques. La feuille de boucher Cheap Imitation 2010-2014 Affiche, disque vinyle, planche de BD Courtesy de l’artiste et Galleria Tiziana di Caro, Salerne Pour son projet intitulé Cheap Imitation [Imitation bon marché], Maxime Rossi a essayé d’apprendre le silence à un mainate, oiseau pourtant réputé pour son habileté à reproduire fidèlement la voix humaine. Tentative vaine que d’imposer le silence à un oiseau parleur, ce mainate a en fait appris à imiter des sons environnants aussi banals qu’une porte qui claque, un parquet qui grince, un chien qui aboie ou encore une chasse d’eau. En totale opposition aux sacro-saintes 4’33 de silence de John Cage, ces sons ont ensuite été enregistrés par Maxime Rossi sur un disque vinyle picture disc. Ce projet résulte d’un processus allant à l’encontre de toute logique, et, dans ce sens, questionne l’impact d’un son qui devient obsolète dès lors qu’il a été enregistré. 14 Les sons du silence / The Sounds of Silence Cet ensemble est complété par une planche de bande dessinée reprenant les aventures de Superman dans le comics intitulé Clark Kent’s Mynah Dilemma [Le dilemme du mainate de Clark Kent]. Dans cette aventure publiée en octobre 1979, les voisins de Clark Kent lui confient la garde de leur mainate qui découvre le secret de la double identité du super héros. Trente ans après, Maxime Rossi a demandé à un dessinateur de Marvel Comics, éditeur des aventures de Superman, de dessiner une planche inédite à insérer dans l’histoire originale : un moment où Clark Kent, en faisant une recherche sur Internet pour trouver une solution pour faire taire son mainate, tombe sur le site Internet de Maxime Rossi… Mainate [Gracula] Le mainate est un oiseau originaire de l’Asie tropicale (Inde, Myanmar, Thaïlande, Chine du sud, Bornéo, Java, Sri Lanka, Sumatra, etc.), son plumage est noir lustré avec des reflets violet. Il se nourrit d’insectes, de fruits et de légumes. Sa durée de vie varie de 15 à 30 ans. Oiseau surprenant, le mainate a la capacité d’imiter la voix humaine, divers bruits familiers, et de mémoriser quelques brèves mélodies. Répétant les mots de façon plus claire et distincte que les perroquets, il apprend facilement à parler, tout en étant capable de siffler des airs de musique, d’imiter le cri de nombreux oiseaux, de miauler comme un chat, de bêler comme un mouton, d’éternuer ou de rire comme un être humain. Le soir du vernissage, Maxime Rossi invite le mime Ivan Bacciocchi à interpréter les sons du mainate en langage corporel. La feuille de boucher 15 Les sons du silence / The Sounds of Silence Julien Tiberi (né en 1979, vit et travaille à Paris) Julien Tiberi nous conduit dans des méandres où les référents culturels et les pratiques graphiques n’ont de cesse de s’entremêler subtilement. Privilégiant souvent le dessin, l’artiste propose un univers pictural nourri d’œuvres littéraires allant de Mark Twain à G.K. Chesterton en passant par Robert A. Heinlein qu’il n’hésite pas à entremêler d’objets, créant ainsi des installations au sein desquelles le visiteur peut faire vagabonder son esprit. La méthode de travail de Julien Tiberi convie les éléments épars d’une constellation de références diverses : étirés, extirpés, digérés, revisités, ces éléments sont ainsi mis en perspective, non sans humour, et font co-exister différents systèmes et degrés de représentation sur un même plan spatio-temporel. The sounds of the sounds of science 2008 Aquarium, sable, gel médium, eau, vieux poste radio, lecteur mp3 Courtesy de l’artiste et Galerie Sémiose, Paris Diplômé de la Villa Arson à Nice, Julien Tiberi expose depuis 2003. Il a récemment montré son travail à la Fiac avec le projet Sir Thomas Trope (avec Aurélien Mole, 2013), à la Villa du Parc d’Annemasse (2012), au Palais de Tokyo (2011), au Salon de Montrouge, ou à la galerie RLBQ à Marseille. Il a par ailleurs bénéficié de plusieurs expositions monographiques à la galerie Sémiose à Paris. Ses œuvres sont présente dans diverses collections publiques (Fnac). La feuille de boucher Le temps qui passe a pour représentation l’histoire. Que celle-ci soit grande ou petite, Julien Tiberi s’amuse souvent à la faire bifurquer ou à lui donner d’autres prolongements, comme c’est le cas avec The sounds of sounds of science [Les sons des sons de la science]. Cette sculpture sonore, prenant la forme d’un aquarium, diffuse le son du documentaire du cinéaste Jean Painlevé Images mathématiques de la quatrième dimension réenregistré sous l’eau. Émis depuis un poste radio de 1937 (année de production du film), le son évoque une résonance étouffée, comme remontant des abysses. 16 Les sons du silence / The Sounds of Silence Jean Painlevé (1902-1989) Biologiste spécialisé dans la faune sous-marine, réalisateur de documentaires scientifiques, mais aussi fondateur du premier club de plongée sous-marine (« Le Club des sous l’eau », 1934), Jean Painlevé est considéré comme l’un des pères fondateurs du cinéma scientifique. Réalisés entre 1928 et 1960, ses courts-métrages mêlent habilement recherche scientifique, observation savante et vision plastique et poétique. L’univers de Jean Painlevé se trouve au croisement de l’art et des sciences, de l’outil documentaire, de la fiction du naturel, de la politique et de la fabrication de produits dérivés (tissus, papier peint, bijoux déclinant les motifs des algues et de l’hippocampe). La feuille de boucher 17 Les sons du silence / The Sounds of Silence Cette feuille de boucher est éditée à l’occasion de l’exposition « Les sons du silence / The Sounds of Silence » présentée au Centre d’art contemporain La Halle des bouchers de Vienne du 7 juin au 22 août 2014 Remerciements Centre d’art contemporain La Halle des bouchers 7 rue Teste du Bailler F-38200 Vienne téléphone +33 (0)4 74 54 51 37 email : [email protected] Les prêteurs et galeries : Les artistes : Elisabeth S. Clark, Charlotte Moth, Damir Očko, Émilie Pitoiset, Sébastien Rémy, Maxime Rossi, Julien Tiberi Frac Champagne-Ardenne (Florence Derieux, Jean-Martial Dutheil, Antoine Marchand) Galerie Dohyang Lee (Dohyang Lee) Galerie Marcelle Alix (Isabelle Alfonsi, Cecilia Becanovic) Sémiose (Benoît Porcher, Pierre Malachin) Maire de Vienne Président de ViennAgglo : Thierry Kovacs Galleria Tiziana Di Caro (Tiziana Di Caro, Cristina Masturzo) Adjoint à la Culture : Patrick Curtaud Les partenaires : Directeur du Développement culturel : Jérôme Migayrou Ecole internationale de mime corporel dramatique (Ivan Bacciocchi, Natalie Stadelmann) Lutherie Alticelli (Elie Hoffmann) Directeur du centre d’art contemporain : Marc Bembekoff Assistante / Responsable des publics : Delphine Rioult Médiatrices : M’barka Amor, Ludivine Machado Accueil des publics : Aïssa Cherouana, Jean-Philippe Estre, Kevin Girot Régisseurs : Maxime Lamarche, David Posth-Kohler Graphistes : Thomas Bizzarri & Alain Rodriguez Peintre en lettres : Alaric Garnier Librairie Lucioles (Alain Bélier, Renaud Junillon, Mélinda Quillet) Crea Factory (Jérémy Barrault, Jérôme Donabédian, Ghislain Merat) Les services de la Ville de Vienne : Direction de la culture (Lucia Allamanche, Julie Fize, Lydie Hartmann) Musée des Beaux-arts de Vienne (Elsa Gomez, Martine Couloumy) Animation du Patrimoine (Chrystèle Orcel, Thérèse Rodriguez) Conservatoire (Sylvie Ducatel, Nora Simili) Médiathèque (Joseph Belletante, Sylvain Lecour, Laetitia Timon) Association des Amis du Centre d’art Présidente : Michèle Desestret Vice-Président : Bernard Collet Trésorier : Franck Devigne Secrétaires : Bernard Chapotat, Patrick Curtaud Finances (Rémy Barbarossa, Magali Montel, Guillaume Perrin, Stéphanie Sanchez, Mercedes Sendras) Communication (Élodie Guiguitant, Julie Trivier, Martine Vignal) Foncier (Elodie Ricci, Chrystèle Robic) Propreté (Catherine Villegas, Anne-Sophie Diagne, Rodolphe Riviera) Bâtiments communaux (Boris Bertrand, Véronique Blanchard) Informatique (Jean-Yves Cazorla, Anthony Garnier, Morad Mahla) Protocole (Bernard Tournier) Reprographie (Eric Gasrel, Serge Detruit, Danielle Repussard)