la procédure de reconnaissance de la qualité de réfugié en belgique
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LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DE LA QUALITÉ DE RÉFUGIÉ EN BELGIQUE FAR Jean-Yves CARLIER Assistant à la Faculté de Droit de l’U.C.L. Avocat PLAN I. RECEVABILITÉ — L ’ACCÈS AU T E R R IT O IR E ............................... 154 A. Obligations des tr a n s p o r te u r s .............................................................. 155 B. Refus d ' a c c è s ..................................................................................... 157 a) De la compétence du m i n i s t r e ...................................................... 157 1° Atteinte à l’ordre public ou à la sécurité nationale . . . 157 2° Demande dite a b u s i v e .............................................................. 158 b) De la compétence du ministre ou de son délégué . . . . 159 1° Titre de transport pour un pays t i e r s ............................... ....... 159 2° Renvoi ou expulsion datant de moins de dix ans . . . 159 3° et 4° Délai de trois mois passé en r o u t e ............................... 160 C. Refus de séjour ou d’éta b lissem en t...................................................... 160 D. Remarques communes au cas de refus d’accès, de séjour ou d’établissem e n t ..................................................................................................... 161 E. Droit d’asile provisoire pour le candidat r é f u g i é ............................... 162 F. Tableau..............................................................' .....................................164 II. É L IG IB IL IT É .............................................................................................165 A. C om pétence.............................................................................................165 a) Le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides . . 165 b) La Commission Permanente de Recours des Réfugiés . . . 166 B. P r o c é d u r e ............................... ............................................................. 166 a) D é l a i s .............................................................................................166 b) D om icile.............................................................................................167 154 J E A N -Y V E S C A R L IE K c) Décisions . d) Recours . 167 167 C. C ritères.................................................................................................... 168 III. REMARQUES ............................................................................................. 169 1. Un des objectifs de la loi du 14 juillet 1987 apportant des modifica tions, en ce qui concerne notamment les réfugiés, à la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (1) fut de modifier la compétence et la procédure relative à la reconnaissance de la qualité de réfugié. 2. La division de cette note suit les deux temps de la procédure de recon naissance du statut de réfugié. Le premier temps, considéré souvent comme un critère de recevabilité de la demande est étroitement lié aux conditions d’accès (I). Le deuxième temps est l’examen au fond : l’intéressé remplit-il les critères définis pour répondre à la notion de réfugié (II) ? Quelques remarques clôtureront cet aperçu (III). I. RECEVABILITÉ — L ’ACCÈS AU TERRITOIRE 3. Avant que soit examiné le bien-fondé d’une demande de reconnais sance de la qualité de réfugié, le législateur a souhaité permettre au ministre de la Justice « d’opérer un tri parmi les demandes afin d’éliminer dès l’origine les cas d’abus flagrants » (2). Les instruments internationaux — particulièrement la Convention de Genève de 1951 — ont précisé les critères de définition et de protection du réfugié. Ils ont laissé aux Etats contractants le soin de désigner l’autorité à même d’appliquer ces critères. Chaque Etat organise souverainement sur son territoire la procédure de reconnaissance de la qualité de réfugié. En conséquence, pour pouvoir introduire sa demande auprès d ’une autorité compétente, le candidat réfugié devra au préalable accéder au territoire d’un Etat. Pas d ’accès à la procédure sans accès au territoire (3). (1) M .B ., 18 juillet 1987, p. 11111 et errata M .B ., 14 août 1987, p. 12210. (2) Doc. Pari., Sénat, S.o. 1986-1987, n° 515/2, p. 7. (3) Ceci exclut la notion extra-territoriale d'asile diplomatique tombée en désuétude, dont un certain renouvellement pourrait présenter de l’intérêt. Plus exactement, et ceci est différent de l’asile diplomatique, une procédure pourrait être mise en place pour introduire des demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié depuis le pays d ’origine, par exemple auprès d ’un poste diplomatique. Distinguer l’examen de la qualité de réfugié des conditions préalables d ’accès au territoire permettant à la fois un examen approfondi et impartial de toute demande est un frein direct aux demandes non fondées, introduites dans le seul but de contourner les législations sur l’immigration. Seraient ainsi respectés le droit souverain des Etats sur leur territoire et le droit des individus de voir la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié examinée au fond par une autorité impartiale. L ’introduction de demande « à distance » pourrait se développer soit P R O C É D U R E D E R E C O N N A IS SA N C E D E L A Q U A L IT É D E R É F U G IÉ 155 Les conditions d’accès au territoire deviennent ainsi les critères de rece vabilité de la demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. Bien que mentionnées dans le texte législatif belge (article 52) (4) après la définition du réfugié (articles 48-49), ils doivent être examinés antérieurement. Abor dées plus loin dans le texte (article 74/2), les obligations des transporteurs précèdent les conditions de recevabilité sensu stricto : pas d’accès au terri toire sans accès à un moyen de transport. A. Obligations des transporteurs (articles 74/2 à 74/4) 4. Selon l’exposé des motifs, compte tenu du fait qu’« il est impérieux d’empêcher l’entrée en Belgique des étrangers clandestins ou des candidats réfugiés qui ne répondent pas aux critères de la Convention de Genève de 1951 ... il est nécessaire d’exiger de tout transporteur aérien ou maritime qu’il veille à ce que ses passagers soient munis des documents requis pour entrer en Belgique » (5). L ’article 74/2, § 1er prévoit une amende pénale de 1.000 francs (augmen tée des décimes additionnels) pour le transporteur aérien ou maritime, public ou privé, qui, à l’occasion d’un voyage soit à destination de la Bel gique, soit à destination d ’un pays tiers, amène en Belgique cinq passagers au moins qui ne sont pas porteurs des documents requis pour leur entrée en Belgique ou dans le pays tiers. Les sanctions ne seront applicables que si le transporteur aérien n’a pas pris de précautions pour s’assurer que ses passagers soient en possession de ces documents et si le transporteur mari time n’a pas donné suite à l’invitation lui faite de prendre les mêmes pré cautions (6). Le chiffre de cinq personnes devra s’interpréter compte non tenu des parents au premier degré et du conjoint (74/2, 4°, al. 2). par des compétences diplomatiques, soit par la compétence d ’une autorité internationale repré sentée dans les pays d ’origine (H .C.R.), soit par l’utilisation des nouveaux moyens de communi cation (ordinateurs, telefax, vidéo pour les entrevues ...). La difficulté essentielle réside dans la confidentialité de telles demandes à l’égard des autorités du pays d ’origine et les risques de conflits entre ces autorités et les délégations diplomatiques. V oy. Ca r l ie r , J .Y ., « L ’état du droit international» in F. R ig a u x (éd.), Droit d ’Asïle, Bruxelles, Story Scientia, 1988, p. 49. (4) Les articles cités ne le sont pas en référence directe à la loi du 14 juillet 1987 mais à la loi du 15 décembre 1980, telle que modifiée par la loi du 14 juillet 1987. (5) Exposé des motifs, Doc. Pari., Chambre, S.o. 1986-1987, n° 689/1, p. 3. (6) Ces conditions différenciées répondent au souci du Conseil d ’E tat d ’harmoniser ces procé dures avec les engagements internationaux de la Belgique en matière de transport : pour le transport maritime, la Convention de Londres du 9 avril 1965, normes 3.15 et 3.15.1 ; pour le transport aérien, la Convention de Chicago du 7 décembre 1944. Ce même souci a supprimé les sanctions à charge des transporteurs par chemin de fer jugées non conformes à la Convention relative aux règles uniformes concernant le contrat de transport international ferroviaires des voyageurs et des bagages, approuvé par la loi du 25 avril 1983. Le ministre de la Justice consi dère avoir rencontré ces conditions différenciées par la circulaire du 10 août 1987 (M .B ., 14 août 1987). La rédaction de cette circulaire est ambiguë et pourrait entraîner dans le chef des trans porteurs la prise de mesures plus strictes que celles voulues par le législateur. E n effet, si un para- 156 J K A N -Y V E S C A R L IE R Malgré l’avis positif du Conseil d ’Etat, la conformité de ces sanctions aux engagements internationaux de la Belgique en matière de transport d’une part, et au regard de la Convention de Genève d’autre part, demeure controversée (7). L’objection la plus pertinente formulée lors des débats est, compte tenu du caractère essentiellement préventif de la disposition, le risque de voir des personnes ou organisations privées, les transporteurs, faire eux-mêmes un tri parmi les candidats réfugiés avant le stade de l’examen de la recevabilité de la demande en Belgique, sans recours ni garanties pour les intéressés (8). Un amendement tendant à limiter la disposition pénale explicitement aux transporteurs qui sciemment et systématiquement se rendent coupables d’abus par esprit de lucre, avait été accepté en son principe par le ministre de la Justice et n’a plus été retenu par la suite (9). Il reste que, compte tenu du principe général d’assistance à personne en danger, une cause de justifi cation comme l’état de nécessité pourrait être invoquée par le transporteur poursuivi (10). Le transporteur maritime sera pour sa part respectueux de l’article 11 de la Convention du 23 septembre 1910 pour l’unification des règles en matière d’assistance et de sauvetage maritime (loi du 14 sepgrâphe rappelle que «le législateur a voulu assortir d ’une amende pénale le non-respect de l'obli gation de ‘prudence qui incombe au transporteur aérien ou maritime, public ou privé » (nous souli gnons), le paragraphe suivant «attire tout spécialement l’attention des compagnies aériennes et maritimes sur les nouvelles dispositions pénales qui leur sont applicables en cas de transport, à destination de la Belgique, de passagers non munis des documents prévus à l’article 2 de la loi du 15 décembre 1980, et les engage à prendre toutes les dispositions utiles pour que leurs passa gers soient effectivement en possession de ces docum ents» (nous soulignons). Paraît ainsi sanc tionné non pas l’obligation de prudence mais le transport de passagers non munis des documents requis sans même préciser qu’il y v a du transport de plus de cinq personnes compte tenu des parents au premier degré et du conjoint (art. 74/2, 4°, al. 2). La loi l’emporte sur la circulaire. Celle-ci devrait toutefois être modifiée et rédigée correctement afin de ne pas induire en erreur ses destinataires. (7) V oy. au Sénat amendement n° 1, Doc. Pari., Sénat, S.o. 1986-1987, n° 512/2, p. 97 ; Ca r l i e r , J . Y ., «Réfugiés refusés», R .D .E ., 1986, p. 178 «contrairement à l’avis du Conseil d’Etat, des sanctions ne paraissent possibles qu ’à l’encontre des transporteurs par chemin de fer * ; d e l Ca r r i l , «Quelques réflexions à propos des réfugiés», J .T ., 1987, p. 83 ; Annales Pari., Sénat, séance du 1er juillet 1987, pp. 2526-2528, intervention de M. R . Lallemand ; Avis de la Commis sion d ’Etudes sur l’immigration présidée par M .P . Vermeylen : «L e projet, en sanctionnant les transporteurs, sanctionne en premier lieu ceux que la Convention de Genève entend protéger», in Doc. Pari., Chambre, S.o. 1986-1987, n° 689/10, p. 116. Il est à tout le moins erroné d ’affirmer que les conventions en matière de transport «prévoient expressément... la possibilité de prendre des sanctions à l’égard des transporteurs », Doc. Pari., Sénat, S.o. 1986-1987, n° 5/5/2, p. 40 ; Monsieur le ministre de la Justice considère que sur ce point « le projet est peut-être pervers, mais il n ’est pas contraire aux conventions », Annales Pari., Sénat, séance du 1er juillet 1987, p. 2528. (8) V oy. Doc. Pari., Sénat, S.o. 1986-1987, n° 515/2, p. 98 et Doc. Pari., Chambre, S.o. 19861987, n° 689/10, p. 63. (9) Ch. Représ., C.R. Annales, séance du 11 mars 1987, p. 581. (10) Réponse du ministre, Doc. Pari., Sénat, S.o. 1986-1987, n° 515/2, p. 100, ayant admis par ailleurs que « les transporteurs ne devraient être sanctionnés que s’ils font entrer de façon presque systématique des étrangers qui ne sont pas en règle et notamment ceux qui, en fait, ne sont pas des réfugiés politiques» (nous soulignons), Doc. Pari., Chambre, S.o. 1986-1987, n ° 689/10, p. 36 ; contra du même ministre, Annales Pari., Sénat, séance du 2 juillet 1987, p. 2572 : « l’infraction ... est établie ... même si le candidat réfugié est ensuite reconnu admissible». P R O C É D U R E D E R E C O N N A IS S A N C E D E L A Q U A L IT É D E R É F U G IÉ 157 tembre 1911, M.B., 26 février 1913) lorsqu’il s’agit de recueillir une ou plu sieurs personnes en mer, comme ce fut le cas pour certains « boat people » (11). B. Refus d’accès (article 52, § 1er) a) De la compétence du ministre 5. L ’article 52, § 1er alinéa 1er de la loi permet dans deux cas au seul ministre de la Justice de refuser l’accès au territoire de l’étranger qui tente de pénétrer dans le Royaume sans être porteur des documents requis et demande à être reconnu comme réfugié : soit que cet étranger est considéré comme pouvant compromettre l’ordre public ou la sécurité nationale (1°), soit que sa demande est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l’asile, en particulier parce qu’elle est frauduleuse ou parce qu’elle ne se rat tache ni aux critères prévus à la Convention de Genève ni à d’autres cri tères justifiant l’octroi de l’asile (2°). 1° Atteinte à l’ordre public au, à la sécurité nationale 6. A la Chambre des Représentants, le ministre de la Justice a déclaré que « les notions d’ordre public et de sécurité nationale sont des notions d’ordre politique, sans définition, qui laissent au pouvoir exécutif un pou voir d’appréciation nécessairement large » (12). Ces notions ont toujours été utilisées en matière de séjour des étran gers (13). Elles garantissent la souveraineté de l’Etat sur son territoire. Il semble toutefois qu’elles doivent s’interpréter au regard des engagements internationaux de la Belgique limitant en la matière la souveraineté natio(11) « T out capitaine est tenu, autant qu’il peut le faire sans danger sérieux pour son navire, son équipage, ses passagers, de prêter assistance à toute personne même ennemie, trouvée en mer en danger de se perdre ». Ce principe dépasse les limites territoriales invoquées par le ministre pour écarter l’application du principe de non-assistance à personne en danger visé à l’arti cle 4426*5 du Code pénal {Doc. Pari., Sénat, S.o. 1986-1987, n° 515/2, p. 100). (12) Doc. P a r i, Chambre, S.o. 1986-1987, n° 689/20, p. 46. (13) V oy. C a r l i e r , J .Y ., «Belgique : Un statut des étrangers sans politique ? », Actes, n° 61, p. 25 ; l’ancien décret du 28 Vendémiaire an V I (19 octobre 1797) considéré par le gouvernement belge comme non abrogé après l’indépendance prévoyait que le Directoire E xécutif (gouverne ment) pourra enjoindre aux étrangers de sortir du territoire « s’il juge leur présence susceptible de troubler l’ordre public et la tranquillité publique ». V oy. H u b e r l a n t , Charles, « Statut admi nistratif des étrangers et ordre public national », in Hommages à PavX De Visscher, Paris, Pedone, 1984, p. 133. Sur l ’interprétation de la notion d ’ordre public comme liée au seul comportement personnel de l’intéressé, voy. dans le cadre de la C.E.E. la Jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, notamment : C.J.C.E., 28 mai 1982, aff. Adoul, J.T., 1982, p. 705 et R .D .E ., 1982, p. 109. 158 J E A N -Y V E S C A R L IE R nale par la sauvegarde des droits du réfugié (14). M. Taverne considère que les Chambres peuvent contrôler l’application de cette mesure (15). Dans un avis émis dans le cadre d ’une demande urgente de réexamen, le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a rappelé le « pouvoir d’appréciation discrétionnaire qu’il faut reconnaître » au ministre de la Jus tice tout en considérant qu’un faux passeport « peut difficilement mener à la conclusion que l’intéressé pourrait compromettre l’ordre public ou la sécurité nationale » (16). 2° Demande dite abusive 7. L ’exposé des motifs a donné une énumération large d’exemples de demandes qui pourraient être considérées par le ministre de la Justice comme abusives. Il s’agit notamment des « demandés motivées par des dif ficultés d’ordre personnel, familial, économique ou social, de demandes contenant de fausses indications, dissimulant des faits essentiels ou encore fondées sur des documents qui ne sont pas authentiques. A cet égard, le fait pour l’étranger d’utiliser, pour faciliter sa fuite et son entrée en Belgique, des documents d’entrée faux ou falsifiés ne suffit pas pour que sa demande soit considérée comme manifestement abusive ou non fondée à la condition que l’intéressé ne les ait pas utilisés sciemment pour tromper les autorités belges lors de sa déclaration. En d’autres termes, si les documents sont faux ou falsifiés, l’étranger doit le signaler d’emblée aux autorités belges » (17). Dans l’avis précité, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides a considéré qu’il ne pouvait être reproché à l’étranger « de ne pas dévoiler toutes les activités qui sont antérieures au fait qui a entraîné sa demande d’asile et qui pourraient lui valoir des poursuites dans le pays où précisé ment il prétend craindre une persécution » (18). L ’utilisation, d’une part, dans le texte de la loi de l’adverbe « manifeste ment » pour qualifier le caractère étranger à l’asile des motifs indiqués et, d’autre part, dans l’exposé des motifs de l’adverbe « sciemment » pour qua lifier la tromperie par usage de faux documents doivent entraîner le ministre de la Justice à une application limitée et prudente de ce critère de (14) C’est ainsi que l’article 33.1 de la Convention de Genève parle «d es raisons sérieuses de considérer (un réfugié) comme un danger pour la sécurité du pays ». (15) T a v e r n e , M., in L ’étranger et le droit belge, La Charte, Bruges, 1987, Statut administratif, n° 1296ÎS. (16) Avis n° 88/0794 du 14 novembre 1988, aff. RyanfEtat belge, non publié. (17) Doc. Pari., Chambre, S.o. 1986-1987, n° 689/1, p. 8 et Doc. Pari., Sénat, S.o. 1986-1987, n° 515/2, p. 8. (18) Les termes « demande manifestement fondée sur des motifs étrangers à l’asile » ont rem placé les termes « demande manifestement non fondée ». En cela le législateur a suivi l’avis du Conseil d’Etat souhaitant rendre le texte conforme à la Recommandation R (81) 16 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, voy. Ca r l i e r , J.Y ., «Réfugiés, refusés : A propos du Projet de loi n° 689/1 apportant des modifications en ce qui concerne notamment les réfugiés à la loi du 15 décembre 1980 », R .D .E ., 1986, p. 169. Sur les textes de droit international, voy. Avis pré cité, note 16. P R O C É D U R E D E R E C O N N A IS SA N C E D E L A Q U A L IT É D E R É F U G IÉ 159 refus d’accès au territoire. C’est en ce sens également que l’article 52 de la loi donne comme référence de demande recevable non seulement celle qui se rattache aux critères de l’article 1er, A (2) de la Convention de Genève mais aussi celle qui se rattache « à d’autres critères justifiant l’octroi de l’asile ». La référence à d’autres sources internationales est ici fondée (19), de même que pourrait l’être la notion de réfugié de facto ou d’assimilé au statut de réfugié (article 57 de la loi, non abrogé comme prévu dans le pro jet initial) (20). b) De la compétence du ministre ou de son délégué 8. L ’article 52, § 1er, alinéa 2 de la loi permet dans quatre cas au ministre de la Justice ou à son délégué de refuser l’accès au territoire de l’étranger qui tente de pénétrer dans le Royaume sans être porteur des documents requis et demande à être reconnu comme réfugié : soit cet étranger est en possession d’un titre de transport valable à destination d’un pays tiers (1°), soit l’étranger a été renvoyé ou expulsé du Royaume depuis moins de dix ans (2°), soit l’étranger, après avoir quitté son pays ou après le fait l’ayant amené à en demeurer éloigné, a résidé plus de trois mois dans un (3°) ou plusieurs (4°) pays tiers et a quitté le dernier de ces pays en l’absence de crainte au sens de l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève. 1° Titre de transport pour un pays tiers 9. Peut-on raisonnablement fonder la non-recevabilité d’une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié sur le fait que l’intéressé est en pos session de titre de transport pour un autre pays alors même que, soit il ne serait pas en possession des documents requis à son entrée dans ce pays tiers, soit il serait probable que, pour des motifs politiques, il ne pourrait recevoir le statut de réfugié dans ce pays ? Il est dangereux de supprimer le libre choix du pays d’asile sur le simple motif de la destination d ’un titre de transport qui, le cas échéant, était le seul titre disponible pour quitter le pays d ’origine. Cette cause de refus d’accès au territoire ne devrait s’appliquer qu’en conjonction avec l’une des autres causes. M. Taverne relève qu’un motif aussi délicat en son interprétation eût dû être laissé à l’appréciation du seul ministre de la Justice à l’exclusion de son délégué (21). 2° Renvoi ou expulsion datant de moins de dix ans 10. Ce motif de refus d’accès au territoire reprend la règle générale appli cable à tout étranger (article 26). Le refus d’accès au territoire du Royaume (19) « L ’état du droit international » in F. R ig a u x (éd.), Droit d ’Asile, Bruxelles, Story Scientia, 1988, p. 29. (20) Article 6 initial du projet de loi. (21) T a v e r n e , M., op. cit., n ° 1296is. 160 J E A N -Y V E S C A R L IE R pendant une période de dix ans n’est consécutif qu’à deux modes précis d’éloignement du territoire : l’arrêté ministériel de renvoi ou l’arrêté royal d’expulsion. Le ministre de la Justice et, en l’espèce, pour le candidat réfu gié, son délégué, conserve la possibilité de délivrer une autorisation spéciale (article 76). 3° et 4° Délai de trois mois passé en route 11. Cette cause d’irrecevabilité, trois mois passés entre le départ du pays fui et l’arrivée en Belgique, se trouvait déjà inscrite dans l’ancienne légis lation. Elle avait donné lieu en doctrine à des interprétations divergentes quant à l’espace occupé dans le temps des trois mois : un ou plusieurs pays ? La nouvelle loi précise clairement (3° et 4°) qu’il s’agira d’un délai de trois mois dans l’ensemble et non par pays. Selon l’avis précité du Com missariat général aux réfugiés et aux apatrides, ce délai de trois mois ne courra qu’à dater « de l’occurrence du fait l’ayant amené à se déclarer réfu gié » (22). La Convention de Genève paraît plus souple en son article 31, 1° en visant simplement le réfugié « arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée » et en ne visant que les sanctions pénales — non l’irrecevabilité de la demande — pour les réfugiés n’arri vant pas directement de ces territoires. C. Refus de séjour ou d’établissement (article 52, S.2, §§ 2, 3, 4) 12. Pour les mêmes motifs — hormis la réserve et l’ajout précisés ciaprès — et par les mêmes autorités, l’étranger ayant introduit une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié et auquel un refus d’accès au territoire n’aurait pas été notifié, pourrait se voir notifier un refus de séjour s’il est entré sur le territoire du Royaume irrégulièrement (article 52, §2), régulièrement (article 52, §3) ou était déjà autorisé à séjourner ou à s’établir (article 52, §4). Tant la réserve que l’ajout résultent de la situation de fait différente : il s’agit du séjour ou de l’établissement, non plus de l’accès au territoire. La réserve est la suppression parmi les motifs d’irrecevabilité de la posses sion d’un titre de transport pour un pays tiers pour l’étranger admis à l’accès au territoire et, de ce même motif, ainsi que du délai de trois mois passé en route pour l’étranger déjà admis au séjour. L’ajout permet au ministre de la Justice ou son délégué de refuser le séjour ou l’établissement lorsque l’étranger a introduit sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié plus de huit jours après son entrée irrégulière sur le territoire ou lorsque son droit au séjour ou à l’établissement a cessé d’être régulier (23). (22) Avis précité, note 16. (23) Ce délai de huit jours est le délai fixé pour permettre à l’étranger de se déclarer réfugié après son entrée sur le territoire belge. L ’ancienne loi prévoyait 15 jours ; la formule de « retard P R O C É D U R E D E R E C O N N A IS SA N C E D E L A Q U A L IT É D E R É F U G IÉ 161 13. Les motifs d’irrecevabilité appliqués dans le cas de « séjours » (sensu lato) de qualités différentes posent des problèmes de compatibilités avec d’autres dispositions de la loi, outre les problèmes de compatibilités au regard des traités examinés par ailleurs : — Le motif de non.-renvoi ou expulsion depuis moins de 10 ans : com ment l’étranger entré, séjournant ou établi régulièrement sur le territoire (article 52, §§ 3 et 4) pourrait-il avoir fait l’objet d’une mesure de renvoi ou d’expulsion sans que celle-ci ne fût rapportée au regard des articles 26 et 76 de la loi ? — Le motif d’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité nationale : com ment ce motif pourrait-il s’appliquer à l’étranger établi (article 52, § 4, al. 1er), alors qu’aux termes de l’article 20 de la loi celui-ci ne peut être expulsé que « lorsqu’il a gravement porté atteinte à l’ordre public ou à la sécurité nationale » et par le Roi « après avis de la Commission consultative des étrangers » ? D. Remarques communes aux cas de refus d’accès, de séjour ou d’établissement 14. L ’ensemble de ces motifs de refus d’accès au territoire, de séjour ou d’établissement, et partant d’irrecevabilité de la demande de reconnais sance de la qualité de réfugié pose question au regard des instruments inter nationaux ratifiés par la Belgique et particulièrement de la Convention de Genève en son article 33.1 édictant le principe de non-refoulement. Le caractère déclaratif de la décision reconnaissant la qualité de réfugié, rap pelé par le Conseil d’Etat, en son avis, rend le principe de non-refoulement applicable tant au candidat réfugié qu’au réfugié reconnu (24). La question de compatibilité de la loi belge avec le droit international est approfondie dans ce recueil par Philippe De Bruycker (25). Les recours au ministre, au pouvoir judiciaire saisi en référé ou au Conseil d’Etat, ouverts aux candidats réfugiés à l’encontre des décisions de refus d’accès sont examinés dans cet ouvrage par le professeur L.P. Suetens. 15. Pour toutes les hypothèses de refus d’accès et de refus de séjour oud’établissement, si la mesure d’éloignement entraîne la reconduite de l’inté ressé à la frontière du pays qu’il a fui et où selon sa déclaration sa vie ou non justifié » avait été interprétée dans les travaux préparatoires de cette loi dans un sens favo rable au demandeur, les retards justifiés étant « tous les retards justifiés par une raison valable »> {Doc. P a r i, Sénat, S.o. 1980-1981, n° 521/2, p. 20 ; Doc. P a r i, Chambre, S.o. 1974-1975, n° 653/1, p. 44 et R i g a u x , F., «V ers un nouveau statut administratif pour les étrangers, la loi du 15 décembre 1 98 0 », J.T ., 1981, p. 109. (24) V oy. Ca r l ie r , J.Y ., «Réfugiés, refusés ... », op. cit., pp. 166 à 172. (25) V oy. également sur cette question, F u l l e r t o n , Maryellen, « Restricting the flow o f asylum-seekers in Belgium, Denmark, the Fédéral Republic o f Germany and the Netherlands : New challenges to the Geneva Convention relating to the status o f refugees and the European Conven tion on Human R ights», Virg. Joum . o f Int. Law, 1988, pp. 33-114. 162 J E A N -Y V E S C A B L IE R sa liberté serait menacée, cette mesure ne pourra être prise, quel que soit le motif invoqué, que par le ministre de la Justice (article 53bis). Le pays fui peut être soit le pays d ’origine, soit un pays tiers (26). C’est en ce cas que le recours au pouvoir judiciaire saisi par la voie du référé est autorisé (article 70bis) (27). 16. Concrètement, à la frontière, l’étranger qui se déclare réfugié reçoit un document conforme au modèle figurant en annexe 25 de l’arrêté royal du 8 octobre 1981, tel que modifié par l’arrêté royal du 28 janvier 1988 (M.B., 30 janvier 1988 ; A.R., art. 72). S’il ne fait pas l’objet d ’une mesure de refus d’accès, un cachet d’autorisation d’entrer est apposé sur l’an nexe 25. S’il fait l’objet d’une mesure de refus d ’accès un document annexe 25bis lui est notifié. S’il est refoulé vers le pays fui dans lequel, selon sa déclaration, sa vie ou sa liberté serait menacée, l’annexe 25bis doit le mentionner et être signée par le ministre de la Justice. E. Droit d’asile provisoire pour le candidat réfugié (article 53) 17. L ’article 53 de la loi, confirmé par l’article 12bis de l’arrêté royal pré cité, rappelle le principe du droit à l’asile provisoire pour le candidat réfu gié : il ne pourra pas faire l’objet d’un ordre de quitter le territoire jusqu’à décision définitive quant à sa qualité de réfugié. C’est ainsi qu’il ne peut faire l’objet de poursuites pénales en raison de son entrée irrégulière jusqu’à la décision qui refuserait de lui reconnaître la qualité de réfugié (article 53, al. 2). Ce principe, résultant des engagements internationaux (28), est limité en amont par les différentes possibilités de refus d’accès, de séjour ou d’éta blissement examinées ci-dessus. Il est limité en aval par la possibilité octroyée au ministre de la Justice de délivrer un ordre de quitter le territoire à l’encontre du candidat réfugié qui n’aurait pas fait l’objet d’une des mesures d ’irrecevabilité précitées, si l’étranger « est considéré comme pouvant compromettre l’ordre public ou la sécurité nationale ». Les travaux préparatoires précisent que cette mesure ne pourrait se fon der « que sur un élément jusque là inconnu ou sur un fait postérieur à l’en trée de l’étranger dans le pays, étant entendu cependant que ce fait ne doit pas nécessairement donner lieu à des poursuites pénales. Si l’étranger réside par ailleurs régulièrement sur le territoire en bénéficiant d ’un autre statut, (26) Do c. Pari., Chambre, S.o. 1986-1987, n" 689/10, p. 49. (27) V oy. infra, l’ article de L.P. S u e t e n s . (28) V oy. D e B r u y c k e r , Ph., dans ce recueil et « A propos des candidats réfugiés iraniens — La petite histoire d ’un arrêté royal : les réfugiés peuvent-ils être refoulés au regard de l’article 52 de la loi du 15 décembre 1980 ? » in J .P ., n ” 104, pp. 9-11, n" 106, pp. 21-23, n° 108, pp. 15-19 et C a r l ie r , J.Y ., « L ’état du droit international », in Droit d ’Asile, op. cit., p. 58. PR O C É D U R E D E R E C O N N A IS SA N C E D E L A Q U A L IT É D E R É F U G IÉ 163 la mesure d’éloignement du territoire devra être conforme à ce statut » (29). Sur cette mesure, le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides doit émettre un avis non plus a posteriori en cas de recours mais a priori, avant que la mesure d’éloignement du territoire ne soit prise. Le seul recours ouvert est le recours non suspensif au Conseil d’Etat. La mesure est concrétisée par la délivrance d’un document « Annexe 13bis ». La conformité de l’article 53 est douteuse au regard des articles 32.2 et 33.2 de la Convention de Genève (30). Le ministre fixe le délai dans lequel l’inté ressé doit quitter le territoire (A.R., article 88bis). F. Tableau (article 53) 18. Un tableau permet de systématiser les critères de recevabilité d ’une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. (29) Doc. Pari., Chambre, S.o. 1986-1987, n° 689/10, p. 48 ; Doc. Pari., Sénat, S.o. 1986-1987, n° 515/2, p. 77. (30) V oy. D e B r u y c k e r , Ph., dans ce recueil. S’agissant, par hypothèse, d ’un candidat réfu gié en séjour régulier, le seul recours non suspensif au Conseil d ’Etat ne permet pas à l’intéressé d ’être «adm is à fournir des preuves tendant à le disculper, à présenter un recours», conformé ment à l’article 32.2 de la Convention de Genève. Si, en outre, l’intéressé est reconduit vers les frontières d’un territoire où il craint pour sa vie ou pour sa liberté, il faudra, conformément à l’article 33.2 que soient visées les raisons sérieuses de considérer l’intéressé comme un danger pour la sécurité du pays ou le crime ou délit ‘particulièrement grave pour lequel il a fait l’objet d ’une condamnation définitive. MESURE AUTORITÉ RECOURS CAS REFUS D’ENTRÉE (Refoulement) (1) Ministre Délégué Recours 1° Délai de 8 jours dépassé REFUS DE SÉJOUR (O.Q.T.) (1) Ministre Délégué art. 52, § 2, al. 1, 1° art. 52, § 2, al. 1, 2° Recours REFUS D’ÉTABLISSEMENT (O.Q.T.) (1) Ministre Délégué Recours D U R (2) Réf. (3) 2° O.P. et S.N. art. 52, § al. 1, 1° 1er, D U R (2) Réf. (3) art. 53, al. 1 Avis Com missaire Général art. 52, § 3, al. 1 D U R (2) R éf. (3) art. 52, § 4, al. 1 art. 53, al. 1 Avis Com missaire Général 3° Demande manifestement non fondée art. 52, § 1er, al. 1, 2° D U R (2) Réf. (3) art. 52, § 3, al. 1 D U R (2) Réf. (3) art. 52, § al. 1 4, 4° Titre de transport art. 52, § al. 2, 1° art. 52, § al. 2, 2° 4, art. 52, § al. 2, 2° 4, D U R (2) R éf. (3) art. 52, § al. 2, 1" 4, art. 52, § al.. 2, 1" 4, D U R (2) Réf. (3) D U R (2) Réf. (3) 1", art. 52, § 1er, D U R (2) al. 2, 1° Réf. (3) 5° Renvoi ou expulsion depuis moins de 10 ans art. 52, § 1er, al. 2, 2° art. 52, § 1er, al. 2, 1° D U R (2) Réf. (3) art. 52, § 2, al. 1, 2° al. 2, 2° art. 52, al. 2, al. 1, 2° al. 2, 2° D U R (2) Réf. (3) 6° Plus de trois mois dans un ou plusieurs pays tiers art. 52, § 1", al. 2, 3° et 4° art. 52, § lBr, D U R (2) al. 2, 3° et 4° Réf. (3) art. 52, § 2, al. 1, 2", al. 2, 2° art. 52, § 2, al. 1, 2° al. 2, 2° D U R (2) Réf. (3) art. 52, § 2, al. 2, 1° art. 52, § 2, al. 2, 2° D U R (2) R éf. (3) 7° Fin de séjour régulier D U R (2) Réf. (3) (1) Dans tous les cas, si éloignement vers pays fui et crainte vie ou liberté : décision Min. justice : art. 536is : délais : 2 jours ouvrables. (2) Demande urgente de réexamen, art. 63/2 et 63/3 : 24 h. ou 3 j. Avis C.G.R.A. dans les 24 h. ou 7 j. (3) Recours devant le Président du Tribunal de Première Instance selon les formes du référé, art. lObis. Condition : reconduite vers la frontière de pays fui et où crainte pour vie et liberté. P R O C É D U R E D E R E C O N N A IS S A N C E D E L A Q U A L IT É D E R É F U G IÉ 165 II. LA PROCÉDURE D ’ÉLIGIBILITÉ 19. Si le stade de l’accès au territoire a été franchi, la requête en recon naissance de la qualité de réfugié peut être considérée recevable. La pour suite de l’examen au fond se fera devant la nouvelle autorité compéten te (A) selon la procédure mise en place par la loi (B) ayant pour objet de vérifier si le candidat remplit les critères fixés par la Convention de Genè ve (C). A. Compétence 20. La loi du 14 juillet 1987 a abrogé les articles 5 et 6 de la loi du 26 juin 1953 portant approbation de la Convention de Genève et l’arrêté ministériel du 22 février 1954 par lequel le ministre des Affaires étrangères avait délégué sa compétence en la matière au représentant en Belgique du Haut Commissariat pour les réfugiés près les Nations Unies (article 20, 1° et 3°). Cette compétence déléguée à une autorité internationale dans une matière où l’individu relève d’une protection internationale paraissait émi nemment positive. La Belgique était, encore en 1987, citée en exemple par la doctrine internationale (31). Divers motifs, dont le souhait même émis par le délégué du H.C.R., ont amené le législateur belge à reprendre cette compétence au sein d’une autorité nationale (32). La loi met en place deux nouvelles autorités : a) Le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (C.G.R.A.) 21. L ’ensemble des compétences et l’organisation institutionnelle de cette autorité sont abordées dans ce volume par le commissaire général, M. Bossuyt. Dans le cadre de l’éligibilité, il décide en premier ressort de la reconnais sance ou non de la qualité de réfugié. (31) M e n e n d e z , M arino, « E l con cep to de refu gia do en un c o n te x to de derech o in tem a cion al gén éra l», Revista Espaiïola de derecho intemacional, 1987, p. 360 ; adde : C a r l i e r , J.Y ., « R é fu giés, refusés ... », op. cit., p p. 182-184. (32) Doc. Pari., Sénat, S.o. 1986-1987, n° 515/2, p. 18. V oy. également C o u t u r ie r , A.P., « Problèmes relatifs à la procédure de reconnaissance du statut de réfugié », J.T ., 1978, p. 308 ; D u e l z , A., «L a reconnaissance du statut de réfugié et les droits de la défense», R.D .E ., 1984, p. 16 ; B e a u t h ie r , G.H., « Le droit des étrangers et le Code de la nationalité », Vie Ouvrière, 1984, pp. 2 8 9 ss. ; Ca r l ie r , J .Y ., «Réfugiés, refusés ... », op. cit., pp. 182-184. Pour une critique de la jurisprudence du Conseil d ’Etat se déclarant incompétent pour connaître d ’un recours à l’encontre d ’une décision du H .C.R., autorité internationale, voy. S u e t e n s , L.P ., note sous C .E ., 6e Ch., 21 septembre 1978 et C.E., 13 décembre 1978, R .W ., 1978-1979, col. 1846 à 1848 ; adde, C.E., 11 décembre 1985, R .D .E ., 1986, p. 5 au terme duquel « le Haut Commissaire n ’étant com pétent que par l’effet d ’une délégation du Gouvernement belge, il y a lieu ... de mettre les dépens à charge de l’Etat belge ». 166 J E A N -Y V E S C A R L IE R 6) La Commission permanente de recours des réfugiés (C.P.R.) (33) 22. Nouvelle juridiction administrative, la Commission permanente de recours des réfugiés connaît, en degré d’appel, des décisions du Commissa riat général aux réfugiés et aux apatrides. Chaque chambre (au moins une française et une néerlandaise) se compose de quatre membres : un magis trat effectif, deux fonctionnaires (ministère des Affaires étrangères et de la Justice) et un avocat. Tous quatre sont nommés par le Roi (34). Le repré sentant en Belgique du H.C.R. siège avec voix consultative. Plus d’un an après l’entrée en vigueur de la loi du 14 juillet 1987, la Commission perma nente de recours n’était pas encore en fonction. B. Procédure a) Délais 23. L ’étranger entré irrégulièrement sur le territoire du Royaume doit introduire sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié dans les huit jours ouvrables (article 50) (voy. note 23). La demande peut être introduite directement auprès des autorités com pétentes (le C.G.R.A.) (35) ou d ’un officier de police judiciaire, d’un sousofficier de gendarmerie, du directeur d’un établissement pénitentiaire, d’un agent des administrations de la sûreté publique, des douanes et accises ou de l’administration communale (sauf refus d’inscription conforme à l’arti cle 18&is de la loi). Il a été rappelé en Commission de la justice de la Chambre et du Sénat qu’il serait immédiatement donné acte à l’étranger de sa déclaration par l’autorité saisie (36). Le délai de huit jours ne prendra cours qu’à dater de l’événement ayant incité l’intéressé à demander le sta tut de réfugié. Il se peut que cet événement soit postérieur à son entrée sur le territoire du Royaume (37). L ’étranger en séjour régulier doit adresser sa demande de reconnaissance de statut de réfugié auprès des mêmes autorités avant que son séjour ne (33) Un amendement tendant à ajouter à l ’appellation les mots «e t apatrides» a été retiré ensuite des explications du ministre de la Justice sur la compétence exacte de ces autorités concernant les apatrides dont le statut est constaté par les officiers de l’E tat civil avec les recours judiciaires habituels, le C.G.R.A. se contentant, comme actuellement le ministre des Affaires étrangères, de délivrer des documents nécessaires. V oy. Doc. Pari., Chambre, S.o. 1986-1987, n° 689/10, pp. 48 et 57. (34) A .R . du 30 décembre 1987, M .B ., 16 janvier 1988, portant nomination des présidents de chambre de la Commission permanente de recours des réfugiés. (35) Après amendement accepté par le gouvernement sous réserve que cette possibilité ne puisse permettre à l’étranger entré irrégulièrement d ’en tirer argument pour être autorisé au séjour (Doc. Pari., Chambre, S.o. 1986-1987, n° 689/20, p. 39). (36) Doc. Pari., Chambre, S.o. 1986-1987, n° 689/20, p. 40 et Sénat, D oc. 515/2 (86/87), p. 59. (37) Avis précité du C.G.R.A., note 16. P R O C É D U R E D E R E C O N N A IS SA N C E D E L A Q U A L IT É D E R É F U G IÉ 167 cesse d’être régulier (article 51). Est en séjour irrégulier l’étranger qui contrevient aux articles 5, 12 ou 17 de la loi du 15 décembre 1980 (38). b) Domicile 24. Aux termes de l’article 57/10, « l’étranger qui ne satisfait pas à l’obli gation d’élire domicile en Belgique (visée à l’article 57/8) ou qui ne donne pas suite à une convocation ou à une demande de renseignements dans le mois de son envoi, peut se voir refuser la reconnaissance ou la confirmation de la qualité de réfugié ». Cet article fonde 50 % des décisions de refus de reconnaissance de la qua lité de réfugié. c) Décisions 25. L ’examen du fonctionnement du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides est abordé par ailleurs. Les décisions sont motivées « en indiquant les circonstances de la cause » (39). Lorsque la décision de refus de reconnaissance de la qualité de réfugié sera devenue définitive, l’étranger devra quitter le territoire. Un ordre de quitter le territoire lui est notifié (A.R., article 77). d) Recours 26. Les recours ouverts aux candidats réfugiés qui ne se sont pas vu reconnaître la qualité de réfugié sont approfondis dans l’étude de L. P. Suetens. Il s’agit du recours suspensif auprès de la Commission permanente de recours, ensuite du recours non suspensif auprès du Conseil d’Etat. Le recours aux tribunaux est discuté (40). Les recours sont ouverts tant à l’étranger à l’encontre d’une décision de refus de reconnaissance de la qualité de réfugié qu’au ministre de la Justice à l’encontre d’une décision reconnaissant la qualité de réfugié. Le délai est de 30 jours pour les deux parties. (38) Sur des conséquences possibles quant à la notion de régularité du séjour, voy. Doc. Pari., Sénat, S.o. 1986-1987, n° 515/2, pp. 60-64. (39) A jout résultant d ’un amendement ensuite des discussions en Commission de la Justice de la Chambre des Représentants [Doc. Pari., Chambre, S.o. 1986-1987, n° 689/10, p. 56 ; Doc. Pari., Chambre, S.o. 1986-1987, n° 689/10, p. 56). « La m otivation ne peut se limiter à une simple rela tion des éléments de la cause ; elle doit être comprise dans le sens que le Conseil d ’E tat donne à l’exigence de la iRotivation » {Doc. Pari., Sénat, S.o. 1986-1987, n° 515/2), p. 90. (40) Pour la qualification de droit civil : R ig a u x , F ., «E tre réfugié en 1987», J .T ., 1987, p. 92. Contra : S u e t e n s , L.P., «D e rechtsbescherming van vreemdelingen bij het binnenkomen en het gedwongen verlaten van het grondgebied in België, vereniging voor de vergelijkende stu die van het recht van België en Nederland », Tjeen Willink, Zwolle, 1987, p. 30. 168 J E A N -Y V E S C A R L IE R C. Critères 27. L ’article 49 de la loi définit trois catégories de réfugié : 1)‘ Les étrangers qui possédaient la qualité de réfugié sur base des accords internationaux antérieurs à la Convention de Genève. 2) Les étrangers qui ont été reconnus réfugiés sur base du régime en vigueur avant la nouvelle loi du 14 juillet 1987. 3) Les étrangers auxquels la qualité de réfugié est reconnue sur base de la loi du 14 juillet 1987 par le C.G.R.A. Pour cette dernière catégorie, les critères sont, aux termes de l’article 48 de la loi, à rechercher dans les engagements internationaux liant la Bel gique. En conséquence, pour être reconnu réfugié, l’étranger devra satis faire aux conditions définies à l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève aux termes duquel : « Le terme réfugié s’appliquera à toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou qui, si elle n’a pas de nationa lité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ». 28. En l’absence de jurisprudence sous l’empire de l’ancienne loi, les autorités actuellement compétentes devront se référer à la jurisprudence existant dans les Etats ayant ratifié la Convention de Genève et à la doc trine internationale. Cette note n’a pas pour objet l’analyse de la défini tion (41). Une notion centrale de cette définition est la crainte de persécu tion. La Cour suprême des Etats-Unis a opposé le caractère subjectif de la crainte visée à l’article 1er de la Convention au caractère objectif de la per sécution visée à l’article 33.1 édictant le principe de non-refoulement. Au sens de la définition du réfugié inscrite à l’article 1er de la Convention, il suffirait que l’intéressé ait des « chances » d’être persécuté pour que sa crainte soit fondée sans que ces chances ne doivent être supérieures à 50 % (42). (41) Sur l’analyse de cette définition, voy. C a r l ie r , J.Y ., « L ’état du droit international », op. cit., p. 33 et références citées notamment le Guide des procédures et critères à appliquer pour déter miner le statut de réfugié, édité par le H .C .R ., Genève, 1979, 107 p. (42) Sur l’affaire Gardoza-Fonseca, voy. R i g a u x , F., «P réface», in Droit d*Asile, op. c it.; Pm iE , Sophie H ., « The need for a codified définition of* Persécution * in United States Refugee L a w », Standford Law Review, 1986-1987, pp. 187-234; F.M., « L ’assouplissement des conditions d ’octroi de la qualité de réfugié aux Etats-Unis, à propos de l’arrêt de la Cour suprême du 9 mars 1987, Immigration and Naturalization Service v. Luz Marina Cardoza Fonseca », Rev. Fr. de droit adm. ; H e l t o n , Arthur C., « INS v. Cardoza Fonseca, The décision and its implication », in Im mi gration Law Report, 1987, p. 141 et in Elena Newsletter, n° 1, juin 1988. Selon le Guide du H.C.R., «la crainte exprimée doit être considérée comme fondée si l’on peut établir, dans une PR O C É D U R E D E R E C O N N A IS SA N C E D E L A Q U A L IT É D E R É F U G IÉ 169 Si la persécution est reconnue comme devant être « sérieuse », la jurispru dence fluctue quant à l’agent de la persécution (l’Etat ou des particu liers ?) (43) et le destinataire (l’étranger en personne ou des proches ?) (44). III. REMARQUES 29. Quelques remarques en guise de conclusion. L’objectif déclaré de la nouvelle loi est d’une part de mettre en place une procédure de reconnaissance de la qualité de réfugié plus rapide tout en comportant des voies de recours, d’autre part de faire face, par des condi tions d’accès au territoire, à un afflux d’étrangers se déclarant abusivement réfugiés. La procédure ne sera guère accélérée quant à l’examen des demandes au fond, compte tenu notamment du recours suspensif et du manque en per sonnel. Toutefois, l’examen de la recevabilité se faisant sous forme de conditions d’accès au territoire ou de séjour, permet un gain de temps manifeste en écartant une série de demandes. Les divisions territoriales entre Etats ren dant le stade de l’accès à un territoire d’asile préalable à la reconnaissance du statut de réfugié, il convient d’être attentif à l’interaction de ces deux procédures : la gravité des enjeux au fond implique un usage restrictif des causes d’irrecevabilité. Cette note et d’autres en ce recueil soulignent les problèmes de compatibilité entre la loi du 14 juillet 1987 et la Constitution ou d’autres lois, d ’une part, et les engagements internationaux liant la Bel gique, d’autre part. En l’espèce, une notion fondamentale demeure celle du droit à l’asile provisoire résultant du principe de non-refoulement (article 33 de la Convention de Genève). Ce principe devra être respecté dans les textes qui rencontreront les incidences de la libre circulation des personnes au sein de la Communauté économique européenne sur l’accès aux territoires de ces Etats pour les demandeurs d’asile. mesure raisonnable, que la vie est devenue intolérable pour l’intéressé dans son pays d ’origine pour les raisons indiquées dans la définition ou qu ’elles le seraient s’il y retournait », n° 42. (43) « Des persécutions exercées par des particuliers, organisées ou non, peuvent être retenues, dès lors qu’elles sont en fait encouragées ou tolérées volontairement par l’autorité publique», Conseil d ’E tat de France, 27 mai 1983, aff. Dankka, Conclusions Bruno G e n e v o is in L ’actualité juridique, Droit administratif, 1983, p. 481, Note Julien L a f e r r ie r e , Clunet, 1984, p. 119 ; Note R o u ss e a u , R .G .D .I.P ., 1984, p. 753. Dans le même sens en doctrine : G r a h l -M a d s e n , « Interna tional Refugee Law today and tomorrow »>, Archiv des Volkerrechts, 1981-1982, p. 411. (44) « Le sort subi par des parents ou des amis ou d ’autres membres du même groupe racial ou social peut attester que la crainte du demandeur d’être lui-même tôt ou tard victime de persé cutions est fondée », note précitée de Julien L a f e r r ie r e sous C.E. de France, 27 mai 1983. Sur la jurisprudence française en général, voy. T ib e r g h ie n , Frédéric, La protection des réfugiés en France, Paris, Economica, 2e édit., 1988, 592 p. 170 J E A N -Y V E S C A R L IE R La multiplication des hypothèses et la complexité des recours ajoutés à la brièveté des délais, ne rendent pas aisée l’utilisation de cette législation par ses destinataires : les réfugiés. Au IV e siècle avant Jésus-Christ, interrogé sur sa patrie, Diogène se pro clame « citoyen du monde » (Kosmopolitès) (45). Si l’expression a fait son chemin depuis, les conditions de réalisation d’une telle citoyenneté n’exis tent pas. L ’histoire indique toutefois que les hommes ont tendance à construire dans le temps des espaces socio-politiques sur des territoires plus vastes, de la cité aux Unions d’Etats en passant par les Etats féodaux, les Royaumes, les Républiques, les Empires. En l’absence d’un pouvoir international contraignant, les droits de l’homme ne peuvent trouver leur effectivité en cas de non-respect par un Etat que sur le territoire d’un autre Etat devenant terre d ’asile. (45) L a e r c e , Diogène, Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres de chaque secte, Paris, C. Cobet, 1878, V I, II, 63, p. 147. L e statut d ’étranger dans la cité athénienne de Diogène le Cynique, né à Sinope, m otive vraisemblablement une telle déclaration.