MAIS OÙ EST PASSÉ LÉON ? Dès 4 ans

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MAIS OÙ EST PASSÉ LÉON ? Dès 4 ans
Théâtre des Marionnettes de Genève
Dossier pédagogique – saison 2013 - 2014
MAIS OÙ EST PASSÉ LÉON ?
Création de la Compagnie Jean-Pierre Lescot – Les Phosphènes (F)
DU 25 SEPTEMBRE AU 13 OCTOBRE 2013
Scénario : Didier de Calan et
Jean-Pierre Lescot
Texte : Didier de Calan
Mise en scène, lumière et création visuelle :
Jean-Pierre Lescot
assisté de Colette Micoud-Terreau
Musique : Antoine Denize
Réalisation : Boualeme Bengueddach,
Stéphane Couturier,
Thierry Lescot et Colette Micoud-Terreau
Interprétation et manipulation :
Jean-Pierre Lescot, Boualeme Bengueddach,
Stéphane Couturier
Régie lumière et son : Colette Micoud-Terreau
Théâtre d’ombres
Théâtre des Marionnettes de Genève
3 Rue Rodo | 1205 Genève
www.marionnettes.ch
40 minutes
Dès 4 ans
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Le spectacle
1. L’histoire
Au fond d’un grenier, le professeur et
son assistant Pablo dénichent des
trésors. Surgissent alors dans un
magnifique ensemble : fier cheval de
bois, ombrelle en dentelle, antique
bicyclette, légendaire ours en peluche
ou poupée de chiffon. Mais quelle est
donc l’histoire de ces objets oubliés,
endormis ? Chaque vie ne se construitelle pas autour des objets, ces
souvenirs très concrets, comme une
plante s’enroule autour de son tuteur ?
Dans un beau voyage poétique au pays
des ombres, là où toute chose révèle
Mais où est passé Léon ?
son cœur secret, Jean-Pierre Lescot
pose l’interrogation fameuse : "Objets
inanimés avez-vous donc une âme ?" A
l’image de la trilogie animée Toy Story,
les choses et jouets possèdent ici une vraie vie avec leurs moments de tendresse et de mélancolie. Et
cette vie merveilleuse, c’est au cœur des songes qu’on peut la découvrir. L’enfant est doublement étonné :
il voit la magie et comment elle opère. Devant l’écran, des objets bien réels. De l’autre côté, place au
langage de la couleur, du noir, de l’ombre mystérieuse avec ses métamorphoses.
Les ombres inventent et ressuscitent des histoires. Ici, celle de l'ourson Léon mystérieusement
disparu. Léon, c’est un joli nom pour un ourson qui quitte son foyer, sa Mamina et son Pappino
pour parcourir le vaste monde. Parti sur son vélo avec sa belle sonnette, Léon joue les
explorateurs, en lointain cousin de célèbre Tintin, et fait connaissance avec les nuits étoilées au
grand air. Mais lorsque que le pneu vient à crever, Léon pourra-t-il trouver un second souffle dans
le cocasse car du grand bazar avec l’aide de Pablo, le malicieux assistant du professeur ? Sous
la voute étoilée, à la guitare, Léon se met à jouer la célèbre musique du film de René Clément,
"Jeux interdits", jolie fable sur l’innocence de deux enfants, dont la petite Paulette, fillette de cinq
ans (Brigitte Fossey) face à une situation difficile. Dans la forêt, des chasseurs l’attrapent et le
livrent à un Cirque où il pourrait dévoiler ses étonnants numéros.
Là, sur le quai de la gare, on découvre l’existence de Tatiana, jolie poupée croyant très fort à ses
rêves. Acrobate et écuyère, elle est engagée dans un cirque comme merveilleuse funambule
après avoir apprécié un inattendu d’éléphants sur le chemin qui la mène en taxi de la gare au
Cirque Gelatti situé en bordure de mer. Mais l’avenir ne s’annonce pas vraiment rose pour elle.
Léon parviendra-t-il à trouver une échappée belle pour lui et sa nouvelle amie Tatiana ?
-2-
Les choses ont bien une vraie vie cheminant entre tendresse et tristesse, peine et joie. Nos deux
collectionneurs de songes nous soufflent que les choses ont leur autobiographie. Maître sensible
et poétique de l’art des ombres, Jean-Pierre Lescot après un "Mon Pinocchio" de belle mémoire,
fait passer le monde du gigantesque au minuscule, du burlesque au mystérieux. Palpitant de la
métamorphose à la fantaisie, les ombres se colorent merveilleusement, devenant les ailes rêvées
de toute nuit. Adepte éclairé du théâtre d’objets, de marionnettes et d’ombres, Jean-Pierre Lescot
sollicite pleinement l’imaginaire du jeune spectateur, entrecroisant rêve et réel, réflexions et
émotions.
Le spectacle
1. L’histoire
Au fond d’un grenier le professeur et Pablo
son assistant ont trouvé mille et un trésors :
un cheval de bois, une ombrelle en
dentelle, une vieille bicyclette, un ours en
peluche, une poupée de chiffon… Mais
quelle est donc l’histoire de tous ces objets
oubliés, endormis? Que fut la vie de Léon,
l’ourson, de Tatiana, la jolie poupée ?
Mais où est passé Léon ?
Dans un beau voyage au pays des ombres,
Jean-Pierre Lescot pose pour les plus jeunes la célèbre question : « objets inanimés avez-vous
donc une âme ? » et il leur permet de répondre : « oui, bien sûr ».
A nos côtés, les choses ont une vraie vie avec leurs moments de tendresse et de tristesse, de
peine et de joie. Et cette vie merveilleuse, c’est au cœur des songes qu’on peut la découvrir !
Alors partons tous en suivant les pas des chercheurs de rêves.
2 . Les fabuleux destins des jouets rêvés
Causerie avec Jean-Pierre Lescot, metteur
en scène, comédien manipulateur et
dramaturge.
Tant qu’un rêve n’est pas terminé,
l’enfant a cette chance
Le spectacle lie le monde expressif des
ombres, les objets et les rêves.
d’éprouver ce qui l’apaise.
Jean-Pierre Lescot : Devant l’écran, se
trouvent les acteurs et les objets dénichés dans
un immense grenier graphiquement stylisé, tandis que, de l’autre côté, ils agissent en théâtre
d’ombres. Dans un va-et-vient entre plusieurs réalités, on suit ainsi l’objet, la poupée, l’ourson, un
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taxibrousse passant de l’avant-scène vers son fond. Ce dernier devenant ainsi le lieu de création
et projection des ombres.
D’entrée de jeu, le monde des ombres, dans ses caractéristiques essentielles, joue de plusieurs
éléments : la ressemblance, la distorsion, la disparition et la superposition. Du coup, on voit
qu’autour d’un même objet, se développent des liens menant vers une présence purement
onirique. C’est ainsi que l’enfant peut créer, à la vision de ce spectacle, une frontière marquant la
différence entre réalité et monde rêvé.
Victor Hugo, qui adorait ses enfants et petits-enfants, écrit dans un étrange petit livre, Le
Promontoir du songe : « Je suis l’homme qui fait attention à sa vie nocturne. » Il est
beaucoup question de nuit, souvent étoilée, dans la pièce.
S’il y a tout une palette de l’univers du sombre dans cette histoire, j’ai surtout essayé d’y montrer à
la fois l’inquiétant et le rassurant, ce qui trouble et console, apaise. Tant qu’un rêve n’est pas
terminé, l’enfant a toujours cette chance d’éprouver ce qui l’apaise.
D’où la tentative d’une dramaturgie allant du troublant au familier qui calme l’enfant. Les deux
comédiens s’interdisent finalement de réveiller les personnages, tant que leur voyage ou périple au
pays des rêves n’est pas achevé, le possible mauvais songe pouvant toujours se métamorphoser
pour adopter des couleurs plus douces.
Le petit ours Léon fait son "roman
de formation", allant parcourir le
vaste monde après avoir fait ses
adieux aux parents.
Il est silhouetté en ombre sous les
traits d’un explorateur portant
toujours dans un certain imaginaire
collectif, ce chapeau colonial. C’est
en souvenir du personnage de
Tintin qu’il est ainsi vêtu. Mais aussi
de la série en bande dessinée,
Blake et Mortimer, signée Edgar P.
Jacobs.
Mais où est passé Léon ?
L’idée du spectacle nous suggère
qu’il faut tenir à ses rêves de telle manière à ce que la réalité finisse, un jour, par lui ressembler. Un
objet nous rappelle un souvenir, une émotion toujours vivace. C’est aussi une présence de l’absence
qui se prolonge dans le fait d’imaginer, sur un plan dramaturgique, ce qu’aurait pu être la vie propre
de cet objet ou jouet. Ce que fait, d’une toute autre manière, la trilogie Toy Story au cinéma
d’animation.
Propos recueillis par Bertrand Tappolet
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3. D’un rêve à l’autre
PABLO
Professeur, c’est merveilleux !
Vous avez vu comme Léon est heureux …
Quel beau voyage !
Et comme disait mon grand père
Les voyages forment la jeunesse
même s’ils déforment la vieillesse !
LE PROFESSEUR
Mon cher Pablo, j’apprécie beaucoup les propos
vos grands-parents mais ce n’est pas le moment !
N’oubliez pas que nous cherchons des rêves perdus …
et maintenant il faut s’occuper de la jolie poupée :
essayons de savoir quelle est son histoire !
Et mon petit Pablito, sois bien doux avec elle !
C’est une très jeune demoiselle…
Ses rêves doivent être aussi fragiles que des ailes de papillon.
Et la vie des rêves ne tient qu’à un fil aussi très fragile.
Retiens bien cette leçon, mon garçon !
Extrait de : Mais où est passé Léon ?
4. Poésie des ombres
Dans ce spectacle, on découvrira la part
importante de l’ombre sur la vision usuelle des
objets du quotidien.
Le vrai, rencontre
transforment.
le
faux,
les
images
On passe du gigantesque
au minuscule
se
On passe du gigantesque au minuscule, du
grotesque au mystérieux inquiétant.
Le monde n’est plus aussi sûr de ce qu’il est.
L’ombre révèle sa part d’irréel, d’abstraction, de poésie et de fantaisie.
Les êtres et les choses se dissolvent et se confondent.
Les ombres s’y superposent, le monde se métamorphose.
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Les ombres s’y colorent et c’est le monde qui s’enchante.
La vie ordinaire se fait plus inquiétante ou plus tendre et merveilleuse.
Les ombres deviennent alors les ailes de la nuit qui s’agitent devant toute
menace d’éternité.
C’est l’espace du surréel et le lieu des métamorphoses.
L’illusion nous perd juste pour nous permettre de nous retrouver un peu
différent dans nos cœurs.
5. La réalité et son reflet
Entretien avec Jean-Pierre Lescot.
Il y a une manière de redécouvrir les objets,
ici jouets, comme la carte d’un territoire
physique et mental. Parlez-nous de l’ourson
et de la poupée.
Dans le spectacle, l’enfant
voit comment l’action et la manipulation des
Ce sont les jouets par excellence que l’on
objets se déroulent.
retrouve dans tous les coffres d’enfants,
l’ourson et la poupée associée ici au monde du
cirque déjà abordé dans une précédente
création, Mon Pinocchio. Dans mon enfance, j’ai connu à la fois le petit ours et la poupée. Leurs
récits, dont les destins se croisent, se répondent avant de se rencontrer pour une échappée belle
commune.
Vous passez de l’objet à l’ombre à vue.
Dans le spectacle, l’enfant voit comment l’action et la manipulation des objets se déroulent. Il voit
comment le comédien actionne les objets pour en faire une palette d’ombres et découvre l’avant et
l’arrière de l’image, de l’écran, sa projection et la coulisse. Il se rend compte qu’il faut manipuler
une lampe pour obtenir l’ombre et la manière dont on va l’adoucir, la grandir et la faire agir dans le
récit. L’enfant a ainsi la possibilité de voir les choses au cœur même de leur transformation.
Le philosophe et écrivain Gaston Bachelard écrit : « Ce n’est pas en pleine lumière, c’est au
bord de l’ombre que le rayon en se diffractant nous confie ses secrets. »
Bachelard le dit très vie. Il avance qu’il y a deux vies, celle du reflet de l’arbre dans l’eau et la vie
de l’arbre au bord de l’eau. Les ombres jouent de la même manière que les reflets dans l’eau, si ce
n’est qu’elles n’ont pas une fonction similaire au reflet dans l’eau. Elles sont imprégnées de
mystère et d’inquiétude, ce qui n’est pas nécessairement le cas du reflet. Bien que la profondeur
de l’eau ne soit pas négligeable, quand le reflet nous lie à cette dimension empreinte parfois
d’énigme et d’inquiétude.
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Que représente l’ombre pour cette fable ?
L’ombre dans le spectacle a une chair, celle de l’âme. Dans l’ombre, se dessine un phénomène de
ressemblance et un lien avec la nuit. L’ombre n’est-elle pas autre chose qu’un fragment ou un
morceau d’un univers nocturne ? Comme la nuit, c’est le monde de l’inconnu. Un jour, l’homme a
pu voir son ombre qui se transportait de l’univers jour dans le monde de la nuit. Il en a fait une
image extraordinaire. Dans son sens premier, c’est-à-dire sortant du commun. L’homme a vu aussi
qu’il y a avait transfert, transport d’un monde à l’autre.
Comme le monde de la nuit est aussi celui des inconnus et disparus, l’homme a découvert, su fil
de son histoire, qu’il avait un lien fort avec cet univers. A partir de là, tous les imaginaires et
fantasmes ont pu se déployer. Comme son ombre est muette, l’homme a pu la faire parler. Il a
aussi imaginé les rencontres qu’elle pouvait établir avec un autre monde. J’ai pensé ce spectacle
sous-titré « les chercheurs de rêves » pour inventer la rencontre avec un ailleurs. Les personnages
de la pièce s’en vont et ont cette capacité, parfois oubliée, de reprendre contact avec un ailleurs,
voire un au-delà.
Propos recueillis par Bertrand Tappolet
6. Etranges voyageurs
PROFESSEUR
Ces drôles de voyageurs me font un peu peur !
Pablo, est ce que tu les as entendu parler.
Et sais-tu ce qu’ils sont venus chercher ?
PABLO
Ne vous inquiétez pas professeur.
Ce sont sûrement des explorateurs
ou des observateurs.
Ils ont de grosses jumelles pour regarder le ciel.
Ils ont dit qu’ils attendaient la nuit pour chercher
ce qu’ils voulaient trouver.
PROFESSEUR
Mon cher Pablo,
Ce que tu me dis là,
ne me rassure pas.
Ils attendent la nuit,
mais la nuit tous les chats sont gris !
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PABLO
Professeur vous me faites plaisir.
C’est ce que ma grand-mère
n’arrêtait pas de me dire.
"La nuit, tous les chats sont gris,
alors fait attention mon petit !
Ils pourraient te prendre pour une souris !"
PROFESSEUR
Pablo laisse les chats et les souris tranquilles.
Essaie donc de retrouver Léon,
c’est le plus important maintenant !
Extrait de : Mais où est passé Léon ?
7. Passeurs d’ombres
De Chine en Inde, d'Égypte en Turquie, de Grèce en France, le théâtre d'ombres, même s'il
connaît des esthétiques, des techniques, des philosophies et des mystiques diverses, est avant
tout une communauté d'expression : celle qui veut, celle qui sait avec un drap tendu faire un
monde, avec un feu un soleil, avec des silhouettes de cuir et de carton, des corps et des cœurs
vivants. Le théâtre d'ombres, c'est une semblable façon de voir et de montrer, de dire, de chanter,
de crier et, pourquoi pas de respirer, de vivre. Voyager au pays des ombres, ce n'est pas
seulement dévoiler le secret des hommes et des choses, montrer leur double sombre. C'est plus
encore entrer dans un univers fragile, ondoyant, élastique, qui révèle surtout la fragilité du rire, de
la vie, de l'humour et de l'amour. On raconte que dans le théâtre d'ombres ancien, quand un
personnage mourait, on allumait derrière l'écran des feux de Bengale et qu'alors, au milieu des
étoiles et des fumées, les spectateurs voyaient s'envoler les âmes des héros. Puis le montreur
d'ombres roulait la toile et s'en allait...
Aujourd'hui, ils renaissent un peu partout, découvreurs de nouvelles techniques et de nouvelles
histoires. Tous sont différents, mais tous sont liés par un même esprit poétique. «Dans notre
monde aride qui s'efforce désespérément de chasser du quotidien toute zone de mystère, dit
Roland Schohn, le théâtre d'ombres a encore quelque chose à nous dire. Théâtre de la rêverie et
du conte, il réaffirme la permanence en nous de l'obscur et de l'insaisissable. »
Et qu'importe de savoir où nous irons, si nous savons d'où nous vient l'envie de partir: la certitude
de trouver sous quelque banquise bleue, peut-être après avoir fait naufrage, dans le clair-obscur
des profondeurs, des images neuves mais très anciennement humaines.
Jean-Pierre Lescot
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8. Nos rêves : amis et alliés
Le rêve intrigue et inquiète. Il dérange par
ses extravagances et ses obscurités ;
certains n'y voient qu'un dérèglement de
Les songes garderont
notre cerveau en sommeil, la psychologie lui
accorde le plus grand intérêt et la plupart
toujours une part de mystère
d'entre nous ne savent pas très bien quelle
place lui attribuer, ni par quel bout le
prendre… Alors qu'est-ce que le rêve, un
"gri-gri" dérisoire ? Un "sous-produit" de notre cerveau ? Ou bien, comme le soutiennent les
psychologues, une voie d'accès à notre monde intérieur ?
On emploie environ 1h30 de nos nuits à rêver, ce qui correspond à 5 ans de notre vie. Les rêves
n'ont donc pas fini d'être étudiés. Il est clair que rêver est une nécessité physiologique et un
facteur déterminant de notre équilibre psychique. Néanmoins, les songes garderont toujours leur
part de mystère. Sont-ils plutôt pour ou contre nous ?
Interprétation neurologique
Pour les scientifiques du 19e siècle, le rêve est considéré comme une simple réaction
physiologique provoquée par les sensations venues du corps et de l'environnement ; il est donc
dénué de sens et chercher à l'interpréter relève de la pure fantaisie. Cette hypothèse a même été
complétée aujourd'hui : le rêve servirait à entretenir la mémoire. Ces images seraient une
conséquence des réorganisations qui ont cours dans le cerveau pendant la nuit. Deux possibilités
sont évoquées : soit ils constituent une "compilation" des souvenirs qui vont être archivés, soit au
contraire ils représentent ceux qui vont être éliminés. Pour l'instant, ces théories n'ont pas été
confirmées par l'expérimentation.
Un être s'endort, un inconscient s'éveille…
Il faut attendre 1900 et la parution du livre de Sigmund Freud (Le rêve et son interprétation) pour
que le rêve, en entrant dans le champ de la psychanalyse, trouve une fonction d'importance : nous
révéler à nous-mêmes. Certains de nos rêves ont un sens évident. Ils sont proches de la vie
quotidienne et s'appliquent à réaliser la nuit ce que le jour n'a pas permis. En période de régime
intensif, on va rêver, par exemple, que l'on dévore une énorme choucroute. Mais la majorité de
nos rêves d'adultes nous semblent dénués de sens, incohérents et si étrangers à nous-mêmes, si
effrayants quelquefois, que l'on préfère ne pas s'y attarder. Or, ce que nous apprend Freud, c'est
que le rêve est la voie d'accès à l'inconscient, ce grand réservoir d'images, de sensations,
d'émotions, de désirs censurés depuis l'enfance par notre conscience morale et donc inaccessible
à l'état de veille. Si les rêves sont souvent si confus, c'est que, malgré un certain relâchement de
cette conscience durant le sommeil, la censure n'est jamais complètement levée. Le rêve
fonctionne comme une énigme qui ne sera résolue que si l'on parvient à l'interpréter, autrement dit
à remplacer ce qui est clairement montré (images, mots, sensations, émotions…) par ce qui est
caché (le sens véritable du rêve). Les décoder peut donc nécessiter l'aide d'un psychothérapeute
qui saura éclairer ce que notre conscience se refuse à voir, mais nul mieux que nous n'est à
même d'en valider l'interprétation.
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Des cauchemars utiles
Même les rêves les plus douloureux (ces cauchemars qui troublent nos nuits et quelquefois nos
jours) ne sont pas nos ennemis car ils sont le signe que quelque chose en nous cherche à
résoudre un conflit interne, une difficulté, une vieille souffrance. C'est la raison pour laquelle ils
reviennent parfois avec insistance pendant de longues périodes de vie. Nos rêves cherchent
inlassablement des compromis entre les différentes forces qui nous habitent.
Prendre conscience de leur contenu permet de redonner vie à des aspects délaissés de notre
personnalité, et donc de vivre en meilleur accord avec nous-même. Les rêves, même s'ils sont
cauchemardesques, témoignent de l'extraordinaire vitalité de notre psyché, ils en sont l'intime
voix.
Quelles que soient les hypothèses retenues, nos rêves travaillent donc pour nous. Selon la
psychanalyse, en assouvissant nos désirs réprimés ils font à la fois office de gardien de notre
sommeil et de soupape de sécurité. En faisant remonter à la surface ce qui nous affecte "en
coulisse", ils nous permettent de décharger nos tensions intérieures et nous évitent les désordres
qui pourraient en résulter : fatigue, échecs, montées d'agressivité, somatisations… Selon les
neurologues, ils seraient importants dans les processus de mémoire. Alors pourquoi les ignorer ou
s'en inquiéter ? Tout au contraire, ils méritent qu'on les accueille et gagnent considérablement à
être connus !
Nos rêves sont nos alliés : "Fais de ta vie un rêve et de ton rêve une réalité", disait Saint-Exupéry.
Dominique Pir
9. Voyage au pays des ombres et des rêves
Dialogue avec Jean-Pierre Lescot, metteur en scène et comédien
Parlez-nous du déroulement de la pièce Mais où est passé Léon ?
Jean-Pierre Lescot : Cette pièce interroge et fait vivre des objets trouvés dans un grenier par un
professeur et son assistant, qui ont le pouvoir de faire voyager les ombres au pays des rêves. On se
pose la question de savoir ce qu’il y a derrière tous ces objets oubliés et endormis : cheval de bois,
ombrelle, bicyclette, ours en peluche et poupée de chiffon.
Deux espaces bien particuliers se distinguent par ce qu’ils contiennent et par leur esthétique. Devant
se trouvent les objets qui appartiennent au monde du réel, de l’autre côté de l’écran, place au monde
de l’onirisme, au langage de la couleur, du noir, de l’ombre avec ses disproportions. C’est une
occasion de découvrir la vie avec ses déceptions, ses craintes, ses espoirs et ses menaces. Et c’est
aussi une occasion de montrer la force de la consolation et des moments de bonheur, une victoire de
la quiétude sur l’inquiétude. Le professeur et son assistant sont des êtres bien vivants, avec un côté
Don Quichotte et Sancho Pança.
Le professeur est un chercheur de rêve et en même temps il les lit, les interprète, établit un lien entre
réel et rêve. Le spectacle témoigne de nos besoins de voyance et d’inspiration, d’une recherche de
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forces élévatrices. La pièce cherche à solliciter de l’émotion. C’est une manière de voir le monde
autrement qui fait naître un lieu de condensation, avec des jeux de distorsion de la durée, de la
forme. Les choses sont ainsi intensifiées et mises en contrastes, et de multiples relations se tissent
avec la matière, la couleur, la lumière, les sons, le grain de la voix. L’enfant est doublement étonné : il
voit la magie et voit comment elle opère, sans aucun didactisme. Il assiste au pouvoir magique des
instruments, un peu dans l’esprit de Méliès, et les difficultés lorsque les instruments défaillent sont
bien visibles.
Comment avez-vous découvert le théâtre d’ombres ?
J’ai beaucoup voyagé, notamment en Extrême-Orient. C’est en voyant un spectacle balinais dans les
années soixante que tout s’est déclenché. Je me suis rendu compte que l’ombre se définissait
comme une force agissante sur l’imaginaire, probablement à cause de la ressemblance et de la
distorsion de cette ressemblance, et parce que l’ombre appartient au monde de la nuit, de l’inconnu.
Montrer une ombre, c’est montrer une part d’angoisse de nous-mêmes, de ce qui nous fait peur dans
la vie, et travailler sur l’ombre exorcise cette peur. C’est une des images anciennes qui ont le plus
bouleversé l’imaginaire humain, et c’est un exceptionnel lieu d’interprétation.
Propos recueillis par Agnès Santi
10. Jean-Pierre Lescot et le renouveau du théâtre d’ombres
en France
Plasticien de formation, Jean-Pierre Lescot a consacré toute sa carrière au théâtre d’ombres en en
renouvelant profondément les formes et en élargissant les propositions esthétiques.
A l’origine, le théâtre d’ombre oriental est à mettre en lien direct avec des pratiques religieuses
anciennes faites de rituels pour exorciser la mort. Les formes contemporaines se sont affranchies
de ces origines et se sont développées à des fins plus ludiques, narratives et dramaturgiques. Le
travail de Jean-Pierre Lescot allie tradition et modernité. Ce créateur prolixe ravive la pratique
ancienne en y mêlant quelques siècles de créations graphiques occidentales : on retrouve ainsi
dans les silhouettes qu’il crée et qu’il anime, l’influence de grands maîtres de la peinture du
XXe siècle : Léger, Matisse, Picasso…
Homme de son époque, Jean-Pierre Lescot emprunte aussi aux théories des lumières colorées et
aux techniques diverses de rétroprojection, qui trouvent leur application dans la création d’images
scéniques de grande dimension. Ses talents d’écrivain et d’homme de théâtre, l’ont amené à mettre
en scène la totalité de ses spectacles qui mêlent qualité visuelle et narrative.
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11. Quelques pistes pour découvrir l’ombre
ETAPE 1
L’enseignant-e peut initier une discussion collective destinée à introduire le thème de la lumière et à
éveiller la curiosité des élèves. Puis, à partir d’un album comme L’ombre de l’ours d’Olivier Lecaye,
ou simplement en créant des ombres projetées sur un mur, les élèves commencent à s’interroger sur
les ombres et la lumière. Qu’est-ce qu’une ombre ? Pourquoi a-t-on une ombre ? Peut-on attraper
son ombre?... Ils commencent à se poser des questions et à découvrir des représentations erronées
de l’ombre et émettent des hypothèses.
La notion principale qui peut apparaître est la suivante : On ne peut pas attraper son ombre,
elle est immatérielle. On pourra dire : « Ce n’est pas de la matière comme du tissu, du bois, ou
du plastique. On ne la sent pas au toucher ».
Cette séance devrait permettre une première approche de la notion d’ombre.
OBJECTIFS :
Faire apparaître quelques caractéristiques des ombres et de la lumière
Faire émettre des hypothèses
Se poser des questions à partir d’un phénomène familier : l’ombre de son corps au soleil
Représenter son ombre
VOCABULAIRE :
Ombre, lumière, source lumineuse, couleur, taille, forme, objet…
ETAPE 2
Il est intéressant d’interroger les enfants sur les conditions de visibilité des objets et l’origine de la
lumière qui nous éclaire, avant de les faire travailler sur les ombres. Les propos tenus contiennent
des informations qui permettent de cerner ce qui est à travailler et contribueront à l’évaluation des
progrès en cours de séquence.
Collectivement. Les rideaux sont tirés et une discussion s’engage à partir des questions posées par
l’enseignant-e.
L’enseignant-e notera, sur une affiche par exemple, les réponses des élèves au fur et à mesure de la
discussion.
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Questions :
► Qu'est ce qui change dans la classe lorsque je ferme les rideaux ?
► Et qu'est-ce que ça change quand il y a moins de lumière ?
► Qu'est-ce que l'on ne voit plus très bien maintenant ?
► Et d’ailleurs, qu’est-ce qui nous permet de voir les objets ?
Les élèves pourront répondre notamment :
« Les yeux ! Si je ferme les yeux, je vois plus rien » ;
« Dans le noir, on ne voit rien » « pour voir, il faut allumer la lumière ».
Le mot « lumière » est assimilé à « éclairage électrique ».
Les enfants ne citent pas spontanément le Soleil ni la lumière naturelle.
Ils considèrent la lumière du jour comme un état.
On peut tenter de relancer le questionnement :
Question :
► D’où vient la lumière ?
Réponse attendue : « Du plafond », « de la lampe »
Q:
► Dans la journée, faut-il que j’allume la lumière dans la classe ?
R : « Non, il fait jour quand c’est clair »
« Non, il faut éteindre la lumière quand il y a du soleil ».
Cette remarque permet de sensibiliser les enfants
au développement durable : éteindre la lumière quand on n’en a pas besoin.
Certains enfants diront sans doute
qu’ils ont peur quand il fait noir.
On pourra alors poursuivre la discussion en demandant :
Q:
► Pourquoi est-on moins rassuré dans l'obscurité ?
► Et la nuit que se passe-t-il ?
► Mais n'y a- t-il vraiment aucune lumière la nuit ? »
Les enfants peuvent citer quelques exemples de lumière
(lampadaires, veilleuses, réveil, phares des voitures, la lune…)
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Questions :
► Et maintenant, que peut-on faire pour avoir de nouveau de la lumière dans la classe ?
► Quelle impression a-t-on quand la lumière revient ? »
A la fin de la discussion, les idées des élèves notées sur l’affiche peuvent être rappelées par
l’enseignant-e.
ETAPE 3
L’enseignant-e peut proposer alors aux élèves de se rendre dans la cour pour vérifier ces
hypothèses.
Si le ciel est trop nuageux, l’enseignant-e peut installer un projecteur quelque part dans la salle de jeu
ou le préau en guise de soleil et les élèves pourront alors remarquer le même phénomène.
En binôme : phase d’exploration
Les élèves essayent de repérer la position du soleil dans le ciel et celle de leur ombre. Ils doivent
remarquer que leur ombre est toujours du côté opposé au soleil. On demandera aux enfants de se
placer de façon à ce qu’ils voient l’ombre devant eux, derrière eux, à leur gauche, à leur droite. On
leur demandera aussi de formuler à chaque fois où se trouve le Soleil. « Où est le soleil par rapport
à moi et à mon ombre ? »
Au moment de cette exploration, il peut être intéressant de partager le groupe en deux, un
groupe acteur et un groupe spectateur, et inverser ensuite les rôles. Cette configuration est
favorable au décentrage et les discussions entre acteurs et spectateurs vont contribuer
à la « structuration de l’espace ».
On peut faire dessiner le contour des ombres à la craie pour faciliter le dessin d’observation qui sera
réalisé sur place.
On peut aussi prendre des photos des élèves pendant l’activité. La position des ombres devra
permettre de retrouver la position du Soleil.
Lors de l’observation, les enfants peuvent, individuellement, dessiner ce qu’ils ont observé. (Penser à
faire dessiner le Soleil).
Question guide : l’ombre se trouve-t-elle n’importe où par rapport au soleil, à mon corps ?
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12. Bibliographie
Histoires de jouets et d’ours

Stéphane Blanquet, Chocottes au sous-sol !, Paris, Paris, La Joie de lire, 2005

Magali Bonniol, Tournicotte, Paris, L’Ecole des loisirs, 2008

Florie Saint-Val, Mon Voyage dans la maison, Paris, Memo, 2011

Rascal, Le Temps des ours, Paris, L’Ecole des loisirs, 2013

Oliver Lecaye, L’Ombre de l’ours, 1997
Le Seigneur Martin est un ours énorme, mais il n'est pas du tout méchant. La preuve: il prête, le temps de sa
sieste, son ombre gigantesque à Victor, le petit lapin. Victor s'amuse beaucoup… jusqu'au moment où il
croise la Sorcière-voleuse-d'ombres.
Films

John Lasseter, Toy Story, Etats-Unis, 1995. DVD

John Lasseter, Toy Story 2, Etats-Unis, 1999. DVD

Lee Unkrich, Toy Story 3, Etats-Unis, 2010. DVD
Les rêves et les enfants

Danielle Dalloz, A quoi rêvent les enfants ?, Paris, Audibert, 2002

Laurent Lachance, Interprétez les rêves de votre enfant, Montréal, Homme, 2011
Théâtre d’ombres et ombres

Hetty Paërl, Jack Botermans, Pieter van Delft, Ombres et silhouettes, Paris, Hachette, 1979

Jeans-Bertrand Pontalis, Traversée des ombres, Paris, Gallimard, 2003

Jac Remise, Pascale Remise, Regis van de Walle, Magie lumineuse. Du théâtre d’ombres à la
lanterne magique, Paris, Balland, 1979
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La marionnette

Encyclopédie des arts de la marionnette, Montpellier, Ed. de l’Entretemps, 2009

Les Mains de lumière. Anthologie des écrits sur l’art de la marionnette, (textes réunis et
présentés par Didier Plassard), Charleville-Mézières, Institut International de la
Marionnette, 1996
► Les ouvrages et documents cités dans cette sélection bibliographique ont été choisis pour vous.
Ils sont disponibles dans le cadre des Bibliothèques Municipales et de la Bibliothèque de Genève.
Ce dossier contient des propositions à l’attention des enseignants. Il est évident qu’ils sont les mieux
placés pour adapter le contenu à leur classe, et que ce document ne peut être transmis tel quel aux
élèves.
Pour des informations complémentaires :
Bertrand Tappolet
Théâtre des Marionnettes de Genève
3, rue Rodo - cp 217 - 1205 genève 4
tél. +41 (0) 22 807 31 04
mobile +41 (0) 79 517 09 47
e-mail [email protected]
Pour les Réservations Ecoles :
Joëlle Fretz
Théâtre des Marionnettes de Genève
3, rue Rodo - cp 217 - 1205 genève 4
tél. +41 (0) 22 807 31 06
e-mail [email protected]
Davantage d’informations sur : www.marionnettes.ch
TT
Théâtre des Marionnettes de Genève - Rue Rodo 3, 1205 Genève / Tél. 022/807.31.00 fax 022/807 31 01
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