CARLITO BRIGANTE / CHARLIE
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CARLITO BRIGANTE / CHARLIE
100 icônes badass du cinéma Les années 90 • Sheppard • CARLITO BRIGANTE / CHARLIE L Interprété par Al Pacino • Le film : L’impasse (Carlito’s Way, 1993). Réalisé par Brian De Palma • es seigneurs de la pègre ont remplacé les rois shakespeariens, mais l’histoire, elle, reste inchangée. Elle parle de sommet que nous n’atteindrons jamais et de tréfonds que nous ignorons, et entre les deux, de la chute. Ils s’appelaient Macbeth, Lear, César, Hamlet ou Richard. Ils s’appellent désormais Cody, Sonny, Tony, Michael, Frank et Carlito. Le destin tragique du Portoricain Carlito Brigante (Al Pacino, impérial) est annoncé dès les premières images du film, situé en 1975. C’est sur son lit de mort (un brancard à roulettes) qu’il va nous raconter les derniers jours de sa vie. C’est l’histoire d’un homme, ex-trafiquant de drogue de Spanish Harlem (El Barrio, le quartier latino de New York). Un seigneur de la rue lassé par le pouvoir. Certes c’est un homme vieillissant, mais il a surtout la sagesse de ces princes qui savent quand il faut raccrocher. Et si cela ne tenait qu’à lui, il l’aurait probablement déjà fait cinq ans plus tôt. Seulement voilà, ces choses-là ne se décident jamais seul. Surtout lorsque l’on place l’honneur et la loyauté au-dessus du reste. Car c’est en général de là que viennent les emmerdes. Mélancolique, toujours habillé de noir, Carlito est une ombre qui passe. L’ombre sans doute de ce qu’il fut jadis et qu’il tente de fuir par tous les moyens. Une ombre qui cherche – non pas la rédemption, ni même le pardon – mais la simple possibilité de terminer ses jours tranquillement, une vie rangée, sans surprises. Parachuté dans un monde qui n’est plus le sien, il est aussi l’ombre d’une époque révolue. Il erre sans repères à la recherche d’une porte de sortie. Mais voilà, pour le moment il y a l’honneur, la loyauté et David Kleinfeld (Sean Penn, méconnaissable), un avocat véreux, camé jusqu’au plafond, son meilleur ami, celui qui l’a fait sortir de prison uniquement semble-t-il pour lui sauver la peau. Poussé par un désir de liberté, Carlito reste cloué au sol par des valeurs auxquelles plus personne ne croit et qu’il est désormais le seul à défendre. Heureusement, il y a Gail (Penelope Ann Miller, radieuse), sa porte de sortie, son étincelle. Et même si elle est marquée comme lui par le fer de la ville, elle porte son avenir, son assurance qu’il ne finira pas criblé de balles, le nez collé au sol comme un pantin désarticulé. Mais voilà, il y a eu l’honneur, la loyauté et David Kleinfeld. Et alors que sa vie s’échappe peu à peu, Carlito regarde un panneau publicitaire de la gare de Grand Central et il imagine. Il imagine sa femme, son enfant, sa vie tranquille, rangée, sans surprises, sans honneur, sans loyauté, sans David Kleinfeld et surtout sans Benny Blanco (John Leguizamo)… “ Benny Blanco, from the Bronx ! ”¶ 153