“le métier d`artiste est un métier de toc”…
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“le métier d`artiste est un métier de toc”…
◗ Juliette | Photographie de Celine Hutin …“le métier d’artiste est un métier de toc”… /////pause deux 13 › › › juliette ≥ en concert à biarritz, mourenx et bordeaux Juliette avec esprit Lettrée, exubérante, épicurienne, la chanteuse Juliette nage à contre-courant de toutes les modes. Et pourtant, celle qui, il y a vingt ans, débutait seule au piano dans les salles de Toulouse fréquente désormais les Zénith et Olympia. Un succès hors norme. À l’orée d’un automne prolifique (livre, tournée et DVD), la surdouée toulousaine nous a donné rendez-vous à Paris…, où elle nous parle de sa Ville Rose. ///par Sébastien Porte Aborder la conversation avec Juliette, comme aborder l’examen de son œuvre, laisse dans le même embarras que face à un buffet trop copieux. Amour de la langue, maîtrise de la voix, richesse des arrangements, essor d’une carrière… par quel plat commencer ? L’épithète gastronomique est d’ailleurs récurrente dans la bouche de la bavarde. “Copieux” est le spectacle Mutatis Mutandis qu’elle tourne en ce moment, “copieux”, le DVD qui en est tiré… mais boulimique est aussi l’artiste, qu’il s’agisse de ses projets, de son appétit de la scène ou de son travail d’écriture. Commençons donc par le menu des actualités, où Juliette fait coup double en sortant ce mois d’octobre un livre et un DVD. Après neuf albums studio et “live”, la sortie d’un DVD de concert n’est pas fortuite. Elle rappelle à quel point la chanteuse est devenue une artiste de scène. Et que dans ce domaine elle rejoint désormais les plus grands. “Ma carrière s’est faite par la scène, reconnaît l’intéressée. Je pourrais me passer d’enregistrer des CD, mais pas de monter sur scène. Ce que j’aime, c’est le recommencement permanent.” Depuis le début des années 2000, elle s’est ainsi libérée de ce gros piano noir, qui était jusque-là son principal partenaire de scène, et se produit dans de somptueuses orchestrations. Spectacles soigneusement mis en scène sous des allures de chahut baroque, Le Festin fit chanter la divine la tête posée sur un plateau d’argent, et Mutatis la voit s’éclater à la guitare électrique. “ma carrière s’est faite par la scène. Je pourrais me passer des cd, mais pas de monter sur scène” Quant au livre, intitulé “Mensonges et autres confidences”, il inaugure une nouvelle collection chez Textuel, éditeur spécialisé dans les manuscrits d’artistes, en même temps qu’il confirme l’entrée de la chanteuse dans un certain cercle national de notoriété. “Leur souci était de ne pas fréquenter que des morts, ironise-t-elle. De mon côté, j’avais envie de faire un livre avec des partitions dedans. Finalement, c’est devenu plus un livre fantaisiste et biographique qu’une partition, avec des petites nouvelles dont le sujet principal est moimême.” Outre la genèse des chansons qui composent son dernier album, l’auteur y livre sa recette du ragoût de joue de lotte aux coquilles Saint-Jacques, ainsi que quelques anecdotes sur ses origines familiales et son adolescence toulousaine. On y découvre notamment son père, Jacques Noureddine, alias Nounours, disparu en 1988, qui fut saxophoniste dans les cabarets parisiens avant d’être engagé à l’orchestre du Capitole. Dans une chanson inédite (La boîte en fer-blanc), Juliette se souvient comment, enfant, ce père lui rapportait du Moulin Rouge les perles tombées des robes des danseuses. Plus tard, elle prendra la mesure de son talent et de sa réputation en croisant les musiciens qui l’avaient connu, Michel Portal, Maurice Vander, Bernard Lubat. Génération pour qui elle fut d’abord “la fille de Nounours”. Mais ce que Juliette a surtout appris de son père, c’est à garder la tête froide dans ce “métier de toc” qu’est le métier d’artiste. D’où la métaphore des perles de la boîte en fer-blanc. “Comme je suis la fille d’un musicien, mes rapports avec ce métier ne sont pas basés sur l’autocélébration. Dans mes chansons, je ne dis pas ‘voici mes états d’âme, voyez comme c’est intéressant et universel’. Par rapport à la marche de l’univers, ce n’est pas très important.” Lorsque sonne l’heure de se mettre à l’écriture, la gourmande s’attaque aussi à tous les plats. La composition : ding ding ! c’est elle. Les arrangements, les textes : ding ding ! c’est encore elle. Avec Mutatis Mutandis, jamais Juliette ne s’est autant impliquée dans le champ de la création. Et c’est avec cet album (mais aussi le précédent), que son travail paraît le plus intéressant et le plus abouti, et que le succès s’installe. “Quand j’écris une chanson, je fais tout en même temps, explique la musicienne. Les arrangements sont écrits, même très écrits, et j’ai de plus en plus de plaisir à faire ça. Je commence par une ligne de basse, puis je remplis avec les instruments, et c’est l’oreille qui s’amuse.” Alors qu’auparavant elle partageait la tâche avec Bernard Joyet ou Pierre Philippe, Juliette signe ici les textes de toutes ses chansons (hormis un étonnant poème de Baudelaire composé en latin pour une certaine Françoise). Bien sûr on retrouve toujours les thèmes de prédilection : femmes fatales et dominatrices, dotées de pouvoirs surnaturels (Irrésistible, L’Eternel féminin, la Géante, ici Le sort de Circé, une chanson d’abord destinée à Juliette Gréco), nostalgie du désir (Impatience, L’amour en pointillé, ici La braise), mythologies païennes et bibliques… Bien sûr la langue est toujours aussi soignée, ciselée, précise et précieuse, succulente et truculente, très dix-neuvième siècle, avec des scories langagières du vingt-et-unième, ce que Juliette résume par : “J’écris comme je parle. Je suis du genre à écrire merde ou putain en toutes lettres, mais avec un subjonctif devant.” Bien sûr l’inspiration est toujours émaillée de références littéraires : Les Bonnes de Genet (Maudite Clochette), L’écroulement de la Baliverne de Dino Buzzati (Il s’est passé quelque chose), La Vierge des Tueurs de Fernando Vallejo (Les garçons de mon quartier)… de /////pause deux 14 › › › juliette ≥ en concert à biarritz, mourenx et bordeaux même que dans Le Festin de Juliette, le repas funèbre décrit dans la chanson éponyme, sublime allégorie de la chère et de la mort mêlées, s’inspire à la fois de Huysmans, Pétrone et Mahler. Et pourtant, depuis que Juliette s’est laissé la bride sur le cou, et qu’elle est passée à sa “parole propre”, on constate chez elle une envie d’évoluer vers d’autres sujets. Son goût du morbide est par exemple relégué à l’arrière-plan, alors qu’il était omniprésent dans les précédents opus (Poisons, Lames, Tueuses, le p’tit non, Tous les morts sont ivres, le Dernier mot…). Idem pour cette tendance un peu romantique à ne toucher qu’aux choses anciennes, à situer chacune de ses chansons dans un jadis fantasmé, un monde obsolète peuplé de romanichels, de crieurs de journaux, d’écorcheurs de lapins, de monocles et cols durs. Juliette l’affirme haut et fort : elle appartient pleinement à son époque. Son objet fétiche est d’ailleurs un beau symbole de modernité : “bizarrement, je ne pourrais pas vivre sans ordinateur, je fais tout avec, je suis une grande e-maileuse devant l’éternel.” La dame tient même salon sur la toile, avec un blog dont le nom vient de sa citation fétiche : “Rien n’est poison, tout est poison, la dose est le poison.” Dans Mutatis Mutandis, elle s’adonne aux jeux vidéo (Fantaisie héroïque), aborde des problématiques sociales finalement assez actuelles (Maudite Clochette, Les garçons de mon quartier). Et outre Buzzati, son Il s’est passé quelque chose n’évoque-t-il pas la catastrophe d’AZF, sur le thème du “on va droit dans le mur”? Ce dramatique 21 septembre 2001, où l’usine chimique de Toulouse a explosé route d’Espagne, Juliette ne l’a pas vécu en direct. La chanteuse était alors en répétition en région parisienne, où elle passe désormais la moitié de son temps. “Je me partage entre Paris pour le métier et le Sud-Ouest pour l’écriture, mais quand je descends dans le sud, c’est pour aller à la campagne. Avec Paris, j’ai ma dose.” Mais même si elle n’habite plus à Toulouse, même si elle n’y est pas née, elle se considère toujours comme toulousaine, et toujours tournée vers l’Espagne. “J’ai une grande passion pour cette ville, avoue-t-elle, j’y suis comme un poisson dans l’eau. J’ai des réflexes de Toulousaine, des commentaires de Toulousaine… même si je n’ai pas toujours le temps de regarder le rugby.” Elle a chanté Gardel, Qué tal ?, La Barcelone et l’Homme à la moto avec l’accent argentin, et c’est encore par Toulouse qu’elle explique cet attrait pour la culture hispanique. “C’est à Toulouse que j’ai rencontré l’Espagne. Quand on voulait aller à la grande ville avec les potes, on allait à Barcelone, une ville fascinante, qui m’est assez familière. Et puis Toulouse est un peu une ville espagnole par son style de vie.” Cependant, pas question de trop idéaliser la Ville Rose, ou de brandir le quelconque étendard d’une identité locale. Un courant musical proprement toulousain ? “Je n’aime pas trop dire ça, ça fait clocher à la con.” Une vie artistique plus riche que chez le voisin ? “Évidemment que Toulouse bouge, c’est une ville étudiante, mais les autres villes bougent aussi.” Finalement, ce que déplore la chanteuse toulousaine, c’est un peu ce phénomène d’uniformisation qui touche aujourd’hui chacune de nos villes : “Il n’y a plus de Toulousains, on ne voit plus de mémés qui aiment la castagne”, constate-t-elle en citant Nougaro. Et rappelant que le chanteurpoète reste malgré tout, à ses yeux, la véritable âme de sa ville. /// À MONTAUBAN JULIETTE ◗ Juliette | Photographie de Lisa Roze Juliette > Alors! Chante… c’est mon festival préféré, j’aime sa programmation, son esprit familial. Je trouve qu’aujourd’hui Montauban a un peu remplacé Toulouse, même si quand j’y vais c’est surtout à la piscine pour faire des longueurs… www.alorschante.com À TOULOUSE J’ai beaucoup traîné avec le milieu flamenquiste de Toulouse, et avec des amis comédiens ; quand on n’était pas rive gauche, rue Réclusane, on allait au Mandala ou dans la rue de la Colombette, au restaurant Le Ver Luisant. > Le Ver Luisant restaurant et café, bonne cuisine conviviale : pieds de porc, aiguillettes de canard, salade de cœurs confits… le tout accompagné des incontournables pommes de terre sautées à la graisse d’oie. 41, rue de la Colombette T. 05 61 63 06 73 > Le Mandala Club jazz, bar et lieu des after-hours créé en 1987 par le guitariste Jean Cartini. 23, rue des Amidoniers T. 05 61 21 10 05 > Les Quais de la Daurade avec les Beaux-Arts et le Pont-Neuf, c’est la première image que je vois quand on me dit “Toulouse”. ///JULIETTE EN CONCERT > à Biarritz Gare du Midi le 28/10 > à Mourenx Salle Louis Blazy le 29/10 > à Bordeaux Théâtre Fémina le 3/11 > à Paris à l’Olympia les 5 et 6/11 Locations points de vente habituels Dernier album : Mutatis mutandis (Polydor/Universal) Livre : Juliette, mensonges et autres confidences Éditions Textuel Collection Musik Format : 21 x 21 cm | 120 pages | Prix 29,90 a DVD live, Polydor (sortie le 31 octobre) Site web : www.juliettenouredine.com Le Blog de Juliette: La dose est le poison! http://juliettenour.blogspot.com