marches emergents: un pont trop loin?
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marches emergents: un pont trop loin?
www.octant.ch ANALYSE TECHNIQUE PONCTUELLE Lausanne, le 3 mars 2005 No 11 Frédéric Naef, Philippe Oberson MARCHES EMERGENTS: UN PONT TROP LOIN? Etude des cas brésilien et mexicain BRÉSIL Techniquement, la bourse brésilienne est sérieusement mûre pour un retournement de forte amplitude. C’est déjà ce que nous estimions en novembre dernier, à la faveur de ce que nous pensions être alors la formation d’un double top. A l’époque, nous relevions également la grosse divergence RSI/Prix. Celle-ci s’est accrue aujourd’hui. Le temps jouant en sa défaveur, le risque auge chaque jour un peu plus de voir se matérialiser cette correction. Il n’y a pas que cela. L’évolution des volumes depuis le début de l’année, n’est pas celle d’un marché enthousiaste : ils sont globalement en baisse, et les plus gros volumes ne sont pas le fait des journées de hausse. L’ensemble des indicateurs reste pourtant bien orienté, mais certains sont franchement tendus, dans une configuration qui ne laisse plus beaucoup de marge en cas de pépin. C’est le cas des stochastiques, dont on voit sur le graphique ci-dessus, que les retournements, une fois entamés, ne sont que rarement invalidés. Or, cet indicateur a fait un pic en janvier 2005. 1 On sait que les périodes d’extension haussière peuvent se prolonger pendant un certain temps au-delà d’un point d’équilibre raisonnable. Nous pensons que cet état de grâce touche à sa fin. Comme sur presque tous les marchés, ce n’est pas le niveau de volatilité, relativement modeste, qui est inquiétant. Inutile de chercher un indice de ce côté-là. Par contre, il importe de suivre de près l’évolution des taux. Comme le montre le graphique cidessous, l’écart de rendement entre les marchés émergents et les marchés développés est au plus bas depuis la dernière crise politico financière de 1998. De deux choses l’une : soit cela indique qu’un évènement désagréable majeur est sur le point de survenir (nous le disions déjà en novembre dernier), soit la perception du risque a changé chez les investisseurs, ce que nous avons de la peine à croire. On peut tout au plus admettre une avidité croissante pour des rendements supérieurs (mais de peu), qui finira par faire perdre toute mesure et engendrera plus tard plus d’amertume que de bénéfice. A moins que le risque ne soit renversé, et qu’il soit plus hasardeux aujourd’hui d’acheter de la dette de vieux pays sclérosés d’Europe, ou de nations surendettées comme l’Amérique, que de pays dont l’économie est soutenue par une solide demande en matières premières. 2 Du côté de la monnaie brésilienne, on peut dire que les choses ne se passent pas trop mal, même s’il faut faire attention à la petite faiblesse actuelle. De plus, en cas de problème quelconque sur un autre marché émergent, la théorie des vases communiquant fonctionnera pleinement et l’Amérique du Sud sera touchée de plein fouet. Par effet de domino, les marchés industrialisés seront ensuite contaminés. Au fait, de quand date la dernière crise de ce genre ? Sur le marché des actions, la situation se présente plutôt bien techniquement, comme le suggère le graphique ci-dessous. Les indicateurs ont donné un signal d’achat le 4 février. Venant peu après une petite correction, ce signe pourrait annoncer des temps plus difficiles (succession de signaux rapprochés). En attendant, les indicateurs avancés sont retournés à leur sommet, ce qui est positif. Toutefois, cette position est moins confortable aujourd’hui car l’indice a progressé de 21% depuis le creux de janvier, et de 58% depuis le creux de mai 2004. Le tableau ci-dessous montre à quel point le marché brésilien est dépendant des prix des matières premières. L’énorme demande chinoise, dont on semble avoir fait un leitmotiv d’investissement, est probablement le facteur déterminant de la hausse de l’indice durant la période considérée. N’oublions pas que si celle-ci diminue, l’attrait du marché brésilien semblera d’un seul coup quelque peu terni. Alors, comme c’est en général le cas sur les marchés émergents, tout le monde voudra sortir en même temps. 3 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 Brazil Bovespa Stock Index Components, period from May 2004 to March 2005 Name Performance Secteur Est PER Pondération % % Caemi Mineracao e Metalurgica SA 141% Diversified Minerals 16.06 2.14 Usinas Siderurgicas de Minas Gerais SA 136% Steel Producer 4.90 5.67 Braskem SA 127% Petrochemicals 5.37 1.68 Banco Bradesco SA 119% Bank 11.10 3.53 Cia Siderurgica de Tubarao 104% Steel Producer 6.37 1.46 Cia Vale do Rio Doce 103% Diversified Minerals 19.06 1.48 Cia Brasileira de Petroleo Ipiranga 100% Oil&Gas 5.28 0.42 Banco Itau Holding Financeira SA 96% Bank 11.44 2.93 Cia de Gas de Sao Paulo 96% Utility 14.56 0.48 Acesita SA 91% Steel Producer n.a 1.68 Cia Siderurgica Nacional SA 90% Steel Producer 7.07 4.59 Bradespar SA 88% Industrial Holding 0.71 Investimentos Itau SA 82% Industrial Holding 8.75 1.21 Cia de Transmissao de Energia Eletrica P 69% Utility n.a 0.51 Cia Energetica de Minas Gerais 62% Utility 6.68 0.17 Banco do Brasil SA 61% Bank 7.24 0.74 Gerdau SA 60% Steel Producer 4.31 3.31 Pondération totale 32.704 Fondamentalement, pourtant, ces sociétés ne semblent pas particulièrement chères, tout au moins à l’aune de leur PER estimé. Il faut cependant prendre ces chiffres avec une certaine prudence, compte tenu du relatif manque d’analystes qui les fournissent. Les variations peuvent être grandes. 4 MÉXIQUE Techniquement, la situation de la bourse mexicaine est tout aussi extrême que celle du Brésil. La divergence RSI/prix existe aussi, mais elle est moins marquée. Par contre, l’évolution des volumes depuis le début de l’année montre que l’intérêt se tarit alors que l’indice atteint des plus hauts chaque semaine. La bourse est ainsi montée de 132% depuis mars 2003, dans une accélération qui est le propre des bulles spéculatives. La contrepartie en serait une descente en deux ou trois temps, qui ramènerait l’indice vers les 8'000. Quoi qu’il en soit, le mouvement actuel peut se poursuivre encore, dans une forme classique de fin d’extension haussière. Les indicateurs sont ainsi revenus à leur plus haut niveau après la petite alerte du mois de janvier. Nous estimons qu’il ne faut pas prendre celle-ci à la légère car la dynamique de certains devient sujette à caution. 5 Enfin, la monnaie mexicaine, d’un point de vue technique, est dans une configuration positive. Les indicateurs sont bien parvenus à leur sommet, mais ce n’est pas forcément une indication de situation extrême, et la monnaie peut bien continuer à s’apprécier à partir de ce niveau. N’oublions d’ailleurs pas qu’il s’agit d’une amplitude assez modeste, mais qui traduit peut-être l’ancrage du Mexique à son voisin du Nord. Pour terminer, il nous faut examiner la situation des matières premières en général, que nous analyserons sous l’angle de l’indice du Reuters Commodity Research Bureau. Les indicateurs techniques viennent de donner un signal positif pour les matières premières. Or celles-ci viennent de s’apprécier de 45%. Toutefois, on constate que les récents mouvements montrent que l’indice, après avoir cassé sa résistance de dix ans, a fait un classique pull-back sur celle-ci, pour repartir à la hausse. Ainsi, le prix des matières premières n’est que de 14% plus élevé qu’il y a dix ans. 6 Qu’est ce qui pourrait alors freiner la poursuite de leur ascension ? Nous pensons qu’une partie de l’engouement relativement pour ces actifs vient la popularité extrême de la Chine, et sa fabuleuse croissance, comme thème d’investissement. Cela ne va pas sans risque, et l’annonce d’un ralentissement, ou même d’un simple ajustement, de la croissance de l’économie chinoise, et pourquoi pas de l’Inde, ramènera assez rapidement les pendules à l’heure, dans la mesure où les spéculateurs seront enclins à sortir en vitesse de ces marchés. Les commentaires officiels, mais aussi la perception du marché des données statistiques, sont donc à surveiller de près. Conclusion : En regardant les courbes vertigineuses des marchés brésiliens et mexicains, on pense immédiatement au Japon des années 80 ou au Nasdaq de la fin des années 90. Afin de justifier les niveaux actuels, et le potentiel de hausse supplémentaire, on est en train de vouloir réinventer les règles du jeu, de trouver des nouveaux paradigmes, de justifier l’injustifiable, de croire autant aux mirages qu’à l’Eldorado. Bref, qui veut des millions ? D’un autre côté, il faut bien avouer que l’idée d’un réajustement durable des prix des matières premières par l’offre et la demande reflétera mieux la réalité économique mondiale actuelle. De plus, le transfert partiel des richesses vers des pays en développement rééquilibrera peut-être un peu le dialogue Nord-Sud dont la planète a bien besoin. Nous nous méfions aussi des ancrages mentaux qui voudraient que les pays émergents soient destinés à être la victime régulière des spéculateurs autant que de leur propre incurie à gérer leurs affaires. Naturellement, le cas de l’Argentine est désolant, surtout lorsque son Président Kirchner se vante d’avoir « mené les meilleures négociations du monde » dans le cadre de l’annulation unilatérale de leur dette privée, mais on peut peut-être distinguer les producteurs de blé et bovins des producteurs de pétrole et minerais. Tout ceci nous amène à penser que les marchés des actions du Brésil et du Mexique sont mûrs pour une correction à plus ou moins brève échéance. Nous serions extrêmement circonspect quant à un nouvel engagement sur ces bourses. Toutefois, ceux qui y sont déjà investis peuvent, de gré à gré, prendre une partie de leurs bénéfices, la tendance haussière actuelle pouvant durer encore un peu. A plus long terme, sous réserve d’une bonne tenue des prix des matières premières, et principalement du pétrole et des minerais destinés à l’industrie lourde, ces deux pays représentent probablement un bon investissement. Le prix d’entrée restera cependant déterminant. Cela vaut en partie aussi pour la dette en monnaie locale, notamment mexicaine, plus accessible que la brésilienne. 7