La réussite annoncée d`une cité européenne
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La réussite annoncée d`une cité européenne
lille La réussite annoncée d’une cité européenne Supplément du VENDREDI 21 au jeudi 27 DÉCEMBRE 2012 – No 30 www.latribune.fr France métropolitaine - 3 € Pierre Moscovici « Le french bashing est une mode, un sport… » PAGE 30 Pour le ministre de l’Économie et des Finances, il est absurde d’ignorer nos atouts. spécial anti-crise Cette fin d’année n’est pas folichonne. 2013 ne s’annonce pas plus radieuse. Et pourtant, quantité d’entreprises, notamment les petites, surfent sur la crise : elles innovent, exportent, recrutent… Démonstration en dix exemples sélectionnés par La Tribune. Pages 4 à 7 enquête Financement territoires Jouets chinois : ces pme qui Le fisc à l’attaque après le toc, poussent sous l’aile pour défendre place au top PAGES 14-15 d’un grand le cinéma PAGE 17 PAGES 18-19 © Jean-Claude Coutausse / Divergence L 15174 - 30 - F: 3,00 € « La Tribune s’engage avec ecofolio pour le recyclage des papiers. Avec votre geste de tri, votre journal a plusieurs vies. » cette france qui marche Coulisses 3 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE © BERTRAND LANGLOIS / AFP Harlem Désir verrait bien un petit remaniement ministériel début 2013. Si François Hollande décidait de nommer Christiane Taubira au Conseil constitutionnel (dont trois membres sont à remplacer fin mars), le prétexte serait tout trouvé pour réduire un peu le gouvernement, en donnant une promotion à certains ministres. Le Premier ministre ne veut pas que des Nantais défilent à Paris. Bonne année ! © BERTRAND GUAY / AFP La rédaction de La Tribune vous souhaite de joyeuses fêtes et vous donne rendez-vous le 11 janvier. La crainte de Jean-Marc Ayrault Le 14 juillet 2014, les armées de pays alliées en 1914 défileront à Paris pour le centenaire de la Première Guerre mondiale. Pour la clôture des festivités, il a été proposé au gouvernement une immense parade de la troupe Royale de Luxe, dans le même esprit que le défilé organisé par Jean-Paul Goude en 1989, mais avec les incroyables et superbes machines de la célèbre compagnie de théâtre de rue. JeanMarc Ayrault a dit non. La troupe est nantaise, il ne veut pas qu’on l’accuse de favoritisme. Une réaction compréhensible au vu de sa cote de popularité. Dommage. Le projet était superbe. La chaîne de la FNSEA Sommaire Xavier Beulin, le président de la FNSEA, veut, lui aussi, sa chaîne de télévision. Il fait actuellement un tour de piste auprès des principaux syndicats et entreprises du secteur pour réunir les fonds. Terre-net, la Web TV agricole, devrait donc s’arrêter à la fin de l’année prochaine pour laisser la place à cette nouvelle chaîne qui pourrait éventuellement rejoindre le câble et le satellite. 2012, annus horribilis pour les libraires et les éditeurs S i le Père Noël existe, il va devoir se montrer rapidement. En tout cas, les éditeurs et les libraires français l’attendent avec une impatience non dissimulée. Car ces professions, qui ont connu une mauvaise année 2012 – voire très mauvaise pour les libraires, notamment les grandes enseignes –, regardent avec consternation les chiffres de vente (non encore rendus Grandes surfaces culturelles et librairies traditionnelles p u b l i c s ) d e d é b u t sont touchées par la baisse de leurs ventes. [MIGUEL MEDINA / AFP] décembre. Malgré l’approche des ont été mises en vente tandis qu’une autre plus fêtes, le recul a été terrible importante et assez sur la première semaine ancienne serait au bord de décembre comparée à la même semaine de 2011. du dépôt de bilan. Selon l’institut GFK (qui Et chacun espère un rescomptabilise toutes les saisissement dans la dersorties caisse, donc ce qui nière ligne droite avant les a été réellement vendu), tous les éditeurs fêtes de Noël. Les quelques best-sellers actuels chutent, de Hachette, qui perd 5 %, à Michel sont un peu inattendus : La Vérité sur l’affaire Lafont et Solar, qui plongent de 26 et 24 %. Plus Harry Quebert (éditions de Fallois), de Joël grave, au vu des chiffres de la dernière semaine Dicker, et surtout le Tout seul (Flammarion), de de novembre, aucun secteur de l’édition n’est Raymond Domenech, dont plus de 50 000 épargné : la bande dessinée baisse de 8 %, les exemplaires ont déjà été vendus, laissant augubeaux-arts et la littérature générale de 9 %, la rer largement plus de 100 000 ventes d’ici à la jeunesse de 11 %, les loisirs de 14 %, le scolaire fin de l’année… Pour un livre sur lequel la plude 11 % ou le tourisme de 13 %. Et tous les lieux part des éditeurs n’auraient pas parié un kopeck, de vente sont touchés, des librairies tradition- c’est pas mal ! Seul Cinquante nuances de Grey nelles (– 9 %) aux grandes surfaces (– 12 %) en (Vintage Books), de E.L. James, a bénéficié de passant par un – 10 % pour les grandes surfaces son énorme campagne marketing. Avec l’aide culturelles, Fnac, Virgin, etc. L’explication ? Il du Seigneur, L’Enfance de Jésus (Flammarion), n’y en a pas, pour l’instant. Les éditeurs sont de Benoît XVI, pourrait peut-être dépasser déboussolés, certaines petites maisons d’édition RaymondDomenech la veille de Noël ! q coulisses 32012, annus horribilis pour les libraires et les éditeurs. L’événement 4Cette France qui gagne… quand même ! le buzz L’œil de Philippe Mabille 10 Triskaïdékaphobie : même pas peur ! 11Réforme bancaire : circulez, il n’y a (presque) rien à voir. > Comment Gérard Depardieu a pu payer 85 % d’impôt en 2012. 12Le charbon, c’est l’avenir ! > Les trois défis du nouveau patron de Dassault Aviation. 13Effet Free Mobile : le scénario noir imaginé par SFR. Chacun espère un ressaisissement dans la dernière ligne droite avant les fêtes. L’enquête 14Jouets chinois : après le toc, le top. entreprises & innovation 16La Bretagne surfe sur les bateaux « verts ». entreprises & financement 17Elles poussent sous l’aile d’un grand. territoires / france 18Le fisc s’en va-t-en guerre pour le cinéma français. 20Pourquoi Lyon livre sans états d’âme sa bibliothèque à Google. territoires / international 22De la hauteur au pays des polders. 23 Harrison, la ville qui voulait devenir dortoir. > O n en parle à Bruxelles Le carnet de Florence Autret Idée cadeau : des œuvres d’art pour égayer l’Europe. Le hacker de Patrick Mennucci « Bonjour, comment vas-tu ? As-tu du temps à consacrer à une situation particulière me concernant discrètement et par e-mail ? J’ai besoin de ton aide sérieusement. Je suis en déplacement depuis hier pour des raisons personnelles et là, je suis face a des difficultés tels que je ne saurais que faire sans ton aide. S’il te plait, c’est vraiment délicat contacte moi par e-mail en toute discrétion. Dans l’attente urgente de te lire. Patrick Mennucci. » Le député (PS) des Bouchesdu-Rhône s’est fait hacker (un hacker pas très fort en français) et certains de ses contacts ont reçu ce mail. Pour l’instant, c’est une première en politique… Le raté du maire de Paris Bertrand Delanoë n’est pas content du tout : Paris Métropole, structure qu’il a créée en 2009, a explosé en plein vol à peine ses travaux de synthèse finis, au premier vote soumis à ses quinze membres. Jean-Marc Ayrault et Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, voulaient que le maire de Paris se mette d’accord avec la région Île-deFrance sur le contenu et le périmètre de la future métropole. Mais Bertrand Delanoë a préféré monter le dossier avec Paris Métropole que préside Patrick Braouezec depuis un an. L’ancien député de Seine-Saint-Denis lui avait garanti qu’il aurait l’accord des 203 collectivités membres de Paris Métropole. Raté. vos finances 24Pour investir en toute simplicité, traquez les trackers. 25 Petits maîtres… mais bons filons. > Le classement Sicav obligations euro long terme : la sécurité récompensée. > L e chiffre 2,95 % Ma tante s’intéresse à la santé des plus précaires. les analyses 26Rigueur : la défense toujours en première ligne. 27 Les marchés financiers, la drogue Monti et la peur du manque. > Europe : c’est encore loin, l’Union bancaire ? les idées / les chroniques 28Soutenir les collectivités pour relancer l’emploi. 29L’inflation ne serait plus l’ennemi public no 1. > L égiférer sur la rémunération des dirigeants ? l’interview 30Pierre Moscovici, ministre de l’Économie : « Le frensh bashing est une mode, un sport… » 4 l’événement « 827 000 La France bénéficie d’une économie riche, très diversifiée et résiliente. » naissances en 2011. La France se classe parmi les pays de l’OCDE qui ont le taux de natalité le plus élevé, un élément de dynamisme pour l’économie d’un pays. Le taux de fécondité dépasse, pour la quatrième année consécutive, le seuil de deux enfants par femme. © Don Emmert / AFP Standard & Poors, début 2012 LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 57,7 dollars c’est la productivité horaire (PIB rapporté au nombre d’heures travaillées) des Français en 2011, selon l’OCDE. Mieux que celle des Allemands (55,3 dollars), et bien plus que la moyenne des pays de l’OCDE (44 dollars). Elle reste toutefois en deçà de celle des Américains, à 60,3 dollars. cette france qui ga Un rayon de soleil dans le photovoltaïque L e marché solaire français est au plus bas ? Pas de quoi doucher les ambitions de Ludovic Deblois, qui compte faire passer le chiffre d’affaires de Sunpartner, qu’il a cofondé en 2009, de 1 à 100 millions d’euros en trois ans. Il n’est pas le seul à y croire : Sunpartner a levé 7 millions d’euros depuis sa création et doit boucler un nouveau tour de table de 2 millions d’ici janvier. La jeune entreprise compte parmi ses 30 salariés des cadres seniors expérimentés, pour certains venus de Gemalto ou de Schneider Electric. « Notre modèle n’est pas la fabrication industrielle, précise Ludovic Deblois, mais l’innovation et la cession de licences. » L’entreprise a déposé pas moins de 30 brevets en trois ans. Le million d’euros engrangé en 2012 provient de l’adaptation de solutions Sunpartners aux besoins de ses partenaires. « Sur les applications, la robustesse et la qualité de service comptent autant que le prix », explique Ludovic Deblois. Sunpartner se positionne sur deux marchés mariant le solaire et l’optique : le film photovoltaïque transparent pour améliorer l’autonomie d’appareils électroniques et le solaire à basse concentration pour de petites centrales, beaucoup moins chères que les centrales classiques et faciles à fabriquer dans des pays émergents. Dès 2013, une usine pilote de films photovoltaïques produira de quoi équiper les écrans de 8 millions de téléphones portables. Un grand fabricant présentera son premier modèle au salon WTC de Barcelone en février. Les applications sont multiples : affichage urbain, tablettes (un projet de recherche est en cours avec Archos et Gemalto) panneaux de signalisa- Ludovic Deblois, cofondateur de Sunpartner, montrant un composant photovoltaïque pour téléphone portable. [dr] >> gie 30 salariés Sunpartner éner tion, montres, liseuses électroniques… Un partenariat avec l’Inria porte sur l’équipement de serres. Les centrales solaires basse concentration intéressent également les industriels, tels que Schneider Electric et Veolia, partenaires d’un pilote installé à Marrakech. « On vient nous trouver pour notre capacité d’innovation », constate Ludovic Deblois. q Dominique Pialot une nouvelle vie grâce à la Bourse très actif en interne mais aussi vis-à-vis de l’extérieur, puisqu’elle apporte notoriété et image de sérieux. En levant 3,1 millions d’euros, Patrick Schein a pu étendre son réseau de boutiques et se développer dans le négoce et la collecte. Et comme l’achat d’or n’a jamais été aussi soutenu depuis quelques mois, à la faveur de la hausse fulgurante de de CA ns llio mi 111 ses cours, on comprend or d’ llecte et négoce mieux pourquoi il a tenu à Gold by Gold co forcer le destin. L’appétit des investisseurs, même en période de basses eaux, dépend donc toujours du secteur de n le voit depuis le début de la by Gold, qui s’est introduit sur le mar- l’entreprise et de la qualité de son crise financière : les petites et ché Alternext en avril dernier. La société équipe managériale. toutes petites entreprises ont est spécialisée dans l’achat et le recyAinsi, en 2012, l’essentiel des introducdu mal à convaincre leur banquier de les clage d’or et d’argent, les produits affinés tions en Bourse a concerné des « bioaccompagner dans leurs projets d’inves- étant notamment revendus à l’industrie techs ». Ces entreprises sont, certes, sur tissement. Et la Bourse, qui pourrait bijoutière. Avec un chiffre d’affaires 2011 un secteur dit « défensif », car touchant à prendre le relais, ne joue pas véritable- de 111 millions d’euros et un résultat net la santé, mais elles ne délivrent aucun proment son rôle, les analystes et investis- de 1 million, le groupe pèse aujourd’hui fit à court terme, leur activité se concenseurs boudant le créneau des PME- 14 millions en Bourse. Pas facile, certes, trant sur la recherche de molécules… proETI, pas très rentable pour eux. pour une petite entreprise de faire l’ob- metteuses. Intéressant à rappeler à l’heure Certains entrepreneurs n’en hésitent jet d’échanges nourris, surtout en cette où les investisseurs veulent, soit-disant, pas moins à tenter leur chance. C’est le période compliquée pour les actions. Il ne prendre aucun risque avec les cas de Patrick Schein, patron de Gold n’empêche, la cotation reste un moteur actions.q Pascale Besses-Boumard Le négoce et le recyclage d’or et d’argent, un bon filon exploité par Gold by gold, la biennommée ! [FILES / KEYSTONE / KEYSTONE/AFP] >> O Le constat Montée du chômage, hausse des défaillances d’entreprises, conjoncture économique européenne dégradée : les difficultés que rencontrent nombre d’entreprises sont réelles et profondes. De quoi plomber le moral… C Fabien Piliu es exemples, nous les avons choisis dans des secteurs traditionnels, voire réputés en déclin. Il fallait oser… Alors que la plupart des indicateurs macroéconomiques sont dans le rouge, que la récession menace, La Tribune vous propose de partir à la découverte d’une autre France, celle qui gagne, qui embauche encore, qui innove et qui exporte. Un seul parti pris : considérant que les entreprises composant le CAC 40 n’ont pas réellement besoin de nous pour vanter leurs succès en France et aux quatre coins du globe, seules des PME ou ETI sont mis en avant ici. Évidemment, il ne s’agit en aucun cas d’ignorer les difficultés et les inquiétudes actuelles des 2,8 millions de PME françaises et de leurs 7 millions de salariés. Le niveau toujours élevé des défaillances d’entreprises est un bien douloureux rappel à la réalité. Tout comme la montée continue du nombre de demandeurs d’emplois. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), auquel on ne peut reprocher aucun « déclinisme », n’anticipet-il pas un taux de chômage inédit de 11 % de la population active à la fin de 2013 ? De fait, les difficultés qui pèsent sur les PME sont nombreuses. La dégradation de la conjoncture européenne, le niveau jugé trop élevé du coût du travail, le poids de la fiscalité, de la paperasserie, le resserrement de l’accès au crédit : autant de freins au développement régulièrement cités par les dirigeants d’entreprises dans les enquêtes de conjoncture. Toutefois, réduire l’économie française à ces terribles maux ne serait pas honnête, l’événement VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE initiative Les entreprises COMMERCE EXTÉRIEUR Solde net : + 6,8 milliards d’euros. textile, habillement Solde net 2011 : - 12,1 milliards d’euros. © LIONEL BONAVENTURE / AFP agroalimentaire © LIONEL BONAVENTURE / AFP françaises qui produisent localement ont leur salon « Made in France ». La première édition, inaugurée par Arnaud Montebourg, s’est tenue en novembre et a rencontré le succès. Selon les organisateurs, « acheter français n’est pas toujours plus coûteux si l’on considère le vrai prix à payer et pas seulement celui qui est affiché sur l’étiquette ». « 5 La base France est compétitive, l’industrie française a un grand avenir. » arnaud montebourg, ministre du redressement productif gne… quand même ! Les faits … mais il y a aussi beaucoup de nos PME qui se battent, embauchent, et tiennent la dragée haute à leurs concurrents indiens, chinois ou allemands. La Tribune a voulu leur donner un coup de chapeau, à travers quelques exemples. n’en déplaise aux Cassandre qui prédisent le déclin imminent de notre économie et de notre industrie. Un talent de champion… un peu rouillé mais capable de se relancer « On pourrait comparer l’économie française à un athlète de haut niveau qui a arrêté de s’entraîner depuis longtemps. La reprise est délicate car les mécaniques sont rouillées. Pourtant, il y a tellement de talent en France que tous les obstacles à la croissance peuvent être dépassés si l’envie est là », martèle Stéphane Nitenberg, le directeur général d’Aston, un fabriquant de décodeurs numériques qui a décidé en 2010 de localiser une partie de sa production en France ! « On nous a pris pour des fous », se rappelle-t-il. Trois ans plus tard, il estime que ce choix s’est traduit par une augmentation de 15 % du chiffre d’affaires de son entreprise. L’exemple d’Aston n’est pas exceptionnel. Sans chercher bien loin, La Tribune a facilement déniché des entreprises qui recrutent, souvent à tour de bras, des entreprises de quelques dizaines de salariés qui lèvent des fonds conséquents en Bourse ou qui affichent des performances haut de gamme depuis qu’elles se sont implantées dans des banlieues réputées difficiles. Dans l’industrie, on peut encore raconter de belles histoires. C’est le cas dans les greens techs, dans le textile ou dans la construction navale, trois secteurs que l’on dit pourtant réservés aux entreprises asiatiques. Malgré leur petite taille, leurs ressources financières limitées, il y en a même qui partent à la conquête du marché allemand, notre principal concurrent à l’export, ou qui partent défier le géant chinois. Alors… Joyeuses Fêtes ! La Chine ? Même pas peur ! avons été choisis pour rénover les pourtours de la place », se réjouit Barnabé Wayser. Quid du centre de la place hautement symbolique pour le gouvernement central et l’opposition ? L’entreprise est en passe de décrocher le contrat, après avoir déjà « nettoyé » le Parc olympique de Pékin, le terminal du Port de Tianjin, le grand théâtre d’Erdos… Évidemment, cette expérience ne fut pas toujours une partie de plaisir. La PME a dû, par exemple, s’approprier les « codes » du commerce. « Tout se négocie pendant les repas. Ce n’est iés bâtiment 40 salar e ri pas comme en France où se mettre st du In d ar Gu à table permet d’abord de prendre i, si, c’est possible. depuis trop longtemps. Il faut aller cher- du bon temps. Ensuite, il a fallu que nous On peut diriger une PME de cher la croissance là où elle est », explique fassions des efforts de souplesse. Tant que 40 salariés et partir à la conquête Barnabé Wayser, son directeur général. la marchandise n’est pas livrée, les termes de la Chine. Après une première expéÉpaulée par un volontaire internatio- d’un contrat peuvent être constamment rience mitigée avec un distributeur local nal en entreprise (VIE), Guard Indus- modifiés », explique le dirigeant. en 2006, Guard industrie, une PME spé- trie remporte un premier appel d’offres Aujourd’hui, la filiale chinoise emploie cialisée dans la protection de surface et lancé pour la rénovation du musée une quinzaine de personnes. Son activité de bâtiment et l’imperméabilisation, a national chinois de Pékin, situé place représente 20 % des ventes à l’export et créé Guard Bao Te Jia Limited en Tian’anmen. Une place qui devient le 10 % du chiffre d’affaires global de Guard 2008, une joint-venture avec une entre- pré carré de la PME de Montreuil (93). Industrie, évalué à 9 millions d’euros en prise chinoise. « L’Europe est en panne « Grâce à cette première référence, nous 2012.q Fabien Piliu La PME Guard Industrie a su imposer son savoir-faire et ses produits jusqu’au cœur de Pékin, place Tian’anmen. S [DR] >> À l’assaut de la forteresse allemande L par-ci, l’Allemagne par-là. Pas un jour ne ’ Allemagne passe sans que la presse, les économistes et le gouver- « En mettant un pied en Allemagne, nous avons changé de dimension », déclare Nicolas d’Hueppe, DG de Cellfish Media. [DR] nement ne vantent les mérites du modèle économique allemand. Et pourtant… Contrairement à une idée reçue selon laquelle nos chers voisins rechigneraient à se fournir autrement qu’avec du made in Germany, les entreprises françaises ont de belles opportunités de développement outre-Rhin. C’est le cas de Cellfish Media, une PME francilienne spécialisée dans l’édition et la distribution de contenus et services Web et mobiles qui voit son chiffre d’affaires progresser à vitesse grand V en terre allemande. Aujourd’hui, sur les 100 millions de dollars de chiffre d’affaires affichés par cette PME de 160 personnes, 10 % sont d’ores et déjà réalisés en Allemagne. Elle détiendrait actuellement de 15 % à s 160 salariés 20 % de parts de marchés es web et mobile ic rv se et us en en Allemagne, dans la proCellfish cont duction de contenus pour les opérateurs mobiles ment le mérite de raccourcir les distances et de permettre à Pourquoi avoir tenté cette aventure ? « Dans notre secteur, l’entreprise d’atténuer un sentiment patriotique qui ne peut l’Allemagne est une évidence. Si l’on prend en compte l’Autriche pas être ignoré lorsqu’un investisseur étranger reprend une et la Suisse alémanique, c’est un marché de 100 millions de entreprise locale. personnes qui est à nos portes. En mettant un pied en Alle« En agissant ainsi, nous avons gagné beaucoup de temps. En magne, nous avons changé de dimension. La taille critique de Allemagne, il est bien plus facile de faire du business lorsque notre nouveau marché nous a permis d’amortir nos coûts l’on est… allemand. C’est d’autant plus vrai que nos interlocufixes », explique Nicolas d’Hueppe, le directeur général de teurs ne parlent pas tous anglais », constate Nicolas d’Hueppe. Cellfish Media. Ces ambitions de développement se sont Encore une idée reçue… q Fabien Piliu concrétisées en 2006 avec le rachat de Legion, une PME de 40 personnes basées à Düsseldorf. Une méthode qui a notam- >> 6 l’événement LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 cette france qui gagne… quand même ! Sergent Major est l’une des marques soutenues par Siparex, premier acteur indépendant du private equity français. [dr] Délocaliser c’était bien, relocaliser c’est mieux ! >> L e monde est un village, paraît-il ! On pourrait donc s’y promener à sa guise. Pas si facile, évidemment. Pourtant, en quelques années, une partie de l’outil de production de Billion Mayor Industrie, une PME de la région lyonnaise spécialisée dans le textile, la transformation de fils continus précisément, a fait un aller-retour entre la France et l’Asie. « En 2003, nous avons délocalisé une partie de notre production en Malaisie pour suivre nos clients et nos fournisseurs. Si nous n’avions pas fait ce choix, qui nous permettait de réduire nettement nos coûts de production, l’entreprise pouvait se mettre en difficulté », explique Jean-Paul Sibellas, le président de cette PME de 85 personnes créée en 1893 au cœur du quartier de la soierie à Lyon, inventrice en 1947 du fameux nylon mousse dit « cheveux d’ange » qui a révolutionné le secteur. Cette délocalisation, tient à préciser le dirigeant, n’a entraîné aucune destruction d’emplois en France. En outre, celle-ci n’a pas pesé sur notre balance commerciale, l’intégralité de la production de Billion Mayor Asia étant destinée aux marchés asiatiques et sud-américains. Neuf ans plus tard, bien plus que l’augmentation constante des coûts de transport, la multiplication par six du coût de la maind’œuvre locale, le bond de 50 % de la monnaie locale – le Ringgit – par rapport au dollar et à l’euro remettent radicalement ce choix en cause. Et puis, il est toujours délicat de gérer des problèmes à 10 000 kilomètres de distance. « Les chaînes de production reprennent le chemin de la France, permettant ainsi la création de 25 emplois nouveaux sur nos quatre sites industriels », précise Nicolas Peyraverney, le PDG du groupe Sofila auquel appartient Billion. « Il faut bien admettre que le savoir-faire français reste rsonnes dustrie soie 85 pe incomparable », admet Jean-Paul Sibellas qui, en In r yo Ma n io ll Bi dépit du coût de cette relocalisation, de la dégradation de la conjoncture dans un secteur ultra-concurrentiel, table sur un chiffre d’affaires stable en 2013, avoisinant les 15 millions d’euros, dont 70 % à l’export. q Fabien Piliu Chez Billion Mayor Industrie, on relocalise la production, car « le savoir-faire français reste incomparable » dans le textile et la soie, déclare le président de la PME. [DR] Q Si, si on peut encore lever de l’argent L e capital-investissement français voit ses ressources s’assécher. Au premier semestre, il a levé moins de deux milliards d’euros. Il lui aurait fallu en récolter cinq au second semestre pour que le millésime 2012 égale celui de 2011. Mission impossible, les banques et les assureurs, ses traditionnels pourvoyeurs de fonds, se montrant moins prodigues en raison de nouvelles contraintes réglementaires. Siparex détonne, dans ce contexte. En juin, la société de capital-investissement lyonnaise, présente au capital de PME comme Sergent Major ou Le Noble Age, annonçait le closing final d’un fonds de 130 millions d’euros, destiné à financer le développement ou le Leader mondial des bateux de plaisance, Beneteau a su diversifier sa gamme et rachat de PME. Rebelote en septembre : un nouveau l’élargir jusqu’aux… mobile homes. [beneteau] fonds, dédié cette fois au financement d’entreprises de taille intermédiaire (ETI), boucle un premier closing de 90 millions d’euros. « Aujourd’hui, nous en sommes à 115 millions d’euros pour ce fonds, avec un objectif de 150 millions d’ici à l’été 2013 », indique Bertrand Rambaud, président de Siparex. Et de préciser : « L’activité capital développementtransmission de Siparex, au travers des véhicules Siparex MidCap II et Siparex MidMarket III, aura levé près de 250 millions d’euros sur 2011 et 2012 ». Siparex figure ainsi parmi la dizaine de sociétés de capital-investissement qui aura levé des fonds en 2012, sur les 270 que compte l’Association française des investisseurs pour la croissance (Afic). La recette de Siparex ? « Nous avons beaucoup de mutuelles et de “family offices” [gérants de grandes fores tunes, ndlr] parmi nos investisseurs. Notre positionnence 5 800 personn Beneteau plaisa ment, axé sur l’investissement dans les PME et les ETI régionales, leur plaît », explique Bertrand Rambaud. Tout comme leur conviennent sans doute les perforà la « surréaction » – l’achat d’un bateau mobile homes, dont les ventes sont plus mances de Siparex. Certes, en 2012, les cessions de est évidemment le premier reporté stables, représente-t-elle aujourd’hui participations – sources de plus-values pour les invesquand l’horizon conjoncturel s’assom- 27 % du chiffre d’affaires. Et surtout, tisseurs – ne seront pas au niveau de la très bonne brit –, le chiffre d’affaires a reculé à Beneteau joue à fond le développement année 2011 (160 millions d’euros), crise oblige. Mais nouveau sur l’exercice 2011-2012 (clos de la branche bateaux à moteurs (un elles devraient tout de même égaler les 110,9 millions à la fin d’août), de 9,8 %. tiers du chiffre d’affaires), dont l’acti- d’euros de 2010. Le fruit d’une gestion prudente, sans Mais, en dépit de ce contexte difficile, vité grands yachts (de 18 à 30 mètres). recours excessif à l’endettement. Une gestion qui a pu le groupe a équilibré ses comptes. Il Ce segment ne connaît pas la crise. être qualifiée de peu « sexy » durant les années d’euphodoit cette performance à la politique de Voilà pourquoi Beneteau a ouvert une rie du capital-investissement. Mais qui permet diversification, qui permet d’amortir la unité de production au Brésil, tandis aujourd’hui à Siparex d’être le premier acteur indépenchute des ventes de bateaux, dans les qu’une autre a été acquise en Italie. q dant du private equity français, avec plus d’un milliard d’euros d’actifs sous gestion. q Christine Lejoux creux conjoncturels. Ainsi, la branche Ivan Best Traverser la tempête sans sacrifier ses troupes uelle est la réaction habituelle d’un chef d’entreprise dont le chiffre d’affaires baisse de 37,5 % ? Il réduit les coûts autant que faire se peut, et se voit contraint de licencier. Confrontés à la récession de 2009, et à une baisse de leur activité de cette ampleur, les chantiers Beneteau sont pourtant parvenus à éviter un plan social massif. Face à une crise d’une ampleur inconnue, le groupe, leader mondial des voiliers de plaisance, a réussi à limiter à 1 % du personnel (60 salariés) le nombre de licenciements. Bruno Cathelinais, qui a succédé à Annette Roux à la barre du chantier, a joué sur tous les tableaux : chômage partiel – 625 emplois sauvés sur 6 000 – et plan de départs volontaires (600 salariés). Alors que la chute des commandes de bateaux « équivalait » à la perte de 2 200 postes à temps plein, seuls 60 personnes ont donc été contraintes de quitter le groupe. Il est vrai que les salariés ont renoncé à leur treizième mois et à une partie de leurs congés payés. Ils n’ont pas regretté ce choix, car dès l’année suivante l’activité est repartie de l’avant. Les dirigeants de Beneteau ont tout de même joué alors la prudence, en décidant de diversifier leur activité. Bien leur en a pris. Corrélé à l’activité économique en Europe, avec une tendance >> investissement Siparex capitalus gestion 1 milliard d’actifs so >> l’événement 7 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE heureux comme un sous-traitant de l’automobile L automobile française va ’ industrie mal ? C’est vrai pour les construc- teurs Renault et PSA. Mais le plasturgiste français Plastic Omnium, lui, va très bien, merci pour lui. L’équipementier auto familial affichait ainsi insolemment une activité en hausse de 9,5 % au troisième trimestre, et même de 15 % à 3,5 milliards d’euros sur neuf mois. Logique : la société suit la courbe ascendante de la… production automobile mondiale, pas celle de Renault et PSA. Ses ventes en France ont d’ailleurs reculé de 7 %. Mais, voilà, l’Hexagone représente 14 % à peine de ses volumes aujourd’hui. Le chiffre d’affaires progresse en revanche de 5 % en Europe (hors Hexagone), de presque 17 % en Amérique du nord, de 22,5 % en Asie, ces deux dernières zones absorbant quasiment la moitié des ventes de Plastic Omnium. Si l’on prend la répartition de la clientèle par constructeurs, Renault et PSA n’absorbent plus à eux deux que 23 % du chiffre d’affaires automobile de Plastic Omnium, contre 24 % pour les constructeurs américains, 30 % pour les Allemands. Une belle « intercontinentalisation » fondée sur un solide savoir-faire en matière de composants Réservoir de carburant avec une petite cuve supplémentaire pour un additif permettant de limiter les rejets d’oxyde d’azote. [plastic omnium] >> rsonnes asturgie 21 000 pe Plastic Omnium pl j’innove et j’embauche À L’heure où le secteur automobile s’enfonce un peu plus dans la crise, une PME attire l’attention. La Société albigeoise de fabrication et réparation automobile (Safra) « reprend le chemin de la croissance », aux dires de son président Vincent Lemaire. La PME compte actuellement 165 salariés, mais elle annonce une campagne de recrutement qui devrait permettre d’atteindre la barre des 200 salariés. La recette miracle ? « La diversification et l’innovation sont les voies stratégiques pour avancer sur un bon rythme de croissance et faire face à une baisse d’activité », analyse Vincent Lemaire qui vise un chiffre d’affaires de 18 millions d’euros en 2013. Créé en 1955, Safra a su s’adapter aux évolutions du marché du « transport de personnes ». L’entreprise a désormais trois secteurs d’activités : la carrosserie automobile, la carrosserie industrielle et ferroviaire, et l’agencement d’intérieur. Parmi les principaux contrats remportés, Safra est en charge de la rénovation du réseau de métros toulousains. Mais la diversification ne suffit pas, encore faut-il poursuivre dans l’innovation. C’est tout l’enjeu du projet Businova, « un autobus du futur, avec un système de propulsion multi-hybride », dont l’entreprise attend encore toutes les homologations pour en démarrer la commercialisation au second semestre 2013. « Il s’agit d’un véhicule de transport urbain à haut niveau de performance technique, économique et écologique, insiste Vincent Lemaire. Il réduit les émissions polluantes et la consommation de carburant. Avec Businova, nous revenons aux sources de l’entreprise avec la construction d’une centaine de véhicules par an, à destination des réseaux de transport public français et européen ! » Reste à trouver les bras pour assurer ce développement. Vincent Lemaire peine à susciter les candidatures dans des métiers manuels tels que mécanicien, carrossier ou soudeur…q Hugues-Olivier Dumez Businova, « l’autobus du futur » de Safra, est équipé d’un châssis bi-modulaire et d’un système de propulsion multi-hybride. [DR] >> plastiques. En Amérique du nord, le groupe renforce ses positions avec le démarrage de l’usine de systèmes à carburant (réservoirs) de Huron (Michigan). Il enrichit par ailleurs son carnet de commandes avec les parechocs pour les prestigieux 4x4 BMW X3 et X4 « made in USA », qui viennent s’ajouter à ceux des X5 et X6 déjà livrés à l’usine BMW de Spartanburg (Caroline du Sud). Au Mexique, la société lance la production de pare-chocs et de réservoirs à essence pour le groupe Volkswagen. En Asie, cinq nouvelles usines sont en construction. Du coup, grâce à une sage répartition de son portefeuille clients, le groupe affirme que ses ventes feront « mieux en 2012 que la production automobile mondiale, attendue en hausse de plus de 5 % ». Pas mal. Au premier semestre, son résultat opérationnel a même crû de 12,5 % à 169 millions, avec une belle marge de 7,4 % dans son activité auto (90 % du chiffre d’affaires). De quoi faire pâlir de jalousie Renault ou PSA. Ça ressemble à une sacrée revanche des anciens sous-traitants français sur leurs clients tricolores historiques.q t 165 salariés Safra transpor >> Alain-Gabriel Verdevoye e 3 500 personnes Paprec recyclag Née à La Courneuve dans le fameux « 9-3 », l’entreprise de recyclage de déchets industriels Paprec vise 5 000 salariés en 2015. [paprec] grandir et prospérer en banlieue U ne croissance moyenne de 29 % par an depuis 1995, un nombre de salariés qui a plus que doublé ces quatre dernières années, une marge nette fluctuant entre 2 et 3,5 %. Quand il égrène son bilan, Jean-Luc Petithuguenin, fondateur et PDG du spécialiste du recyclage Paprec, créé généralement la sensation. Le Fonds stratégique d’investissement (FSI), qui vient d’entrer à son capital, n’en finit pas de s’en féliciter. L’Express lui a décerné cet automne le très convoité prix de l’Entrepreneur de l’année 2012. Un engouement rare pour un groupe né à La Courneuve (93), où la moitié de son siège social est encore installée, à 500 mètres de la Cité des 4 000. Cette star des PME françaises est une fille des banlieues. Non seulement ses usines de tri et de recyclage de déchets sont logées à Sarcelles (95), au Blanc-Mesnil (93) ou à Gennevilliers (92), mais jusqu’en 2010, Jean-Luc Petithuguenin recevait ses clients industriels et élus locaux, ses banquiers et ses associés à La Courneuve. « Quand nous avons préparé notre entrée en Bourse, nous avons pris des locaux dans Paris. Il aurait été trop compliqué de faire venir des analystes et des journalistes à La Courneuve », sourit le PDG du numéro trois français du recyclage. Mais aujourd’hui encore, la direction des ressources humaines, l’informatique et la quasi-totalité du contrôle de gestion de ce groupe de 3 500 salariés (300 personnes) sont basés à La Courneuve. Cette carte d’identité n’empêche pas son PDG de continuer à voir loin. Il vise d’ici 2015 un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros (750 millions aujourd’hui) avec 5 000 salariés, sur le secteur des déchets industriels, pourtant très corrélé à la conjoncture économique. « Nous compensons la baisse des volumes par de nouveaux clients. Le gisement non exploité est considérable : 50 % des déchets industriels en France finissent dans une décharge », affirme Jean-Luc Petithuguenin. q Marie-Caroline Lopez 10 Le buzz LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 l’œil de philippe mabille directeur adjoint de la rédaction P our survivre à 2013, il ne faudra pas être superstitieux. Année terrible, « pire que 2009 », prédisent les Cassandre et autres annonciateurs d’apocalypse, 2013 ne sera pourtant pas forcément ce que la sombre fin de 2012 laisse présager. Évidemment, il aura d’abord fallu que ce ne soit pas, ce vendredi 21 décembre 2012, la fin du monde du calendrier maya. Sinon, aucun lecteur ne lira cet excellent numéro de La Tribune Hebdo, le dernier de l’année avant la trêve de Noël, ce qui serait dommage, puisque nous titrons sur « cette France qui marche », un beau présage. Ensuite, il faudra dépasser la phobie du 13, triskaïdékaphobie en grec, qui est le marqueur symbolique de cette fin d’année. Inventée probablement au Moyen Âge, la mauvaise réputation du chiffre 13 est reliée à la Cène, le dernier repas du Christ, où Judas représente le treizième apôtre, ou bien à Satan, le treizième ange, voire à Loki, le treizième dieu des anciens Vikings. On en trouve trace aussi chez les Perses anciens, qui ont prédit que le Chaos se produira dans le XIIIe millénaire après le règne des douze constellations, et qui conduit aujourd’hui encore les Iraniens des temps modernes à purifier leur âme le treizième jour de chaque année (Sizdah- Be-dar). Dans le monde entier, cette superstition interdit d’être treize à table, de porter le numéro 13 dans les compétitions sportives, ou bien de dormir dans la chambre 13, que la plupart des hôtels suppriment prudemment, tout comme il n’y a pas de rangée no 13 dans les avions. La pho- « bie du 13 a aussi donné naissance au 12 bis, qui peut utilement nous inspirer pour essayer de comprendre à quoi va bien pouvoir ressembler 2013. Pour l’Europe comme pour la France, 2013 a de fortes chances d’être pour l’économie une année 2012 bis, une nouvelle année de stagnation où la demande sera contrainte par une austérité budgétaire sans précédent depuis l’après-guerre, où le pouvoir d’achat sera rogné par la hausse des impôts et la baisse des dépenses publiques. L’ancien président de la BCE Jean-Claude Trichetparle même de « stabilité compétitive » pour décrire la période actuelle, où nous devons réformer nos modèles économiques et sociaux dans les pires conditions possibles. Croissance zéro, taux zéro… L’Europe est encalminée dans le pot-au-noir dont la traversée est, c’est connu, le cauchemar de tous les marins et navigateurs. « N’ayez pas peur », disait Jean-Paul II. Même si la prudence s’impose dans la traversée de 2013, conduisant nombre de chefs d’entreprise à y entrer en réduisant la voilure, il faut rappeler que le 13 est aussi, dans certaines cultures, un chiffre de chance, rappelle The Economist dans son édition spéciale 2013. Aux douze travaux (pénibles, il est vrai) d’Hercule en a succédé un treizième, plein de félicités, où le héros mature, vainqueur du terrible lion de Cithéron, fut récompensé pendant cinquante nuits des faveurs des cinquante filles du roi Thespius ! Il y a aussi la « rose aux treize pétales » de la Kabbale juive… Et puis, qui n’a jamais été tenté de jouer à l’Euromillion un vendredi 13 (il y en aura deux en 2013, aux mois de septembre et décembre). Dans certaines cultures, le 13 est aussi un chiffre de chance ! » © DR Triskaïdékaphobie : même pas peur ! Les économistes, comme la plupart des gouvernements, escomptent d’ailleurs une lente sortie de crise à partir de la fin 2013. C’est l’horizon attendu par François Hollande pour inverser la courbe du chômage en France. Angela Merkel aussi compte sur 2013 pour se faire réélire, en septembre, à la chancellerie allemande. Si tel est le cas, elle serait le deuxième dirigeant occidental, avec Barack Obama, à survivre à la crise. Une chose est sûre, en 2013 comme en 2012, Merkel sera la femme de l’année. Dans le Financial Times, elle vient d’égrener la feuille de route pour la plupart des pays de la zone euro, avec une déclaration qui marquera les esprits : « L’Europe pèse 7 % de la population mondiale, produit 25 % du PIB mondial, mais doit financer 50 % des dépenses sociales mondiales. Dès lors, il semble évident que les Européens devront travailler très dur pour maintenir leur prospérité et leur mode de vie ». Allez, une dernière raison d’espérer : la Grèce vient de racheter avec succès et les bons conseils de la banque Lazard 34 milliards d’euros de sa dette au secteur privé, à un tiers de sa valeur. Le plus joli coup de l’année, qui ne suffira hélas ! sans doute pas pour sauver Athènes, mais qui montre que le pire n’est jamais certain. Il a d’ailleurs été « salué » par Standard & Poor’s : l’agence de notation financière a remonté de six crans la note de la Grèce, de « défaut sélectif » (SD) à « B– », et qualifié de « stable » la perspective à long terme… Pour la zone euro, tout n’est pas réglé pour autant : un nouveau nuage se dresse avec les élections italiennes et un mauvais génie nommé Silvio Berlusconi est sorti de sa bouteille. Son incroyable come-back sera le principal risque à l’horizon du premier trimestre. En attendant, joyeuses fêtes…q le meilleur de la semaine sur latribune.fr Sur le podium repéré par la rédac’ LE PLUS PARTAGÉ Les stagiaires de Facebook gagnent en moyenne 4 274 euros par mois Mal « La polémique sur les causes du réchauffement repart de plus belle » Selon un blogueur américain, le prochain rapport du GIEC relativiserait l’impact de l’action humaine et soulignerait celui du rayonnement solaire. LE PLUS LU Pourquoi Depardieu a pu payer 85 % d’impôt en 2012 L’acteur a-t-il pu être contraint de verser au fisc l’équivalent de 85 % de ses revenus ? C’est ce qu’il affirme. Si cette affirmation est invérifiable, une surtaxation de ce niveau est possible, dans le cas d’un contribuable disposant d’un patrimoine taxable à l’ISF très important, en regard d’un revenu relativement modéré. Publié le 17 décembre LE PLUS COMMENTÉ Retraites complémentaires : des solutions douloureuses se profilent Face à la dégradation des comptes des régimes de re- traites complémentaires Arrco et Agirc, les pensions pourraient être revalorisées d’un montant inférieur de un point à celui de l’inflation. Ce qui entraînera une perte de pouvoir d’achat pour les retraités. Publié le 14 décembre la vie de la communauté Les meilleures contributions sur latribune.fr et les réseaux sociaux Le tweet « Gamme réduite et voitures chères, autonomie faible, peu de bornes de rechargement et pas écolo du tout ! » >> @s_digitale, à propos de l’article « Les voitures électriques ne font pas recette, ni en France ni en Allemagne » Le commentaire « La seule initiative importante est de stopper les hausses folles des taxes foncières et d’habitation et de les stabiliser à leur niveau actuel. Aux collectivités locales de stopper leur folie dépensière et de faire des économies. » LE Diaporama Requêtes sur Google en France : le podium 2012 1 / Free Mobile >> Betafoin à propos de l’article « Ayrault se lance dans une réforme à haut risque de la fiscalité locale » 2 / Euro 2012 L’opinion >> « Et pourtant, le monde croît ! » par Thomas Costerg et Sarah Hewin, de la Standard Chartered Bank. « Quand il s’agit d’esquisser les perspectives pour 2013, il serait facile de tomber dans le pessimisme. Mais le monde restera dynamique, grâce à la classe moyenne des pays émergents. » 3 / Secret Story © photos DR payés les stagiaires ? Pas chez Facebook, en tout cas. En moyenne, les stagiaires de la firme de Mark Zuckerberg gagnent 5 622 dollars, soit 4 274 euros, par mois. Selon Mashable, Facebook mènerait cette politique de salaires très attractive afin d’attirer les meilleurs talents dans son giron. Publié le 17 décembre Retrouvez la totalité du classement sur latribune.fr Le buzz 11 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE Les banques, qui ont activement fait valoir leurs arguments ces derniers mois, sont rassurées. Leur modèle n’est pas profondément remis en cause. Réforme bancaire : circulez, il n’y a (presque) rien à voir François Hollande lors de son meeting du Bourget. « Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage […], c’est le monde de la finance », avait-il lancé. L’acteur a choisi l’exil fiscal en Belgique. C’est vrai qu’il a pris cher… Comment Gérard Depardieu a pu payer 85 % d’impôt en 2012 Gérard Depardieu a-t-il pu être contraint de ver- [PATRICK KOVARIK/AFP] ser au fisc l’équivalent de 85 % de ses revenus ? L’acteur-businessman, qui veut prendre la nationalité belge et renvoyer son passeport français, l’affirme. Une telle proportion peut surprendre. Mais, même si cette affirmation est invérifiable, une surtaxation de ce niveau est possible dans le cas d’un contribuable disposant d’un patrimoine taxable à l’ISF très important, en regard d’un revenu relativement modéré. Est-ce vraiment le cas de Gérard Depardieu ? En tout cas, consacrer 85 % de ses revenus à payer ISF, impôt sur le revenu, et CSG est possible en 2012, avant même l’instauration de l’impôt à 75 % voulu par François Hollande, qui entrera en vigueur en 2013. Le gouvernement Ayrault a en effet institué pour 2012 un « rattrapage » de l’ISF, afin que celuici retrouve dès cette année son niveau d’avant la réforme voulue par Nicolas Sarkozy. Une Le rapporteur général du Budget à l’Assemblée, Christian Eckert, le précise dans son rapport sur le projet de loi de finances 2013 : « L’ISF dû au titre de 2012 n’est pas plafonné. La contribution exceptionnelle sur la fortune ne l’est pas non >> Entre le texte de la réforme bancaire, présenté cette semaine au conseil des ministres et les propositions du candidat Hollande, il y a un monde. « Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi de leurs >> vités pour compte propre à haut risque. Seules sont visées, les activités jugées non utiles au financement de l’économie. Autrement dit, toutes les opérations impliquant des risques de contrepartie non garantis notamment avec des hedge funds ou des sociétés de capital investissement. Dans ce schéma, l’essentiel des activités de trading reste dans la banque universelle. Dans une banque comme BNP Paribas, le compte propre « pur », représentait seulement 0,5 % du produit net bancaire (PNB) en 2011, selon les estimations de Christophe Nijdam, analyste chez AlphaValue. la coquille vide opérations spéculatives », s’était engagé le candidat. Tout le monde se souvient de la tirade sur la finance « adversaire sans visage », lors de son meeting de campagne au Bourget. « Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, et pourtant il gouverne […], c’est le monde de la finance », avait alors déclaré François Hollande. « L’adversaire » aura été ménagé. Plutôt que de couper les banques en deux ou de cantonner strictement les activités de marché à risque, comme le préconisait le rapport Liikanen, la réforme bancaire défendue par le gouvernement propose que les établissements financiers isolent dans une filiale une liste très limitée d’acti- Un projet de loi « vidé de sa substance » Quelques activités seront également interdites, comme le trading à haute fréquence et les opérations sur les dérivés liés aux matières agricoles. Même là, la restriction est toute relative : le trading à haute fréquence effectué à des fins de tenue de marché et les transactions dont la rapidité serait supérieure à une demi-seconde resteraient autorisées. Les banques sont donc rassurées. La réforme ne remet aucunement en cause leur modèle. Certains banquiers l’ont même surnommée la réforme « Volvic », « car elle combine des éléments de la réglementation Volcker (américaine) et des éléments du rapport Vickers (britannique) et aussi pour souligner sa douceur naturelle », s’amuse l’un d’eux. De leur côté, les opposants à la réforme bancaire font entendre leur voix. Dans un entretien au « Monde », Thierry Philipponnat, secrétaire général de l’association internationale Finance Watch, estime que le projet de loi a « vidé la réforme bancaire de sa substance ». « C’est le soutien implicite de l’État qui a permis aux activités de marché de prospérer à des niveaux déraisonnables. Sur les 8 000 milliards d’euros de bilan cumulé des banques françaises, seulement 22 % sont prêtés à l’économie réelle, aux entreprises et aux ménages. Que sont les 78 % restant ? Des activités de marché, des prêts à d’autres institutions financières ou des investissements pour compte propre ! », rappelle l’exbanquier. q Sophie Rolland l’idée fisc plus, pas plus que l’ensemble des deux. » Voilà pourquoi Gérard Depardieu pourrait, effectivement, consacrer 85 % de ses revenus à payer ses impôts, compte tenu de cette contribution exceptionnelle. Et pourquoi certains contribuables aux revenus très faibles – les fameux agriculteurs de l’île de Ré – pourraient payer des impôts dépassant leurs revenus. Plafonnement à 75 % en 2013 Mais, en 2013, l’ensemble des impôts directs (IR, ISF, CSG) seront plafonnés à 75 % des revenus, comme le veut le projet de loi de finances 2013, bientôt adopté. Ce sera plus qu’avec le bouclier fiscal à 50 % instauré par Nicolas Sarkozy, et supprimé par lui en 2011, après une série de polémiques. Et encore plus pour les grandes fortunes qui disposent de contrats d’assurancevie et de bénéfices logés dans des sociétés dites holdings patrimoniales, dont elles détiennent au moins 33 % des parts… Car, au moment de calculer le plafonnement des impôts en proportion des revenus, ces sommes placées ici et là seront assimilées à des revenus. Le mécanisme sera donc plus strict qu’il ne l’était auparavant. q Ivan Best Sur 2012, certains contribuables aux revenus très faibles – les agriculteurs de l’île de Ré ! – pourraient payer des impôts dépassant leurs revenus. réforme votée en 2011, qui avait fortement réduit l’impôt sur la fortune. Son taux maximal avait été ramené de 1,8 % à 0,5 %. Votée en juillet, la contribution exceptionnelle sur le patrimoine, permettant d’augmenter dès 2012 les recettes d’ISF, n’était pas assortie d’un plafond. 12 LE BUZZ LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 Aspiré par l’immense appétit de la Chine, le charbon devrait, d’ici cinq à dix ans, détrôner le pétrole comme première source d’énergie mondiale, a annoncé l’Agence internationale de l’énergie. Le charbon, c’est l’avenir ! Le charbon pourrait, en 2017, détrôner le pétrole pour devenir la première source d’énergie de la planète. C’est ce qu’affirme l’Agence internationale de l’énergie (AIE), c’est-à-dire l’organisation énergétique des pays développés, dans un rapport publié mardi. Le charbon représente déjà près de 28 % de l’énergie consommée dans le monde et est la première source d’électricité. « Grâce à des ressources abondantes et à une demande insatiable d’électricité en provenance des marchés émergents, le charbon a représenté près de la moitié de l’augmentation de la demande mondiale d’énergie lors de la première décennie du xxie siècle », souligne l’AIE. En 2017, la consommation de charbon devrait représenter 4,32 milliards de tonnes équivalent pétrole, tout près des 4,4 milliards de pétrole que devrait alors consommer la planète. « La part du charbon dans le bouquet énergétique mondial continue de progresser chaque année, et si aucun changement n’est fait aux politiques actuelles, le charbon rattrapera le pétrole d’ici une décennie », avertit la patronne de l’organisation basée à Paris, Maria van der Hoeven. « Le résultat, c’est >> La centrale à charbon de Chengdu, dans la province du Sichuan. La Chine a représenté l’an dernier 46,2 % de la consommation mondiale. Le cap des 50 % devrait être franchi dès 2014. [Imaginechina] le BON FILON que sans restriction à la consommation de charbon avec des politiques climatiques, la demande et le CO2 continueront à augmenter », s’alarme-t-elle. « La Chine, c’est le charbon » En 2017, le monde brûlera environ 1,2 milliard de tonnes de charbon supplémentaires par an, par rapport à aujourd’hui, l’équivalent de l’actuelle consommation de la Russie et des États-Unis réunis. « Le charbon, c’est la Chine. La Chine, c’est le charbon », résume l’AIE. À lui seul, le géant asiatique a représenté l’an dernier 46,2 % de la consommation mondiale. Le cap des 50 % devrait être franchi dès 2014. Et la tendance est générale, à l’exception des États-Unis. L’Inde devrait ainsi ravir la place de deuxième consommateur mondial aux Américains d’ici 2017. L’AIE note à ce propos qu’en l’absence d’un prix élevé du CO2, « seule une vive concurrence d’un gaz bon marché peut effectivement réduire la demande de charbon » en brandis- sant en exemple les conséquences aux États-Unis de la production du gaz de schiste. « L’expérience américaine suggère qu’un marché du gaz plus efficace, avec des prix flexibles et des ressources non conventionnelles domestiques produites de manière durable, peut réduire la part du charbon, des émissions de CO2 et la facture des consommateurs, sans nuire à la sécurité énergétique », plaide Maria van der Hoeven. « L’Europe, la Chine et d’autres régions devraient en prendre note », insiste-t-elle. Reste que le déclin du charbon aux États-Unis a entraîné un bond des exportations américaines, notamment vers l’Europe, note l’AIE. Conséquence : les prix du charbon en Europe ont chuté de 130 dollars la tonne en mars 2011 à 85 dollars en mai 2012. Ainsi, lors du premier semestre 2011, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne ont tous les trois produit moins d’électricité à partir de gaz (moins générateur de gaz à effet de serre), tout en produisant plus à partir du charbon, souligne l’AIE. Ce mouvement est cependant près du « pic », affirme l’AIE qui table en 2017 sur un retour de la consommation de charbon en Europe à un niveau « juste un peu » supérieur à celui de 2011, en raison de la part croissante des renouvelables et de la mise hors service des anciennes centrales électriques à charbon.q M.-C. L. (avec AFP) Lu sur le site « L’Allemagne est l’un des plus gros consommateurs de charbon en Europe ! En fait de charbon, il s’agit de lignite, particulièrement polluant et abondant dans les Lusaces (ex-RDA). Les centrales nucléaires arrétées seront remplacées par une trentaine de centrales au charbon-lignite. Dans les Lusaces, on rase des villages entiers pour ouvrir des mines de lignite à ciel ouvert ! » ( par nEtRICk Éric Trappier a été nommé mardi PDG de Dassault Aviation. Il devra relever, dès le 9 janvier 2013, trois challenges de taille : le premier contrat export du Rafale, le lancement du Falcon SMS et la gestion de la relation entre Dassault Aviation et Thales. Les trois défis du nouveau patron de Dassault Aviation c’est donc Éric Trappier qui succédera, à compter du 9 janvier 2013, à l’historique et emblématique PDG de Dassault Aviation, Charles Edelstenne. L’actuel directeur général en charge de l’international a gagné son duel face au directeur général chargé des affaires économiques et sociales, Loïk Segalen, qui est toutefois nommé directeur général délégué. Pour autant, le nouveau patron de Dassault Aviation devra composer avec Charles Edelstenne, l’homme de confiance de Serge Dassault, contraint de se retirer à cause de son âge. Il fêtera ses 75 ans, le 9 janvier 2013. Qu’on se le dise, Charles Edelstenne – en pleine forme – ne renoncera pas du jour au lendemain à s’occuper des affaires de Dassault Aviation. Il y veillera depuis son bureau du rondpoint des Champs-Élysées, lieu historique de la maison Dassault où est logée la holding Groupe indus- triel Marcel Dassault (GIMD). Forcément, Éric Trappier va certainement souffrir de la comparaison par rapport à la très forte personnalité de Charles Edelstenne. Mais il a pour lui une très bonne connaissance des clients de Dassault Aviation, notamment de ceux qui, au Moyen-Orient et en Asie, pourraient s’offrir le Rafale… Rafale : conclure Car le défi prioritaire pour le nouveau PDG est la signature du premier contrat à l’export pour le Rafale. Ce qui donnerait un grand bol d’oxygène à toute la filière industrielle de l’aéronautique militaire française – notamment aux bureaux d’études du Team Rafale (Dassault Aviation, Thales et Safran) et du missilier MBDA – qui commence sérieusement à tirer sur la corde. À ce jour, tous les indicateurs sont au vert pour la signature au premier semestre 2013 d’un contrat en Inde, qui est en négociations exclusives avec l’avionneur depuis le début de l’année en vue d’acquérir 126 Rafale. L’avion tricolore intéresse aussi plusieurs autres pays comme les Émirats arabes unis (60 Rafale), le Qatar (24), le Koweït (28), le Brésil (36) et la Malaisie (18). Un contrat en Inde pourrait débloquer toute une série de négociations serrées, notamment au Brésil. FALCON SMS : concrétiser Deuxième défi, le lancement du Falcon SMS (Super Mid Size), le programme d’entrée de gamme des avions d’affaires Falcon, qui pourrait être présenté aux clients au printemps 2013, soit au salon de l’aviation d’affaires ABACE à Shanghai (16-18 avril), soit à celui de Genève EBACE (21-23 mai). Le printemps dernier, le programme est entré dans la phase la plus élevée de son développement. La >> conception détaillée de l’avion, qui sera motorisé par Safran, est figée. Le premier vol est prévu en 2014. Audelà du SMS, le nouveau patron devra accompagner la reprise du marché d’aviation d’affaires, qui frémit notamment grâce aux milliardaires chinois déjà « addicts » au 7X. Au premier semestre, Dassault Aviation avait enregistré des prises de commandes pour 25 Falcon (contre 22 au premier semestre 2011). Pour autant, cette timide reprise des ventes ne permet pas de maintenir le carnet de commandes à ses niveaux actuels, estime-t-on en interne. Dassault-Thales : retrouver la confiance le plan de vol Enfin, Éric Trappier devra gérer la relation entre Dassault Aviation et Thales et, au-delà, avec DCNS. Il devra instaurer une relation de confiance avec le nouveau PDG de Thales, Jean-Bernard Lévy (expatron de Vivendi), et avec les salariés du groupe aujourd’hui dans une relation de défiance complète avec Luc Vigneron, le PDG écarté. Il en va de l’investissement de Dassault Aviation car la situation de Thales se dégrade. L’action de ce dernier est passée de plus de 40 euros il y a cinq ans à 27 euros, soit une capitalisation qui s’est effondrée, passant de 8 à 5 milliards d’euros. Le résultat net s’était élevé à plus de 800 millions d’euros en 2007 (contre 500 millions en 2011 après deux années de pertes). Enfin, le chiffre d’affaires stagne depuis quatre ans, aux alentours de 13 milliards d’euros, malgré chaque année, une, ou deux, très grosse commande…q Michel cabirol LE BUZZ 13 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE La filiale de Vivendi dresse un constat alarmiste de sa situation concurrentielle après le « cataclysme provoqué par l’arrivée de Free », dans le document remis aux partenaires sociaux pour justifier son plan de départs volontaires. Effet Free Mobile : le scénario noir imaginé par SFR Noir, c’est noir. Le constat dressé par SFR dans le « Livre II » communiqué aux partenaires sociaux dans le cadre du plan de départs volontaires qui touche 1 123 emplois (sans compter les 267 créations de postes qui restent >> faires 2011-2015 reste fortement dégradé » indique la filiale de Vivendi, qui s’attend selon nos informations à une chute de 64 % de son bénéfice net en quatre ans, à un peu moins de 500 millions d’euros en 2015, et de 42 % du cashflow net à 740 mill i o n s (hors coûts de restructuration et achat de fréquences). Avec ou sans plan d’adaptation, le chiffre d’affaires devrait se contracter de 15 % en quatre ans, à 10,3 milliards d’euros, dont près de 35 % dans les services mobiles grand public. SFR a bâti ce plan d’affaires sur l’hypothèse d’un équilibre à moyen terme entre les « offres complètes » et les « offres simples », comprendre celles avec abonnement, engagement et subvention par la gueule de bois envisagées) se révèle des plus alarmistes. Certes, c’est la règle dans ce type de document. Mais les prévisions annoncées sont particulièrement pessimistes, alors que le groupe a légèrement relevé ses objectifs pour l’année 2012 le mois dernier, tablant sur une baisse de 12 % de son Ebitda (résultat brut d’exploitation), contre -12 % à -15 % redoutés initialement. Même après le plan d’adaptation que l’opérateur va mettre en place, « le plan d’af- opposition au « SIM-only », les offres low-cost sans téléphone et sans engagement. Mais SFR n’exclut pas que ces nouvelles offres représentent « 60 % à 70 % du marché. » Il évoque « le cataclysme provoqué par l’arrivée de Free et ses conséquences très lourdes pour SFR » et se livre à un long exercice d’autodénigrement, affirmant que « les avantages compétitifs que possédait SFR jusqu’à maintenant » sont désormais « banalisés » : par exemple, la « richesse d’offre de produits et services », devenue « moins pertinente », ou encore la capacité d’innovation « dans la mesure où elle peut être répliquée très rapidement », et enfin « la maîtrise des réseaux » qui a perdu de son importance du fait des « nouvelles facilités réglementaires d’accès à des réseaux tiers » (en référence au contrat d’itinérance conclu entre Free et Orange). Abonnez-vous à LA TRIBUNE • L’édition hebdomadaire papier, chaque vendredi (chez vous ou à votre bureau) • L’édition quotidienne numérique, tous les jours, du lundi au vendredi • Les services numériques, en temps réel, les informations et services réservés aux abonnés ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Toute l’information économique et financière, où que vous soyez. Or, en parallèle, le numéro deux français des télécoms se considère « dépositionné [sic] en termes de compétitivité » sur de « nouveaux critères de préférence ou d’attractivité ». Il s’agit de la perception du rapport qualité/prix, de la maîtrise des canaux de distribution « digitaux » des acteurs venus du fixe mais aussi de « l’efficacité organisationnelle et opérationnelle », présentée comme un « avantage natif de Free ». SFR ne coupera pas dans ses investissements Le plan d’adaptation de la direction ne réglera pas tous ces problèmes mais permettra d’améliorer sensiblement les équilibres d’exploitation de SFR : le bénéfice d’exploitation ne s’effondrerait plus de 65 % entre 2011 et 2015 mais de 47 % à 1,2 milliard d’euros. Idem pour le résultat net, qui ne serait pas divisé par six mais par un peu plus de 2,5, seulement. Ces chiffres sont-ils compatibles avec la valorisation de 20 milliards d’euros pour SFR avancée par le président du directoire de Vivendi, Jean-François Dubos ? Ou bien SFR noircit-il le trait ? Seul point de nature à rassurer les salariés, SFR n’a pas prévu de couper drastiquement dans ses investissements : il les maintient autour de 1,4 milliard d’euros par an. Les salariés doivent en revanche se faire une raison sur le maintien éventuel dans le giron de la maison mère. SFR explique sans détours qu’« il n’existe aucune réalité économique ou financière, ni même en termes de gouvernance ou encore de moyen ou de mutualisation au niveau de ce pôle » d’actifs télécoms, qui regroupe SFR, Maroc Télécom et le brésilien GVT. q Delphine Cuny BULLETIN D’ABONNEMENT OUI M. Je m’abonne à La Tribune (hebdomadaire + édition quotidienne numérique) 390€ HT / an soit 440 € TTC / an (48 n° + édition numérique) Mme Nom________________________________________ Prénom___________________________________ Adresse_________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________________ CP I–I–I–I–I–I Ville__________________________________________________________________ Tél I–I–I–I–I–I–I–I–I–I–I E-mail **_____________________________________________________ RÈGLEMENT Par chèque bancaire à l’ordre de La Tribune Nouvelle Par carte bancaire n° I–I–I–I–I I–I–I–I–I I–I–I–I–I I–I–I–I–I Expire fin I–I–I / I–I–I Cryptogramme*** I–I–I–I Date et signature : __/__/__ À réception de facture (par chèque ou virement) Si adresse de facturation différente d’adresse de livraison : Raison sociale __________________________________________________________________ Adresse de facturation ___________________________________________________________ CP I–I–I–I–I–I Ville__________________________________________________________________ Pour les sociétés souhaitant plus d’un abonnement ou une offre sur-mesure, nous consulter : 01 78 41 44 22 ou diff[email protected] Bulletin dûment complété à retourner à : La Tribune – Service abonnement – 18, rue Pasquier – 75008 Paris Offre valable jusqu’au 31/12/2012, réservée à la France métropolitaine. 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Virginie Mangin, envoyée spéciale à Chenghai E n Chine, jouet rime avec Chenghai, une ville située dans le sud du pays, dans la province de Guangdong. Ce jour-là, dans le hall d’entrée de Concord Toys, l’une des entreprises phares du secteur, une grossiste scrute les cartons de jouets qui s’entassent. Chaque matin, les usines implantées aux alentours livrent leur dernière production : poupées, déguisements, voitures… « On ne garde que le meilleur. Le reste, on jette », tranche Pauline Chen, vice-directrice générale de Concord Toys. « On ne peut pas se permettre de vendre de la mauvaise qualité », argumente-t-elle en faisant visiter son entreprise : quatre étages de jouets soigneusement rangés par catégories : filles, garçons, premier âge… Certains sont étiquetés sous marque chinoise, d’autres sont customisés par Concord Toys selon les désirs du client : couleur, taille, emballage… L’entreprise s’occupe de toute la chaîne de production : du design jusqu’au chargement sur le cargo. « On conçoit le jouet. On le teste, l’améliore, puis on le propose à nos clients étrangers », explique Pauline Chen. L’international n’est pas un vain mot pour elle, puisque le chiffre d’affaires annuel de son entreprise se répartit entre l’Europe (20 millions de dollars), les États-Unis (25 millions de d ollars) et l’Amérique latine (40 millions de dollars). Dans la capitale mondiale du jouet, il existe des milliers d’entreprises comme Concord Toys. Les distributeurs y débarquent du monde entier pour faire leur marché, non seulement de cadeaux de Noël, mais aussi de jouets que l’on retrouve tout au long de l’année dans les stations services, ou au bord de la plage en été. Les usines et les ateliers, qui s’alignent sur des kilomètres, dessinent, fabriquent, assemblent, empaquettent puis exportent leurs produits. « C’est unique au monde. On peut dessiner et produire un jouet en moins de 48 heures selon les attentes du client. Tout est sur place », explique Pauline Chen. 80 % des jouets achetés dans le monde La puissance de Chenghai repose sur cette concentration des compétences. Pratiquement toute la population travaille dans le jouet. « C’est une véritable mafia », souffle un industriel sous couvert d’anonymat. « On est tous cousins. Nous sommes une grande famille », sourit, évasive, Pauline Chen, qui a débuté dans le secteur après sa sortie de l’université. Il est vrai que déchiffrer l’organigramme de l’entreprise s’avère mission impossible. Qui détient quoi au capital ? Qui fait quoi dans l’entreprise ? Mystère. Tout juste apprend-on que Pauline Chen est également propriétaire de cinq usines de jouets dans la ville, et que la famille de son assistante possède Enlighten, marque fabriquée et distribuée par Concord Toys. « En 2008, touchées par la crise financière, des milliers d’usines de jouets ferment leurs portes et licencient des millions de travailleurs. Résultat, une énorme restructuration. [LU HANXIN / XINHUA] Le boom du jouet en Chine remonte à une trentaine d’années. L’activité était à l’époque contrôlée par les grossistes hongkongais qui jouaient les intermédiaires avec les distributeurs occidentaux, et avaient implanté leurs usines dans la province voisine du Guangdong. En 1980, cette province devient le laboratoire grandeur nature de la politique d’ouverture économique de la République populaire. Elle obtient le statut de zone é conomique spéciale pour p lusieurs villes, dont celle de Chenghai. Progressivement cette chaîne industrielle gagne la région. Après Chenghai, les villes de Dongguan et de Ningbo, près de Shangai, se mettent aussi aux jouets. La région va produire désormais 80 % des jouets achetés dans le monde. Je ne fais visiter que le showroom. J’ai peur de la concurrence. » Pauline Chen, vice-directrice générale de Concord Toys, à chenghai Le statut obtenu par la province de Guangdong, unique à l’époque, donne accès aux capitaux étrangers ainsi qu’aux politiques gouvernementales de soutien aux exportations. Grâce à lui, les géants internationaux du jouet tels Mattel ou Hasbro vont faire le voyage à Chenghai. Attirés par une main-d’œuvre peu qualifiée, bon marché et abondante, ils vont désormais recourir massivement à cette sous-traitance. Ils ont le choix : soit faire fabriquer leurs produits, à partir du design é laboré par leurs équipes aux États-Unis ou en Europe, soit acheter du ready made qu’ils font packager selon leurs désirs. Mais le système d’exploitation qui a fait la fortune d’une province passée en trente ans d’un arrière-pays peu développé à l’une des provinces les plus prospères de Chine connaît des ratés à partir de 2008. Le recours à une main-d’œuvre flexible à faible coût, dont les droits sociaux ne sont pas respectés (emploi de mineurs, heures supplémentaires non payées…) avec la complicité du gouvernement local, se répercute sur la production. Les jouets expédiés aux États-Unis, en Europe ou en Amérique latine sont souvent de qualité médiocre… L’enquête 15 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE industriels chinois sont contraints de miser sur la montée en gamme ès le toc, le top Repères 80,2 milliards de dollars ( Selon The US Toy Industry Association, les ventes de jouets chinois ont atteint 21,78 milliards de dollars en 2010 sur le territoire américain et 80,2 milliards dans le monde, en 2009. 15,5 milliards d’euros ( C’est le total des ventes de jouets chinois en Europe, en 2010, selon le Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs. Le Royaume-Uni et la France sont les premiers clients. obligé les employeurs à augmen- se restructurer. Le modèle de ter les salaires d’environ 20 % ou Dongguan, ces usines énormes qui encore les difficultés de l’écono- se contentent de produire, a vécu », mie locale plombée par la crise. constate l’industriel européen. Les facilités financières qui perSe restructurer, c’est ce qu’a mettaient de jouer sur la trésorerie choisi de faire Concord Toys, pour ont également disparu. Les qui les nouvelles normes de sécubanques chinoises ont été rité sont une aubaine. « On ne voit contraintes de fermer le robinet du pas cela comme une contrainte. Au crédit. Impossible désormais d’ob- contraire, cela nous permet de protenir un prêt pour pallier les mois poser des jouets de qualité, d’apdifficiles après les fêtes de Noël. Et prendre et de se professionnalil’instauration de nouvelles normes ser », jubile Pauline Chen. de sécurité exigées par les autorités Son chiffre d’affaires dépend américaines, européennes et japo- encore largement de la fabricanaises, a aussi contribué à augmen- tion, mais désormais tous les ter les coûts de production, de 10 à efforts sont portés sur le trading 12 %. Ainsi, Bureau Veritas, qui et le service au client. Son procontrôle la qualité des jouets et les chain défi consiste d’ailleurs à conditions de travail dans faire connaître et à proles usines, facture envimouvoir à l’étranger des ron 600 dollars pour la marques chinoises comme Enlighten, que certification d’un produit l’entreprise produit. et 550 dollars la visite c’est le temps qu’il faut, Cette marque, déposée d’une journée d’une à Chenghai, usine. en Chine, est une copie pour concevoir Si, normalement, seule et produire conforme des célèbres la certification du pro- un nouveau briques Lego. La société duit avant production est jouet… a été accusée de vol de obligatoire, de nombreux propriété, mais le fait n’a distributeurs imposent aussi des pas encore pu être réellement étaaudits d’usines et des contrôles bli. L’entreprise, qui existe depuis durant la phase de production vingt-six ans, a commencé comme ainsi que sur la marchandise finale. tant d’autres à faire de la copie « On est tenu de s’assurer de la puis peu à peu a développé ses qualité de nos produits pour garder propres produits. « C’est vraiment nos clients », assure ainsi le patron de la très bonne qualité », se vante d’une société. Les entreprises sont Pauline Chen en faisant visiter donc plus attentives à la sécurité une vaste pièce où l’on voit ses et au respect du code du travail dernières créations en brique : révisé en 2008 en faveur des pirates, militaires ou monde soustravailleurs. Mais de nombreuses marin. Elle a investi dans une entreprises n’ont pas les moyens chaîne de manufacture sophistide s’adapter. Même si la crise n’a quée qu’elle ne montre pas aux pas l’ampleur de celle de 2008, visiteurs. « C’est notre valeur ajouune partie du secteur sera cette tée. Je ne fais visiter que le année dans l’incapacité de réper- showroom. J’ai peur de la concurcuter la hausse des coûts sur le rence », explique-t-elle. prix de vente, et mettront la clé La marque séduit la Russie et sous la porte. l’Europe, où les ventes ont presque doublé en trois ans. Mais, le vrai plus de normes incitent salut pour les fabricants de jouets chinois est désormais le marché à monter en gamme « Il y a beaucoup de pression sur domestique, en particulier la noules prix. Le jouet est un produit velle classe moyenne prête à d’appel pour les grands distribu- dépenser pour ses enfants. D’ores teurs en France, ils vendent avec et déjà, Concord Toys écoule près très peu de marge ou sans bénéfice. de 40 % de sa production en C’est impossible d’augmenter les Chine. Le géant du jouet amériprix. Passé un certain seuil, le cain Toys‘R’Us prévoit d’y doubler consommateur n’achète plus », le nombre de ses magasins dans explique l’industriel européen. les prochaines années. « Ce qui se Sans élasticité des prix, les jouets passe dans l’industrie du jouet est version 2012 sont allégés en en partie dû à la conjoncture intermatière première et le design plus nationale. Mais c’est aussi une simple. Pauline Chen explique restructuration en profondeur de qu’elle utilise deux fois moins de l’ensemble du secteur local », carton pour le packaging et a conclut l’industriel européen, qui automatisé une partie de sa pro- lui aussi compte maintenant sur duction. « Désormais, la solution les clients chinois pour développer est de vendre son entreprise ou de son entreprise. q 48 h « Les normes de sécurité sont plus strictes depuis la découverte, en 2007, de produits chimiques dans des jeux Mattel et Fisher Price fabriqués en Chine. [LU HANXIN / XINHUA] Les premiers scandales éclatent en 2007. Des produits chimiques sont découverts dans des jouets Mattel et Fisher Price, entraînant le retrait coûteux de plusieurs millions de jeux des étagères des magasins aux États-Unis et en Europe, et poussant les législateurs à imposer des normes plus strictes en matière de sécurité. En 2008, la crise économique qui frappe les États-Unis et par ricochet le reste du monde touche directement les industriels chinois du secteur, étroitement dépendants de leurs exportations. Des milliers d’usines et d’ateliers ferment leurs portes et licencient des millions de travailleurs. L’industrie du jouet chinois ne s’en est jamais vraiment remise. Si les exportations ont enrayé leur chute, elles n’ont jamais retrouvé leur niveau d’avant 2008. D’autant Le jouet est un produit d’appel pour les distributeurs… d’où la forte pression sur les prix. » un entrepreneur européen que l’un de ses marchés phares, l’Europe, reste toujours englué dans sa crise de la dette souveraine. « La compétition est difficile. On a beaucoup de pression », se plaint Pauline Chen. Ses marges bénéficiaires sont d’à peine 4 à 5 % sur la fabrication et de 10 % sur son activité d’intermédiaire. Difficile dans ces conditions de générer un profit. Un autre entrepreneur, européen, dont le site est implanté à Dong- guan, confirme. « C’est un secteur devenu très difficile. Aujourd’hui, il serait impossible d’entrer sur ce marché », explique-t-il. Débarqué en Chine il y a plus de dix ans, il produit sous licence des jouets Fisher Price et Hello Kitty. S’il concède avoir bénéficié pendant longtemps d’un climat industriel favorable, ce temps est révolu. « Cette année, le marché grec est inexistant. Et celui de l’Espagne est très décevant. J’ai dû chercher d’autres débouchés, comme les Émirats arabes unis, mais ils ne compensent pas la perte du chiffre d’affaires européen », déplore-t-il. Par ailleurs, d’autres éléments sont venus compliquer les affaires. Parmi eux, on compte l’appréciation de la monnaie chinoise qui a renchéri le prix des jouets de 20 % à 30 % par rapport à 2008, le manque de main-d’œuvre qui a 16 entreprises & innovation LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 Mutualisant ses compétences en matière de construction de la semaine navale et de recherche sur les biomatériaux, la Bretagne innove dans le registre de l’écoconception. Des projets sont en cours avec, à la barre, des marins chevronnés comme Roland Jourdain ou Catherine Chabaud. le zoom La Bretagne surfe sur les bateaux « verts » L « Pascale Paoli-Lebailly, à Saint-Malo e bateau du passé était en lin et en chanvre ; c’est peut-être le bateau de l’avenir ! » Pour le navigateur breton Roland Jourdain, la question du nautisme durable renvoie un peu à l’histoire maritime. Afin de réduire, de manière viable et rentable, l’impact environnemental de ses activités, l’industrie nautique retrouve les techniques du passé en les optimisant avec le savoir-faire d’aujourd’hui. Les alternatives au carbone et à la fibre de verre remettent au goût du jour l’utilisation des fibres naturelles (lin, chanvre, liège…) et les résines biosourcées (amidon, sève, orties, algues). Dans ce secteur encore émergent de l’écoconception, la Bretagne démontre une certaine vitalité et compte jouer un rôle clé en matière de recherche, d’innovation puis de production en série. Outre le sens du défi de certaines PME, soutenues par Bretagne Développement Innovation, l’apparition d’un nautisme durable passe par la collaboration de l’ensemble de la filière et du territoire. L’échange des savoir-faire et des compétences sont ainsi au cœur de la stratégie menée par Roland Jourdain via sa société Kaïros (Concarneau), carrefour de plusieurs projets éco-conçus. Fondée en 2007, cette écurie de course a très vite intégré la question de l’environnement à son développement. Via un partenariat avec l’institut de recherche Ifremer à Brest, Kaïros a initié une démarche de R&D pour la conception et la mise en œuvre de prototypes. Des tests de solidité, de vieillissement, de recyclage en fin de vie ont permis de créer une base de données comparative. « Le carbone nous mène droit dans La planche de surf Glazboard est née de la recherche sur les biomatériaux. [DR] Le navigateur Roland Jourdain, fondateur de Kaïros, en conversation avec les surfeurs Ewen Le Goff et Aurel Jacob. [ronangladu.com] le mur, il faut réfléchir à des solutions alternatives, assure Roland Jourdain. Mais l’écoconception n’est pas une révolution pour demain matin. On y va progressivement, sans faire de greenwashing [utilisation purement marketing d’arguments environnementaux, ndlr]. 40 % des produits sont encore issus de la pétrochimie. » Kaïros s’est d’abord fait la main dans le monde de la glisse avec la planche de surf Glazboard, puis le stand-up paddle (SUP) Brown Sugar, développé avec l’entreprise S3 Boards (à Larmor-Baden, dans le Morbihan). Un premier trimaran de 7 mètres, « éco-conçu » Spécialiste de ce sport pratiqué debout sur une planche propulsée à la rame, la société fondée par Christian Karcher lancera en mars 2013 la production et la commercialisation de son paddle. Alors que 90 % des SUP sont produits en Asie et dérivés du pétrole, le Brown Sugar sera fabriqué localement en lin, liège, cellulose et polystyrène, liés par une résine d’origine végétale. Soutenu par le conseil général du Morbihan et la technopole LTI Eurolarge, l’ingénieur et triple vainqueur de la Coupe de l’America vendra ses planches (2 000 € environ) dans les surf shops et sur Internet. Côté plaisance, Kaïros collabore, avec le chantier Tricat, au projet Gwalaz (« herbe marine » en breton), premier trimaran de 7,11 mètres éco-conçu. Cette adaptation du modèle grand public Tricat 23.5 va donner lieu à un prototype à 95 % en biocomposite : sa construction débutera en janvier 2013 pour une mise à l’eau au printemps. Cofinancé par la Région Bretagne à hauteur de 50 000 euros, Gwalaz, dont le coût est environ 20 % plus cher que celui du modèle grand public, sera ensuite testé en conditions Repères France ( Le leader mondial dans le domaine des voiliers (29 % des parts de marché en juin 2012) ; 5e dans l’industrie de la construction de bateaux de plaisance. Une esquisse du « Voilier du futur », qui fédère 22 projets innovants. [françois lucas, Architecture navale Nantes] réelles par les surfeurs Ronan Gladu, Ewen Le Goff et Aurel Jacob. Au printemps, ils sillonneront pendant deux mois les côtes de Bretagne. Baptisée Lost in the Swell (« perdu dans la houle »), leur aventure en mer et sur le Web à la recherche de vagues vierges devra éprouver le comportement du Gwalaz. « Le carbone nous mène droit dans le mur. Il faut réfléchir à des solutions alternatives. » Roland Jourdain, navigateur, fondateur de Kaïros « De la fabrication aux usages des bateaux, le défi de l’écoconception concerne toute la filière nautique bretonne, précise le cherc h e u r C h r i s t o p h e B a l e y, spécialiste du biocomposite à l’université de Bretagne Sud (UBS). C’est même stratégique pour le développement des PME et TPE innovantes, car tôt ou tard la législation l’imposera. Il y a un potentiel économique. La fin de vie des bateaux en plastique, ou la gestion environnementale des ports de plaisance sont des questions clés. » Partenaire de chantiers et d’entreprises, l’UBS sait, grâce au projet NavEcoMat, comment remplacer le composite fibre de verre-résine polyester par un matériau biosourcé et compostable. Cette recherche sert au démonstrateur de 13 mètres des écomatériaux et écotechnologies « Voilier du futur ». Soutenu par le Pôle Mer Bretagne et le pôle de compétitivité EMC2, ce projet est porté par la navigatrice Catherine Chabaud et le consultant Julian Stone. « Voilier du futur » fédère 22 projets innovants, en majorité bretons, autour de solutions diverses : biomatériaux, revêtements biodégradables, voiles de traction, énergies renouvelables embarquées, traitement des eaux… Ce projet sur cinq ans, au Bretagne L’industrie nautique ( 520,8 M€ de CA et 4 931 salariés (12 % du CA et de l’effectif national). ( 1 100 entreprises ; un tissu économique régional atomisé composé à 80 % de TPE et PME placées sur des marchés de pointe et de niche : navires de petites et moyennes séries, course au large et prototypes de compétition, écoconception. ( Présence sur les bassins de Lorient, Vannes et Concarneau. ( Un système d’aides : le plan Bretagne Actions Nautisme à destination des TPE (189 725 € en 2012). La Plaisance ( 900 000 pratiquants. ( 588 installations. ( La plus grande capacité d’accueil de bateaux de plaisance en France métropolitaine. ( La plus grande flotte active. ( 55 ports : 40 M€ CA et 365 emplois. budget global de 11 millions d’euros, espère être retenu dans le cadre du programme national Navire du Futur, dont les résultats de l’appel à candidatures seront connus en 2013. Des bateaux plus économes, plus propres, plus intelligents : toute la recherche menée par la filière nautique en vue d’une production en série trouve aussi des applications dans d’autres domaines industriels, comme l’emballage, l’automobile, l’aéronautique, le design… q entreprises & Financement 17 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE En investissant dans des start-up, les fonds qui appartiennent aux grandes entreprises détectent et se familiarisent non seulement avec les technologies innovantes, mais aussi avec leurs nouveaux modèles de la semaine économiques. Outre le financement, les jeunes pousses profitent aussi de l’expertise de ces grands groupes. le zoom Elles poussent sous l’aile d’un grand En France, l’intérêt est surtout industriel Dans ce domaine, la France n’est pas en reste. « Depuis 2005, une nouvelle vague d’opérateurs recherche des synergies plus durables avec les start-up », explique Marc Westermann, directeur de participations chez SFR Développement, filiale à 100 % de SFR qui, depuis 2006, a investi 40 millions dans 22 start-up. Parmi les leaders dans l’Hexagone, citons aussi Total Energy Ventures, créé en 2008. Seb, de son côté, a doté en 2011 Seb Alliance d’un capital initial de 30 millions d’euros. Pour sa part, Suez Environnement a lancé en 2010 Blue Orange (50 millions d’euros sur dix ans) pour cibler des start-up qui innovent dans l’eau et les déchets. Veolia Environnement s’illustre également sur le terrain des Cleantech depuis 2010, avec Veolia Innovation Accelerator. Si, outre-Atlantique, certains CVC agissent comme de purs fonds de capital-risque, en France, l’intérêt des fonds captifs est plus stratégique, plus industriel. « À la différence des VC classiques, qui adoptent une démarche de pur retour sur investissement, les CVC rassurent les jeunes sociétés d’innovation, indique Éric Naudin, consultant senior chez Erdyn, un grand cabinet de conseil en innovation. Les start-up accèdent à de LE Plastique végétal LA roue intelligente 2,5 millions d’euros 1,7 million d’euros LA benne électronique C’est la somme que le fonds Aster Capital a versée à la société néerlandaise Avantium, qui développe des plastiques à base végétale. réelles synergies technologiques ou commerciales avec le groupe industriel. Notamment pour aborder leur développement international. » De quoi susciter une très forte attractivité. Pour preuve, 400 à 500 candidates s’adressent chaque année à Blue Orange, SFR Développement ou Veolia Innovation Accelerator. Un deal flow qui dépasse les 1 300 start-up par an chez Aster Capital. Reste que gérer cet afflux de candidatures est à la fois un puissant outil de veille technologique et concurrentielle pour les fonds captifs, mais aussi un énorme travail ! D’autant que, « au final, nous ne réalisons que 1 % à 3 % des dossiers vités connexes aux métiers postaux. Ou d’Ecomobilités Ventures (SNCF, Orange, Total) qui détient un fonds de 25 millions d’euros. Parmi les start-up ainsi financées, citons la société norvégienne Move About (2 millions d’euros investis), leader en Scandinavie de l’autopartage pour les entreprises avec un chiffre d’affaires de l’ordre d’un million d’euros. Ainsi que la société française ez-Wheel (1,7 million d’euros investi) qui a conçu une roue pour chariots élévateurs ou brouettes de chantier embarquant à la fois le moteur électrique et la batterie. « Nous apportons trois choses : l’expertise croisée de plusieurs grands groupes industriels, des marchés potentiels et enfin, outre le financement, de l’accompagnement managérial, précise Fabienne Herlaut, directrice générale d’Ecomobilité Ventures. Quelles que soient la compétence et l’excellence d’un patron de start-up, il a besoin d’être accompagné pour prendre les bonnes décisions au bon moment. » Dans cet esprit, le fonds aide Move About à pénétrer le marché français et ez-Wheel à développer sa stratégie à l’international. Pour sa part, Aster Capital (Schneider Electric, Alstom, Sol- L’américain Intel Capital a investi plus de 10 milliards de dollars dans 1 250 start-up. par an », constate Adrien Henry, directeur général de Blue Orange. D’où l’intérêt de mutualiser les efforts. Ainsi, certains opérateurs se sont montés en MVC (Multi Corporate Capital) ou capital-risque multi-entreprise. À l’instar d’Exchange Capital (qui regroupe La Poste, Alten, Neopost, AGF, Cofinoga, GMF, CDC, etc.) dans les acti- C’est le montant du financement de la société française ez-Wheel, conceptrice d’une roue pour chariots élévateurs, par le fonds Ecomobilités Ventures. 400 experts constituent le réseau interne de Blue Orange. Ce dernier teste, entre autres, les prototypes de bennes électriques de compactage des déchets de PVI Semat. vay), après Aster I (70 millions d’euros), a créé Aster II à hauteur de 105 millions pour couvrir la chaîne de valeur complète des start-up de l’énergie, des matériaux avancés et de l’environnement. « Notre équipe compte 14 personnes réparties sur San Francisco, Paris, Tel Aviv, Shanghai et Tokyo afin d’avoir une vision large des sociétés les plus pertinentes », décrit JeanMarc Bally, un des quatre Partners d’Aster Capital. Capter les signaux des marchés émergents Parmi les pépites d’Aster Capital, l’allemande Solarfuel (4 millions d’euros investis) fait coup double : elle valorise le gaz carbonique pour fabriquer du méthane « vert », le HyGas, en lui ajoutant de l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité solaire ou éolienne. Ensuite, elle rend prévisible cette production électrique irrégulière en la stockant sous forme gazeuse dans les réseaux de méthane. Ce qui suscite, chez un constructeur automobile comme Audi, l’envie de lancer de nouvelles gammes de véhicules au gaz naturel. Autre pépite, la néerlandaise Avantium (2,5 millions investis) développe des plastiques à base végétale qui vont être utilisés pour les bouteilles d’eau minérale. « Souvent, les grands groupes ne remarquent les nouveaux marchés que lorsqu’ils s’imposent à eux », reprend Jean-Marc Bally. Disposer d’un fonds captif permet alors aux grands groupes de percevoir les signaux faibles des marchés émergents et de se familiariser avec leurs modèles économiques innovants. Reste que le taux de réalisation de la détection à l’investissement est si ténu que certains groupes intègrent le CVC ou le MVC à une stratégie plus large d’Open innovation. En témoignent SFR Développement ou Blue Orange. Ce dernier propose aux entrepreneurs des tests technologiques mettant à contribution son réseau interne de 400 experts ainsi que ses unités opérationnelles. « Nous testons actuellement une trentaine de technologies proches de la commercialisation qui intéressent nos métiers », confie Adrien Henry. Au menu : des prototypes de bennes électriques de compactage pour la collecte des déchets ménagers avec la société PVI Semat. Ainsi qu’un système de la société qui fait bondir de 20 à 35 % le taux de matières sèches issu des boues de stations d’épuration des eaux usées. « À peine 12 mois ont suffi pour que Suez Environnement commercialise le procédé dans le monde entier ! » se réjouit Adrien Henry. Moralité : ce qui rapporte ne coûte rien. q © PVI Semat © avantium oins connu que le capital-risque (Venture Capital, ou VC), le capitalrisque d’entreprise (Corporate Venture Capital, ou CVC) connaît un formidable regain d’intérêt. Parmi les ténors, citons l’américain Intel Capital, le fonds captif d’Intel qui, depuis 1991, a injecté plus de 10 milliards de dollars dans 1 250 start-up de 53 pays. Toujours outre-Atlantique, Google vient de s’arroger la première place mondiale du CVC en consentant à Google Ventures une enveloppe annuelle de 300 millions de dollars ! Objectif : réaliser des investissements individuels de 250 000 dollars en amorçage dans une cinquantaine de jeunes pousses innovantes, et jusqu’à 10 millions de dollars dans une dizaine de start-up plus mûres. Stars parmi les stars, une ou deux sociétés par an pourront lever chacune de 20 à 50 millions dollars ! © DR M Erick Haehnsen 18 territoires / france LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 Le fisc s’en va-t-en guerre pour le cinéma français Crédit d’impôt Pour la première fois, le cinéma, via le pacte de compétitivité et deux amendements sur la fiscalité de la production, est traité comme une véritable industrie. Une révolution culturelle qui devrait, en 2013, bénéficier largement à l’Île-de-France, région la plus productive et créative du pays. A Jean-Pierre Gonguet ndré Jacquemetton a été scénariste pour Alerte à Malibu. Puis, il s’est racheté. Avec sa femme, Maria, il a scénarisé et, pour certains épisodes, produit Mad Men. Avec cette série, ils trustent toutes les récompenses depuis cinq saisons. André Jacquemetton, Américain né à Lyon, travaille depuis deux ans à un énorme projet pour Capa, Versailles. Treize fois 52 minutes racontant la Fronde, la construction du château, la cour, les intrigues… Les Borgia en mieux, plus de 2 millions d’euros investis par épisode, des stars qui parlent anglais plein le générique, Canal + et HBO pour produire et diffuser, et, si la première saison marche, une deuxième, une troisième, etc. Une série « culturellement française avec la science du storytelling américain », a écrit Vanity Fair. Bref, un blockbuster télévisuel mondial potentiel. Sauf que cette série « culturally french » a bien besoin du coup de pouce fiscal que vient de lui donner l’Assemblée nationale. Car, s’il est en définitive adopté à l’issue de l’examen parlementaire de la loi de finances, la série est sûre d’être tournée. Les amendements 295 et 296 de la loi de finances émanent de Patrick Bloche (président de la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée), de Pierre-Alain Muet, député socialiste du Rhône et grand spécialiste des finances publiques, et de Guillaume Bachelay (député socialiste de la SeineMaritime et membre de la commission des finances). Les 295 et 296 sont le fruit des amours légitimes d’Astérix et Obélix au service de Sa Majesté et du Pacte de c ompétitivité de Jean-Marc Ayrault. Leur parrain est Jérôme Cahuzac : ils grèvent certes de 70 millions i nattendus le budget de l’État, mais le ministre leur a apporté, le 7 novembre au matin, le soutien du gouvernement « avec enthousiasme ». Rarissime ! Astérix a été le déclencheur : lorsque les parlementaires découvrent dans la presse (La Tribune Hebdo du 12 octobre 2012) que Astérix et Obélix au service de Sa Majesté est le premier film français dont aucune image n’a été tournée dans l’Hexagone à cause d’une fiscalité inadaptée, ils s’émeuvent. Le cinéma national est en train de fiche le camp. La profession est pourtant discrète et ne fait que peu de lobbying (sauf Luc Besson qui est allé voir Arnaud Montebourg) : elle est en effet persuadée que plus elle va s’agiter, plus elle va attirer sur elle le regard et les foudres de la Commission européenne, extrêmement chatouilleuse sur la question des aides d’État (lire encadré). Une industrie très réactive En revanche, à Matignon, Denis Berthomier, le conseiller culture, comprend immédiatement le parti à en tirer. Formé à la Cour des comptes, il a été administrateur du Château de Versailles, où Sofia Coppola a réalisé Marie-Antoinette, et où il sait que la série Versailles doit se tourner. Il sait surtout que l’industrie du cinéma, quasi totalement concentrée en Île-de-France, est d’une réactivité immédiate : très structurée, une industrie de main-d’œuvre qui démarre au quart de tour dès qu’un des projets – elle en développe constamment – trouve son financement. C’est une étude de la Commission du film d’Île de France-Audiens sur l’emploi des intermittents qui montre le mieux, entre autre, que dès qu’une mesure de soutien ou d’aide fiscale intervient, l’emploi part en flèche quasi immédiatement. C’est statistiquement particulièrement visible lors des mesures prises par la Région Îlede-France en 2004, ou lors de l’instauration du premier crédit d’impôt pour les productions étrangères en 2006. En clair : une mesure d’aide fiscale, adoptée avant la fin 2012, jouera sur les chiffres de l’emploi dès le début l’île-de-France est la région la plus en pointe en matière de cinéma. Elle compte : 25 % des salles françaises, 50 % des éditeursdistributeurs vidéo, 68 % des sociétés de post-production et de distribution, 82 % des 2013. Coup de chance : lorsque Astérix sort en salles et que la polémique démarre, Matignon travaille au Pacte de compétitivité et cherche des mesures à effet rapide. Bingo ! Le crédit d’impôt à la production cinématographique est immédiatement intégré au Pacte de compétitivité. D’abord rapatrier la production française… C’est la décision n° 17 du Pacte, présenté le 6 novembre, totalement consacrée au cinéma. À peine trois semaines après la sortie sociétés de production, plus de 80 % des salariés de la production, post-production, distribution et édition dans 6 660 entreprises, 110 000 intermittents, la plupart des grandes écoles et des studios français. d’Astérix, c’est d’une rare réactivité. Elle figure au sein d’un groupe de décisions peu commentées pour l’instant constituant « une offensive collective avec les territoires pour la promotion de la “Marque France” ». Pierre-Alain Muet, professeur d’économie à Polytechnique pendant vingt-cinq ans, serait même peut-être allé un peu plus loin : « Sur les 2 milliards de chiffre d’affaires générés par les tournages localisés en Europe, nous n’en captons que 3 %, c’est-à-dire 60 millions… L’objectif est de calibrer ces crédits d’impôt de telle sorte que, sur un marché concurrentiel que se disputent sept ou huit pays, on rapatrie au moins pour partie les tournages que nous finançons [comme le dernier Astérix, ndlr]. Je suis désolé de le dire : nous sommes sur ce qu’on appelle une concurrence oligopolistique entre quelques pays, et des paramètres bien choisis peuvent changer complètement la donne. Quant au coût, l’évaluation ne peut être faite qu’ex post. Un dispositif incitatif, s’il marche, a un coût ; s’il ne marche pas, c’est-à-dire si les dispositifs que nous adoptons ne changent rien à la territoires / france 19 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE Certains films ne peuvent être tournés qu’en France – ici, MarieAntoinette, en 2006. Et le crédit d’impôt international, relevé, peut faciliter le financement de leur production. [The Kobal Collection ] FOCUS « Un marché européen ? C’est le donner aux Américains ! » Shocking !… certains parlementaires se sont mobilisés après avoir appris dans l’article de La Tribune du 12 octobre qu’aucune image de Astérix et Obélix au service de Sa Majesté n’avait été tournée en France. [Collection Christophel] les belles perspectives de 2013 L’Île-de-France espère passer devant le Grand Londres d’ici à la fin de 2013. Dans cette perspective, la région bénéficiera d’un plafond rehaussé des crédits d’impôt situation actuelle, il ne coûtera rien. Mais si nous votons des dispositifs incitatifs, c’est bien pour qu’ils aient un effet ! » … Ensuite livrer la guerre aux Anglais ! Mais cette décision n° 17 est surtout une véritable révolution culturelle, car Matignon a compris (et intégré dans les textes) que le cinéma était aussi une industrie et qu’il devait être traité comme telle. Car en matière de cinéma, s’il y a un pays industriellement hors cinéma et audiovisuel pour les productions françaises, qui passe de 1 à 4 M€, ainsi que du crédit d’impôt international, qui passe de 4 à 10 M€. La création de la BPI devrait aussi aider les PME du secteur. concours, il en est deux autres qui se livrent et vont se livrer une guerre de plus en plus féroce : le Royaume-Uni et la France. L’inclusion du cinéma dans le Pacte de compétitivité montre qu’un gouvernement français a enfin accepté de prendre en compte la réalité de cette guerre, et décidé de la jouer à armes fiscales égales. Pour la première fois, le cinéma est intégré dans une politique générale et sorti du seul cadre de la politique culturelle. Les Anglais ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. À peine le débat sur l’augmenta- tion du crédit d’impôt était-il terminé à l’Assemblée, que le Chancelier de l’Échiquier George Osborne présentait au Parlement un texte qu’il concoctait depuis le printemps, l’extension du crédit d’impôt (sans aucun plafond, contrairement à la France) à toutes les productions audiovisuelles et aux films d’animation ! Les Anglais ont toujours considéré le cinéma comme une industrie : une dizaine ou une douzaine de blockbusters américains sont réalisés chez eux chaque année, et si certains sont à peu près Joaquín Almunia, commissaire européen à la Concurrence, ne supportait pas les pratiques de certains États sur le cinéma. Et depuis quelques mois, il était parti sur le sentier de la guerre pour imposer que les aides au cinéma ne soient plus dépensées sur le territoire qui les a accordées qu’à hauteur de leur montant. Son idée était que le cinéma devait rentrer dans le droit commun – oubliée l’exception culturelle – et donc que chacun pouvait faire son shopping de subventions et d’aides fiscales où il le souhaitait. Il semble que la Commission ait mené un combat plus idéologique que réaliste, et qu’en quelques semaines elle ait compris qu’il lui faudrait bientôt abandonner sa directive. « Unifier le marché, c’est le donner aux Américains », explique Olivier-René Veillon, directeur général d’UniFrance films. « Les Américains sont les seuls à avoir une vision globale du marché européen. Les majors sont parfaitement structurées et implantées dans tous les pays européens, elles ont une stratégie homogène sur tout le continent et des filiales avec le petit doigt sur la couture du pantalon. Elles sont les seules à pouvoir faire leur shopping partout où elles veulent et les seules à pouvoir bénéficier à plein de l’unification de ce marché de la production. En matière de cinéma, qui dit marché intérieur, dit marché américain ! » D’ailleurs, les majors américaines n’étaient pas mécontentes de l’initiative bruxelloise, l’exception culturelle, – renforcée par la convention sur la diversité culturelle de l’Unesco, en 2005 – les ayant toujours empêchées de vendre leurs films comme elles le souhaitaient. Le résultat est que face à une déclaration commune franco-allemande contre l’idée même de cette réforme, et une lettre de 12 États membres, à la fin de novembre, sur les libertés de chaque État en matière de politique de création, la cause a, semble-t-il, été entendue.q imprenables (James Bond, évi- négocier l’arrivée des grandes demment, au moins pour la par- productions anglo-saxonnes en tie studio), quelques très grosses Île-de-France. « Jusqu’à présent, productions sont aujourd’hui précise-t-il, nous générions les gagnables par l’Île-de-France. En talents, les compétences, le rayonparticulier dans les franchises nement culturel et, eux, l’activité qui, pour des raisons de commer- industrielle. Maintenant on va cialisation, ont souvent besoin aussi aller les chercher sur l’actid’être tournées dans des pays vité, et eux vont avoir plus de mal différents : de Jason Bourne aux à venir nous chercher sur le reste. » Schtroumpfs, l’Île-de-France en Il ne peut le jurer, mais il suit a déjà reçu quelques-unes, et depuis des mois et des années des d’autres franchises sont en négo- projets qui vont peut-être voir le ciation actuellement. Nul ne sait jour rapidement grâce à l’augmenlesquelles – car les studios amé- tation du crédit d’impôt : une nouricains mettent dans les négocia- velle adaptation des Bostoniennes, tions des clauses de confidentia- tiré du chef-d’œuvre d’Henry lité si draconiennes James, ou une superproqu’elles feraient passer duction américaine sur les industriels de l’armeSarah Bernhardt avec ment pour des bavards millions une star… « Sarah Berncongénitaux –, mais les d’euros, au lieu hardt est l’archétype de la conditions fiscales vont de 4, ce sera divine scandaleuse aux États-Unis, observe être déterminantes dans le plafond du la guerre avec l’Angle- crédit d’impôt Olivier-René Veillon. Il y international a beaucoup de projets qui terre. pour les films « Toute décision prise en produits en sont développés depuis France entraîne une France, à partir quelque temps aux Étatsc o n t r e - d é c i s i o n e n de 2013. Unis et qui ont besoin, G ra n d e - B r e t a g n e » , comme ces deux-là, d’être explique Olivier-René Veillon. Le tournés en France. On va peut-être directeur général d’UniFrance pouvoir leur donner un coup de films, l’organisme chargé de la pouce. » promotion du cinéma français Un coup de pouce à 10 millions dans le monde, passe sa vie à d’euros, quand même ! q 10 20 territoires / france LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 En 2009, la capitale rhodanienne était la première ville de France à confier à Google la numérisation nouveau et de son fonds libre de droits. Aujourd’hui, elle entre dans le trio de tête des bibliothèques numériques intéressant en Europe, et mettra à disposition du monde entier 450 000 ouvrages, d’ici à 2015. Pourquoi Lyon livre sans états d’âme sa bibliothèque à Google Diane Dupré la Tour, à Lyon Acteurs de l’économie Une salle de lecture encore très « papier » de la bibliothèque Jean Macé, à Lyon. [muriel chaulet] C ’ est un abattage rythmé, mais soigneux. Depuis 2009, ce sont 20 000 ouvrages de la bibliothèque municipale de Lyon qui sont scannés chaque semaine par Google. Enluminures, coupures de presse du xixe siècle, fonds iconographique… Dans un centre banalisé de la banlieue lyonnaise (dont l’adresse est gardée secrète pour éviter les foudres des militants antimondialisation), les équipes du géant américain numérisent à tour de bras les ouvrages libres de droit, soit la quasi-totalité du fonds de la bibliothèque jusqu’en 1920. Coût total : environ 60 millions d’euros. Mais une opération neutre pour le budget de la municipalité, puisque Google assure gratuitement la prestation par le biais d’un partenariat publicprivé, en échange d’un accroissement de son propre catalogue. « C’est le fonds ancien qui intéressait Google. La société recherche les pièces uniques, comme par exemple les Prophéties de Nostradamus », commente Georges Képénékian, adjoint au maire de Lyon en charge de la culture, du patrimoine, des grands événements et des droits du citoyen. Pour chaque ouvrage numérisé, une copie est donc remise à la bibliothèque municipale. À charge pour elle d’organiser son propre catalogue virtuel – les clauses du contrat ne lui permettant pas d’exporter massivement les fichiers auprès d’un tiers. Répondre aux demandes ciblées des lecteurs C’est ainsi que vient d’être lancée Numelyo, la nouvelle porte d’entrée numérique de la bibliothèque de Lyon, qui fait prendre à la ville une longueur d’avance dans le petit monde des bibliothèques publiques. Traitée comme la une d’un site d’information, la page d’accueil du site propose d’organiser et de trier sa propre bibliothèque virtuelle, et de plonger dans un manuscrit mérovingien à partir de son salon. Lyon devient ainsi la première bibliothèque européenne numérique en termes de volume – après Vienne et Web et les rayonnages d’imprimés. C’est le sens du Guichet des savoirs, qui s’engage à répondre en moins de 72 heures à toute demande formulée auprès des bibliothécaires, quelle que soit la nature de la recherche. « Cela répond à une volonté polic’est le délai tique de partage maximal des savoirs et des de réponse connaissances », du Guichet des savoirs à analyse l’adjoint toute demande au maire. En formulée aux 2013, les opérabibliothécaires tions de prêts et lyonnais. de retours devraient être automatisées, afin de mieux centrer le métier de bibliothécaire sur l’accueil du public et l’accompagnement. En juin 2013, se tiendra à Lyon le 59e congrès de l’Association des bibliothèques de France, sur le thème « La Fabrique du citoyen ». Lyon compte en profiter pour proposer son propre modèle aux autres bibliothèques publiques. « Comment inciter les citoyens à configurer eux-mêmes leur bibliothèque et à participer à la valorisation du patrimoine ? C’est l’une des pistes explorées par notre modèle », déclare Gilles Eboli, directeur de la bibliothèque municipale. L’année suivante, ce sera le 80e congrès mondial de la Fédération internationale des associations de bibliothécaires et d’institutions (IFLA), qui sera accueilli dans la capitale des Gaules. Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France, qui copréside au côté de Georges Képénékian le comité national en charge de la préparation de ce congrès, insiste sur les enjeux qui entourent le rôle des bibliothèques dans le développement du numérique : « Il y a 13 millions de livres à la BNF. Or, depuis 2000, nous avons enregistré 13 milliards de fichiers numériques. Nous assistons donc à une accélération de la production éditoriale. Comment conserver et transmettre ce contenu ? Comment se repérer dans cet univers ? En choisissant de travailler avec Google, la bibliothèque municipale de Lyon a fait un choix économique et culturel pertinent. La BNF est, elle, beaucoup plus tributaire du climat des relations de Google avec l’État »… q 72 h Repères 19,5 millions d’euros ( C’est le budget annuel de la ville de Lyon pour la lecture publique. 3,7 millions ( Le nombre de prêts de livres, chaque année, à Lyon. 103 000 inscrits ( En 2011, soit 18 % des Lyonnais, et 2,5 millions de visiteurs. 2009 ( Signature d’un partenariat public-privé entre la Bibliothèque municipale de Lyon et Google. 2012 ( Lancement de la bibliothèque numérique Numelyo, 100 % gratuite, accessible à tous. Les prophéties de Nostradamus pour l’an 1555, une des pépites parmi les ouvrages anciens numérisés par Google à Lyon. [muriel chaulet] FOCUS Donner du sens au grand « vrac » du Net Depuis trois ans, tous les livres scannés par le géant californien sont accessibles sur Google Books, mais « en vrac » : sans classement ni hiérarchisation, hormis les indispensables mots-clés. Les collections lyonnaises sont donc perdues au milieu des 20 millions d’ouvrages numériques proposés par la firme de Mountain View. Avec tous les risques d’erreurs de saisies induites par le Munich, qui ont toutes deux le statut de bibliothèque nationale. Mais Numelyo n’est qu’une brique du projet de l’établissement, qui consiste à faire entrer de plainpied Lyon dans l’ère des bibliothèques hybrides. Celles-ci sont devenues des lieux de vie à l’accès gratuit pour tous, dotées de salle de conférences, de scènes pour système de reconnaissance des caractères, même si la marge d’erreur n’est officiellement que de 3 %. « Notre travail à nous, bibliothécaires, est d’accompagner les recherches, de les élargir en proposant des parcours thématiques, des expositions virtuelles, en contextualisant les résultats », explique Gilles Eboli, directeur de la bibliothèque municipale de Lyon. q accueillir le spectacle vivant, d’espaces de formation, de lieux d’exposition… Si le nombre d’inscrits se montre stable ces dernières années, la part de visiteurs libres a, elle, augmenté, atteignant 2,5 millions de visiteurs en 2011. « Beaucoup viennent sans être inscrits, parfois simplement pour jouer avec un ordi- nateur », observe Georges Képénékian. La société évolue, les bibliothèques aussi : désormais les usages se sont inversés. Il ne s’agit plus de mettre à disposition d’un lecteur une masse de connaissances, mais de répondre à une demande ciblée et d’opérer pour lui un tri dans le vaste océan des informations disponibles sur le 22 territoires / International LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 Outre les appartements et les bureaux, les trois tours seront dotées d’équipements commerciaux et de loisirs. 5 000 personnes devraient y transiter chaque jour. [DR] le grand chantier Un nom tout simple, « De Rotterdam », a été donné à un projet grandiose qui sera livré à la mi-2013 : une ville verticale sur les rives de la Meuse, à Rotterdam, avec trois tours de verre transparentes, qui vont s’élever à 150 mètres, sur 41 étages, avec 160 000 mètres carrés de bureaux. Et 240 appartements, déjà tous vendus ! De la hauteur au pays des polders D « Sabine Cessou, à amsterdam e Rotterdam » sera le plus haut et le plus grand building d’Europe, lorsque le chantier, commencé en 2009, sera achevé à la mi-2013. Avec ce coup de maître, Rem Koolhaas, l’architecte le plus renommé des Pays-Bas, concepteur de la Maison de la musique à Porto (Portugal), de la librairie centrale de Seattle ou encore des nouveaux magasins Prada à Beverly Hills et à New York, va définitivement mettre sa ville sur la carte de l’architecture internationale. Dessiné par son cabinet, Office for Metropolitan Architecture (OMA), « De Rotterdam » tire son nom de l’un des paquebots de l’ancienne Holland America Line, qui a transporté des milliers de migrants européens vers les États-Unis au début du siècle dernier. Il est plus facile à retenir que l’endroit où il se trouve : le Wilhelminapier, un quai du vieux port devenu un petit Manhattan sur la Meuse, avec plusieurs tours abritant les sièges sociaux de grandes sociétés. Accessible par le pont Erasmus, déjà emblématique de l’audace architecturale de Rotterdam, l’immeuble est situé entre la tour KPN (la société de télécommunications nationale) et un terminal pour croisières. Entièrement rasé par les bombardements allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, Rotterdam n’a pas cessé depuis de se reconstruire et de se réinventer. Le plus grand port d’Europe a pris l’habitude de tout décliner au superlatif. Son dernier projet d ’extension, Maasvlakte II, démarré en 2010, va notamment doubler la taille du port avec un terrain de 3 000 hectares construit en mer, pour un montant de 3 milliards d’euros. Des baies vitrées du sol au plafond Nouvelle ville dans la ville, « De Rotterdam » occupe au sol une surface équivalente à un terrain de football, mais s’élance sur 150 mètres, pour cumuler sur ses 41 étages l’impressionnant total de 160 000 mètres carrés de bureaux, commerces et logements. Les trois tours ont été sobrement baptisées West Tower, Mid Tower et East Tower. Elles se distinguent par des déboîtements à mi-hauteur, un style qu’affectionne Rem Koolhaas, comme beaucoup d’architectes construction ait pu finalement néerlandais. Le concept essentiel commencer, a commenté Rem tient à l’usage multiple du bâti- Koolhaas au lancement des trament. « Une très grande structure vaux. L’un des effets positifs de la faite de petits morceaux collés crise économique tient à la chute ensemble, chaque élément ayant son des coûts des matériaux de propre caractère », explique Rem construction, qui a donné un nouvel Koolhaas. élan à ce projet au long cours. » Ces tours transparentes offriront Alors que le secteur de la construcdes vues aussi panoramiques que tion est en pleine récession aux Pays-Bas, « De Rottervertigineuses sur la ville, dam » a trouvé deux le fleuve et les nuages. Signe distinctif du builbanques pour le financer : ding : son ouverture FGH Bank et Rabobank. maximale sur l’extérieur, millions Il est porté par un prod’euros, c’est avec des baies vitrées le coût de la moteur privé, « De Rotallant du sol au plafond. construction terdam » B.V., formé par Les 240 appartements des trois tours MAB Development, une mis en vente par Amvest, de l’ensemble société d’aménagement de La Haye qui a déjà via sa filiale dénommée architectural. transformé l’Ooster44floors, sont partis comme des petits pains, en partie dokseiland à Amsterdam, mais en raison de leurs prix accessibles aussi OVG Projectontwikkeling, un – un élément essentiel de la philo- constructeur qui développe les prosophie du projet. De toutes tailles, jets à dimension sociale. La munices logements ont été vendus à un cipalité de Rotterdam, l’un des maximum de 3 600 euros le mètre partenaires du projet, y occupera carré (pour un 50 mètres carrés à une place centrale. Tous les ser180 000 euros) et un minimum de vices de la mairie vont emménager 2 500 euros (pour un 300 mètres dans les 40 000 mètres carrés de carrés à 750 000 euros). bureaux qui vont leur revenir dans Le projet, dont les premiers plans la Mid Tower. Pour la ville, dirigée depuis 2008 remontent à 1997, est longtemps resté dans les cartons en raison de par le maire travailliste d’origine son coût. « C’est un miracle que la marocaine Ahmed Aboutaleb, il ne 340 s’agit pas seulement d’une opération de prestige. « La ville verticale sera un modèle de développement urbain et durable pour les décennies à venir », affirme Hamit Karakus, un conseiller municipal. La construction aura recours à de l’énergie durable, puisant dans l’eau de la Meuse les moyens de se refroidir. Les promoteurs ont conclu un accord avec la firme Eneco pour une solution écologique globale. Parmi les mesures prévues, des détecteurs automatiques de lumière du jour et de présence pour économiser l’énergie, ainsi que des ascenseurs économiques recyclant leur propre énergie. Aussi rentable que durable L’immeuble devrait être aussi rentable que durable : un hôtel quatre étoiles de la chaîne NH Hotels est incorporé dans la structure, avec ses 285 chambres et un centre de conférence. Une galerie marchande, située dans les six étages de la base de l’édifice, sera disposée autour d’une place publique, Rotterdam Square, conçue pour être lumineuse par tous les temps. Au total, l’édifice devrait voir passer 5 000 personnes par jour et sera ouvert 24 heures sur 24.q territoires / International 23 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE Harrison, la ville qui voulait devenir dortoir nouveau et intéressant Harrison, dans le New Jersey, située à vingt-cinq minutes de train de New York, a décidé de se transformer en ville-dortoir. Neuf promoteurs vont investir 650 millions de dollars, un tiers de la ville va être reconstruit. Pascal Giberné, à New York A vec une population décroissante et ses carcasses d’usines abandonnées, la ville de Harrison, dans le New Jersey, s’est pendant longtemps demandée si elle avait un avenir. Située aux abords de Newark, cette cité, qui en 1910 avait été surnommée par le président William Howard Taft « la ruche de l’industrie américaine », dépérissait lentement mais sûrement le long de la rivière Passaic. Aujourd’hui, l’heure du renouveau a sonné pour Harrison. Son maire, Raymond McDonough, a décidé de transformer sa commune, située à vingtcinq minutes de New York via le PATH (Port Authority Trans Hudson, sorte de TER local), en villedortoir pour jeunes célibataires débutant dans le monde du travail. Un tiers de la ville va donc être reconstruit avec la création de 3 000 nouveaux logements. Neuf promoteurs ont décidé d’investir 650 millions de dollars dans les dix années à venir avec la promesse de Repères Le nouveau visage de Harrison : la rue Sommerset, près de la gare. [DR] LES CHIFFRES DU RENOUVEAU 3 000 ( Le nombre de logements en cours de construction. 1 860 dollars ( Le loyer moyen à Harrison, contre 3 000 dollars dans les villes voisines. 650 millions de dollars ( L’investissement total à Harrison, engagé sur dix ans, par neuf promoteurs immobiliers. 256 millions de dollars ( Investissement pour la nouvelle gare, à 25 minutes de New York. bénéficier d’abattements fiscaux pendant les trente prochaines années. « Cela va sauver la ville », explique le maire d’Harrison qui, voici quelques années, s’était mis à rêver – en vain – quand l’acteur et metteur en scène Robert De Niro était venu lui soumettre l’idée d’y construire un grand studio de cinéma. « Quelle alternative nous reste-t-il aujourd’hui ? se demande, désemparé, l’élu local. Cela va créer des emplois locaux, j’espère. » La pierre angulaire de cette renaissance est la rénovation de la station du PATH de Harrison. Nouvelle gare, nouveau stade : la ville attire Vieille de 76 ans, elle va subir un lifting à 256 millions de dollars afin d’augmenter sa capacité et de se moderniser. Deux millions de passagers ont transité par la gare en 2011, ce chiffre devrait passer à 3,4 millions en 2022. Chapeauté par Raymond McDonough, le projet a vu le jour en 1998 quand des retraités sont venus le voir en pleurant dans son bureau pour lui dire qu’ils ne pouvaient plus payer leurs impôts locaux. Les premières constructions commencèrent à la fin de 2001, avant d’être interrompues et mises en hibernation, à la suite de l’attaque du 11 septembre. Onze ans plus tard, le projet est devenu réalité, la ville se métamorphose. Ouvert au public en 2010, le stade de 25 000 places de l’équipe de football des New York Red Bulls de Thierry Henry a coûté 200 millions de dollars et attire des aficionados de la mégapole new-yorkaise. A l o r s q u e l e s p re m i e r s immeubles flambant neufs poussent le long du bord de la rivière, la question est désormais de savoir si Harrison, ville de cols bleus, va devenir une cité résidentielle prisée comme ses voisines Hoboken et Jersey City, il y a quelques années. Les loyers seront plus bas à Harrison avec un prix moyen de 1 860 dollars par mois, à comparer aux 2 900 dollars d’Hoboken et aux 3 000 dollars de Jersey City. « Harrison a un énorme potentiel, explique Peter J Cocoziello, président d’Advanced Realty, l’un des promoteurs immobiliers. Elle a une station de trains moderne, elle va fonctionner 24 heures sur 24, il sera plus rapide de se rendre à New York depuis Harrison que pour un habitant de l’Upper West Side d’aller au Village. »q On en parle à Bruxelles Idée cadeau : des œuvres d’art pour égayer l’Europe Q ui n’a pas vu un touriste errant autour du Rond-Point Schuman ou du Parlement européen, à Bruxelles, à la recherche d’un symbole de l’Union européenne à côté duquel se faire photographier ne sait pas ce qu’est aimer l’Europe. Parce qu’il faut bien le dire, il n’y a rien ou si peu dont on puisse ramener fièrement l’image à la maison en disant : « J’étais dans la capitale de l’Europe. » Au pied du Berlaymont, l’immeuble siège de l’exécutif, des hordes d’Européens mais aussi de Chinois, de Japonais posent stoïquement devant les lettres « Commission européenne ». Fascinant ! Ils ne remarquent généralement pas le monument dressé à quelques pas de là en l’honneur de Robert Schuman, ce grand bonhomme, né allemand à Luxembourg, diplômé de droit à Bonn, ministre des Affaires étrangères puis président du Conseil sous la IIIe République (française) et porteur de la première communauté européenne. Ils ne sont pas aveugles. Simplement, c’est un bloc noir sinistre. Le monsieur, qui faillit entrer au séminaire et mourut sans descendance, était certes ascétique. Mais était-ce une raison pour lui donner à titre posthume la froideur et la dureté d’un bloc de granit ? Aux abords du Parlement, les suffrages popu- laires se portent, faute de mieux, sur une statue noire, elle aussi évoquant les chefs-d’œuvre de l’art soviétique et portant à bout de bras un énorme euro barré, symbolisant la monnaie unique. Depuis quelque temps, une photo grandeur nature en plan américain du président du Parlement Martin Schulz lui fait concurrence. On en frissonne ! Que les touristes stupéfaits se rassurent, les privilégiés qui ont la chance de pouvoir arpenter les couloirs de la Commission et du Parlement ne sont pas mieux lotis. La coulée de toiles d’éminents inconnus des années 1970 et 1980 qui ornent leurs murs donnerait presque envie d’exhumer, si elle n’était de si sinistre mémoire, l’expression « entartete Kunst », « l’art dégénéré », comme disaient les nazis pour qualifier et interdire l’art moderne. Les gouvernements nationaux – dont l’Union européenne est tout de même la fille ! – n’ont-ils jamais pensé à la doter de quelques œuvres dignes de la grandeur qu’ils prétendent lui donner ? La moindre résidence d’ambassadeur français, le moindre sous-secrétariat d’État peut puiser dans les ressources presque infinies du mobilier national pour égayer ses salles de réunion de quelques pendules empire, éclairer ses murs d’une tapisserie d’Aubusson, voire d’un dessin de Chagall ou de Matisse. À Berlin, la chancellerie, pourtant si sobre, rayonne des toiles des expressionnistes allemands. À Bruxelles, le désert symbolique est une politique. Et les choses ne vont pas en s’arrangeant. Il est loin le temps où les Postes française et allemande se tiraient la bourre pour honorer les « pères fondateurs », émettant entre 1968 et 1980, à quelques années d’intervalle, des timbres à l’effigie des « citoyens d’honneur européens » Robert Schuman et Jean Monnet. Au moment de faire l’euro, nos autorités n’ont pas sauté sur l’occasion pour étoffer de conserve ce panthéon de sacrés bonshommes. Pas du tout. Rompant avec une tradition millénaire, incapable de puiser dans les trésors de cette histoire commune dont ils prétendent qu’elle les rapproche, nos éminences sont allées chercher des abstractions (un pont, une arche, etc.) pour « figurer » l’Europe. Si les agences de notation avaient du sens politique, elles auraient dû faire de ce renoncement un indice infaillible que les choses allaient mal tourner. Une lueur d’espoir point toutefois à l’horizon 2014, avec l’ouverture d’un musée de l’Europe dans un gigantesque institut dentaire désaffecté du parc Léopold, petit joyau du début du siècle dernier. En attendant, pour 2013, si on organisait un concours de prêts d’œuvres venant de toute l’Europe ? q © DR Le carnet de notre correspondante, Florence Autret 24 Vos finances LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 fonds indiciels cotés, appelés aussi ETF ou trackers, rencontrent un succès croissant depuis la crise financière, le bon Les car ils ont l’avantage de la simplicité et affichent des frais de gestion bas. En Europe, et notamment en France, ces fonds plan sont pourtant peu connus du grand public. La faute aux réseaux de distribution qui les mettent rarement en avant. Pour investir en toute simplicité, traquez les trackers Nous avons également signé un partenariat avec Pimco afin de lancer des produits dits “passifs intelligents” ou gérés activement. À ce titre nous avons créé le PIMCO European Advantage Government Bond ETF sur les obligations souveraines, qui pondère les pays en fonction de leur PIB et non du poids de leur dette », énumère Ludovic Djebali. A Rachel Montero lors qu’ils s’imposent progressivement comme l’un des véhicules d’investissement les plus utilisés au niveau mondial, les ETF (exchange trade funds), dénommés aussi trackers, sont assez méconnus du grand public. Leur principe est pourtant très simple : ce sont des fonds d’investissement, cotés en Bourse, qui reproduisent les performances d’un indice boursier. En d’autres termes, ils permettent à un investisseur de détenir l’équivalent d’un indice boursier donné sans avoir à acheter (en proportion) toutes les actions qui composent ledit indice. Y souscrire directement auprès de sites Internet « Aux États-Unis, les encours d’ETF ont atteint fin octobre les 1 150 milliards de dollars, tandis qu’en Europe ils dépassent maintenant à peine les 317 milliards de Des produits à la fiscalité allégée L’accès aux matières premières est également facilité par ce type de produits avec toutefois un bémol, les ETF ne peuvent, pour des raisons réglementaires en Europe, investir sur une seule matière première comme c’est le cas aux ÉtatsUnis où le SPDR Gold par exemple, un ETF investi sur l’or, bat des records en termes d’encours. Les ETF s’imposent comme un des véhicules d’investissement les plus utilisés au monde. [DR] Dernier avantage, un grand nombre de ces produits émis par de ce fait les fonds d’investissement ETF calé sur l’indice MSCI Emer- la baisse ou deux fois la hausse de la des fournisseurs européens sont qui affichent des frais de gestion ging Market et s’exposer très facile- performance quotidienne du éligibles au plan d’épargne en actions (PEA) et displus élevés que les ETF. Aux États- ment à cette classe d’actifs aux CAC 40. Ce type de produits Unis, les ETF ont été amenés à se horaires de cotation des Bourses rencontre un vrai succès posent donc d’une fiscadévelopper fortement, européennes. La plupart de ces pro- auprès des particuliers et lité allégée. « La plupart notamment auprès de la duits sont en effet cotés sur des cela depuis déjà de nom- milliards de des ETF de Lyxor invesclientèle de particuliers places financières accessibles faci- breuses années », indique dollars. C’est le tis sur des indices actions lorsque la rémunéra- lement en Europe, les produits de Valérie Lalonde. Les ETF montant des sont éligibles au PEA, y tion des intermédiaires Lyxor, par exemple, sont générale- permettent également encours d’ETF compris lorsqu’il s’agit d’ETF hors zone euro financiers s’est faite ment cotés sur Nyse-Euronext. d’accéder aux dernières en Europe, fin octobre, à davantage sur la base Autre exemple, « nos produits en innovations en matière de comparer aux comme les ETF indexés de conseils financiers », dollar sont cotés à Londres et nos gestion d’actifs et au savoir- 1 150 milliards sur la Chine ou autres relate Ludovic Djebali. produits en euro à Francfort », pré- faire de gérants internatio- atteints aux pays émergents. Ces ETF En France, pour accéder à ces cise encore Ludovic Djebali. naux reconnus. « Nous États-Unis. doivent pour des raisons produits, les épargnants peuvent Des prises de risque modérées avons créé il y a près de deux réglementaires être y souscrire directement auprès de sont également possibles avec ces ans un ETF en collaboration avec constitués d’un panier d’actions comsites Internet de trading, comme produits. « Nous proposons un ETF Man GLG, dont l’objectif est de sur- prenant au moins 75 % d’actions Boursorama, Fortuneo, etc., ou en qui permet de s’exposer à deux fois performer l’indice MSCI Europe. européennes, ce qui est possible les réclamant à leur conseiller grâce à la réplication synthétique », bancaire ou à leur gestionnaire focus précise Valérie Lalonde. habituel. Ces produits, comme tout instruAutre avantage de ces produits : ment financier, ne sont cependant ils permettent d’accéder facilepas exempts de risque. Ces trackers ment à l’ensemble des classes relèvent de la classe d’actifs du d’actifs, y compris les plus exosous-jacent. À ce titre, ils connaissent donc volatilité et tiques et les plus innovantes. Les Pendant de nombreux mois, la sphère financière a été fournisseurs d’ETF ont ainsi créé baisse des cours, par exemple, pour agitée par un débat opposant les ETF physiques et synun très grand nombre de fonds des fonds actions, ou évolution des thétiques. Schématiquement, les premiers répliquent la capables de suivre une multitude taux d’intérêt pour des fonds obliperformance des indices en utilisant un swap, méthode d’indices : ceux des grandes places gataires. Ils présentent aussi des fréquente parmi les sociétés de gestion françaises ; a financières (CAC 40, Eurostoxx risques spécifiques, certains procontrario, les seconds achètent les titres et répliquent de T50, Dax, FTSE, Dow Jones, etc.), duits sophistiqués pouvant s’appacette façon les indices, cette méthode étant plutôt l’apamais aussi des indices sectoriels renter à des « boîtes noires ». nage des ETF anglo-saxons. Face à ce débat, aux enjeux ou encore des indices émergents Il n’en demeure pas moins que ces éminemment concurrentiels, le régulateur européen a mono-pays (Brésil, Russie, Chine, produits, ayant été sous le feu de la tranché et a renvoyé dos à dos les deux méthodes, arguant Inde, etc.) ou globaux (BRIC, critique (lire encadré), doivent que chacune possède des risques spécifiques et exigeant faire preuve d’une très grande autres émergents, etc.). dans les deux cas une plus grande transparence. q R.M. Un particulier souhaitant par transparence et, dans leur grande exemple investir sur les actions majorité, restent faciles à comémergentes pourra ainsi acheter un prendre pour des particuliers. q 317 En Europe, les ETF ne peuvent pas investir sur une seule matière première, comme c’est le cas aux États-Unis. dollars », indique Ludovic Djebali, directeur des ventes chez Source. Sur le Vieux Continent, leur développement est en effet essentiellement le fait d’investisseurs institutionnels. « Aux États-Unis, les particuliers représentent 50 à 60 % de la clientèle des ETF, alors qu’en Europe, cette clientèle ne représente que 10 % des encours », indique Valérie Lalonde, porte-parole de Lyxor Asset Management. En cause : les réseaux de distribution qui s’y intéressent peu. Les ETF étant gérés de façon passive sans l’intervention de gérants, ils affichent des frais de gestion faibles compris entre 0,15 % et 0,85 % pour les indices les plus complexes à répliquer. Ces produits sont donc peu rémunérateurs pour les réseaux de distribution. « Certains réseaux de distribution se rémunérèrent en partie sur la base de commissions rétrocédées par les producteurs de produits financiers, ils privilégient ETF physique versus synthétique, un faux débat Vos finances 25 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE Petits maîtres… mais bons filons e investir Du xviii siècle à la période moderne, d’Harpignies à Max Jacob, le marché de la peinture ancienne regorge d’artistes abordables, à découvrir ou à redécouvrir. autrement Didier Laurens M oins spéculatif que celui de l’art contemporain, le marché de la peinture ancienne est soutenu par des collectionneurs qui achètent selon leurs goûts tout en profitant du paratonnerre fiscal lié à ce type d’investissement. Si les maîtres du xviiie siècle français comme Fragonard ou Boucher sont inabordables, des artistes moins connus restent accessibles à partir de 4 000 à 5 000 euros. Voire moins. Tel Jean-Baptiste Le Prince, un contemporain de Boucher, qui a effectué un séjour aventureux en Russie, dont il a ramené des paysages et des scènes de genre. Ses dessins se négocient à partir de 1 500 euros. En ce qui concerne le xixe siècle, la donne est plus compliquée. Son aspect académique ne fait plus vraiment recette, même si la cote de peintres comme Jean-Léon Gérôme, l’animateur du mouvement néogrec, ou de Cabanel, l’un des grands « pompiers » du second Empire, progressent régulièrement. « Parmi les petits maîtres français avec un bon potentiel, je citerai, notamment Henri-Joseph Harpignies, un paysagiste dont certaines œuvres sont très abordables », conseille notamment Alexis Borde, expert en tableaux anciens. Les meilleures affaires datent du xixe siècle Comme il est de bon ton à son époque, Harpignies effectue des voyages initiatiques en Italie. Il en ramènera des aquarelles qui, pour la seconde période, anticipent A Village Roadway d’Henri-Joseph Harpignies, 1891. Certains tableaux de l’artiste, peints à Paris ou dans l’Yonne, sont proposés à partir de 5 000 euros. [The Bridgeman Art Library] déjà le pré-impressionnisme. Ses paysages italiens sont déjà chers mais certains tableaux peints à Paris ou dans l’Yonne, où il possédait une maison, sont proposés à partir de 5 000 euros. Mais c’est plutôt dans la peinture symboliste de la fin du xixe que l’on trouve encore le plus d’œuvres sous-cotées. Dans ce sérail, Ménard, dont la famille fréquentait notamment les peintres de l’école de Barbizon, est une pépite. Qu’il s’agisse de pastels ou d’huiles, cer- taines œuvres se négocient à moins de 5 000 euros. De même, les peintures d’un petit maître symboliste comme Osbert sont à regarder avec attention. Comptez au minimum 3 000 euros pour un beau dessin ou une petite aquarelle. Le marché du xxe siècle se tient et c’est, par exemple, en se portant sur les tableaux d’artistes comme Mathurin Méheux que l’on fera bonne pioche, à condition d’aimer les marines. « Certains dessins de Méheux sont achetables à partir Sicav obligations euro long terme : la sécurité récompensée le classement de la semaine Les échanges sont particulièrement nourris entre les « pro-actions » et les « proobligations ». Les premiers mettent en avant les excellents niveaux de rendements offerts actuellement par les dividendes des entreprises cotées. Les seconds vantent la sécurité du placement et la récurrence des coupons versés, même si les problèmes de la zone euro sont venus remettre en question bien des certitudes en matière de risque… Chiffres à l’appui, les investisseurs qui auraient misé ces trois dernières années sur les obligations européennes long terme n’ont, certes, pas à se plaindre. En moyenne, les Sicav spécialisées sur ce segment enregistrent une hausse de 12,5 % sur un an (au 7 décembre 2012). Sur trois ans, la progression atteint 14,8 %. De très belles performances à l’heure où nombre d’investisseurs se demandent où aller chercher du rendement dans un contexte de taux d’intérêt court terme historiquement bas. La donne n’est pas évidente pour les gérants de cette poche obligataire long terme. Ils doivent en effet, savoir choisir entre des obligations aux taux tentants – mais un peu plus risqués – et des titres rassurants, mais ne délivrant quasiment aucun gain. Tout le calcul résidant dans l’anticipation de la pentification, autrement dit du moment où, sur le marché obligataire, les taux longs deviennent ou redeviennent supérieurs aux taux courts. Car aujourd’hui, les taux longs sont bas, voire plus bas que les taux courts. Ces choix sont particulièrement cruciaux car, si l’on regarde les performances des différents produits sur un an, on voit que l’écart entre les meilleurs et les moins bons est impressionnant : + 22,5 % pour le premier, – 18,5 % pour le dernier. Reste le risque de bulle obligataire. Devant le désamour des investisseurs pour les actions, les opérateurs boursiers ne jurent plus que par les obligations. Toutes les émissions actuelles sont quasiment exclusivement composées de titres obligataires, voire d’obligations convertibles en actions. Avec le risque, en cas de revirement, de voir les cours des obligations connaître quelques déconvenues. En attendant, cet engouement est une aubaine pour les entreprises qui empruntent dans d’excellentes conditions. q Pascale Besses-Boumard Performance sur 1 an Performance sur 3 ans 1/ R Euro Crédit (Rothschild et Cie) 22,5 % 21,3 % 2/ Unofi-Oblig (Finogest) 17,4 % 15,1 % 3/ Dexia bonds Euro long term 17,2 % 20,4 % 4/ LBPAM obli long terme 15,7 % 17,5 % 5/ Regard obligations long terme (Pro BTP) 13,9 % 12,3 % 6/ BNP Paribas oblipar 13,7 % 16,2 % 7/ Goldman Sachs euro fixed income 13,6 % 15,5 % 8/ Pioneer Euro bond A 13,2 % 17,6 % 9/ Fideuram fund Euro bond medium risk 12,9 % 15,0 % 10/ KBC renta medium Euro 12,8 % 19,3 % Source : Europerformance, a Six Company d’environ 1 000 euros et il va faire l’objet d’une exposition au musée de la Marine, ce qui soutiendra sa cote », assure Alexis Borde. Autre personnalité à privilégier, Max Jacob qui ne fut pas seulement un immense poète, mais aussi un bon peintre. Si les décors qu’il a dessinés pour les ballets russes de Diaghilev sont recherchés, certains paysages réalisés à la gouache, se dénichent à partir de 3 000 à 4 000 euros. Ce sont des opportunités à ne pas manquer. q 2,95 % Ma tante s’intéresse à la santé des plus précaires le chiffre Non, ce n’est pas le taux décrypté d’un crédit immobilier bon marché. C’est plutôt le fruit d’un constat alarmant : aujourd’hui, bon nombre de Français repoussent ou renoncent à certains frais médicaux peu ou pas remboursés par la Sécurité sociale et les mutuelles. C’est vrai pour les lunettes. C’est vrai aussi pour les prothèses dentaires. Sans parler des frais d’hospitalisation prolongés, conduisant les malades à contracter dans l’urgence et donc dans de mauvaises conditions des crédits à la consommation. Ces derniers, on le sait, sont bien plus chers que les autres types de crédits. Une offre dédiée aux personnes sans emploi, sans mutuelle Fort de ce constat, le Crédit municipal de Paris, habituellement positionné sur les prêts sur gages, a eu l’idée de lancer un prêt santé au taux fixe particulièrement bas de 2,95 %. Prêt susceptible d’être débloqué en l’espace de 48 heures après étude du dossier. Une offre pour le moins iconoclaste qui peut s’avérer très utile en cas de besoin pour de nombreuses personnes. La baisse des taux d’intérêt donne manifestement plein d’idées aux différents établissements bancaires. Sachant que cette offre est essentiellement dédiée aux personnes subissant de plein fouet la hausse du coût de la vie ou celles se retrouvant sans emploi ou sans mutuelle, voire les deux. Les prêts sur gages traditionnellement proposés par le Crédit municipal de Paris s’adressent déjà majoritairement à ce type de clientèle. q 26 les analyses LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 rigueur : la Défense toujours en première ligne À quelques semaines de la publication du Livre blanc, qui va entériner le décrochage de la France en matière d’efforts militaires, des voix s’élèvent pour prévenir des méfaits d’une telle politique. © DR D Michel Cabirol rédacteur en chef du service industrie ésarmer la France semble devenu aujourd’hui largement plus facile – politiquement, entendons-nous bien – que de réduire la dépense publique dans sa globalité. Or, une telle absence de volonté politique risque de coûter cher au pays dans un monde si incertain… même s’il ne faut évidemment pas l’espérer. « La dépense publique, en France, représente 56 % du PIB. Quand on enlève 1,5 % pour la défense, il reste 54,5 %. Sans doute y a-t-il, dans cette masse, des marges de manœuvre à explorer », s’interroge le général d’armée, Jean-Louis Georgelin, ancien chef d’étatmajor des armées, poste qu’il a occupé du 4 octobre 2006 au 24 février 2010. Simple et de bon sens. Comme le sont en général les Pyrénéens, JeanLouis Georgelin étant né à Aspet, petit village au pied des Pyrénées. Une armée respectée à travers le monde Avec le nouveau Livre blanc qui sera publié en janvier, le gouvernement Ayrault, comme tant d’autres auparavant, y compris celui de François Fillon, va continuer de mettre sous pression une armée aujourd’hui encore respectée à travers le monde et une industrie de la défense performante. Évidem- ment, ce ne sera pas dit en des termes aussi brutaux, des « gadgets » seront évoqués pour camoufler cette sévère coupe dans le budget de la Défense qui se prépare dans l’indifférence générale : Europe de la défense, mutualisation, « pooling and sharing », « smart defence » Aujourd’hui, les armées françaises comptent 225 000 hommes et femmes (donc des emplois…) et représentent 1,5 % du PIB, soit 8 à 9 % du budget de l’État. À la fin de la guerre froide, elles étaient fortes de 500 000 hommes, et coûtaient 15 % du budget de l’État, soit 2,7 % du PIB. « L’effort de défense était, aux normes OTAN – c’est-à-dire hors pensions et hors gendarmerie –, de 2 % du PIB en 1997, avant de se stabiliser ces dix dernières années entre 1,6 et 1,7 %, a récemment expliqué devant le Parlement le chef d’état-major des armées, l’amiral Édouard Guillaud. En 2012, il est de 1,55 %. À l’horizon de 2015, il dépassera à peine 1,3 % ». Quel autre budget a connu et va connaître une cure d’amaigrissement aussi violente ? Sûrement pas les collectivités locales, l’Éducation nationale… sans oublier la dette. « Aucun corps de l’État ne s’est réformé comme nos armées. C’était nécessaire, logique. Que chacun en prenne honnêtement conscience. Par deux fois en une dizaine d’années, elles ont été auscultées, mises à plat, amputées, restructurées, parfois avec une inutile brutalité », rap- Aujourd’hui, les armées françaises comptent 225 000 hommes et femmes et représentent 8 à 9 % du budget de l’État. À la fin de la guerre froide, elles étaient fortes de 500 000 hommes, avec 15 % du budget de l’État. [FREDERICK FLORIN/AFP] pelle pour sa part le général Georgelin. La défense a déjà fait son effort pour le redressement des dépenses publiques. Le corps militaire n’est pas le seul à constater ce désarmement massif, alors qu’experts et stratèges constatent parallèlement un accroissement des dépenses militaires dans le monde. Le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, que l’on ne peut suspecter ni de partialité ni de militarisme à tous crins, s’en inquiète même. « La France ne peut donc pas rester indifférente à ces enjeux. Il n’appartient pas à la Cour d’en juger, mais c’est une donnée de l’équation stratégique en matière de défense », explique-t-il. Un budget qui représente 4,8 % du PIB aux États-Unis et 1,55 % en France De quoi parle-t-on ? Des efforts en matière de défense. Ils « ont été importants aux États-Unis, en Russie et dans les pays émergents, notamment en Asie ; ils se sont maintenus en France et se sont réduits dans la plupart des autres pays européens », rappelle le premier président de la Cour des comptes. Et de constater que « les budgets de la défense cumulés des pays européens demeurent inférieurs à la moitié du budget américain ». Ce dernier s’élève à 547 milliards d’euros, soit 4,8 % du PIB national… contre 1,55 % du PIB en France, qui se classe au sixième rang mondial quand on y intègre les pensions (39 milliards d’euros). « Cette position pourrait se dégrader rapidement si les pays émergents poursuivent leur effort. À l’échelle européenne, un décrochage peut s’observer avec le Royaume-Uni : l’effort britannique, de 52 milliards d’euros en parité de pouvoir d’achat, dépasse désormais l’effort français de 14 milliards et cet écart devrait se maintenir au cours des prochaines années », souligne Didier Migaud. Et de conclure sévèrement : « De tels écarts entre les efforts de défense dans le monde peuvent entraîner des ruptures technologiques et une évolution des rapports de puissance entre les États. » Ce serait clairement de l’aveuglement de ne pas comprendre que cette politique de rabotage systématique du budget de la défense va inexorablement entraîner la France vers un déclassement. L’aggravation de la situation des finances publiques et les impératifs du désendettement existent bel et bien. Mais les choix politiques, qui sont faits pour choyer l’électorat de tel ou tel parti, ne sont pas à la hauteur des défis de la France dans un monde instable. Comme tant d’autres gouvernements, celui de Jean-Marc Ayrault gère le pays sans vision ni ambition. « Si tu veux la paix, prépare la guerre (Si vis pacem, para bellum) », un adage que semblent avoir oublié les politiques. Enfin, presque tous. Car la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat s’inquiète elle aussi de tels arbitrages budgétaires. Son rapport « Forces armées : peut-on encore réduire un format juste insuffisant ? » fait autorité. Fera-t-il pour autant des émules ? « La puissance militaire, c’est un peu comme l’oxygène de l’air : on ne se rend pas compte de son utilité quand on n’a pas besoin de l’utiliser, mais, lorsqu’on s’aperçoit qu’il fait défaut, il est toujours trop tard pour réagir », rappelle avec son franc-parler le général Georgelin. q les analyses 27 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE Les marchés financiers, la drogue monti et la peur du manque Le président du Conseil italien a, durant des mois, apaisé les marchés, qui paniquent maintenant de son possible départ. Efficacité… ou effet psychotrope ? La réalité – économique, politique et sociale – italienne plaide pour la seconde option. © DR L Romaric Godin rédacteur en chef adjoint économie a toxicomanie est un des pires fléaux de notre époque. Un fléau si répandu qu’il n’épargne même pas les marchés financiers et les grands médias économiques. Il ne s’agit pas ici de dénoncer l’usage dans les salles de trading – ou de rédaction – de produits psychotropes prohibés par la loi, mais plutôt d’une drogue d’un nouveau genre : Mario Monti. L’usage du Monti est certes apaisant. Depuis sa nomination, l’Italie a progressivement disparu des inquiétudes des marchés, remplacée par l’Espagne ou même la France. Chacun voulait se convaincre et convaincre les autres qu’il « fallait être patient », que « la croissance allait revenir », que « Mario Monti fait le travail nécessaire ». Le nom du président du Conseil italien avait un aspect magique qui réduisait à néant tous les doutes. On avait beau présenter les inquiétants chiffres économiques, les cinq trimestres de récession, les effets sociaux de la rigueur, la désagrégation de la société, rien n’y faisait : Mario Monti était alors mis en avant, tel un totem rassurant. Mais toute drogue a son redoutable revers. L’oubli de la réalité et l’euphorie qu’elle procure ne sont que passagers. Lorsque vient le manque, la réalité dans toute sa triste vérité réapparaît au sujet qui alors désespère et réclame à nouveau son stupéfiant. C’est à ce malheureux processus auquel l’on a assisté il y a une dizaine de jours lorsque les marchés et les éditorialistes européens ont découvert que Mario Monti risquait de quitter la scène. Le taux italien a fortement augmenté, les éditorialistes européens ont paniqué : sans Mario, qu’allait devenir l’Europe ? En cas de manque, le sujet se crée souvent de fausses frayeurs. Dans ce cas, Silvio Berlusconi a joué ce rôle. Il est pourtant clair que le Cavaliere ne peut pas redevenir président du Conseil. Son parti est très loin dans les sondages, lui-même n’est plus guère populaire. Surtout, à l’exception de la Ligue du Nord, aucun parti n’accepterait de s’allier avec lui. Or la Ligue est autant à l’agonie que le parti berlusconien… Le bilan du président du conseil est catastrophique En réalité, et c’est une des constantes de la toxicomanie, l’addiction est souvent plus dangereuse que la réalité que l’on veut oublier. Car elle l’aggrave. Ainsi en est-il du gouvernement Monti. Politiquement et économiquement. D’abord politiquement. En faisant croire à l’Europe que seul un gouvernement technocratique était à même de régler les problèmes de l’Italie, il a réduit à néant la confiance des investisseurs dans le personnel politique italien et, plus généralement dans la démocratie italienne. Les marchés et les partenaires de Rome n’ont alors plus eu qu’une crainte : voir revenir le choix démocratique en Italie. Ceci a également eu pour conséquence de réduire à néant la confiance des Italiens eux-mêmes dans leurs institutions. Résultat : la République italienne vacille sur ses bases et l’opposition populiste du blogueur Beppe Grillo atteint presque 20 % des intentions de vote. Sur le plan économique, nul besoin de s’attarder. Les « réformes » mises en place par Mario Monti se sont souvent limitées à des coupes budgétaires qui ont conduit à une récession grave. Comme l’Espagne et la Grèce, l’Italie est, depuis l’arrivée de Mario Monti, entrée dans une spirale déflationniste dont elle aura grand peine à s’extirper. Le bilan du président du C o n s e i l e st catastrophique : uniquement des trimestres de contraction du PIB. Il faut être un économiste allemand convaincu par les vertus déflationnistes pour croire que de ces ténèbres surgira la lumière. En tout cas, même l’OCDE s’est inquiétée de l’incapacité de faire jouer les stabilisateurs économiques. L’Italie, qui bénéficie d’une industrie exportatrice performante, n’a pas profité de cette politique. C’est la preuve par l’exemple de l’échec de la politique de réduction massive et rapide des déficits censée redresser la compétitivité. Dans ces conditions, c’est bien cette politique qui mène l’Italie à la ruine et qui doit inquiéter les agences et les investisseurs. Au lieu de quoi, c’est elle qui les rassure. Du coup, la démission du gouvernement Monti, comme tout sevrage, apparaît comme une crise difficile à surmonter. Mais c’est une crise nécessaire afin de désintoxiquer définitivement les marchés de l’illusion Monti. Et que l’Italie puisse enfin retrouver un rapport sain avec le reste de l’Europe. q « Les réformes de Monti se sont limitées à des coupes budgétaires qui ont conduit à une récession grave. » Europe : c’est encore loin, l’union bancaire ? L’accord sur la supervision bancaire est probablement le meilleur qui pouvait être trouvé, compte tenu des divergences entre les pays européens. Il ne faudrait cependant pas imaginer que l’union bancaire est pour demain. © DR U Sophie Rolland journaliste ne fois n’est pas coutume, la plupart des observateurs sont d’accord : politiquement, une étape cruciale vient d’être franchie par l’Europe. Le compromis arraché au petit matin du jeudi 13 décembre, après quatorze heures de discussions animées en conciliant des positions a priori irréconciliables, ouvre la voie vers l’union bancaire. Une concession de taille a été faite à l’Allemagne : le relèvement du seuil à partir duquel les banques seront directement supervisées par la zone euro. Seules seront concernées les 150 à 200 banques dont les actifs sont supérieurs à 30 milliards d’euros ou représentent un cinquième du PIB de leur pays d’origine. Les caisses d’épargne et les petites banques allemandes très liées aux politiques locaux sont donc épargnées. En contrepartie, à la moindre difficulté, la BCE pourra reprendre la main sur les petites banques. « C’est un bon compromis : il permet d’avancer vers l’union bancaire et il ne dénature pas les propositions de la Commission européenne », juge l’économiste de Natixis, Alan Lemangnen. Après cette première étape (nécessaire), de nombreux autres compromis devront encore être trouvés avant la mise en place d’une véritable union bancaire. « Avant de pouvoir parler d’une véritable intégration bancaire, il faudra finaliser au moins trois législations européennes essentielles : celle qui doit mettre en œuvre les normes prudentielles de Bâle III, celle qui permettra d’harmoniser le système de garantie des dépôts et celle qui organisera la résolution des faillites bancaires », avance David Benamou, président d’Axiom AI. la BCE assumera ses nouvelles missions à partir du 1er mars 2014 Or les échéances ne cessent d’être repoussées. La directive dite CRD 4 qui concerne le cadre de Bâle III ne sera pas appliquée au 1er janvier comme cela était prévu initialement, mais plutôt au 1er juillet, voire au 1er janvier 2014. Les États de l’Union européenne et le Parlement européen ne sont toujours pas parvenus à conclure un accord sur le nouveau cadre réglementaire. Quand il aura été trouvé, une partie des dispositions devront encore être transposées dans les droits nationaux. Certes, la plupart des grandes banques européennes se confor- ment déjà aux nouvelles exigences. Il n’empêche, le signal envoyé est tout sauf positif. L’accord sur l’harmonisation des cadres nationaux de garantie des dépôts est, lui, prévu pour l’année prochaine. Il faudra en revanche attendre un peu plus longtemps (fin 2013 ou 2014) avant qu’une véritable autorité de résolution des crises bancaires voie le jour. Concernant les raisons immédiates pour lesquelles le mécanisme de supervision a été mis en place – à savoir les difficultés des banques espagnoles –, l’accord trouvé dans la nuit de mercredi à jeudi pose presque plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Personne ne peut déduire du communiqué diffusé ni des déclarations qui ont suivi la rencontre des ministres des Finances européens à quelle date le MES pourra recapitaliser directement les banques en difficulté. Seul élément concret : la BCE assumera ses nouvelles missions à partir du 1er mars 2014 (initialement, le 1er janvier 2014 était évoqué). Un retard est cependant possible (et presque déjà prévu) : l’institution pourra décider de repousser cette date si elle n’est pas prête. Le problème est que certains pays comme Chypre ne pourront pas attendre mars 2014. Si l’aide aux banques chypriotes doit transiter par le budget de l’État, la dette du pays explosera. De quoi plonger le petit pays dans une situation aussi insoutenable que celle de la Grèce. Reste à convaincre l’Allemagne qu’il ne faudrait pas en arriver là… q 28 Les idées LA TRIBUNE VENDREDI 21 décembre 2012 soutenir les collectivités pour relancer l’emploi L’initiative européenne de croissance, impulsée par François Hollande et décidée par le sommet de juin dernier, donnera à la BEI les moyens d’accroître de 30 % ses concours à l’économie française. C’est en s’appuyant sur le partenariat novateur qu’elle a noué avec les collectivités territoriales que le bras financier des politiques européennes donnera son plein effet au volontarisme anticrise européen. © DR L Philippe de Fontaine Vive Vice-Président de la Banque européenne d’investissement (BEI), l’institution financière de l’Union européenne es nombreuses ampliations de la crise, venue de la finance anglosaxonne, qui ont submergé l’économie mondiale depuis l’été 2007 ont durement frappé l’activité en Europe, accentuant le désarroi de nos opinions face à la mondialisation et son scepticisme envers le projet européen. Pourtant, force est de constater que la France est largement bénéficiaire non seulement de la gouvernance et des mécanismes de solidarité mis en place par les chefs d’État et de gouvernement européens, mais aussi des appuis que les institutions de l’Union européenne sont à même de déployer au soutien de son économie : concours des « fonds structurels » gérés par la Commission ; prêts, capital-investissement et assistance technique mis en œuvre par la Banque européenne d’investissement. Paradoxalement, dans un pays où la culture jacobine est encore très prégnante, c’est par un dialogue fécond avec les collectivités territoriales que l’action contra-cyclique de la BEI a trouvé sa pleine expression face à la crise. ramener l’investisseur privé vers le financement de l’économie réelle Il n’y a pourtant rien d’étonnant à cela : c’est en régions que se crée 70 % de la richesse nationale et les collectivités territoriales sont un moteur essentiel de l’investissement en France ; non seulement par le volume des 50 milliards d’euros qu’elles investissent directement chaque année, mais aussi par les nombreux autres projets qu’elles impulsent ou confortent, et dont elles confient la réalisation au secteur privé. Si les deux tiers de ces investissements publics sont autofinancés par l’impôt, le solde (soit quelque 15 milliards annuellement) relève du financement par l’emprunt dont la crise a précisément remis en cause les mécanismes, jusqu’alors essentiellement portés par le secteur bancaire. À cet égard, trois enseignements émergent des années de crise que nous venons de traverser : en premier lieu, il convient de ramener l’investisseur privé vers le financement de l’économie réelle et notamment des projets d’utilité collective ; or, sur les quelque 16 000 milliards d’épargne actuellement sous gestion en Europe des 27, seul 1 % est orienté vers le financement des infrastructures. Ensuite nos acteurs économiques sont tétanisés par « l’incertitude réglementaire, que celle-ci soit prudentielle – Bâle III ou Solvency II, ce qui retient les banques comme les assureurs éloignés du financement à long terme de l’économie –, ou qu’elle soit fiscale, ce qui refrène la volonté des entreprises d’investir, donc d’embaucher. Enfin, en période de contrainte des ressources publiques, il convient de réserver l’usage de ces disponibilités à la catalyse de l’investisseur privé et non à son remplacement ou à son éviction. C’est fort de ce triple constat que la BEI a repensé ces cinq dernières années son portefeuille d’interventions en France, en privilégiant la concertation avec les collectivités territoriales françaises : régions au premier chef, mais aussi départements, métropoles et communautés urbaines. Il s’agissait d’unir nos efforts et nos compétences respectives autour des thèmes européens porteurs que sont la structuration du territoire, la transition énergétique, l’amélioration de la qualité de vie sociale et environnementale des villes, la promotion de l’innovation par les PME. De cette rencontre, nous sommes devenus des partenaires naturels : les collectivités par leur connaissance des besoins de leurs populations et par leur dynamisme à créer des projets qualitatifs ; la BEI en tant que bras armé des politiques européennes et ingénieur financier, capable de mobiliser à ses côtés le secteur bancaire privé et les marchés financiers ainsi que les acteurs financiers publics (Caisse des dépôts, Grand Emprunt, Oséo, etc.) pour accroître la mobilisation du capital à des fins socialement et économiquement utiles pour la collectivité. La BEI est ainsi à même, par ses concours aux collectivités locales ou à leurs concessionnaires et opérateurs délégués, de sécuriser annuellement le financement d’investissements collectifs en France à hauteur de plus de 6 milliards d’euros. Cela s’exprime dans des domaines aussi divers que le financement de nouvelles lignes TGV (comme Tours-Bordeaux, Bretagne-Pays de Loire, le TGV-Est phase II et le contournement de Nîmes-Montpellier), de multiples systèmes de transports collectifs dans 27 villes et une dizaine de réseaux TER, la rénovation de lycées et collèges, la réhabilitation de quartiers dégradés et de logements « Les collectivités locales sont un moteur essentiel de l’investissement en France ; la BEI est à leur côté. » La BEI a établi une relation privilégiée avec chacune des régions métropolitaines et toutes les grandes villes de France. » http://www.latribune.fr La Tribune 18, rue Pasquier, 75008 Paris Téléphone : 01 78 41 40 93. Pour joindre directement votre correspondant, composer le 01 78 41 suivi des 4 chiffres mentionnés entre parenthèses. Société éditrice LA TRIBUNE NOUVELLE. S.A.S. au capital de 3 200 000 euros. Directeur de la rédaction : Éric Walther. Directeur adjoint de la rédaction : Philippe Mabille. établissement principal : 18, rue Pasquier, 75008 Paris Siège social : 10, rue des Arts, 31000 Toulouse. Siren : 749 814 604 ( économie Rédacteur en chef : Robert Jules. Rédacteur en chef adjoint : Romaric Godin. Ivan Best, Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu, Sophie Péters. ( Entreprise Rédacteur en chef : Michel Cabirol. Rédacteurs en chef adjoints : Delphine Cuny, Fabrice Gliszczynski. Sandrine Cassini, Marie-Caroline Lopez, Dominique Pialot, Alain-Gabriel Verdevoye. ( Finance Président-directeur général, directeur de la publication : Jean-Christophe Tortora. Rédaction sociaux, l’assainissement et les hôpitaux, mais aussi le financement de trois plans régionaux de soutien aux énergies renouvelables, ainsi que plusieurs fonds d’investissement en faveur des PME. Parallèlement, la Banque s’attache à appuyer l’innovation des grandes entreprises, par exemple en soutenant la R&D et la mise en place du système « Autolib’ », le déroulement de la fibre optique à haut débit au bénéfice des PME et des particuliers, la transition énergétique de nos constructeurs automobiles, ou en mettant en place un programme d’assistance technique à l’amélioration du bilan énergétique des bâtiments scolaires de Paris. Bien que d’intérêt collectif, plusieurs de ces investissements sont réalisés en gestion déléguée au secteur privé, ce qui suppose la mise en place d’une ingénierie financière spécifique destinée à atténuer le risque encouru par l’investisseur. C’est ainsi que, outre nos prêts classiques, nous avons développé une gamme d’instruments de partage de risques au soutien des projets en partenariat publice-privé (PPP) : apports de fonds propres, de garanties, voire de rehaussement de crédit pour les emprunts obligataires émis par des sociétés véhiculaires assumant la réalisation d’infrastructures (les fameux « project bonds »). Rédactrice en chef : Pascale Besses-Boumard. Rédactrice en chef adjointe : Séverine Sollier. Laura Fort, Christine Lejoux, Sophie Rolland, Mathias Thepot. ( Édition : Jean-Pierre Alesi. ( Correspondants : Florence Autret (Bruxelles). Rédacteur en chef Hebdo : Jean-Louis Alcaïde. Jean-Pierre Gonguet. latribune.fr ( Rédactrice en chef : Perrine Créquy. réalisation R&A ( Direction artistique : Anne Terrin. ( Rédacteur en chef édition : Alfred Mignot. le concours de la bei dépassera en 2013 le seuil historique de 7 milliards d’euros Une étude récente menée auprès de 55 collectivités françaises importantes illustre les résultats de cette politique. Assumant 12 % du financement direct des collectivités locales, la BEI s’est confirmée, aux côtés de la Caisse des dépôts, comme essentielle au maintien du niveau de l’investissement public français en 2011 ; l’action européenne de la BEI aura permis de mettre en place non seulement une alternative aux concours bancaires en forte régression (passant de 94 % à 54 %), mais aussi de conforter la capacité d’emprunt des collectivités comme de leurs concessionnaires, sur les marchés financiers qui représentent actuellement près de 16 % du financement des projets collectifs. Ainsi que s’y est engagé le président de la Banque, M. Werner Hoyer, lors de sa récente audition par l’Assemblée nationale, l’initiative européenne de croissance bénéficiera du très fort appui de la BEI qui augmentera de 30 % ses concours à l’économie française en 2013. Le volontarisme européen face à la crise, exprimé au plus haut niveau de la gouvernance, est ainsi relayé sur le terrain par la BEI dont les concours en France dépasseront le seuil historique des 7 milliards en 2013 : ici encore, la relation privilégiée de la banque de l’Union européenne avec chacune de nos régions métropolitaines et toutes les grandes villes de France sera le pivot d’un nouvel essor pour un meilleur vivre ensemble en France, comme en Europe. q Secrétaire de rédaction : Sarah Zegel. Révision : Cécile Le Liboux, Francys Gramet. ( Infographies : ASKmedia. ( ( Actionnaires Groupe Hima, Hi-media/Cyril Zimmerman, JCG Medias, SARL Communication Alain Ribet/SARL, RH Éditions/Denis Lafay. Management Vice-président en charge des métropoles et des régions Jean-Claude Gallo. Conseiller éditorial François Roche. Directrice Stratégie et Développement Aziliz de Veyrinas (40 78). Directrice de publicité Clarisse Nicot (40 79). Directeur de publicité Guillaume de Carné (40 76). Directeur nouveaux médias Thomas Loignon. Abonnements Dorothée Rourre (44 22). Imprimeries IPS, ZA du Chant des Oiseaux, 80800 Fouilloy. No de commission paritaire : 0514 C 85607. ISSN : 1277-2380. Un supplément gratuit LA TRIBUNE DES RÉGIONS est inséré dans cette édition. Les chroniques 29 VENDREDI 21 décembre 2012 LA TRIBUNE L’INFLATION NE SERAIT PLUS L’ENNEMI PUBLIC N° 1 au cœur de Face à une stratégie de désendettement qui ne fonctionne pas, des voix commencent à s’élever pour réclamer un débat international sur les nouveaux objectifs que les banques centrales pourraient se donner, faisant passer au second plan le contrôle strict de la hausse des prix. la crise À © DR suivre l’actualité des banques centrales aux États-Unis et au Royaume-Uni, une réflexion vient soudain à l’esprit : serions-nous à l’aube d’une véritable révolution ? Dans les deux principaux centres de la finance mondiale, la lutte contre l’inflation – cette mission gravée sur leur fronton – est en passe d’être reléguée au second plan au profit d’un nouvel objectif prioritaire : la relance de la croissance afin de faciliter le désendettement et de stabiliser le système financier international. François Leclerc Ancien conseiller au développement de l’Agence France-Presse Il tient la chronique de « L’actualité de la crise » sur le blog de Paul Jorion. Il est l’auteur de Fukushima, la fatalité nucléaire (éditions Osez la République Sociale !, octobre 2012, 11 € ). Viser un taux de croissance nominal justifiant la création monétaire Aux États-Unis, le Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) a mis les petits plats dans les grands et lancé un nouveau programme de création monétaire de 40 milliards de dollars par mois, afin d’acheter, sans limitation de durée, de la dette fédérale, ce qui, ajouté à ses achats mensuels de titres hypothécaires de 45 milliards de dollars, devrait encore gonfler son bilan de 2 500 à 3 500 milliards de dollars d’ici à la fin de 2013. Le FOMC a, d’autre part, décidé de maintenir son taux directeur quasiment à zéro, en le liant à trois facteurs : un taux de chômage restant au-dessus de 6,5 %, des p erspectives d’inflation à moyen terme ne déviant pas de plus d’un demi-point par rapport aux 2 %, et des attentes d’inflation à plus long terme « bien arrimées ». Une partie aux implications plus radicales se joue au Royaume-Uni, à la faveur de la nomination de Mark Carney, l’actuel gouverneur de la Banque du Canada, à la tête de la Banque d’Angleterre en juin 2013. Le futur gouverneur a exposé sans attendre ses conceptions générales de politique monétaire, préconisant d’abandonner la cible d’inflation de 2 % – datant de vingt ans – pour lui substituer comme nouvelle cible un taux de croissance nominale (la combinant avec l’inflation), justifiant une relance de la création monétaire, quitte à accepter une poussée inflationniste. Aux grands maux les grands remèdes, étant donné « la nature exceptionnelle de la situation » qu’il enregistre ! George Osborne, le chancelier de l’échiquier qui l’a choisi, empêtré dans une stratégie de désendettement qui ne fonctionne pas, souhaite qu’un débat international s’engage à propos des nouveaux objectifs que les banques centrales pourraient se donner. « Confrontée à la déflation, la nouvelle équipe du Parti libéral démocrate du Japon, qui vient de remporter les élections, n’a pas non plus fait mystère de ses intentions quant à la politique qu’il entend voir la Banque du Japon mener, afin de sortir de cette trappe grâce à l’inflation ! Si, par la force des choses, l’inflation n’est plus l’épouvantail qu’elle était (sauf à Berlin), ne seraitce pas parce que les banquiers centraux observent que les masses de liquidités déjà déversées ne gonflent que les prix des actifs financiers, créant une nouvelle bulle, alors même que la précédente n’est pas complètement dégonflée ? la menace principale reste la déflation Le danger n’est peut-être pas là où on l’attend, dans un monde qui ne fonctionne plus comme avant, où la transmission à l’économie de l’inflation résultant de l’augmentation de la masse monétaire s’opère mal dans le contexte de récession actuel, où la menace principale reste la déflation, et où le risque d’euthanasier les rentiers paraît maîtrisable. Faisant bande à part, la BCE s’est elle aussi octroyée une nouvelle mission : stabiliser la crise de la dette de la zone euro. Et pour ce qui est de la croissance, elle est alignée sur la stratégie faisant de la réalisation de mesures structurelles et d’austérité publique son préalable et son levier. Mais quelle que soit la stratégie choisie, la relance sera-t-elle vraiment au rendez-vous ? q Les masses de liquidités déjà déversées ne gonflent que les prix des actifs financiers, créant une nouvelle bulle. » Légiférer sur la rémunération des dirigeants ? Un projet de loi sur la rémunération des dirigeants devrait être au cœur des déposé début 2013, a déclaré le ministre de l’Économie et des © DR entreprises Héger GABTENI © DR Professeur associé à l’ESG Management School, paris Adil BAMI Professeur associé à l’ISCAE-Casablanca I Finances, Pierre Moscovici. Mais est-ce la bonne approche ? nterrogé début décembre par la mission parlementaire « Gouvernance des grandes entreprises » de l’Assemblée nationale, le ministre de l’Économie relevait que les excès de certaines rémunérations, férocement décriés par l’opinion publique, étaient le reflet d’une gouvernance défaillante. Ce dernier point justifie que l’on se penche davantage sur un sujet aussi sensible que celui de la rémunération des « grands patrons ». La rémunération de nos dirigeants revêt des terminologies et des formes diverses au nombre desquelles nous retrouvons le salaire fixe (ou de base), les primes de bienvenue ou golden hello, les bonus, les stocks options, l’attribution d’actions gratuites, les golden parachutes, les retraites chapeau, les avantages en nature, les jetons de présence, etc. Le débat fait rage depuis plus d’une décennie et traduit un manque de transparence et de pédagogie en la matière, bien que des efforts aient été réalisés, notamment avec la promulgation de la loi NRE du 15 mai 2001, qui imposait que les rémunérations perçues par les mandataires sociaux des sociétés anonymes soient détaillées au sein du rapport de gestion. Cette avancée en la matière fut freinée deux années plus tard par la promulgation de la loi de sécurité financière (LSF) de 2003 qui n’imposait alors l’obligation de publication des rémunérations des mandataires sociaux qu’aux seules sociétés cotées. Tandis que certains préconisent le tout réglementaire et le plafonnement pur et simple des rémunérations des dirigeants, d’autres arguent pour une rémunération fonction de la performance des entreprises considérées. Cette seconde proposition est confirmée théoriquement par les travaux de Hall et Liebman (1998), qui mirent en évidence la relation entre rémunération des dirigeants et performance de leur société. les dérives opportunistes à l’origine de l’opprobre sur les « grands patrons » Ils ont notamment démontré le caractère incitatif que pouvaient avoir certaines formes de rémunération des dirigeants sur la performance de leur entreprise. À ce titre, les rémunérations indexées sur les performances des entreprises telles que les stocks options permettent de faire converger les intérêts des actionnaires et des dirigeants et ainsi de bannir les éventuels comportements opportunistes du dirigeant, générateurs de coûts d’agence (coûts de recherche informationnelle, coûts de surveillance…) au sens de Jensen et Meckling (1976). Ce sont ces dérives opportunistes illustrées par les cas Vivendi en 2002, Carrefour en 2005, ou encore Vinci en 2008 qui jetèrent l’opprobre sur les « grands patrons du CAC ». Les lois NRE en 2001, Breton en 2005 ou Tepa en 2007 se sont toutes heurtées à la question houleuse de la rémunération des dirigeants et ont notamment permis de générer plus de transparence en la matière. Néanmoins, la question de la légitimité de ces rémunérations jugées excessives par l’opinion publique et les actionnaires reste posée. Un arrêté publié au Journal officiel du 25 octobre 2012 avait déjà déclenché les hostilités en plafonnant les rémunérations des dirigeants des entreprises détenues directement ou indirectement par l’État – une cinquantaine (EDF, Areva, La Poste, la SNCF…). Le chiffre retenu, 450 000 euros par an, représentait vingt fois le salaire le plus bas dans ces entreprises. Dans ce contexte caractérisé par la mise en place d’un contrôle réglementaire pour le secteur public, et par la préparation d’outils d’encadrement pour le secteur privé, se pose la question de l’attractivité dans un marché des cadres dirigeants largement mondialisé. Légitimer ces rémunérations en les soumettant notamment au vote des actionnaires, apporteurs de capitaux, semblerait être la solution d’équilibre sur ce marché. Le vote des actionnaires relatif à la rémunération des dirigeants ou « say on pay » pourrait être envisagé comme une partie de la solution. Légiférer ou légitimer ? Le débat reste ouvert. q 30 L’interview LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 Pierre moscovici ministre de l’économie et des finances « Le french bashing est une mode, un sport… » Dans un entretien accordé à La Tribune, le locataire de Bercy revient sur l’action récente du gouvernement en faveur de la compétitivité qui, selon lui, favorise la France qui gagne. Il affirme sa confiance dans la capacité de l’économie tricolore à surmonter la crise actuelle et à continuer à jouer un rôle majeur en Europe. Propos recueillis par Romaric Godin, Fabien Piliu et Sophie Rolland (La Tribune – La rédaction de La Tribune a décidé de par- ler, en cette fin d’année, de « cette France qui gagne », alors que tous les indicateurs sont au rouge. Incongru ? Pierre Moscovici – Il serait surtout incongru d’ignorer nos atouts : la France, c’est une économie solide et diversifiée, la cinquième puissance économique mondiale, l’une des dettes les plus sûres et les plus recherchées de la zone euro, et une voix qui compte en Europe. Je n’ai jamais caché la gravité de la situation, l’ampleur des défis à relever ou des réformes à accomplir. Mais nous avons pour nous cette base solide, une grande capacité d’écoute et de mobilisation, et surtout, une vraie volonté politique de réformer nos structures économiques. C’est ce que me disent, d’ailleurs, nos partenaires internationaux, les investisseurs et les agences de notation. Que peut faire le gouvernement pour relancer l’industrie ? À quand une bonne nouvelle dans le domaine industriel, comme, par exemple, une reprise de l’emploi manufacturier ? Ce gouvernement est à l’écoute des besoins des entreprises, qui ont un réel problème de marges qui les empêchent d’investir et d’embaucher. Nous avons décidé d’appliquer rapidement les mesures du « pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi », et notamment la première d’entre elles, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi [CICE, ndlr]. Le CICE va alléger le coup du travail de 20 milliards d’euros en deux ans, et nous l’avons conçu pour changer les anticipations des entreprises et les inciter à débloquer leurs décisions d’investissement et surtout d’embauches dès 2013. Ce CICE s’ajoute à d’autres mesures, comme la pérennisation et ( même l’extension du crédit impôt recherche ou l’appui à la trésorerie des entreprises. Ce pacte, c’est plus de compétitivité pour plus de croissance, plus de croissance pour plus d’emplois. Le cap est le même : inverser la courbe du chômage à la fin de 2013. L’emploi, c’est bien l’objectif que le gouvernement vise. ( La fiscalité actuellement en vigueur favorise-t-elle la France qui gagne ? La concurrence fiscale de certains pays n’est-elle pas, de ce point de vue, un danger pour le pays ? Elle favorise la France qui innove et qui travaille, elle protège la France qui souffre et qui peine. Elle vise à taxer la rente et non le risque, typiquement celui pris par l’entrepreneur. C’est le sens de nos réformes fiscales, qui rétablissent la progressivité de l’impôt en demandant plus à ceux qui peuvent le plus, tout en préservant les conditions de rebond de la croissance. Il faut comprendre le sens des nouvelles recettes que nous avons créées : elles sont là pour réduire le déficit public, et elles s’accompagnent par ailleurs d’une baisse de la dépense publique qui sera supérieure à la hausse des recettes sur l’ensemble du mandat. 2013 est la marche la plus haute, mais nous prévoyons de stabiliser et de baisser les p rélèvements par la suite – nous avons même commencé à le faire avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Cela ne doit pas nous empêcher d’être très vigilants sur la concurrence fiscale et de pousser à plus d’harmonisation en Europe. C’est la raison pour laquelle François Hollande a annoncé la renégociation de nos conventions fiscales, avec la Suisse et avec la Belgique en particulier. « Nous ne cherchons pas à nous conformer à un modèlexxxxxxxxx ultralibéral », Légende xxxxxxxx xxxxxxx [PVEdrune] affirme le ministre de l’Économie et des Finances. xxxxxxxxx xxxxxxxxxxx xxxxxxx. [P. VEDRUNE] ( Le french bashing est à la mode hors de nos frontières. Peut- il fragiliser la perception de la France par les marchés ? Comment pouvez-vous lutter contre ce sentiment ? Le french bashing est une facilité, un cliché, une mode et, pour certains, presque un sport. Il faut rester serein et répondre dans un dialogue nourri et soutenu avec les investisseurs – je le fais très régulièrement –, expliquer et convaincre, inlassablement… et exiger d’être jugés sur nos résultats. Je ne constate pas de défiance des marchés à notre égard. Au contraire, nos taux d’intérêt restent très bas. Peut-être y a-t-il un temps d’observation, de fortes attentes. Mais il y a aussi la reconnaissance que les lignes bougent, qu’il se passe quelque chose de nouveau, que le rythme des réformes, qui nous est propre, est soutenu. Pour autant, nous ne cherchons pas non plus à nous inspirer et à nous conformer à un modèle ultralibéral et prédateur. ( L’avenir industriel de la France ne se joue-t-il pas au niveau européen ? Dans ce cas, quel rôle peut jouer la France dans la nouvelle architecture institutionnelle de l’Europe et de la zone euro ? Un rôle de premier plan, comme elle l’a fait depuis six mois en faisant adopter le Pacte de croissance en juin – une première étape cruciale pour réorienter la construction européenne, avec un soutien accru à l’investissement et à la croissance grâce à l’augmentation des moyens de la BEI, la mise en place de project bonds et la mobilisation des fonds structurels non utilisés –, en soutenant le Mécanisme Européen de Stabilité [MES] et les nouvelles capacités d’intervention de la Banque centrale européenne, en faisant le choix historique d’une supervision bancaire intégrée, afin de combattre à la racine les causes mêmes des déséquilibres dont souffre notre système financier. La crise de la zone euro est en train de passer. Nous avons levé les doutes sur l’existence de notre monnaie et nous sommes en train de montrer que l’Europe mérite la confiance des investisseurs, qu’elle a un avenir brillant. Il faudra demain continuer à trouver des remèdes à nos maux, améliorer encore la gouvernance de l’Europe, et construire sur cette base l’Union politique. La France est très présente sur ces sujets – j’y consacre une part très importante de mon temps ; elle est et restera en première ligne de ce combat. « La crise de la zone euro est en train de passer. Nous avons levé les doutes sur l’existence de notre monnaie. » ( Au regard de l’état des balances commerciales respectives de la France et de l’Allemagne, la comparaison permanente avec notre voisin vous paraît-elle justifiée ? L’Allemagne et la France sont les deux plus grandes économies de la zone euro. Elles ont donc une responsabilité particulière pour dessiner les voies de la sortie de crise. C’est ce que nous avons fait, avec l’aboutissement des négociations sur le soutien à la Grèce ou sur l’union bancaire. Donc, il y a ce travail commun au niveau européen. Et puis il y a, en cohérence, un travail que chacun doit faire au niveau national pour soutenir l’activité et la croissance. La France a un déficit commercial de plus de 70 milliards d’euros : cela veut dire qu’il faut réformer nos structures économiques, les rendre plus compétitives pour se projeter vers le monde avec force et ambition. C’est tout l’objet du pacte de compétitivité adopté le 6 novembre par le gouvernement. À l’inverse, l’Allemagne a un important excédent commercial : cela veut dire qu’elle a des marges de manœuvre pour soutenir sa demande intérieure, ce qui aurait un effet d’entraînement important en Europe. Relancer l’activité et la croissance en zone euro est la responsabilité de tous : les pays excédentaires et les pays déficitaires, mais avec des recettes évidemment différentes au sein de chaque pays. L’important étant de ne pas perdre de vue l’intérêt européen… qui est aussi le nôtre. q