Unvasteréseaudefraudefiscaleminel`Ovalie

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Unvasteréseaudefraudefiscaleminel`Ovalie
sport
0123
Dimanche 9 - Lundi 10 octobre 2011
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Un vaste réseau de fraude fiscale mine l’Ovalie
Le nom du futur sélectionneur du XV de France, Philippe Saint-André, apparaît parmi les personnalités citées
Rugby
L’embarras de Philippe
Saint-André
A
vant même de prendre ses
fonctions de sélectionneur
du XV de France, Philippe
Saint-André pourrait être éclaboussé par une affaire compromettante. Son nom apparaît dans
un dossier où il est question de
comptes bancaires offshore, de
paradis fiscal, de société écran.
Selon les documents consultés
par Le Monde, M. Saint-André, en
tant qu’entraîneur-manageur,
aurait bénéficié, au même titre
que de nombreux joueurs professionnels, de pratiques qui suscitent les interrogations de la justice.
Saisie en 2005 d’une plainte de
la Fédération française de rugby
(FFR), la justice cherche à vérifier si
ces pratiques constituent un système illégal d’évasion fiscale et de
rémunérations occultes. Le mécanisme, qui aurait fonctionné
entre 2001 et 2005, année où la justice a été saisie par la FFR, serait le
suivant : en plus du salaire « officiel » payé à son joueur, le club
paye une autre part, opaque, virée
sur un compte offshore hébergé à
la Banca Popolare di Verona e
Novara, sise à Luxembourg, par
l’intermédiaire d’une société, Kenmore management SA, domiciliée
aux îles Vierges britanniques, un
paradis fiscal.
Les versements de ce qui s’apparente à des compléments de salaires déguisés (parfois sous le masque trompeur de paiement de
droitsd’image) permettraient ainsi
d’échapperàtouscontrôlesetprofiteraient à beaucoup de monde. Au
joueur, qui peut minorer son salaire et payer moins d’impôts. Au
club, qui paye moins de charges
sociales et peut dribbler le fisc. A
l’agent du joueur, qui peut gonfler
sa commission, légalement plafonnée à 10 % du salaire de son client.
Le procès des comptes de
l’Olympique de Marseille, en
2006, avait mis aujour un tel systè-
Joint, vendredi 7octobre, en Nouvelle-Zélande, le futur sélectionneur des Bleus déclare : « Sur les
versements de droits d’image me
concernant… Ça m’étonne. Avec
le nouveau poste que je vais avoir…
Vous savez, je suis transparent. Je
ne sais pas ce que vous pouvez
dire. Qu’il y ait eu des factures faites sur la société Kenmore, c’est
sûr, parce que je travaille avec les
agents du monde entier. Avec Pascal Forni, j’ai travaillé sur des
joueurs en France ou des joueurs
français en Angleterre. Concernant le transfert de Pucciarello, je
n’ai jamais rien signé. Que ce soit à
Bourgoin, à Sale, à Gloucester ou
à Toulon, clubs que j’ai entraînés.
Que ce soit une facture, une commission d’agent ou un contrat de
droits d’image. Pour que ce soit
transparent. Je n’ai jamais été
entendu par la justice.»
Philippe Saint-André (à droite) et Olivier Azam au stade Jean-Dauger, à Bayonne. ROMAIN PERROCHEAU/PRESSE SPORTS
me frauduleux et s’était clos sur la
condamnation de dirigeants et
d’agents de footballeurs.
Au cœur du dispositif, Pascal
Forni – fils de Raymond Forni, président (PS) de l’Assemblée nationale de 2000 à 2002, mort en 2008 –
est soupçonné par la FFR d’exercer
illégalement la profession
d’agent. C’est Bernard Laporte,
ancien sélectionneur du XV de
France et ancien secrétaire d’Etat
aux sports, qui lui conseille, en
1999, de devenir agent. Au fil du
temps, Pierre Mignoni, Dimitri
Szarzewski ou Juan Martin Hernandez tombent dans l’escarcelle
dunouvel agent. M. Forni est également un proche, partenaire de
poker à l’occasion, de Philippe
Saint-André.
A la lecture de plusieurs lettres
à en-tête, les liens entre Kenmore
et M. Forni ne font guère de doute.
En outre, M. Forni, qui n’a pas don-
né suite aux messages téléphoniques du Monde, aurait aussi retiré,
le 5 août 2002, 49 000 euros en
espèces du compte bancaire
luxembourgeois de Kenmore.
Plusieurs clubs du Top 14
Sur les documents consultés,
plusieurs noms de clubs du Top 14
auraient crédité des sommes d’argentsur le compte offshore de Kenmore lors de transferts de joueurs :
le Stade Français, Bourgoin-Jallieu,
Perpignan. Clermont-Ferrand aussi, qui auraient viré, le 22 octobre
2003, 76 225 euros à Kenmore. Le
FC Grenoble, lui, aurait émis deux
chèques à l’ordre de Kenmore
(55 946 euros le 21 juillet 2003 ;
27 973 euros le 17 mai 2004).
Plusieurs noms de joueurs ou
d’entraîneurs sont également
mentionnés sur des factures à
en-tête de Kenmore Management
SA. Le nom de Philippe Saint-
André apparaît sur un fax envoyé
par le club anglais de Gloucester,
daté du 13 septembre 2002.
M. Saint-André est alors manageur de Bourgoin. Ken Nottage,
managing director de Gloucester,
lui demande de confirmer les instructions de paiement avec Kenmore Management concernant le
transfert du joueur argentin Federico Pucciarello et du paiement
d’une somme de 30 000 livres au
club.
M. Pucciarello bénéficiera, en
outre, le 1er février 2003, d’un ordre
de virement de Kenmore de
98 324 euros. Sur une facture datée
de 2004, le club de Sale effectue
quatre virements à Kenmore, de
12 750 livres sterling (14 833 euros)
chacun, dont le bénéficiaire mentionné est M. Saint-André. Laurent
Seigne, son adjoint à Gloucester,
aurait bénéficié, en 2002, de
13 500 livres sterling de Kenmore,
Les Bleus se rassurent avant d’affronter la Bosnie
à la faveur d’« acquisitions commerciales ».
Toujours par l’intermédiaire de
Kenmore, Olivier Azam, ancien
international
évoluant
à
Clermont puis à Gloucester,
aujourd’hui entraîneur adjoint de
Bernard Laporte au RC Toulon,
devait toucher 76 225 euros le
15 juillet 2003. D’anciens joueurs
du Stade Français auraient bénéficié en mars 2004 d’ordres de virement de Kenmore Management,
sous couvert de droits d’image :
l’Argentin Ignacio Corleto (61 470
euros) et le Canadien Mike James
(73 677,25 euros).
Le 10 juin 2005, le comité directeur de la FFR statuait sur procèsverbal: «La commission des agents
a pris connaissance de contrats et
factures émanant de la société Kenmore Management, domiciliée
dans les îles Vierges britanniques.
(…) Après analyse, la commission
des agents ne peut établir à ce jour
de manière certaine et indiscutable
que M. Pascal Forni est intervenu
pour le compte de la société Kenmore (…). Elle estime que ceux-ci n’en
constituentpasmoinsdesfaitstroublants. (…) Aussi, la commission des
agents propose (…) de déposer une
plainte avec constitution de partie
civile pour exercice de l’activité
d’agent sportif (…). »
« L’affaire continue »
LaFFR,rejointeparlaLiguenationale de rugby (LNR), dépose effectivement plainte dans la foulée. «La
FFRetla LNRontdécidéde réagirdès
qu’elles ont constaté des anomalies
oudesinfractions»,aconfiéauMonde l’avocate de la FFR. Selon nos
informations, la brigade financière
de Grenoble déchiffre rapidement
que l’affaire va plus loin qu’un simple «exercice illégal de la profession
d’agent».
KenmoreManagementapparaît
aux enquêteurs comme une société écran. La brigade financière perquisitionne les bureaux parisiens
de Pascal Forni à l’été 2007. Elle se
rend aussi au duché du Luxembourg. Elle interroge plusieurs présidents de club, notamment Pierre
Martinet,ancienprésidentdeBourgoin,dont l’ancien directeur sportif
est Philippe Saint-André.
« La spécialité de Philippe SaintAndré était de faire partir des
joueurs pour pouvoir en embaucher d’autres, dont l’agent était Pascal Forni, a confié M. Martinet au
Monde. Ces joueurs avaient des
sociétés pour payer les contrats de
droits d’image au Luxembourg ou
ailleurs. M. Saint-André me disait
que ça ne présentait aucun danger.
J’étais peut-être naïf. Je suis inquiet
dele voiràlatêtedel’équipedeFrance. » L’avocate de la FFR précise :
« L’affaire Kenmore n’est pas classée. Elle continue. » Une certitude
confirmée par Emmanuel Eschalier, le directeur général de la LNR :
«L’instruction suit son cours. » p
Laurent Telo
L’équipe de France a battu l’Albanie (3-0) sur la pelouse du Stade de France, vendredi 7octobre
Le pays de Galles s’invite
dans le dernier carré
Football
Les Gallois ont sorti l’Irlande (22-10) du Mondial
lores. Auteur du deuxième but, le
Marseillais Loïc Rémy a épuisé la
défense albanaise par sa vélocité.
L
e stoïcisme de Laurent Blanc
se vérifie à mesure que la
campagne qualificative à
l’Euro 2012 avance pour les Bleus.
Confronté à l’absence de plusieurs
cadres, le sélectionneur a prouvé
sa faculté à déminer une situation
crispante. Sur la pelouse du Stade
de France, l’équipe de France s’est
imposée (3-0), vendredi 7 octobre,
contre la modeste Albanie. Ce scénario favorable déleste le onze de
Laurent Blanc d’une tension légitime avant sa « finale », mardi
11 octobre, face à la Bosnie. Un duel
dont l’enjeu est une qualification
directe pour le tournoi ukrainopolonais de juin 2012.
Le sang-froid du sélectionneur
national et de son staff a largement contribué à défricher la route vers l’Euro. Renommé pour sa
quiétude champêtre, le château de
Clairefontaine (Yvelines), quartier
général des Bleus, a vécu des heures angoissantes cette semaine.
L’équipe médicale s’est longuement penchée sur les IRM de plusieurs joueurs. Au fil des jours, une
litanie de forfaits a amputé le onze
tricolore d’une partie de ses titulaires. Débutéepar l’abandon de Bacary Sagna (fracture du péroné), cette hécatombe s’est poursuivie
avec le retour express à Madrid du
buteur Karim Benzema et l’indisponibilité de Franck Ribéry. Victime de fragilités musculaires, Eric
Abidal s’est, lui, contenté de trottiner dans les dédales de Clairefontaine. L’arrière du FC Barcelone,
absent contre l’Albanie, devrait
toutefois réintégrer le groupe
Le Lyonnais Anthony Réveillère a marqué son premier but en équipe
de France, vendredi 7 octobre, face à l’Albanie. BERTRAND GUAY/AFP
pour la rencontre de mardi contre
la Bosnie.
« Ils sont soumis à un régime tellement fort… Depuis quinze jours,
ils font un match tous les trois-quatre jours », maugréait Laurent
Blanc à Clairefontaine. Signe d’une
infirmerie bien garnie, le médecin
des Bleus, Fabrice Bryand, s’est présenté en conférence de presse
pour exposer les maux de chacun.
Les blessures de suppléants (Kevin
Gameiro et Blaise Matuidi) ont
ensuite conduit le patron des
Bleus à réhabiliter les « oubliés »
Djibril Cissé et Bafetimbi Gomis.
« On avait prévu certaines choses et
les deux premiers jours ça a été plus
un rôle de psychologue que d’entraîneur », a ironisé Laurent Blanc
en résumant cette préparation.
Ces disgrâces médicales l’ont
également amené à repenser son
schéma tactique. En optant pour
une attaque bicéphale, le sélectionneur a dynamisé les assauts trico-
Avantage psychologique
A quatre jours d’une rencontre
anxiogènefaceauxBosniens,lavictoire de vendredi procure aux
Bleus un avantage strictement psychologique. Car en surclassant le
Luxembourg (5-0), les joueurs de
SafetSusicrestent àl’affût pourglaner la première place de la pouleD. Dotée d’uneunitéd’avancesur
ses concurrents, l’équipe de France
pourrait valider mardi sa qualification pour l’Euro en cas de partage
despoints. «Ce seraitun piègede les
attendre pour faire un nul, on va
jouer notre jeu», a néanmoins prévenu le milieu Samir Nasri.
Ces considérations arithmétiques ont poussé certains observateurs à déterrer un symbole tétanisant du football hexagonal : le syndrome de l’automne 1993. Censée
rappeler aux Tricolores les mésaventures de leurs prédécesseurs,
mortifiés sur la route du Mondial
américain, cette analogie a irrité
Laurent Blanc : « Je ne suis même
pas sûr que les joueurs de cette
génération aient connu cette période ; il ne vaut mieux pas,
d’ailleurs. » La comparaison est
moins risquée avec un autre désastre national. Celui du matchde barrage contre l’Irlande, en novembre 2009, qui fut entaché d’une
main douteuse. Malgré de nouvelles blessures enregistrées (Yohan
Cabaye, Adil Rami, Patrice Evra),
les Bleus espèrent, mardi soir, éviter pareil écueil. p
Rémi Dupré
Coupe du monde
de rugby
Quarts de finale
Wellington
Envoyé spécial
E
n pénétrant sur la pelouse de
l’EdenParkd’Auckland,samedi 8 octobre, l’équipe de Franceconnaissait déjà sonfutur adversaire pour les demi-finales, en cas
de victoire contre l’Angleterre : ce
sera le pays de Galles, première
nation à atteindre le dernier carré
après avoir disposé de l’Irlande
(22-10), moins d’une heure plus tôt
à Wellington. Le XV du poireau
renoue avec les pages les plus glorieuses de son histoire. Il n’avait
plus été convié à pareille fête
depuis le premier Mondial de 1987,
où il termina troisième, après avoir
battu l’Angleterre en quarts. Les
malheureux Irlandais, eux, ont
échoué pour la septième fois à ce
stade, sans jamais aller plus loin.
Curieusement, ce rendez-vous
annuel du Tournoi des six nations
était inédit à ce stade de la Coupe du
monde. Les deux précédents (dès
1987, puis en 1995) s’inscrivaient
dans la phase de poules et étaient
donc moins dramatiques. L’affiche
a donc symbolisé la renaissance des
nations celtes qui auraient dû être
trois dans le grand 8 si les Ecossais
n’avaient laissé filer, contre l’Argentine et l’Angleterre, deux victoires
qui leur tendaient les bras.
Absentes des quarts en 2007, l’Irlande et Galles ont illuminé le pre-
miertouravecdeuxméthodesdifférentes: l’expérience d’une génération de joueurs exceptionnels chez
les Verts, incarnée par le capitaine
Brian O’Driscoll, mais qui, à l’exception de son grand chelem de 2010,
n’aura pas fait d’étincelles. La jeunesseetlafouguecôtégallois,canalisées par la science du coaching du
Néo-Zélandais Warren Gatland,
dont le nom revient régulièrement
pour diriger les All Blacks. Les deux
ont démenti l’opinion assez répandue en Nouvelle-Zélande d’un rugby britannique aussi laborieux
qu’ennuyeux.
Lechocceltealargementtenuses
promesses en termes d’engagement, de fluidité et d’organisation.
Les Gallois, qui ont démarré pied au
plancheravecunessaidèsla3e minute de l’ailier Shane Williams, n’ont
cessé de faire la course en tête, les
Irlandais butant d’abord tout près
de la ligne d’en-but sur la résistance
rouge. Ils leur ont ensuite répondu
du tac au tac – pénalité pour pénalité,essaipouressai–avantdesedétacher à un quart d’heure de la fin.
LestadedeWellingtonétaitplutôt
investi par le peuple vert, avec des
Australiens et quelques Sud-Africains, venus en observateurs de la
sélection que leurs champions pourraient rencontrer en finale. Quand
onvoitlaconcordequirègnedansles
rangs français et un XV de la rose qui
s’estsurtoutillustrédanslesgazettes
people,lesGalloisonteneffetledroit
de rêver de rencontrer le géantrescapéde l’hemisphère Sud. p
Bruno Lesprit