L`immobilier résidentiel allemand est en surchauffe

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L`immobilier résidentiel allemand est en surchauffe
économie & finance
L’immobilier résidentiel allemand
est en surchauffe
Le marché fait face à une hausse rapide des prix et à un manque d’offre dans
certaines villes. Point positif, la dette immobilière des ménages reste modérée.
U
Jessica Berthereau,
à Berlin
ne bulle immobilière estelle en train de se former en
Allemagne ? Après des années
de stagnation, les prix de l’immobilier
résidentiel ont augmenté entre 3 % et
5 % par an depuis 2010, une moyenne
nationale qui cache d’importantes
disparités régionales et en particulier
une forte hausse dans les zones métropolitaines. Selon le cabinet d’études
Empirica, le prix moyen d’un mètre
carré pour un appartement à Berlin et
à Munich est passé de respectivement
1.826 et 3.179 euros en 2010 à 3.093 et
5.877 euros en 2015. « A l’échelle nationale, le risque d’une bulle immobilière
n’est pas encore trop élevé mais dans
les villes attractives, ce risque est relativement important », assure le directeur
d’Empirica, Reiner Braun.
Depuis 2004, ce cabinet spécialisé
dans l’immobilier surveille plusieurs
indicateurs dans plus de 400 villes
ou zones. Au deuxième trimestre de
cette année, les prix des logements
ont progressé plus vite que les loyers
sur 209 sites et que les revenus dans
109 d’entre eux, contre respectivement
111 et 23 il y a trois ans. Ce découplage inquiète Ralph Solveen et Marco
Wagner, analystes chez Commerzbank.
« Depuis 2010, les prix [immobiliers]
ont augmenté plus vite que les loyers,
les prix à la consommation et le revenu
des ménages privés », indiquent les deux
économistes, jugeant que « le boom de
l’immobilier en Allemagne ressemble de
plus en plus à une bulle ».
« Une des principales causes de l’inflation des prix est la demande accrue
de biens immobiliers résidentiels qui est
soutenue par des conditions de financement favorables dans un contexte
persistant de faibles taux d’intérêt et
14 Boom ou bulle
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Indice des prix dans l’immobilier résidentiel (base 100 en 2010)
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Source : Destatis
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par de bonnes conditions macroéconomiques », souligne la Bundesbank dans
son bulletin de septembre dernier. Dans
un pays où la location est traditionnellement la règle (51,9 % des Allemands
sont propriétaires, contre 69,5 % en
moyenne dans l’Union européenne),
l’achat d’un bien immobilier est de plus
en plus considéré comme un investissement rentable, notamment face aux
rendements négatifs des obligations
d’Etat, et cela même si les rendements
locatifs baissent.
Méfiance
Dans les villes
attractives,
le risque de bulle
est relativement
important.
L’agefi hebdo / du 10 au 16 novembre 2016
La demande est principalement alimentée par la migration des Allemands des
campagnes vers les villes, note Reiner
Braun. « Dans l’ensemble, nous avons
assez de logements en Allemagne car
il y a environ 2 millions de logements
vacants. Mais là où vont les gens pour
étudier et pour travailler, il y a une
pénurie », détaille le directeur d’Empirica. L’offre peine à s’adapter. « Le
rythme actuel de construction n’est
pas suffisant pour combler les besoins,
relève Michael Voigtländer, expert
immobilier à l’Institut de recherche
économique de Cologne (IW). A Berlin
par exemple, 10.000 logements sont
construits chaque année alors qu’il en
faudrait 25.000. »
Reste qu’« il manque en Allemagne
l’un des éléments constitutifs d’une bulle
immobilière, à savoir une forte expansion du crédit », explique dans une
note Stefan Mitropoulos, analyste chez
Helaba, pointant la faible progression
du stock de prêts immobiliers. A la fin
du deuxième trimestre 2016, ce stock
s’établissait à 1.235 milliards d’euros,
soit un peu plus de 40 % du PIB. « Nous
ne voyons aucun signe clair d’excès de
crédit ni d’affaiblissement des normes »
d’octroi de crédit, assurait récemment
la numéro deux de la Bundesbank,
Claudia Buch.
Pourtant, la méfiance est de mise.
Le gouvernement vient d’annoncer
un projet de loi qui donnera de nouveaux pouvoirs à la Bundesbank et
à la BaFin dans « l’objectif de lutter
contre la dégradation des normes de
crédit à un stade précoce », a ajouté
Claudia Buch. S’il détecte une bulle
immobilière, le superviseur serait alors
en mesure de fixer un niveau minimum
d’apport, une limite d’endettement en
fonction des revenus ou encore une
durée maximale de remboursement
pour une partie du prêt.
« La grande question reste : à quand
la correction ? », interroge Reiner
Braun. « Tout dépendra de quand les
taux d’intérêt remonteront et à quelle
vitesse », poursuit le directeur d’Empirica, évaluant le potentiel de baisse des
prix immobiliers entre 20 % et 30 %
dans les principales villes allemandes.
Konstantin Kortmann et Roman
Heidrich, du cabinet de conseil JLL,
n’envisagent pas de « chute spectaculaire
des prix ». « Il y a une énorme demande
pour les zones métropolitaines qui ne
va pas disparaître de sitôt », jugent les
deux experts. Plutôt qu’un effondrement, Stefan Mitropoulos estime « plus
probable une correction ‘normale’ des
prix, peut-être via des années de légère
baisse ou une stagnation comme après
le boom de la réunification ». n

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