Gestion pratique des NACO

Transcription

Gestion pratique des NACO
Date : 15/06/2014
Pays : FRANCE
Page(s) : 510-512
Diffusion : (30000)
Périodicité : Bimensuel
Surface : 198 %
FOCUS
Gestion pratique des NACO
Bien connaître contre-indications, précautions d'emploi et interactions médicamenteuses est crucial.
ParStéphane Combes, unité de stimulation cardiaque et d'électrophysiologie, clinique Pasteur,31076Toulouse Cedex.
[email protected]
plusieurs décennies, les antiPendant
vitamine-K (AVK) ont été la seule
option pour lutter contre les phé
nomènes thrombo-emboliques. Leurs
limites sont connues : monitoring régu
lier (INR), difficulté d'équilibration de la
décoagulation, nombreuses interactions
médicamenteuses et alimentaires, demivie longue...
Les nouveaux anticoagulants
oraux
(NACO)apparaissent aujourd'hui comme
une véritable alternative. Apportant de
réels avantages, ils ont, comme tout anti
coagulant, un risque potentiel de saigne
ment. Si leur prescription est plus simple
(pas de surveillance biologique en routi
ne), les risques de mésusage et d'iatrogénie restent importants. Une information
claire doit être donnée aux patients. Il
faut ensuite s'assurer de la bonne obser
vance des consignes lors de consultations
répétées.
INDICATIONS
Ces molécules de petite taille, actives par
voie orale, inhibent directement soit le
facteur X activé (rivaroxaban, apixaban,
edoxaban), soit la thrombine (dabigatran). Leur délai d'action est rapide, quasi
immédiat, et la CmM(pic plasmatique) est
de 2 à 4 h. L'élimination principale est
rénale (80 X) pour le dabigatran ; rénale,
hépatique et fécale pour les xabans. Leur
demi-vie d'élimination diffère peu, entre
12et 14 h.
Les indications sont en pleine expansion.
Cest tout d'abord dans la prévention
des thromboses veineuses après pro
thèse de genou et de hanche1 qu'ils ont
obtenu l'AMM (dabigatran, rivaroxaban,
apixaban). Depuis 2009, ils sont indiqués
d'abord en prévention des accidents
thrombo-emboliques de la fibrillation
atriale (FA) non valvulaire (dabigatran,
rivaroxaban et apixaban)2 et puis dans le
traitement curatif de la maladie thomboembolique' (rivaroxaban
actuellement,
prochainement dabigatran et apixaban).
Enfin, depuis peu, le rivaroxaban est dis
ponible en prévention des complications
ischémiques après un syndrome coro
narien aigu/1 noter qu'une étude a été
arrêtée prématurément en raison d'une
À
Tous droits de reproduction réservés
Date : 15/06/2014
Pays : FRANCE
Page(s) : 510-512
Diffusion : (30000)
Périodicité : Bimensuel
Surface : 198 %
morbidité (thrombotique et hémorragi
que) accrue chez les patients ayant des
prothèses valvulaires mécaniques cardia
ques et traités avec le dabigatran.5
2. Interactions médicamenteuses
^ Communes :
- antiplaquettaires
: clopidogrel, prasugrel, ticagrelor...
- antifongiques azolés :
kétoconazole, itraconazole, posaconazole, voriconazole
- anticonvulsivants
inducteurs : carbamazépine, phénytoïne, phénobarbital
- antibactériens : rifampicine, clarithromycine
MISE EN ROUTE
DU TRAITEMENT
Avant la prescription d'un anticoa
gulant, il est indispensable de rappeler
au patient quelques éléments importants
(encadré 1).Il faut veiller à respecter les
AMM et les consignes de la HAS, qui, à
l'encontre des recommandations euro
péennes, considère les NACO comme
« une alternative aux AVK», à utiliser
en cas d'INR difficilement équilibrage
malgré une bonne observance, de contreindication ou encore de mauvaise tolé
rance aux AVKou de refus par le patient
des contraintes liées à la surveillance de
l'INR. Les AVKont des indications préfé
rentielles : prothèses valvulaires méca
niques ; insuffisance rénale (IR) avec
DFG < 30 mL/min/1,73 m' ; oubli fré
quent des prises ; patients déjà sous AVK,
avec INR stable entre 2 et 3 et satisfaits
de leur traitement.
Une évaluation
hépatique
globine
l'initiation
de la fonction
et un
doivent
dosage
être
du traitement.
de
rénale,
l'hémo
effectués
avant
Les doses habi
tuelles sont :
- prophylaxie dans la FA : 150
mg 2 fois/j
pour le dabigatran, 20 mg 1 fois/j pour
le rivaroxaban et 5 mg 2 fois/j pour
l'apixaban ;
-prophylaxie en chirurgie prothétique
de la hanche ou du genou : 2 x 110mg en
1 prise/j pour le dabigatran et 10mg en
1 prise/j pour le rivaroxaban ;
- plante : millepertuis (Hypericum perforatum
- inhibiteurs de protéases : ritonavir...
ou Stjohn's wort)
- AINS : tous (ibuprofène,
naproxène, diclofénac.)
y compris les inhibiteurs
sélectifs de la COX-2 (célécoxib, étoricoxib, parécoxib...)
- aspirine : quelle que soit l'indication et la dose
^ Spécifiques au dabigatran
:
- anti-arythmiques
: amiodarone,
- ciclosporine, tacrolimus
dronédarone,
-traitement de la thrombose veineuse
profonde : 15 mg 2 fois/j pendant
21jours et 20 mg 1 fois/j à partir de J22.
Une adaptation de dose est recommandée
dans certaines situations (voir page 508).
Les NACO doivent être utilisés avec
précaution lorsqu'ils sont administrés
conjointement avecd'autres médicaments :
certaines molécules peuvent augmenter
leur taux plasmatique et donc majorer le
risque hémorragique. En pratique, l'asso
ciation avec un inhibiteur du CYP3A4ou
de la P-gp n'est pas recommandée ou est
contre-indiquée (encadré 2).
SURVEILLANCE
La
fonction
rénale
luée
au moins
plus
étroit
doit
être
rééva
1 fois
par an. Un suivi
est préconisé
en cas d'âge
> 75 ans, de poids < 60 kg ou de clairance
quinidine,
vérapamil
de la créatinine (CICr) initiale comprise
entre 30 et 60 mL/min (tous les 6 mois)
et, pour l'apixaban, si la CICr est < 30 mL/
min (tous les 3 mois).
Contrairement
à l'héparine et aux
les
dont
l'activité est prévisi
AVK, NACO,
ble, n'imposent pas une évaluation pério
dique de la crase. Cependant, la mesure
de l'anticoagulation peut être utile dans
certaines situations (surdosage, inobser
vance, etc.). La prise de NACO perturbe
les résultats de la plupart des tests usuels :
INR, TP, TCA et temps de thrombine ne
sont donc pas utilisables. Pour le rivaroxa
ban et l'apixaban, la mesure de l'activité
anti-Xa peut être proposée (calibration
spécifique nécessaire) ; pour le dabigatran :
temps de thrombine diluée (Hemoclot,
Hyphen) ou temps d'écarine (peu accessi
bles en pratique courante).
RELAISDES
ANTICOAGULANTS?
AVK -» NACO
1. Quedire àvos patients?
-^ L'anticoagulant doit être pris à heure fixe.
-^ Ne pas l'oublier* : oubli = pas de protection.
Utiliser un pilulier.
-* Il n'est pas nécessaire de faire de prise de sang pour savoir si le traitement
est efficace.
-^ Il n'y a pas de restriction alimentaire.
-ï Ne pas arrêter le NACO ni prendre d'autres médicaments sans en informer
son médecin traitant.
-* Porter une carte d'identifiant « patient sous traitement anticoagulant »
(www.NOACforAF eu).
-* Alerter son dentiste ou son chirurgien avant toute intervention chirurgicale.
-* Surveiller la fonction rénale par prélèvement sanguin 1 à 2 fois/an.
* Encas
d'oubli, la prise suivante ne doit pas être doublée. La dose peut être prise jusqu'à 6 h
après l'oubli pour un médicament en 2 prises/'j, jusqu'à 12h pour un médicament en 1 prise/j.
Après interruption des AVK, les NACO
sont débutés dès lors que l'INR est < 2
K 3 pour le rivaroxaban). S'il est compris
entre 2 et 2,5, initier le traitement le len
demain du dosage.
NACO -» AVK
Lors d'un traitement par rivaroxaban
ou apixaban : prescrire conjointement
les AVKjusqu'à l'obtention d'un INR > 2.
Pour le dabigatran, les modalités dé
pendent de la fonction rénale : l'AVKest
commencé 3 j avant l'arrêt du dabigatran
si la CICr est > 50 mL/min, et seulement
2 j avant si elle est comprise entre 30 et
50 mL/min. Pour plus de fiabilité, le
Tous droits de reproduction réservés
Date : 15/06/2014
Pays : FRANCE
Page(s) : 510-512
Diffusion : (30000)
Périodicité : Bimensuel
Surface : 198 %
Les NACO sont une alternative aux AVK.
-* LesAVK gardent une place préférentielle chez les insuffisants rénaux, en cas d'oubli fréquent,
chez les patients satisfaitsdu traitement, avec une INRstable dans la cible thérapeutique.
La fonction rénale doit être évaluée avant la mise en place du traitement, puis 1 fois/an au minimum.
-* La surveillance de l'anticoagulation en routine n'est pas nécessaire.
•*
-» L'information éclairée des patients est essentielle.
dosage de l'INR est effectué à distance
maximale de la dernière dose de NACO,
soit juste avant la prise suivante (délai
d'au moins 48 h pour le dabigatran).
HBPM -» NACO
Initier le traitement par NACO à l'heure
prévue de l'injection successive du traite
ment parentéral, qui est arrêté.
MESURESD'URGENCE
L'absence d'antidote et de données vali
dées concernant la surveillance biologi
que peut se révéler préoccupante lors de
surdosage ou d'hémorragies graves. Des
antagonistes spécifiques sont en cours de
validation mais ne seront pas disponibles
avant 2016 (p. ex. : andexanet pour api
xaban ou rivaroxaban).
Si une chirurgie programmée est en
visagée, la conduite à tenir, mal codifiée,
dépend du risque hémorragique (à éva
luer au préalable). Les modalités d'arrêt
(provisoire) du traitement, définies par
l'European Heart Rhyihm Association!'
sont précisées dans l'encadré 3. À noter
cependant que le GIHP (groupe d'intérêt
en hémostase peropératoire) préconise
d'arrêter les NACO 5 jours avant une in
tervention à risque hémorragique élevé.
La reprise des NACO doit avoir lieu dès
que possible, en général 48 à 72 h après
la chirurgie ; durant la fenêtre thérapeuti
que, le relais par HBPM dépend du risque
thrombotique individuel.
En cas de chirurgie urgente, on peut
évaluer l'anticoagulation : mesure de l'ac
tivité anti-Xa pour les xabans et Hemoclot
pour les gatrans. Ces tests n'étant pas dis
ponibles dans tous les laboratoires, TP et
TCA peuvent être utiles. L'intervention
est autorisée si le taux de dabigatran ou
rivaroxaban est < 30 ng/mL, ou si le ratio
du TCAest ^ 1,2ou le TP > 80 X.En revan
che, au-dessus de 30 ng/mL ou si le ratio
du TCAest > 1,2ou le TP < 80 X,2 options :
différer l'acte de 12à 24 h après la dernière
dose ou injecter un antagoniste tel que le
complexe prothrombinique (CPP), le CPP
activé (FEIBA)ou le facteur Vlla humain
recombinant (NovoSeven) (hors AMM).
L'épuration extrarénale peut être utilisée
pour le dabigatran. *
REFERENCES
3. Que faire en cas de chirurgie programmée ?
^ Pas de risque hémorragique
» Dentaire : extraction de 1 à 3
dents, chirurgie parodontale, incision d'abcès
» Chirurgie d'implants, de cataracte ou de glaucome, ou superficielle
» Endoscopie sans chirurgie
^
pas d'interruption
l'intervention
à distance du pic plasmatique
12 h pour les NACO en 2 prises.
des NACO. Programmer
: soit 24 h après les monoprises,
et
faible
^ Risque hémorragique
« Endoscopie avec biopsie
« Biopsie vésicale ou prostatique
» Exploration électrophysiologique
de tachycardie
» Angiographie
ou cathéter de radiofréquence
pour ablation
« Implantation de pacemaker ou de défibrillateur :
- rivaroxaban/apixaban
: arrêt 1 jour avant si CICr > 50 mL/min, 1 à 2 jours si
CICr < 50 mL/min
- dabigatran : arrêt 2 jours avant si CICr > 50
mL/min, 3 jours si CICr < 50 mL/min
h Risque hémorragique
élevé
» Anesthésie épipéridurale
» Chirurgie abdominale, thoracique ou abdominale
' Biopsie hépatique ou rénale
» Résection transurétrale de prostate :
- rivaroxaban/apixaban
: arrêt 3 jours avant si CICr > 50 mL/min, 3 à 4 jours si
CICr < 50 mL/min
- dabigatran : arrêt 3 jours avant si CICr > 50
mL/min, 4 à 5 jours si CICr < 50 mL/min.
1. Adams SS,McDuffie )R, Lachiewicz PF, Orteil
TL, Williams JW Jr. Comparative effectiveness
of new oral anticoagulants and standard
thromboprophylaxis
in patients having total
hip or knee replacement: a systematic review.
Ann Intern Med 2013;159:275-84.
2. Connolly S, Ezekowitz MD, Yusuf S, et al.;
RE-LY Steering Committee and Investigators.
Dabigatran versus warfarin in patients with
atrial fibrillation. N Engl J Med 2009;361:113951.
3. EINSTEIN Investigators, Bauersachs R,
Berkowitz SD, Brenner B, et al. Oral rivaroxaban
for symptomatic venous thromboembolism. N
Engl J Med 2010;363:2499-510.
4. MegajL, BraunwaldE,WibiottSD,etal.; ATLAS
ACS 2-TIMI51 Investigators. Rivaroxaban in pa
tients with a récent acute coronary syndrome.
N Engl J Med 2012;366:9-19.
5. Eikelboom |W, Connolly SJ, Brueckmann
M, et al.; RE-ALICN Investigators. Dabigatran
versus wafarin in patients with mechanical
heart valves. N Engl j Med 2013;369:1206-14.
6. Heidbuchel H, Verhamme P, Alings M, et al.
European Heart Rhythm Association practical
guide on use of new oral anticoagulants in
patients with non-valvular atrial fibrillation.
Europace 2013;15:625-51.
L'auteur déclare participer ou avoir participé
à des interventions ponctuelles pour Sorin
Croup (conférence), Boston Scientific
(formation), Saint jude Médical (conférence),
Bayer (conférence).
Tous droits de reproduction réservés

Documents pareils