« Pardon, mademoiselle, » une voix d`homme derrière elle parlait

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« Pardon, mademoiselle, » une voix d`homme derrière elle parlait
« Pardon, mademoiselle, » une voix d'homme derrière elle parlait.
Elle se retourna et leva les yeux vers l'homme debout à côté d'elle, « Oui? » Il se tenait
devant elle, vêtu de son uniforme propre sous une veste en laine épaisse avec son chapeau assorti. Un
souffle prit dans sa gorge. « Henry, dit-elle, se rendant compte qu'elle l'avait appelé par son prénom.
Il sourit, en regardant dans les yeux avec son regard bleu intense. -Comment allez-vous?
demanda-t-il.
-Je suis bien et vous-même, sergent Whitfield? Elle dit, sentant sa bouche sécher.
Il hocha la tête en essuyant une goutte de pluie glissant sur sa joue rasée. -Je tiens le coup, »
répondit-il avec un ton triste.
Elle lui toucha le bras, sentant la force de son corps à travers son épaisse veste de laine brun
olive. En regardant dans ses profondeurs bleues, elle vit son courage. « Je suis contente que vous allez
bien. » Elle voulait le prendre dans ses bras et le tenir.
Il sourit et se racla la voix, « Voulez-vous prendre une tasse de café avec moi, Miss Douglas?
Elle fut un petit rire. -Vous pouvez m'appeler, Winnie. »
Il se frotta le dos de son cou et lui donna un sourire timide.
Pour un court instant, elle regardait la fossette sur la joue gauche. Elle le vit qu'une seule
fois, mais se rappela de tous les détails de son visage. Elle lui toucha le bras à nouveau. « C’est
correct, sergent Whitfield. » Elle sourit et se mordit la lèvre inférieure, ses yeux bleu foncé
regardèrent dans son âme. Elle tira sa main quand elle réalisa qu'elle la garda sur son bras.
« Vous pouvez m'appeler Henry, s'il vous plaît, » dit-il à voix basse, envoyant des ondes de
sensations chaudes tout au long de son corps. Il offrit son bras et elle le mit sa main autour de son
biceps musclé, avant de la guider le long du chemin.
Comme ils passèrent devant les Invalides, les gouttes de pluie froide tombèrent sur eux
comme une douce caresse. L'air frais envoya des frissons le long de son cou et le dos. Elle le regarda
du coin de l'œil, étonnée qu'il marchait à côté d'elle. Il était beaucoup plus grand et ses yeux plus
bleus qu’elle se souvenaient. Son épais manteau montra ses épaules larges, ses épaules de guerrier.
D’un coup, elle se sentait si consciente de son propre corps. Marchait-elle trop lentement ou trop
rapidement? Pensait-il qu’elle était trop courte?
Winnie fixa la pluie fine sur le trottoir en pierre sous ses bottines. Encore une fois, elle
regarda Henry. Cette fois, leurs yeux se rencontrèrent et elle lui donna un sourire. Elle se mordit la
lèvre inférieure et ajusta son chapeau à larges bords d'une main tremblante.
Il sourit et s'arrêta. « Désolé, je ne suis pas très bonne compagnie. Il prit sa main dans la
sienne et ajouta: -Pardonnez-moi.
Elle hocha la tête. -Aucune explication nécessaire, sergent.
-Appelez-moi Henry, s'il vous plaît, » dit-il avec un sourire. Encore une fois, sa voix rogue
gronda dans tout son corps.
Elle le regarda dans les yeux. « Henry, » répétait-elle, mal à l'aise de l’appeler par son
prénom. Une intense chaleur traversa son corps à nouveau. Elle détourna les yeux. Il leva le menton
avec son doigt. Dans le brillant des yeux bleus, elle vit la gentillesse et l'honnêteté.
Comme ils s’assoyaient dans un petit café et tranquille, Winnie trouva Henry très calme à
nouveau. Les cernes entouraient ses yeux. Et elle trouva son visage si pâle. Son cœur se serra dans sa
poitrine. « Tout va bien, Henry? » Elle aimait dire son nom. Avait-il perdu un ami proche, ou pire?
Elle n'aimait pas le voir si triste. Il hocha la tête et lui donna un sourire rassurant. Mais, elle savait
qu'il cachait la vérité. Elle ne voulait pas le pousser à parler des choses terribles qu'il avait vécues sur
le front. « Que faites-vous à Paris? Dit-elle, changeant de sujet.
-J'ai perdu mon chemin, dit-il en riant. -C'est seulement ma deuxième visite à Paris et je
voulais profiter de mon temps loin de la guerre avant qu’on reprenne les combats. »
Elle savait comment c’était de se perdre dans Paris et se rappela de la journée où elle s’était
perdue en chemin de retour vers l'appartement. Il lui a fallu une heure pour qu'elle trouve son chemin.
Elle se sentait gênée et avait fait certain de ne jamais répéter l'expérience traumatisante de nouveau.
« Combien de temps êtes-vous en congé?
-Je dois y retourner demain matin, répondit-il, » en essayant de sourire.
Mais, elle sentit quelque chose le tracassait. « Si vous avez besoin de parler, je suis ici. »
Henry lui donna un sourire et ressentit son honnêteté. Depuis qu’il a revu Winnie, son cœur
battait dans sa poitrine. « Je vous remercie. » Elle sourit et il sentit tout son corps réveillé une fois de
plus. Il souhaita d’être seul avec elle dans le restaurant.
Plusieurs personnes remplirent le petit restaurant charmant à proximité de l’Hôtel
Britannique, où il resta pour la nuit. Il la regarda en buvant sa tasse de café et la trouva si belle dans sa
blouse de coton blanc et une jupe simple bourgogne lui allant à la cheville. Et elle avait mis ses
cheveux dans le dernier style ondulé. Elle lui coupa le souffle. Son désir de la revoir était devenu
réalité.
Après l’avoir vu sur le front, il pensait à elle jour et nuit. Maintenant, il se tenait si près
d'elle. Il prit une profonde respiration silencieuse et inhala son parfum de lavande.
Au fond, il avait envie de rester avec elle. En effet, son retour dans la matinée à la tranchée
froide et sale ne détenait plus aucune importance car il voulait passer chaque instant qui passait avec
Winnie. Juste une autre journée ou deux c'est tout ce qu'il voulait. Il ferma les yeux un instant et créa
une image mentale de son visage.
« Vous allez bien? » Il entendit sa voix douce lui parler.
Ouvrant les yeux, il vit sa petite main sur son avant-bras. Il espéra qu'elle ne se sentait pas
son bras tremblant. Il se sentit si nerveux. Et il en ignorait la cause. Il la regarda dans les yeux et
hocha la tête, l'assurant qu'elle avait rien fait de mal. « Je suis heureux de vous revoir, dit-il, faisant
tournoyer sa tasse de café vide entre le pouce et l'index.
-Je suis heureuse de vous voir et en bonne santé, » elle sourit.
Ses yeux d’émeraude brillaient à la lumière du jour. Il donnerait n'importe quoi pour avoir la
chance de la toucher et de la prendre dans ses bras. Elle lui penserait sot, s'il osait lui caresser sa peau
douce. Ils ne savaient rien les uns des autres en dépit du sentiment profond qu’elle ressemblait
tellement à la femme dans ses rêves. Il lui ferait certainement peur, s'il lui disait qu'il rêvait d'elle tous
les soirs. Son secret resterait à l'intérieur, caché.
Pour l'instant, il chérirait ce moment avec elle dans son esprit. « Venez marcher avec moi, »
demanda-t-il, en offrant sa main.
Ses yeux verrouillèrent avec les siens. Elle hocha la tête et lui prit la main.
Henry marchait avec Winnie à ses côtés. Personne d'autre dans le monde n’existait à ce
moment. Il ne pouvait croire que la fortune lui sourit. La retrouver à Paris était une pure coïncidence.
Ou était-ce? Il a toujours pensé que tout arrivait pour une raison, cette fois c’était le destin.
Elle le regarda, et il sentait à nouveau des papillons dans son estomac. Comment pouvait-elle
lui faire oublier toutes les horreurs qu'il avait vues dans les derniers jours?
« Vous avez froid? » demanda-t-il, sentant son bras trembler sous le sien.
Elle secoua la tête.
A l'intérieur, son cœur tambourinait. Leurs yeux se rencontrèrent alors qu'ils marchaient en
silence le long de la Seine sous le ciel de fin de journée. La bruine tomba sur eux. Winnie tremblait de
partout. Elle regardait Henry et le vit lui sourire. « Y a-t-il quelque chose sur ma joue, demanda-t-elle
en essuyant son visage avec le bout de son doigt.
Il secoua la tête et sourit. -Je ne voulais pas vous fixer. » Ses yeux regardèrent dans les siens
avec une telle intensité.
Ses mains touchaient ses épaules tremblantes. Henry leva son menton avec son pouce et
l'index, et la regarda dans les yeux. Elle étudia son beau visage, créant une image mentale de ses
lèvres pleines, ses grands yeux azure, son nez droit, la profonde fossette sur la joue gauche quand il
sourit. Et quand il souriait elle se sentait comme si personne d'autre n'existait. Pourquoi ne s’étaientils pas rencontrer à un autre endroit et à un autre moment?
Prenant sa main dans la sienne, il enleva son gant et porta sa main à ses lèvres, en appuyant
sur un baiser léger dans sa paume. Le contact de ses lèvres et son souffle chaud envoyèrent une vague
de sensations merveilleuses et encore inconnues dans tout son corps. Elle se mordit la lèvre inférieure
et détourna les yeux avant de se perdre dans les siens.
« Ai-je fait quelque chose de mal? » demanda-t-il, en libérant sa main.
Elle secoua la tête. Comment aurait-elle pu tellement lui manquer quand elle le connaissait à
peine? Henry l'avait traité avec respect depuis le moment où ils se sont rencontrés, un vrai gentleman.
Même maintenant, comme ils se tenaient au milieu d'un parc, il la traitait avec le plus grand respect.
Pas une fois elle s'était sentie mal à l'aise ou non désirée.
Il sourit. « C'est tellement une belle soirée, » dit-il, offrant son bras.
Prenant son bras, elle sentit sa force, mais il couvrit sa main avec douceur. De nouvelles
sensations se précipitèrent à travers son corps. Elle le regarda dans les yeux et vit encore une fois la
gentillesse et l'honnêteté. Mais, elle protégea son cœur. Elle ne pouvait pas le donner à quelqu'un
qu'elle connaissait à peine. Mais, plus de temps qu'elle passa avec Henry, plus elle se sentait qu'elle
l’avait connu toute sa vie.
Ils avaient beaucoup en commun, des livres à la nourriture et le rêve d'avoir une famille un
jour. Il lui faisait même rire tout le temps qu'ils marchaient. En effet, elle se sentait à l'aise avec lui.
Le sentiment d’aisance la déstabilisa un peu comme ils marchaient. Encore une fois, elle se trouva en
le comparant avec James. Pourtant, avec Henry, c’était différent. Elle souriait et riait tout le temps.
Comme ils partageaient un parapluie, les protégeant contre les gouttes de pluie froide, il
parla des batailles qu'il avait combattues et les amis qu'il avait perdus sur le front depuis le début de la
guerre. Elle vit la tristesse dans ses yeux. « Je suis désolée, dit-elle, lui touchant le bras. -Je peux
seulement imaginer à quel point c’est terrible sur le champ de bataille. » Elle ne pas dit un mot;
l'horreur qu'il avait vécu et vu chaque jour brisa son cœur.
Il lui donna un sourire rassurant. Mais elle sentait sa douleur et sa tristesse.
La pluie cessa. Winnie sentit le froid contre ses joues. Pourtant, à l'intérieur, la chaleur
emplissait son cœur. Elle sentait la chaleur de son corps la réchauffer. Elle aimait avoir Henry avec
elle maintenant. Elle courba son bras autour du sien et le tint un peu plus fort.
Pour la première fois dans sa vie, elle ne se posa pas de questions, ni s'inquiéter de demain.
Ils se rendirent dans le parc près de la Tour Eiffel et s'assirent sur un banc, alors qu'il lui
parla des hommes de sa compagnie, et de leur bravoure. « Nous nous appelons les Bells’s Bulldogs, il
dit en riant. -Ces hommes sont les meilleurs soldats de tout le bataillon. Non, de toute l'infanterie. » Il
parla de ses compagnons d'armes avec une telle fierté. Elle vit dans ses yeux pétillants combien il était
attaché à ses compagnons d'armes. Il parla également de sa ville natale de Calgary. « L'Alberta est
une province magnifique, les montagnes et les lacs, sans oublier les gens sympas.
Elle imagina les Rocheuses avec les sommets enneigés. -On dirait le paradis.
-Assez proche, » dit-il. Henry lui prit la main dans la sienne. Il ne dit pas un mot, mais elle
comprenait ce que la paix et la tranquillité précieuse lui apportait. Elle serra sa main un peu plus, en
espérant qu'il savait combien elle se souciait de lui.
Comme ils arrivaient devant la porte de son appartement, juste après minuit, il lui prit la
main et mit ses doigts sur ses lèvres une fois de plus. Son regard croisa le sien et il tenait ses mains
entre les siennes. En l’amenant plus proche, il la réchauffa.
Un souffle prit dans sa gorge et son cœur battait si fort dans sa poitrine. Elle regarda ses
lèvres pleines et se demanda ce qui arriverait si sa bouche tentante l'embrassa. Elle ferma les yeux un
bref instant, calmant son cœur.
Henry baissa sa tête et il appuya son front contre le sien. « Je vous remercie de passer du
temps avec moi ce soir. » Sa voix faible envoya une nouvelle vague de chaleur à travers elle.
Elle se mordit la lèvre inférieure et retint son souffle alors que son rythme cardiaque
tambourinait à ses oreilles. Avec le bout de son pouce, il caressa ses lèvres. Leurs yeux se
verrouillèrent pendant que sa main chaude glissa doucement le long de sa joue. Dans un geste rapide
et doux, ses lèvres prirent les siennes. Elle posa ses mains tremblantes sur sa poitrine, immobile. Sa
bouche goûta la sienne pendant que son bras glissa autour d'elle, la tenant serrée contre lui. Elle
l'embrassa avec une telle ferveur, sa tête tourna avec désir. Ses bras entouraient son cou, elle pencha
la tête, approfondissant son baiser. Un gémissement sourd quitta sa bouche pendant que les lèvres de
Henry embrassèrent son menton et sa mâchoire.
« Winnie, » son souffle chaud murmura contre son oreille. Il la tenait pour un long moment.
Elle appuya sa tête contre sa poitrine, sentant la chaleur de son corps à travers sa veste
épaisse tandis que les gouttes de pluie tombaient autour d'eux. Elle ferma les yeux, et pria pour la
sécurité de Henry et la chance de le revoir bientôt. « S'il vous plaît soyez prudent, dit-elle. -Et si vous
pouvez, s'il vous plaît écrivez-moi.
-Je vous promets, dit-il, la tenant encore plus fort. -Prenez soin de vous, » lui dit-il contre son
oreille avant de prendre en otage une fois de plus ses lèvres.
Elle le regarda s'éloigner, hors d'haleine et voulant plus de ses baisers. Au fond d’elle savait
qu'il allait tenir sa promesse. Elle ôta son gant et toucha ses lèvres gonflées et chaudes. Et elle sourit.
Tournoyant sous la pluie, elle ricana, se sentant heureuse et vivante.
Henry laissa Winnie sur les marches, juste après minuit, et revint à son hôtel avec un sourire
sur son visage, souhaitant qu'il puisse rester avec elle et l'embrasser encore et encore. Il pria pour une
autre réunion avec elle, voulant savoir tout ce qu'il y a à savoir sur elle. Il regarda le ciel, et se rendit
compte qu'il n'avait que quelques heures avant de retourner au front. Le temps passait trop vite en sa
compagnie. Et il aimait toutes les minutes qu'il avait passé avec elle. Avait-t-il rêvé de ces heures en
sa présence? Non, pas même dans son rêve aurait-il pu imaginer une telle femme passionnée. Elle
avait dépassé ses rêves dans tous les sens. Il se sentait remplir de désir pour elle. Ses doigts et ses
lèvres brûlèrent pour elle.
Au fond de lui, la culpabilité le rongea. Il se sentait coupable d'avoir trahi l'amour de
Béatrice et sa mémoire. Une notion stupide, il savait. Béatrice n'était plus une partie de sa vie.
Maintenant, il fallait aller de l'avant. Mais comment? Tout ce qu'il savait sur l'amour, il avait appris de
Béatrice. S'il aimait Winnie, saurait-il jamais se pardonner d'aimer une autre femme au lieu de
Béatrice? Il secoua la tête. Seul importait ce moment.
Comment pouvait-il laisser Winnie à Paris alors qu'il retourna sur le front? Il ferma les yeux
et se souvenait de son visage, ses lèvres, et son odeur douce. La folie et le désir assombrirent ses
pensées. Comment pouvait-il désirer Winnie quand le désir Béatrice avait rempli son cœur depuis si
longtemps?
Le souvenir de son premier amour fanait chaque jour. Pourtant, Winnie remplissait son cœur
et son esprit à la place. Il sourit de nouveau, la pensée de ses lèvres douces contre la sienne. Fixant
dehors de sa fenêtre chambre d'hôtel, les étoiles faisait place au soleil levant. La pluie avait cessé. Il
se sentait vivant et rempli d'espoir pour la première fois depuis son arrivée en France. Et il savait la
cause de son bonheur. « Winnie, » murmura-t-il dans une pièce calme.