Le point sur… Le rapport Oméga-6/Oméga
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NU47-Le point:NU47-Le point 27/07/10 15:17 Page135 Le point sur… Le rapport Oméga-6/Oméga-3 dans l’équilibre alimentaire : Biochimie, métabolisme et conséquences physiopathologiques Le rapport Oméga-6/Oméga-3 est considéré aujourd’hui comme un critère déterminant dans la prévention des maladies cardiovasculaires, métaboliques, immunologiques, neurologiques et cancéreuses. Si les métabolites de ces deux acides gras sont complémentaires dans un certain nombre de fonctions, ils entrent en compétition pour la synthèse des eicosanoïdes et de leurs dérivés oxygénés. La balance entre Oméga-6 et Oméga-3 module les voies de signalisations cellulaires et l’expression de gènes, conditionnant l’incidence de nombreuses pathologies. La diversification des sources alimentaires en Oméga-3 doit permettre de corriger ce rapport actuellement trop élevé pour se rapprocher des nouveaux ANC. Mots clés : Acides gras polyinsaturés, ANC Oméga-6/Oméga-3, Eicosanoïdes, Prostaglandines, Leukotriènes, Transcription génique. Dr Bernard Schmitt, Endocrinologue, Centre Hospitalier de Bretagne Sud. Directeur du Centre d’Enseignement et de Recherche en Nutrition Humaine (CERNh), Lorient. L a prévalence des maladies cardiovasculaires, des cancers et du diabète, confirme, en termes de santé publique, l’importance des déséquilibres alimentaires de nos sociétés et l’urgence à promouvoir des mesures de prévention efficaces. Or, après trois décennies de chasse systématique à l’excès de cholestérol, la responsabilité de certains acides gras (AG) alimentaires a été confirmée [1-3], conduisant à réduire les saturés (AGS), à bannir les trans (AGt) et à promouvoir la consommation des monoinsaturés (AGMI) et surtout des polyinsaturés (AGPI), mis à l’honneur à travers le régime méditerranéen. Rappels historiques C’est en 1886, en Allemagne, qu’une huile possédant une structure “diène” est isolée à partir de la graine de lin. Cette huile de lin, “Leinöl” en allemand, donnera son nom à l’acide linoléique (LA). Un an plus tard, un autre acide gras à structure “triène” est isolé dans la même huile de lin : c’est l’acide alpha-linolénique (ALA). La mise en évidence chez le rat de troubles liés à la carence en AGPI ou “low fat disease” (retard de croissance, chute des poils, desquamation de la peau) et corrigés par l’apport d’acide linoléique, confère à ces AGPI un caractère indispensable et les font improprement appeler “Vitamine Tableau 1 Les principales découvertes scientifiques concernant les lipides. Dates Découverte Chercheur 1813 1re description des acides gras Chevreul 1884 Acide linoléique (LA) Sacc 1888 Acide 움-linolénique (ALA) Hazura 1923-1929 Description de la “low fat disease” et de la vitamine F Burr et Evans [4] 1930 Différences fonctionnelles entre LA et ALA Burr et Burr [5] 1935 Acide eïcosapentaénoique (EPA) Matsuda 1942 Acide docosahexaénoique (DHA) Matsuda 1950 Acide arachidonique (AA) Holman 1964 Rôle de l’AA et de l’EPA dans la synthèse des eicosanoïdes Bergström [6] 1982 Synthèse des Eicosanoïdes : Prix Nobel Bergström, Samuellson, Vane Nutritions & Endocrinologie • Septembre-Octobre 2010 • vol. 8 • n° 47 135 NU47-Le point:NU47-Le point 27/07/10 15:17 Page136 Le point sur… Tableau 2 Principales études épidémiologiques et cliniques sur les lipides. Dates Etude Champ Réf 1967 Seven countries study Prévention primaire [10] 1971-1972 Esquimaux du Groënland Prévention primaire [11] 1978-79 Inuits : EPA et prévention des MCV Prévention primaire [12] 1982 MRFIT Prévention primaire [13] 1989 Inuits (suite) : rôle du poisson Prévention primaire [12] 1989 DART Prévention secondaire MCV [14] 1994 Lyon’s diet heart study Prévention secondaire MCV [15] 1999 GISSI Prévention secondaire MCV [16] 2000-2010 Etudes “Bleu Blanc Cœur®” Prévention secondaire obésité / diabète / MCV [17-19] F” [7]. Les découvertes s’enchaînent alors (Tab. 1). Holman propose la nomenclature “Oméga” en 1964. La même année, Bergström décrit le rôle des AGPI dans la synthèse des eicosanoïdes, ce qui lui vaudra en 1982 le Prix Nobel [6, 8], ouvrant la voie à d’autres découvertes fondamentales : rôle des différentes catégories d’eicosanoïdes, compétition entre les Oméga-6 et les Oméga-3, rôle du DHA, rôle des AGPI dans la régulation génique et les voies de signalisation. Parallèlement, des études épidémiologiques ont confirmé le bénéfice de la consommation des Oméga-3. De nombreuses études cliniques ont étayé ces données dans le cadre de la prévention des maladies cardiovasculaires, métaboliques et du cancer (Tab. 2). Ces travaux sonnent le glas du paradigme du cholestérol comme facteur prépondérant du risque cardiovasculaire et éclairent d’un jour nouveau le rôle des acides gras polyinsaturés [9]. Métabolisme Un peu de nomenclature… Les acides gras représentent plus de 80 % de la masse molaire des lipides de l’organisme. Ils sont définis par le nombre de carbones (longueur de la chaine carbonée, paire ou impaire), le nombre de doubles liaisons, la position de la 1re double liaison par rapport au carbone n-terminal, la nature géométrique de celles-ci (cis ou trans), la présence de ramification ou de cycle. Dans la nomenclature normalisée des AG, les atomes de carbone sont numérotés à partir de l’extrémité carboxyle (nomenclature en delta). Toutefois, une famille d’acides gras polyinsaturés est définie par la position de la double liaison la plus proche de l’extrémité méthyle terminale (cette position étant invariable pour une famille d’AG donnée). Comme la numérotation du carbone porteur de cette double liaison va changer au fur et à mesure que la chaine s’allonge par l’extrémité carboxyle, on utilise une nomenclature de type n - y (n = nombre variable de carbones de la chaine ; y = nombre de carbones en partant de n, jusqu’à la 1re double liaison). Par analogie avec l’alphabet grec (oméga = dernière lettre), l’usage consacre l’équivalence de “Oméga3” pour “n-3” et “Oméga-6” pour “n-6”. (Fig. 1) (d’après P. Legrand) Devenir métabolique Figure 1 - Structure biochimique de l’acide linoléique (LA) et de l’acide a-linolénique (ALA) 136 Dans le réticulum endoplasmique, les précurseurs des Oméga-3 (l’acide a-linolénique, ou ALA, ou C18:3 n-3) et des Oméga-6 (l’acide linoléique, ou LA, ou C18:2 n-6), vont subir une série de transformations biochimiques. Cette bioconversion est une succession de désaturations (augmentation du nombre de doubles liaisons) et d’élongations (augmentation du nombre de carbones sur la chaîne), qui aboutit à des “dérivés à longue chaîne”. Les plus remarquables d’entre eux sont, pour les Oméga-6, l’acide arachidonique (AA ou Nutritions & Endocrinologie • Septembre-Octobre 2010 • vol. 8 • n° 47 NU47-Le point:NU47-Le point 27/07/10 15:17 Page137 Le point sur… amélioration de la transmission synaptique cholinergique et dopaminergique [23], du fonctionnement du système nerveux central [24], de la déformabilité des érythrocytes[25], etc. Précurseurs de médiateurs lipidiques Figure 2 - Synthèse des acides gras polynsaturés et des dérivés oxygénés des elcosanoïdes C20:4 n-6) et, pour les Oméga-3, l’EPA (C20:5 n-3) et le DHA (C22:6 n-3). L’AA et l’EPA ont une importance particulière car ils sont les précurseurs des eicosanoïdes oxygénés : prostaglandines, prostacyclines, thromboxanes et leukotriènes. (Fig. 2) La concurrence Oméga-6/Oméga-3. Ces deux familles entrent en compétition au niveau des Δ6 et Δ5-désaturases, la balance penchant en faveur de la voie métabolique dont le précurseur est le plus biodisponible. Un excès d’Oméga-6 favorisera la synthèse du DPA (C22:5 n-6) au détriment de l’EPA et du DHA. A l’inverse, un apport suffisant en Oméga-3 bloquera la synthèse des longues chaines Oméga-6 au niveau de l’AA, et favorisera celle de l’EPA et du DHA. Les fonctions cellulaires des AGPI A partir des éicosanoïdes (AGPI à 20 atomes de carbone), l’acide arachidonique pour les Oméga-6 et l’EPA pour les Oméga-3, sont synthétisées des molécules oxygénées, les prostanoïdes, qui jouent un rôle essentiel dans la régulation métabolique des organismes vivants [26]. Ces prostanoïdes possèdent 20 atomes de carbone dont un cycle à 5 atomes de carbone. Ce sont des médiateurs lipidiques de signalisation paracrines et autocrines qui activent de nombreux récepteurs membranaires couplés à des protéines G. Il existe quatre familles principales d’eicosanoïdes oxygénés : les prostaglandines (PG), les prostacyclines (PGI), les thromboxanes (TX), synthétisées grâce la Cyclooxygénase (COX) et les leukotriènes (LT), actifs dans les leucocytes et les macrophages, synthétisés grâce à la lipoxygénase (LOX). A côté de ces quatre familles, il existe d’autres classes de molécules se rattachant aux eicosanoïdes, parmi lesquelles les résolvines, les isofuranes, les isoprostanes, les lipoxines et les endocannabinoïdes [27]. (Fig. 3) • Synthèse des Prostaglandines et leukotriènes Ils sont synthétisés à partir des AGPI estérifiés constitutifs des phospholipides membranaires : DGLA (C20:3 n-6) et AA (C20:4 n-6) pour les Oméga-6, EPA (C20:5 n-3) pour les Oméga-3. Ceux-ci sont libérés sous l’action de la phospholipase A2 (cPLA2, spécifique des phospholipides qui portent un ‘AA, un EPA ou un DGLA sur le second carbone) et des phospholipases C (PLC, qui hydrolysent les diacylglycérols). La cPLA2 génère Fournisseurs d’énergie A l’instar des autres acides gras, les AGPI entrent massivement et rapidement dans la voie catabolique et fournissent de l’énergie par la b-oxydation mitochondriale. Fluidifiants membranaires Les membranes cellulaires sont composées d’une double couche phospholipidique dont les caractéristiques physicochimiques dépendent de la nature des acides gras constitutifs. Chaque double liaison cis introduit une angulation de la molécule de 120° qui augmente son occupation spatiale et confère aux membranes une plus grande fluidité. Les Oméga-3 ayant plus de doubles liaisons que les Oméga-6, contribuent davantage à cette fluidité. Celle-ci a de nombreuses conséquences positives : meilleur transfert des informations transmembranaires en particulier au niveau des rafts lipidiques [20-21]; amélioration de la fonction rétinienne et prévention de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) [22], Figure 3 - La famille des eicosanoïdes oxygénés. Nutritions & Endocrinologie • Septembre-Octobre 2010 • vol. 8 • n° 47 137 NU47-Le point:NU47-Le point 27/07/10 15:17 Page138 Le point sur… kinases, l’expression de son gène codant. C’est ce surplus de prostaglandines synthétisées en situation inflammatoire par la COX-2 qui est responsable de l’augmentation globale du taux de prostaglandines de type 2 dont on connaît le rôle délétère. La COX-2 est également stimulée par l’inflammation chronique dite « de bas grade » qui caractérise l’obésité, le syndrome métabolique ou le diabète de type 2. Ces pathologies constituent pour cette raison des facteurs de risque cardiovasculaires importants. (Fig. 4) Figure 4 - Les compétitions entre familles n-6 et n-3 pour les 46 et 45 désaturases et la cycloosygénase (d’après P. Legrand) également des lysophospholipides qui sont des facteurs d’activation des plaquettes. Les eicosanoïdes (AA ou EPA) ainsi libérés sont soumis à l’action des deux systèmes enzymatiques localisés dans les microsomes de pratiquement tous les organes : la cyclooxygénase (COX) qui produit les prostanoïdes ; la lipoxygénase (LOX) qui génère les leukotriènes. A côté d’une production basale, cette synthèse est activée par les phénomènes inflammatoires qui auto-entretiennent l’activation des phospholipases [28]. La COX existe sous deux formes : la COX-1, présente en permanence, est responsable de la production basale des prostaglandines. La COX-2, induite par des agents inflammatoires (TNF움, cytokines) qui stimulent, par la voie des MAP- Figure 5 - Conséquences physiopathologiques du rapport Oméga-6 / Oméga-3 sur l'activité des eicosanoïdes oxygénés (D’après P. Legrand) 138 • Rôle des eicosanoïdes oxygénés Les eicosanoïdes oxygénés sont des médiateurs lipidiques qui contrôlent de nombreuses fonctions biologiques et jouent le rôle d’hormones autocrines et paracrines dans la plupart des cellules de l’organisme. Les prostaglandines sont à l’origine des processus de l’inflammation [28], de l’immunité [29], modulent l’agrégation plaquettaire et l’adipogenèse [30] et participent à la cancérogenèse [31]. • Les oméga 6, précurseurs des thromboxanes de type 2, ont un effet thrombogène et inflammatoire. Elles favorisent l’agrégation plaquettaire. Dans l’inflammation aiguë, une vasoconstriction transitoire sous la dépendance de la thromboxane TXA2 est suivie de la production de PGE2 et LTB4, également dérivés des Oméga-6, et responsables d’une vasodilatation (rubor, calor) et d’un œdème local (tumor). Ces phénomènes initiaux libèrent des cytokines pro-inflammatoires qui stimulent l’activité de la COX-2 entrainant l’augmentation des taux de PGE2, responsables d’une stimulation neuronale nociceptive (dolor) et puissant agent pyrétique. Si l’isoforme COX-2 est surtout responsable de l’inflammation, la COX-1 agit davantage sur l’agrégation plaquettaire. L’aspirine et les AINS agissent en bloquant la COX-2 et ont ainsi une action antiinflammatoire et antipyrétique [32]. • A l’inverse, les Oméga-3 sont précurseurs des prostacyclines PGI3 et des prostaglandines PGD3 qui ont un effet anticoagulant et anti-inflammatoire. Elles stimulent les défenses immunitaires et sont antiallergiques. La principale action des prostacyclines est d’empêcher l’agrégation des plaquettes. C’est aussi un vasodilatateur efficace. Elles ont des effets opposés aux thromboxanes, ce qui suggère un mécanisme homéostatique entre ces deux hormones en réponse à la lésion d’un vaisseau sanguin. Il existe une compétition entre AA (Oméga-6) et EPA (Oméga-3) pour la COX. La synthèse des prostaglandines de type 2 est favorisée lorsque les oméga 6 sont dominants (ce qui est le cas général dans les sociétés industrialisées, contribuant à l’émergence des pathologies ischémiques, métaboliques et cancéreuses). A l’inverse, les prostaglandines de type 3 qui ont un effet protecteur sont favorisées lorsque l’apport en Oméga-3 Nutritions & Endocrinologie • Septembre-Octobre 2010 • vol. 8 • n° 47 NU47-Le point:NU47-Le point 27/07/10 15:17 Page139 (d’après G. Ailhaud) Le point sur… Figure 6 - Rôle de l’acide arachidonique dans le recrutement et la maturation des adipocytes. est suffisant. Cette compétition explique le rôle décisif du rapport Oméga-6/Oméga-3 sur la santé. Enfin, le DHA a un effet direct “anti-COX” comparable à celui de l’aspirine, et ses dérivés docosatriènes ont un effet antiradicalaire. Modulateurs de la transcription génique Les acides gras ont une importante fonction régulatrice au niveau des gènes. Ils agissent par l’intermédiaire de « facteurs de transcription » qui permettent ou non à un gène de s’exprimer. Parmi ces facteurs de transcription, citons : - Les récepteurs nucléaires : PPAR (Peroxisome proliferator-actived receptors), le récepteur aux rétinoïdes RXR (Retinoid X receptor), sur lesquels les AGPI et les eicosanoïdes se fixent directement pour les activer. - La SREBP-1c (Sterol regulatory element binding protein-1c), qui permet de moduler l’expression génique et l’activité des enzymes de la lipogenèse [33] • Le rôle des récepteurs nucléaires Les AGPI et leurs dérivés oxygénés sont des ligands des récepteurs nucléaires PPAR [34]. Une fois activés par leurs ligands et liés sous forme d’un dimère au récepteur RXR, les PPAR움 et initient une suite de réactions permettant au gène cible de s’exprimer. Les récepteurs nucléaires PPAR움 sont exprimés dans le foie, le tissu adipeux brun, les muscles, et sont impliqués dans le catabolisme lipidique et le transport des lipoprotéines. Les PPAR움, exprimés essentiellement dans le tissu adipeux blanc, régulent la capture des LDL oxydées par le macrophage et la différenciation adipocytaire [33]. Le rapport Oméga-6/Oméga-3 va être déterminant dans la modulation de ces activités métaboliques [35]. (Fig. 6) • L’inactivation de SREBP-1c La SREBP-1c (sterol regulatory element binding protein1c) est une protéine de signalisation essentiellement localisée dans le réticulum endoplasmique du foie, du muscle et du tissu adipeux Son activation permet l’expression des gènes codants de la lipogenèse (Fig. 7). L’invalidation du gène codant pour la SREBP-1c par les Oméga-3 à longue chaine bloque ainsi la lipogenèse [36-38], stimulent la 웁-oxydation mitochondriale et peroxysomale et la transcription de protéines de transport des acides gras (VLDL), expliquant leur rôle hypotriglycéridémiant. La SREBP-1 est également impliquée dans la régulation de l’homéostasie glucidique [39]. Un excès d’Oméga-6 est ainsi associé à l’insulino-résistance, responsable de l’obésité, du syndrome métabolique et du diabète de type 2. Le déséquilibre de la balance Oméga-6/Oméga-3 Des conséquences humaines dramatiques La balance Oméga-6 / Oméga-3 est donc essentielle dans le contrôle du poids, la diminution de la résistance à l’insuline et la prévention du diabète de type 2. Le déficit d’incorporation en EPA et DHA et, en corolaire, l’excès de dérivés de l’AA provoquent une réponse inflammatoire de bas grade qui a d’importantes conséquences délétères pour la santé. Les pathologies concernées sont au premier chef les maladies cardiovasculaires, l’altération de la régulation du système nerveux central et de la rétine, les maladies auto-immunes, les maladies inflammatoires et la cancérogenèse (Tab. 3). Or, l’ensemble de ces pathologies connaissent une progression alarmante depuis la fin de la dernière guerre mondiale, n’épargnant plus aucun pays dans le monde. Figure 7 - Régulation des gènes de la lipogenèse par la modulation de l’expression du gène de la SREBP-1C par les AGPI. Nutritions & Endocrinologie • Septembre-Octobre 2010 • vol. 8 • n° 47 139 NU47-Le point:NU47-Le point 27/07/10 15:17 Page140 Le point sur… Tableau 3 Conséquences d’un excès d’Oméga-6 par rapport aux Oméga-3. Processus stimulé Conséquences physio-pathologiques Recrutement des adipoblastes Différenciation irréversible en adipocytes Stimulation de la lipogénèse Inhibition de la 움-oxydation Résistance à l’insuline Prise de poids Obésité Syndrome métabolique Diabète type 2 Oméga-6/Oméga-3 Réponse inflammatoire de bas grade La mise en évidence d’une transmission trans-générationnelle des mécanismes contrôlant l’expression génique de l’adipogenèse chez le rat [33] modulée par le rapport Oméga-6/Oméga-3, renforce l’hypothèse d’une responsabilité majeure du modèle alimentaire contemporain, particulièrement riche en Oméga-6 en raison du système de production agricole actuel, dans la véritable épidémie mondiale d’obésité et de diabète de type 2 à laquelle nous assistons [40]. Désordre alimentaire en cause Comment en est-on arrivé à cette situation ? Il existe un consensus pour incriminer les changements de notre modèle alimentaire. Le Tableau 4 reprend l’évolution de la consommation de lipides durant les quarante dernières années. Si leur consommation a effectivement augmenté au delà des recommandations actuelles, la part des graisses d’origine animale est restée quasi- Maladies cardiovasculaires Maladies du système nerveux central et de la rétine Maladies auto-immunes Maladies inflammatoires Cancérogénèse ment stable sauf pour les fromages (+ 5 %). A l’inverse, la consommation des huiles végétales et des margarines a explosé, suivant en cela les recommandations diététiques. Les consommations de volailles (réputées moins grasses) et surtout de poissons, parés de toutes les vertus nutritionnelles, ont aussi fortement augmenté sur la période considérée. A ces données de consommations brutes, s’ajoutent aussi des données qualitatives. Ainsi, les huiles végétales sont majoritairement des huiles de tournesol riches en LA (C18:2 n-6) et des huiles de palme saturées (C16:0), alors que les régimes animaux se caractérisent par un emploi de plus en plus fréquent de maïs et de soja, deux graines elles aussi très riches en C18:2 n-6. En agrégeant ces données quantitatives et qualitatives, on constate une augmentation très importante du ratio Oméga-6/Oméga-3, qui passe de 5 en 1960 à Tableau 4 Evolution de la consommation lipidique en France de 1960 à 2000. Exprimé en grammes de lipides par jour pour un adulte. AET : apport énergétique total. g/jour/adulte 140 1960 2000 TOTAL 75 (31% AET) 104 (43% AET) Huiles végétales & Margarines. 19 37 Lipides issus du lait (dont beurre) 27 (20) 33 (20) Lipides issus du porc 11 12 Lipides issus des œufs 3 3 Lipides issus des volailles 1 3 Lipides issus du poisson 1 3 Nutritions & Endocrinologie • Septembre-Octobre 2010 • vol. 8 • n° 47 NU47-Le point:NU47-Le point 27/07/10 15:17 Page141 Le point sur… • La prise de poids est davantage corrélée à la quantité d’énergie totale apportée par un régime qu’à sa teneur en lipides. Pour être en mesure de fournir suffisamment d’AGPI, la part des lipides totaux doit être comprise entre 35 % et 40 % des apports énergétiques totaux (AE), pour un régime proche de 2000 Kcal/j. • La classification traditionnelle AGPI–AGMI–AGS est abandonnée au profit d’une classification comprenant les AG indispensables (ceux que l’organisme ne peut synthétiser, ou qu’il synthétise en quantité insuffisante) et les AG non indispensables (ceux, y compris les dérivés à longue chaine, que l’organisme peut synthétiser en quantité suffisante à partir des précurseurs) (Tab. 5) • Parmi les acides gras saturés, seuls trois sont isolés comme potentiellement athérogènes lorsqu’ils sont consommés en excès : ce sont les acides laurique, myristique et palmitique. Les autres AGS ne paraissent 23 en 2000. Le rôle de la composition des acides gras alimentaires dans celle des acides gras corporels a été parfaitement mis en évidence dans l’étude “Aquitaine” [41] ou par l’étude longitudinale de la composition du lait maternel [42] Les nouvelles recommandations de l’AFSSA La priorité en matière de santé publique et de prévention du risque est dorénavant de rétablir impérativement un rapport Oméga-6/Oméga-3 inférieur à 5 par une augmentation significative de l’apport en Oméga-3 (ALA, EPA, DHA) et une limitation des Oméga-6. Face à ce défi, l’AFSSA vient de réactualiser les apports nutritionnels conseillés (ANC) pour les AG [43]. Ses experts se sont basés sur l’analyse détaillée des publications scientifiques, qui a fait apparaitre plusieurs points : Tableau 5 Les principaux acides gras et les nouvelles recommandations de l’AFSSA. (ANC : apports nutritionnels recommandés. AET : apport énergétique total) ANC (% AET) (g/j) Remarques 8,8 Besoins conditionnés par le nécessaire équilibre avec l’ALA afin d’assurer une synthèse suffisante d’EPA et de DHA et leur incorporation dans les tissus. (ratio LA/ALA = 4) 2 Extrêmement catabolisable et très faiblement converti en DHA 0,25 Aspect indispensable lié à sa très faible bioconversion à partir de l’ALA EPA + DHA doit être > 0,5 g/j AG indispensables A. linoléique : LA, C18:2 n-6 4% A. 움-linolénique ALA, C18:3 n-3 1% A. docosahexaénoïque DHA, C22:6 n-3 0,113 % AG non indispensables A. eicosapentaénoique EPA, C20:5 n-3 0,25 Si l’apport en ALA est suffisant, le taux de conversion chez l’homme permet de couvrir les besoins A. laurique, C12:0 A. myristique, C14:0 A. palmitique, C16:0 <8% Distingués parmi les AG saturés, car ce sont les seuls dont l’excès est athérogène Total AGS <12 % Par précaution, l’apport des AGS totaux est limité à 12 % A. oléique, C18:1 n-9 A. arachidonique AA, C20:4 n-6 A. stéaridonique A. docosapentaénoïque Autres monoinsaturés A. ruménique (trans) A. linoléique conjugué, CLA 15 à 20 % Majoritaire des monoinsaturés. En dessous de 15 % des AE, risque de laisser la place aux AGS athérogènes Groupe hétérogène d’AG polyinsaturés. Les données disponibles sont insuffisantes pour définir un besoin physiologique et des ANC. Nutritions & Endocrinologie • Septembre-Octobre 2010 • vol. 8 • n° 47 141 NU47-Le point:NU47-Le point 27/07/10 15:17 Page142 Le point sur… pas néfastes. Ainsi, l’ANC pour la somme des trois premiers est fixée à la limite supérieure de 8 g/l, alors qu’elle est fixée à 12 g/l pour l’ensemble des AGS. CONCLUSION Le rapport Oméga-6/Oméga-3 est déterminant dans l’expression d’un certain nombre de fonctions physiologiques majeures chez l’homme. La compétition entre les précurseurs de ces deux familles conditionne l’équilibre entre les divers acides gras et leurs dérivés oxygénés. En conséquence elle conditionne les voies de signalisation cellulaire et l’expression de gènes de susceptibilité capables de modifier le fonctionnement du système nerveux central et de la rétine, la réaction inflammatoire, l’adipogenèse, la résistance à l’insuline, la thrombogenèse et la prolifération cellulaire. La diversification des sources alimentaires en oméga 3 doit permettre de corriger ce rapport actuellement trop élevé et de se rapprocher des nouveaux ANC. n Bibliographie 1. Troiano RP, Briefel RR, Carroll MD, et al. Energy and fat intakes of children and adolescents in the united states: data from the national health and nutrition examination surveys. Am J Clin Nutr, 2000. 72(5 Suppl): 1343S-53S. 2. Donahoo W, Wyatt HR, Kriehn J, et al. Dietary fat increases energy intake across the range of typical consumption in the United States. Obesity (Silver Spring), 2008. 16(1): 64-9. 3. Massiera F, Saint-Marc P, Seydoux J, et al. 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