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chronique de jurisprudence administrative Jean-Luc PISSALOUX Professeur à l’Université de Bourgogne Vice-Président du Conseil scientifique du GRALE (GIS CNRS) ACTE ADMINISTRATIF Acte administratif - Circulaire Délégation de signature - Compétence. CE, 4 juin 2007, Ligue de l’enseignement et a., req. nos 289792 et 290183 (décision mentionnée aux tables du Recueil Lebon) [extraits] Sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens des requêtes ; Considérant qu’aux termes de l’article premier du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : « A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l’acte les nommant dans leurs fonctions (...) peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d’Etat et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1º...les directeurs d’administration centrale... » ; qu’aux termes de l’article 2 du même décret : « les ministres et secrétaires d’Etat peuvent, par arrêté publié au Journal officiel de la République française, donner délégation pour signer tous actes, à l’exception des décrets, au directeur et au chef de leur cabinet, ainsi qu’à leurs adjoints, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n’est pas donnée à l’une des personnes mentionnées à l’article premier./ Les actes relevant, dans un même ministère, des attributions de plusieurs responsables de directions ou services mentionnés à l’article premier peuvent également être signés conjointement par ceux-ci au nom du ministre » ; Considérant que le directeur de cabinet d’un ministre ne peut signer un acte que s’il dispose d’une délégation donnée par le ministre en application des dispositions précitées ; qu’il en est ainsi même s’il s’agit d’une circulaire qui se borne à interpréter des dispositions législatives ou réglementaires et à prescrire à ses destinataires d’en faire application, sans fixer aucune règle nouvelle ; qu’une telle délégation ne peut être accordée que pour des actes relatifs à des affaires pour lesquelles aucune délégation n’a été donnée à une personne mentionnée à l’article premier du décret précité, notamment à un directeur d’administration centrale ; Considérant que la circulaire attaquée du 2 décembre 2005 a pour objet, ainsi qu’il a été dit, le financement par les communes des dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat ; que cet acte est relatif aux affaires des services placés, au ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, sous l’autorité du directeur des affaires financières et, au ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, sous l’autorité du directeur général des collectivités locales ; qu’en application de l’article premier du décret précité, chacun de ces deux directeurs d’administration centrale disposait d’une délégation pour signer, au nom de chacun des deux ministres, la circulaire attaquée ; que, dès lors, les directeurs de cabinet des deux ministres étaient incompétents pour la signer ; Considérant qu’il suit de là que la circulaire attaquée doit être annulée. (...) - No 7 - Juillet 2008 Note L’arrêt du 4 juin 2007 Ligue de l’enseignement et autres mentionné aux tables du Recueil Lebon est relatif aux délégations de signature en matière de circulaires ministérielles. Cette décision concerne en l’espèce un texte conjoint, à savoir la circulaire nº 2005-206 du 2 décembre 2005 du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire et du ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, prise pour l’application de l’article 89 de la loi nº 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et ayant pour objet le financement par les communes des dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat ; cette circulaire avait été signée par délégation pour les ministres concernés par leurs directeurs de cabinet respectifs. C’est précisément la compétence des signataires qui était contestée par les requérants : le Conseil d’Etat leur a donné raison en faisant application de sa jurisprudence classique en la matière. En vertu de l’article 2 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, qui – sur ce point – reprend en vérité au fond les dispositions du 1º de l’article premier du décret nº 47-233 du 23 janvier 1947 autorisant les ministres à déléguer par arrêté leur signature, « les ministres et secrétaires d’Etat peuvent, par un arrêté publié au Journal officiel de la République française, donner délégation pour signer tous actes, à l’exception des décrets, au directeur et au chef de leur cabinet, ainsi qu’à leurs adjoints, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n’est pas donnée à l’une des personnes mentionnées à l’article premier », et donc en particulier aux directeurs d’administration centrale. Selon une jurisprudence constante et bien établie, ces dispositions ont été interprétées comme signifiant qu’un directeur de cabinet n’est pas compétent pour signer un acte entrant dans les attributions d’un directeur d’administration centrale ayant lui-même reçu délégation (cf. : CE, 10 juillet 1987, SA Presse Alliance, req. nº 54324, Rec. p. 251 ; -, 7 février 1992, SA pour l’entretien et la construction des routes et établissements Broggio, req. nº 115914, Rec. T. p. 676 ; -, 4 mars 1996, Société civile de moyens Scanner de l’ouest lyonnais, req. nº 129537 ; -, 6 avril 2001, Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs, req. nº 221447). Mais cette règle ne s’applique plus lorsqu’un acte relève du champ de compétence de plusieurs administrations centrales (cf. : CE, ass., 15 avril 1996, Union nationale des pharmaciens et autres, req. nº 110464, Rec. p. 127 ; -, 13 mars 1992, Diadema, req. nº 98709, Rec. T. p. 676 ; -, 23 juin 2000, Syndicat professionnel des radios affiliées, req. nº 194772, Rec. T. p. 800). 549 chronique de jurisprudence administrative En l’espèce, la circulaire litigieuse relevait dans chaque ministère concerné d’une seule direction d’administration centrale, à savoir la direction des affaires financières au ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et de la direction générale des collectivités locales au ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire. Par conséquent, en application de l’article premier du décret du 27 juillet 2005, chacun des deux directeurs de ces directions d’administration centrale disposait d’une délégation pour signer, au nom de chacun des deux ministres, la circulaire en question. Dès lors, les directeurs de cabinet des deux ministres étaient incompétents pour la signer. Au demeurant, et c’est là un élément intéressant de cet arrêt, la Haute Juridiction non seulement rappelle que le directeur de cabinet d’un ministre ne peut signer un acte que s’il dispose d’une délégation donnée par le ministre en application des dispositions précitées du décret de 2005, mais précise encore qu’ « il en est ainsi même s’il s’agit d’une circulaire qui se borne à interpréter des dispositions législatives ou réglementaires et à prescrire à ses destinataires d’en faire application, sans fixer aucune règle nouvelle ». Acte administratif - Retrait - Actes des collectivités territoriales Contrôle de légalité. CE, avis, 27 juin 2007, Mme Mireille A req. nº 300143 (avis publié au Recueil Lebon) Vu, enregistré le 26 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le jugement en date du 13 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Lille, avant de statuer sur la demande présentée par Mme Mireille A, demeurant..., tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 12 décembre 2005 par lequel le maire d’Haubourdin a retiré l’arrêté en date du 17 mai 2005 la nommant en qualité d’assistant territorial d’enseignement artistique stagiaire, a décidé, par application de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative de transmettre le dossier de la demande au Conseil d’Etat en soumettant à son examen les questions de savoir si 1º sont au nombre des dispositions législatives et réglementaires dérogeant aux règles qui gouvernent le retrait des actes administratifs celles du Code général des collectivités territoriales relatives au contrôle de légalité des actes de ces collectivités par le représentant de l’Etat dans le département ou dans la région, si 2º dans l’affirmative, le recours gracieux du représentant de l’Etat doit avoir été formé dans le délai du recours contentieux et 3º à quelle date et dans quel délai l’autorité de la collectivité territoriale peut retirer l’acte individuel créateur de droits dont s’agit. 550 Vu les autres pièces du dossier ; Vu le Code général des collectivités territoriales ; Vu le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : – le rapport de M. François Delion, maître des requêtes ; – les conclusions de M. Emmanuel Glaser, commissaire du Gouvernement ; I. Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’Administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Aux termes de l’article L. 2131-1 du Code général des collectivités territoriales : « Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’Etat dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature ». Selon l’article L. 2131-6 du même code, le représentant de l’Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. Ces dispositions s’appliquent aux établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l’article L. 5211-3. Des dispositions identiques sont également prévues pour les actes du département et de la région respectivement par les articles L. 3131-1 et L. 3132-1 et par les articles L. 4141-1 et L. 4142-1. Ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne fixent les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale doivent se prononcer sur les demandes tendant au retrait de leurs actes que leur adresse dans le cadre du contrôle de légalité le représentant de l’Etat dans la région ou le département. Il en résulte qu’en l’absence de disposition législative ou réglementaire contraire et nonobstant la circonstance que, pour l’exercice du contrôle de légalité qui lui appartient, le représentant de l’Etat peut demander des pièces complémentaires et présenter un recours gracieux qui, d’ailleurs, ne revêt pas le caractère d’un recours préalable obligatoire et s’exerce dans les conditions de droit commun, les décisions individuelles explicites créatrices de droit prises par les communes, les départements, les régions et les établissements publics de coopération intercommunale ne peuvent être retirées, si elles sont illégales, et, hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, que dans un délai de quatre mois après qu’elles ont été prises. II. Compte tenu des précédentes observations, les deuxième et troisième questions deviennent sans objet. Le présent avis sera notifié à Mme Mireille A, à la commune d’Haubourdin, au préfet du Nord et au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales. Il sera publié au Journal officiel de la République française. Note L’avis du 27 juin 2007 publié au Recueil Lebon et au Journal officiel concerne le droit de retrait des actes des collectivités locales et l’exercice du contrôle de légalité. Les faits de l’espèce à l’origine de cet avis sont fort simples. Par un arrêté du maire d’Haubourdin en date du 17 mai 2005, Mme Mireille A avait été nommée en qualité d’assistante territoriale d’enseignement artistique stagiaire ; mais par un nouvel arrêté en date du 12 décembre 2005, à la suite du contrôle de légalité exercé par le préfet, le maire de la commune devait retirer sa précédente décision. Mme A a alors déposé un recours en annulation contre ce second arrêté. Cependant, avant de statuer sur cette requête, le tribunal administratif de Lille a, par application de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, transmis le dossier de cette demande au Conseil d’Etat en sollicitant son avis sur les trois questions suivantes : 1º Est-ce que sont au nombre des dispositions législatives et réglementaires dérogeant aux règles gouvernant le retrait des actes administratifs celles du Code général des collectivités territoriales (CGCT) relatives au contrôle de légalité des actes de ces collectivités par le représentant de l’Etat dans le département ou dans la région ? 2º Dans l’affirmative, est-ce que le recours gracieux du représentant de l’Etat doit avoir été formé dans le délai du recours contentieux ? 3º A quelle date et dans quel délai l’autorité de la collectivité territoriale peut-elle retirer un acte individuel créateur de droits ? En d’autres termes, le tribunal administratif de Lille a demandé au Conseil d’Etat si les dispositions législatives et réglementaires du CGCT relatives au contrôle de légalité de leurs actes dérogeaient ou non à la jurisprudence Ternon (CE, ass., 26 octobre 2001, req. nº 197018, Rec. p. ; GAJA Dalloz, 16e éd., nº 111), en vertu de laquelle « sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’Administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ». No 7 - Juillet 2008 - chronique de jurisprudence administrative Au regard de la jurisprudence administrative bien établie concernant le contrôle administratif de légalité et la nature du déféré préfectoral, la réponse donnée par le Conseil d’Etat dans cet avis du 27 juin 2007 s’imposait facilement. Le juge administratif a en effet aligné, et depuis fort longtemps, le déféré préfectoral sur le recours pour excès de pouvoir (CE, sect., 27 févr. 1987, Commune Grand-Bourg de Marie Galante c/ Pistol, Rec. p. 80) : le Conseil d’Etat considère que, quelle que soit la décision attaquée, le déféré préfectoral constitue un nouveau contentieux de l’excès de pouvoir (CE, sect., 26 juillet 1991, Commune Sainte-Marie, Rec. p. 30 ; AJDA 1991, p. 693, chron. C. Maugüé et R. Schwartz). Et si le préfet peut, avant de déférer la décision litigieuse, solliciter des pièces complémentaires (CE, 31 mars 1989, Commune de Septème-les-Vallons, Rec. p. 102) ou exercer un recours gracieux (CE, 18 avril 1986, COREP d’Ille-et-Vilaine, Rec. T. p. 423), il le fait – doit le faire – dans les conditions de droit commun ; et en outre, à l’évidence, ni la demande de pièces complémentaires, ni le recours gracieux, n’ont le caractère d’un recours administratif préalable obligatoire, ce qui permettrait d’écarter la jurisprudence Ternon. On peut également faire observer que la dernière phrase de l’alinéa premier de l’article L. 2131-1 du CGCT introduite par la loi du 13 août 2004 a, par le bref délai de transmission de quinze jours qu’elle impose en matière de décisions individuelles, sinon pour objet du moins pour effet de faciliter l’exercice par le préfet d’un recours gracieux aux fins d’obtenir le retrait d’un acte individuel créateur de droits qu’il estime illégal, recours gracieux qui – ainsi que l’a rappelé l’auteur de l’amendement ayant abouti à modifier l’article L. 2131-1 précité, M. Schostoeck – est « un des instruments essentiels du contrôle de légalité » (JO Débats, Sénat, 15 novembre 2003). Implicitement, par cette modification de l’article L. 2131-1 du CGCT, le législateur de 2004 a ainsi pris en compte la jurisprudence Ternon, en ne donnant pas d’effet au recours gracieux du préfet sur le délai de retrait des actes individuels créateurs de droits considérés comme illégaux mais en facilitant simplement l’exercice de ce recours gracieux. Aussi, ne faut-il point s’étonner que la Haute Assemblée ait, dans son avis du 27 juin 2007, répondu que les dispositions législatives et réglementaires du CGCT relatives au contrôle de légalité de leurs actes ne dérogeaient point à la jurisprudence Ternon, et que « les décisions individuelles explicites créatrices de droit prises par les communes, les départements, les régions et les établissements publics de coopération intercommunale ne peuvent être retirées, si elles sont illégales, et, hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, que dans un délai de quatre mois après qu’elles ont été prises ». COMMUNE Commune - Action du contribuable - Autorisation de plaider Refus d’autorisation - Absence d’intérêt suffisant - Absence de chance de succès. CE, 9 novembre 2007, Commune de Puttelange-aux-Lacs req. nº 296743 (décision mentionnée aux tables du Recueil Lebon) [extraits] Considérant qu’aux termes de l’article L. 2132-5 du Code général des collectivités territoriales : « Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d’exercer, tant en demande qu’en défense, à ses frais et risques, avec l’autorisation du tribunal administratif, les actions qu’il croit appartenir à la commune et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d’exercer » ; qu’il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, et au Conseil d’Etat, saisi d’un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu’ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l’action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l’action envisagée présente un intérêt matériel suffisant pour la commune et qu’elle a une chance de succès ; Considérant que, par une décision en date du 21 juillet 2006, le tribunal administratif de Strasbourg a autorisé Mme A à déposer, au nom de la commune de Puttelange-aux-Lacs, une plainte avec constitution de partie civile du chef notamment de prise illégale d’intérêts au titre des faits allégués dans sa demande relatifs aux liens existant entre le maire de cette commune et son premier adjoint, d’une part, et l’association Carnavalesque, l’association culturelle de Puttelange-aux-Lacs (ACP), la SARL Numériff et la société Télédistribution, d’autre part, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; (...) Au fond : Considérant, en premier lieu, que si Mme A soutient que la prise en charge directe par la commune, d’une part, de dépenses liées à l’organisation de la fête annuelle dénommée « Festives du lac » et qui devaient incomber à l’association ACP, dont le maire et son premier adjoint assuraient la direction, et, d’autre part, d’investissements incombant à la société Télédistribution au titre du réseau câblé de la commune, a causé un préjudice financier à la commune, elle n’établit pas que les dépenses ainsi prises en charge auraient été dépourvues d’intérêt pour la commune ; Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A soutient que l’adjoint au maire a passé sans - No 7 - Juillet 2008 concurrence des contrats avec la société Numériff qu’il dirige et dont il détient un quart du capital, il ne résulte pas de l’instruction qu’en l’espèce l’attribution de ces commandes ou marchés ait entraîné un surcoût portant préjudice à la commune ; Considérant, enfin, que si Mme A fait également valoir que le maire de la commune a participé à la délibération décidant l’octroi d’une subvention de 790 c à l’association Carnavalesque dont il est trésorier, que le personnel municipal a effectué des travaux, dont la consistance n’est pas précisée, dans les magasins de la société Numériff, le préjudice matériel éventuellement subi à ces titres par la commune n’apparaît pas d’une importance telle que la constitution de partie civile envisagée puisse être regardée comme présentant un intérêt suffisant pour la commune ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que la commune de Puttelange-aux-Lacs est fondée à demander l’annulation de la décision du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juillet 2006 en ce qu’elle autorise Mme A à déposer au nom de la commune de Puttelange-aux-Lacs une plainte avec constitution de partie civile au titre de l’ensemble des faits allégués dans sa demande relatifs aux liens existant entre le maire et son premier adjoint, d’une part, et les associations Carnavalesque et ACP, la SARL Numériff et la société Télédistribution, d’autre part ; que, par voie de conséquence, les dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Puttelange-aux-Lacs, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme A la somme que demande la commune au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative. (...) Commune - Action du contribuable - Autorisation de plaider Refus d’autorisation - Action n’appartenant pas à la commune - Absence d’intérêt suffisant. CE, 3 décembre 2007, M. B req. nº 300922 (décision mentionnée aux tables du Recueil Lebon) [extraits] Considérant qu’aux termes de l’article L. 2132-5 du Code général des collectivités territoriales : « Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d’exercer, tant en demande qu’en défense, à ses frais et risques, avec l’autorisation du tribunal administratif, les actions qu’il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d’exercer » ; qu’il appartient au tribunal 551 chronique de jurisprudence administrative administratif statuant comme autorité administrative, et au Conseil d’Etat, saisi d’un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu’ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l’action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l’action envisagée appartient à la commune, qu’elle présente un intérêt matériel suffisant pour celle-ci et qu’elle a une chance de succès ; Considérant que M. B a notamment demandé au tribunal administratif de Nice, d’une part, de l’autoriser à déposer plainte avec constitution de partie civile pour le compte de la commune de Solliès-Pont à l’encontre de M. N, alors chef du service de l’urbanisme dans cette commune, du fait de la transformation illégale d’un bâtiment agricole, situé dans le quartier des Bancaous, en local à usage d’habitation et au titre d’infractions au Code de l’urbanisme qu’il aurait commises au regard d’une habitation située dans le quartier de La Jonquière et, d’autre part, de l’autoriser à engager une action en responsabilité pour faute personnelle contre l’auteur réel ou apparent d’un permis de lotir modificatif qui aurait été délivré frauduleusement le 31 octobre 2001 ; que, par la décision attaquée du 22 décembre 2006, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande au motif que les actions envisagées ne présentaient pas d’intérêt suffisant pour la commune de Solliès-Pont, ni d’ailleurs de chance raisonnable de succès ; Sur le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée : Considérant que la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que le moyen tiré de ce qu’elle ne serait pas suffisamment motivée doit, dès lors, être écarté ; commune ne saurait être regardée comme une action appartenant à celle-ci, au sens de l’article L. 2132-5 du Code général des collectivités territoriales ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. B ne saurait être autorisé à engager au nom de la commune, sur le fondement de ces dispositions, une action tendant à mettre en cause la responsabilité pour faute personnelle de l’auteur d’une autorisation de lotir ; En ce qui concerne les infractions au Code de l’urbanisme imputées à un agent communal : Considérant qu’à l’appui de sa demande d’autorisation, M. B fait valoir que le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile permettrait d’obtenir la démolition des constructions irrégulières et la réparation des préjudices résultant pour la commune des participations d’urbanisme impayées ainsi que de la soustraction d’une parcelle de 5 000 m2 à sa vocation agricole ; Considérant, toutefois, qu’il ne résulte pas de l’instruction que la démolition des constructions litigieuses présenterait pour la commune un intérêt matériel, seul susceptible de justifier l’action d’un contribuable sur le fondement des dispositions citées plus haut ; qu’il n’est pas davantage établi que le fait d’avoir soustrait 5 000 m2 de terrain réservé à l’agriculture par la transformation d’un bâtiment agricole en local à usage d’habitation ait causé un préjudice matériel à la commune ; qu’enfin, s’agissant du préjudice résultant, selon M. B, des participations d’urbanisme impayées, le requérant ne fournit aucun élément permettant d’en apprécier la réalité ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle le tribunal administratif de Nice a refusé de l’autoriser à engager les actions qu’il envisageait d’exercer au nom de la commune de SollièsPont. (...) Au fond : En ce qui concerne l’action tendant à mettre en cause la responsabilité pour faute personnelle de l’auteur d’un permis de lotir modificatif : Considérant que les dispositions citées plus haut de l’article L. 2132-5 du Code général des collectivités territoriales visent les seules actions en justice appartenant à la commune et que celle-ci refuse ou néglige d’exercer ; que, lorsqu’une collectivité publique estime avoir subi un préjudice en raison de la faute personnelle d’un de ses agents, il lui appartient d’émettre directement, si elle s’y croit fondée, un titre exécutoire à l’effet de fixer le montant des sommes qu’elle estime lui être dues par cet agent, à charge pour ce dernier, s’il conteste son obligation, d’en saisir la juridiction administrative, seule compétente pour en connaître dès lors que les rapports entre une collectivité publique et ses agents sont des rapports de droit public ; qu’il suit de là qu’une action en justice tendant à mettre en cause la responsabilité d’un agent de la 552 Note Ces deux arrêts Commune de Puttelangeaux-Lacs du 9 novembre 2007 et M. B du 3 décembre 2007 sont relatifs à l’action du contribuable d’une commune. Il convient préalablement de rappeler rapidement les faits de ces deux espèces. Dans la première affaire, Mme Laurette A, par une décision en date du 21 juillet 2006 du tribunal administratif de Strasbourg, a été autorisée à déposer au nom de la commune de Puttelange-aux-Lacs une plainte avec constitution de partie civile du chef notamment de prise illégale d’intérêts au titre des faits allégués dans sa demande relatifs aux liens existant entre le maire de cette commune et son premier adjoint, d’une part, et l’association Carnavalesque, l’association culturelle de Puttelange-auxLacs (ACP), la SARL Numériff et la société Télédistribution, d’autre part. La commune de Puttelange-aux-Lacs, représentée par son maire, a alors saisi le Conseil d’Etat pour lui demander d’annuler cette décision du tribunal administratif : la Haute Juridiction, dans son arrêt du 9 novembre 2007, a accueilli ce recours. Dans la seconde affaire, un contribuable de la commune de Solliès-Pont, M. Gaspard B, n’avait pas obtenu du tribunal administratif de Nice deux autorisations de plaider au nom de sa commune, et qui concernaient : pour l’une, une action en responsabilité pour faute personnelle visant l’auteur d’un permis de lotir modificatif délivré selon lui frauduleusement ; et pour l’autre, le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile à l’encontre du chef du service de l’urbanisme de la commune, du fait d’infractions au Code de l’urbanisme. Mais le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 3 décembre 2007, a refusé d’annuler la décision du 22 décembre 2006 du tribunal administratif de Nice. Ces deux arrêts confirment en vérité la jurisprudence rendue en la matière (cf. par exemples : Ph. Tuot, Quand le procès est la continuation de la politique par d’autres moyens, notes sous CE, 13 octobre 2003, Predon (1re espèce), Duhamel et Pilet (2e espèce), AJDA 2004, p. 591 ; J.-L. Pissaloux, note sous CE, 20 octobre 2004, M. D. M. C., req. nº 266682, La Revue du Trésor, juin 2005). Aux termes de l’article L. 2132-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) : « Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d’exercer, tant en demande qu’en défense, à ses frais et risques, avec l’autorisation du tribunal administratif, les actions qu’il croit appartenir à la commune et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d’exercer ». Malgré le silence de la loi, pour qu’un tribunal administratif autorise un contribuable à se substituer à la commune, il faut, comme le rappellent du reste les deux arrêts analysés, que l’action du contribuable satisfasse aux deux conditions cumulatives suivantes : présenter un intérêt matériel suffisant pour la commune ; et avoir des chances sérieuses de succès. Il s’agit là d’une jurisprudence constante et bien établie, étant encore précisé – comme le souligne du reste l’arrêt du 9 novembre 2007 – que le tribunal administratif et le Conseil d’Etat en cas de recours procèdent à cette analyse du bien-fondé de la demande sans se substituer au juge de l’action (cf. CE, ass., 26 juin 1992, Mme Lepage-Huglo et autres, req. nº 137345, Rec. p. 246 et 252 ; –, 13 mai 1994, Levais, req. nº 150047 ; –, 20 octobre 2004, M. D. - M. C., précité). A titre d’exemples : – l’existence d’un intérêt suffisant a été déniée dans le cas d’une plainte contre les agissements de certains parents d’élèves pour obtenir l’inscription de leurs enfants No 7 - Juillet 2008 - chronique de jurisprudence administrative dans les écoles primaires de la commune (CE, sect., 22 juillet 1992, Commune de Neuilly-sur-Seine c/ Sulzet, req. nº 137344, Rec. p. 304), dans le cas d’une plainte contre la vente d’un terrain de 30 m2 à un prix anormalement bas (CE, 13 mai 1994, Levais, précité), dans le cas d’une action destinée à mettre fin à une occupation irrégulière du domaine public d’ampleur limitée (CE, 27 mars 1996, Verrier, req. nº 163909), dans le cas de requérants faisant état de factures de régularisation compromettantes mais n’apportant aucun élément précis prouvant que l’attribution du marché à un neveu du maire de la commune aurait entraîné un surcoût pour la commune ni – de façon plus générale – lésé ses intérêts (CE, 20 octobre 2004, M. D. – M. C., précité), ou encore dans le cas de l’action en restitution d’aides locales pour non-respect de création d’emplois (CE, 7 juin 2006, Asselin, req. nº 286350, Rec. p. 286) ; – a été considérée comme dépourvue de chances de succès une demande invoquant un moyen non fondé (CE, 14 janvier 1998, Commune de Saint-Vincent-deBoisset) ou encore celle dans laquelle les allégations du demandeur n’étaient pas assorties des précisions nécessaires pour en apprécier la portée ou le bien-fondé (CE, ass., 26 juin 1992, Monnier-Besombes, req. nº 133901 ; -, 30 avril 1997, Carrière, req. nº 182355 ; -, 20 octobre 2004, M. D. – M. C., précité). En outre, bien évidemment, et comme l’énonce l’article L. 2132-5 précité, il faut que l’action du contribuable (tant en défense qu’en demande) appartienne – effectivement – à la commune : en d’autres termes, la commune doit être recevable à l’intenter si elle le faisait ellemême. Les arrêts du 9 novembre 2007 et du 3 décembre 2007 mettent en œuvre ces différentes conditions. Dans l’affaire Commune de Puttelangeaux-Lacs, seule la première condition exigée est en fait examinée par le Conseil d’Etat, lequel a donc considéré qu’elle n’était pas en l’occurrence satisfaite. Pour essayer de démonter que cette première condition était selon elle bien remplie, Mme A avait invoqué plusieurs moyens. En premier lieu, la prise en charge directe par la commune, d’une part, de dépenses liées à l’organisation de la fête annuelle et qui devaient incomber à l’association ACP, dont le maire et son premier adjoint assuraient la direction, et, d’autre part, d’investissements incombant à la société Télédistribution au titre du réseau câblé de la commune, avait selon elle causé un préjudice financier à la commune. A cet égard, la Haute Juridiction a considéré que la requérante n’établissait pas que les dépenses ainsi prises en charge étaient dépourvues d’intérêt pour la commune. - No 7 - Juillet 2008 En deuxième lieu, toujours selon Mme A, l’adjoint au maire avait passé sans concurrence des contrats avec la société Numériff qu’il dirige et dont il détient un quart du capital. Là encore, au regard de l’instruction, la Haute Juridiction a considéré qu’en l’espèce il n’en avait pas résulté un surcoût portant préjudice à la commune : en somme, le fait qu’un marché ait été conclu avec une société dans laquelle un conseiller municipal (premier adjoint) ait des intérêts, et au surplus sans mise en concurrence préalable, n’implique pas ipso facto un préjudice pour la commune, et surtout un préjudice suffisant de nature à pouvoir autoriser un contribuable à agir au nom de la commune, ce qui donc n’était effectivement pas le cas en l’espèce. En troisième et dernier lieu, Mme A a soutenu que le maire de la commune avait participé à la délibération décidant l’octroi d’une subvention de 790 c à l’association Carnavalesque dont il est trésorier, que le personnel municipal avait effectué des travaux, mais dont la consistance n’était pas précisée, dans les magasins de la société Numériff. Une nouvelle fois, le Conseil d’Etat a estimé que le préjudice matériel éventuellement subi à ces titres par la commune n’était pas suffisamment important pour que « la constitution de partie civile envisagée puisse être regardée comme présentant un intérêt suffisant pour la commune ». Cet arrêt du 9 novembre 2007 confirme donc bien la jurisprudence antérieure. Il ne suffit pas d’invoquer un préjudice subi par la commune : encore, faut-il que celui-ci soit d’une importance suffisante pour justifier qu’un contribuable puisse être autorisé en application de l’article L. 2132-5 du CGCT, à agir au nom de la commune. Il en va de même pour l’arrêt du 3 décembre 2007. A propos de la seconde autorisation de plaider sollicitée par M. B, et concernant le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile à l’encontre du chef du service de l’urbanisme de la commune, le Conseil d’Etat a en effet considéré que l’intérêt matériel résultant de l’éventuelle réussite de l’action n’était établi ni par l’instruction ni par le demandeur, en somme que – là encore – l’intérêt matériel n’était pas suffisant (ce qui est dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure précitée). En revanche, s’agissant de la première autorisation demandée, c’est sur un autre fondement que la Haute Juridiction a confirmé la décision du tribunal administratif de Nice : il a en effet considéré qu’une action en justice tendant à mettre en cause la responsabilité d’un agent de la commune ne saurait être regardée comme une action appartenant à celle-ci, au sens de l’article L. 2132-5 du CGCT, dans la mesure où « lorsqu’une collectivité publique estime avoir subi un préjudice en raison de la faute personnelle d’un de ses agents, il lui appartient d’émettre directement, si elle s’y croit fondée, un titre exécutoire à l’effet de fixer le montant des sommes qu’elle estime lui être dues par cet agent, à charge pour ce dernier, s’il conteste son obligation, de saisir la juridiction administrative, seule compétente pour en connaître dès lors que les rapports entre une collectivité publique et ses agents sont des rapports de droit public ». CONTRATS Contrats - Contrats entre personnes publiques - Responsabilité contractuelle - Contrat entre l’Etat et des régions. CE, 21 décembre 2007, Région Limousin req. nº 293260 (décision publiée au Recueil Lebon) [extraits] Considérant que les régions demandent l’annulation des décisions de rejet de leurs demandes indemnitaires, présentées respectivement les 18 juin 2004 et 20 décembre 2005 par les régions du Centre et Midi-Pyrénées, et les 18 juin 2004 et 12 décembre 2005 par la région du Limousin, à raison des préjudices qui résulteraient pour elles de l’abandon par l’Etat du projet de liaison ferrée « POLT » par TGV pendulaire ; qu’elles invoquent à titre principal la violation par l’Etat de ses engagements contractuels, et, à titre subsidiaire, sa responsabilité pour promesse non tenue et pour préjudice anormal et spécial ; Sur le fondement de la responsabilité de l’Etat : En ce qui concerne la nature des documents signés par l’Etat et les régions : Considérant que les régions requérantes ont signé le 21 février 2001 un protocole d’accord avec l’Etat, puis, le 13 novembre 2001, avec l’Etat, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et Réseau ferré de France (RFF), une convention-cadre dont l’objet est le financement et la réalisation de la modernisation de la liaison ferrée Paris-OrléansLimoges-Toulouse et de la mise en service de six rames de TGV rendues pendulaires ; qu’elles ont signé le même jour avec les mêmes partenaires une convention relative au financement et à la réalisation de l’étude d’avant-projet détaillé ; qu’elles ont enfin signé avec l’Etat, le 12 septembre 2002, une convention relative au financement du contrôle externe ; que si le protocole d’accord du 21 février 2001, qui ne fixe qu’un objectif et prévoit sa concrétisation par des conventions ultérieures, constitue une simple déclaration commune d’intention sans portée juridique, les trois conventions signées les 13 novembre 2001 et 12 septembre 2002 présentent en revanche le caractère de contrats susceptibles de mettre en jeu la responsabilité contractuelle de l’Etat ; 553 chronique de jurisprudence administrative En ce qui concerne la portée juridique de la renonciation par l’Etat à la liaison par TGV pendulaire : Considérant que le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT), en date du 18 décembre 2003, a modifié substantiellement le projet de réalisation de la liaison ferrée rapide « POLT » dont l’objet était la mise en service de six rames TGV rendues pendulaires entre Paris et Toulouse via Orléans et Limoges, prévue par la convention-cadre ; qu’en renonçant à la liaison par la technique de rames pendulaires, au profit d’une simple amélioration classique de la ligne, l’Etat doit être regardé comme ayant modifié unilatéralement l’objet de la convention-cadre du 13 novembre 2001, ainsi que, corrélativement, celui de la convention relative au financement et à la réalisation de l’étude d’avant-projet détaillé et de la convention relative au financement du contrôle externe ; que l’Etat doit ainsi être regardé comme ayant résilié les trois conventions qui le liaient aux trois régions pour la réalisation de la liaison « POLT » ; En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de l’Etat : Considérant que si l’Etat a pu mettre fin unilatéralement à ses engagements contractuels pour un motif d’intérêt général, eu égard notamment au coût élevé et à la faible rentabilité socio-économique du projet de liaison par rames pendulaires, ses co-contractants sont toutefois en droit d’obtenir réparation du préjudice résultant de la résiliation unilatérale de ces contrats particuliers par l’Etat, même en l’absence de toute faute de ce dernier, dès lors qu’aucune stipulation contractuelle n’y fait obstacle ; Considérant que, sans qu’il soit besoin d’ordonner la communication de documents non publics relatifs au CIADT du 18 décembre 2003, qui ne sont pas utiles à la solution du litige, les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées sont fondées à soutenir que l’Etat a engagé sa responsabilité contractuelle à leur égard en raison de la décision unilatérale prise lors du CIADT du 18 décembre 2003 de renoncer, avec l’abandon de la liaison par rames pendulaires, à exécuter les engagements qu’il avait souscrits auprès des régions ; Considérant que si, en ce qui concerne la convention relative au financement et à la réalisation de l’étude d’avant-projet détaillé, l’Etat se prévaut de son article 7 qui stipule qu’en cas de résiliation de ladite convention pour non-respect par une partie de ses engagements, laquelle doit se faire par courrier recommandé avec avis de réception, « les frais engagés par chaque maître d’ouvrage seront facturés, sur justificatif, aux financeurs au prorata de leur participation », cette stipulation ne saurait être utilement invoquée dès lors qu’il n’est pas allégué par l’Etat que les régions ou les maîtres d’ouvrage n’auraient pas rempli leurs engagements, ni d’ailleurs que lui-même aurait respecté les formes de la 554 résiliation contractuelle prévues par ce même article ; qu’ainsi aucune stipulation contractuelle ne fait obstacle à ce que sa responsabilité contractuelle soit recherchée par les régions en ce qui concerne la résiliation de cette convention, comme celle des deux autres conventions ; 2004 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 10 mai 2006 ; qu’à cette date, il était dû au moins une année d’intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande au 10 mai 2006, ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de cette date. (...) Sur les préjudices : Considérant, en premier lieu, que les dépenses d’études de faisabilité et d’études préalables d’avant-projet prévues par des conventions antérieures aux trois conventions en litige ne sauraient, en tout état de cause, constituer un préjudice réparable au titre de la responsabilité contractuelle de l’Etat dans le cadre de ces trois conventions ; Considérant, en deuxième lieu, que la région Midi-Pyrénées n’apporte pas la preuve de la relation de causalité entre les travaux d’amélioration de la ligne Brive-Rodez et le projet de liaison ferroviaire rapide par rames pendulaires ; qu’elle n’établit pas notamment que les travaux ainsi réalisés seraient dépourvus de toute utilité en l’absence de TGV pendulaire, et n’auraient pas par eux-mêmes des effets sur l’amélioration de la desserte ferroviaire entre Brive et Rodez ; qu’elle ne saurait utilement invoquer le contrat de plan qui la lie par ailleurs à l’Etat et dans lequel cette amélioration figurerait, ce contrat étant étranger au présent litige ; Considérant, en troisième lieu, et en tout état de cause, que les préjudices de manque à gagner invoqués par les trois régions requérantes et le préjudice d’image invoqué par la seule région Limousin ne présentent pas un caractère direct et certain ; Considérant, en quatrième lieu, que les dépenses d’études effectuées en application de la convention relative au financement et à la réalisation de l’étude d’avant-projet détaillé et les dépenses de contrôle externe effectuées en application de la convention relative au financement du contrôle externe constituent en revanche un préjudice direct et certain, dans la seule mesure où la réalité de ces dépenses est établie ; que, toutefois, les régions du Centre et du Limousin, n’ayant pas justifié qu’elles avaient effectivement payé les dépenses relatives aux études et au contrôle externe, n’établissent pas la réalité de ce chef de préjudice ; que la région MidiPyrénées a justifié avoir dépensé les sommes de 295 367,66 c au titre de l’étude d’avantprojet détaillé et de 45 700 c au titre du contrôle externe ; qu’il résulte de l’instruction que le préjudice subi par la région Midi-Pyrénées s’élève ainsi à 341 067,66 c ; qu’il y a lieu, par suite, de condamner l’Etat à verser à la région Midi-Pyrénées une indemnité égale à ce montant ; Sur les intérêts et les intérêts des intérêts : Considérant que la région Midi-Pyrénées a droit aux intérêts de la somme de 341 067,66 c à compter du jour de la réception par le Premier ministre de sa demande datée du 18 juin CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS Marchés publics - Contrat administratif - Délégation de service public - Obligations du concédant - Obligation de protection du cocontractant contre la concurrence - Concession Erreur de droit. CE, 10 octobre 2007, Société SPS Tarbes req. nos 255213 et 271215 (décision mentionnée aux tables du Recueil Lebon) [extraits] Sur l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux en date du 16 janvier 2003 : Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des écritures de la société SPS Tarbes devant la cour administrative d’appel de Bordeaux que si elle a fait état de la création par la commune de « zones vertes » de stationnement, il ne s’agissait que d’un élément postérieur à l’intervention du jugement dont elle interjetait appel et qu’elle indiquait, selon ses propres dires, pour éclairer la Cour sur le comportement de la commune ; que cette mention ne constituait dès lors pas un moyen auquel la Cour aurait été tenue de répondre ; que contrairement à ce que soutient la société requérante, la Cour a répondu au moyen tiré de ce que la commune n’aurait pas veillé à l’application des règles relatives au stationnement ; qu’enfin, il ressort des écritures de la société SPS Tarbes devant la Cour qu’elle n’avait pas soulevé de moyen tiré d’un manquement de la commune à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat conclu et qu’ainsi, elle ne saurait soutenir que l’arrêt de la Cour, qui, contrairement à ce qu’elle allègue, ne dénature pas le jugement du tribunal, serait insuffisamment motivé faute d’avoir vérifié si les agissements reprochés à la commune ne constituaient pas un manquement à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat ; Considérant, en deuxième lieu, que dès lors que la Cour a estimé que l’article 10 du contrat de concession n’imposait à la commune d’obligations tarifaires pour ses propres parcs de stationnement qu’en ce qui concerne le stationnement payant, elle a pu juger, sans entacher son arrêt de contradictions de motifs, d’une part, que si l’absence d’augmentation des tarifs communaux de stationnement méconnaissait les obligations No 7 - Juillet 2008 - chronique de jurisprudence administrative contractuelles de la ville, tel n’était pas le cas du maintien du stationnement gratuit et d’autre part, que le tarif du stationnement horaire pratiqué par la ville était bien égal à celui du parc de son concessionnaire alors même que la commune avait maintenu la gratuité du stationnement de courte durée ; Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le second alinéa de l’article 10 du contrat de concession en litige stipulait que « les tarifs de stationnement payant de surface et des autres parcs publics seront progressivement augmentés pour atteindre ceux du parc "Verdun" le jour de son ouverture » ; qu’en jugeant que cette clause contractuelle impliquait uniquement un relèvement, à la date d’ouverture du parc « Verdun », des tarifs municipaux mais, d’une part, n’imposait pas de les faire évoluer par la suite de la même façon que ceux du parc « Verdun », et d’autre part, n’interdisait ni de fractionner les tarifs municipaux pour des durées inférieures à une heure, ni d’attribuer des cartes de stationnement gratuit, la Cour n’a pas dénaturé la commune intention des parties ; Considérant, en dernier lieu, que lorsqu’un concessionnaire demande une indemnisation à la collectivité concédante du fait des activités concurrentes que cette dernière a organisées, le juge doit rechercher si la collectivité a méconnu les stipulations du contrat ou empêché le concessionnaire de poursuivre ses activités, et donc de remplir ses propres obligations contractuelles ; qu’il ne peut être utilement invoqué un principe général de protection du concessionnaire contre la concurrence par le concédant, indépendamment de toute clause contractuelle posant une telle obligation à ce dernier ; qu’ainsi, en censurant le jugement du tribunal de Pau, qui avait condamné la commune au motif que ses agissements avaient empêché son concessionnaire d’exploiter rentablement le parc de stationnement, la Cour n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de droit ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société SPS Tarbes n’est pas fondée à demander l’annulation de l’article premier de l’arrêt attaqué de la cour administrative d’appel de Bordeaux en date du 16 janvier 2003 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ; qu’en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à sa charge le paiement à la commune de Tarbes de la somme de 3 000 c au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens. (...) Note Le principal intérêt de cet arrêt Société SPS Tarbes du 10 octobre 2007 est de rappeler l’absence d’un principe général de - No 7 - Juillet 2008 protection du concessionnaire contre la concurrence par le concédant, indépendamment de toute clause contractuelle posant une telle obligation à ce dernier. En l’espèce, une commune, la commune de Tarbes, avait, par une convention conclue le 15 novembre 1990, concédé à la société Spie Aménagement, à laquelle s’est substituée la société Spie Park Tarbes, devenue ensuite la societé SPS Tarbes, la construction et l’exploitation d’un parc de stationnement souterrain sous la place Verdun. L’exploitation de ce parc s’étant révélée déficitaire, la société concessionnaire a recherché la responsabilité de la commune de Tarbes devant le tribunal administratif de Pau. Celui-ci, par un jugement en date du 13 octobre 1998, a condamné la commune à verser à son concessionnaire la somme de 2 500 000 F (381 122,54 c), en réparation du préjudice subi du fait des pratiques tarifaires de la ville dans ses parcs de stationnement. Par un premier arrêt en date du 16 janvier 2003, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Pau en tant qu’il avait retenu la responsabilité de la commune sur d’autres fondements que celui de la méconnaissance de l’article 10 du contrat de concession et sur d’autres motifs que celui relatif au tarif d’abonnement, et a ordonné une expertise afin de déterminer la réalité et l’étendue du préjudice subi par la société Spie Park Tarbes ; par un second arrêt en date du 17 juin 2004, la Cour a ramené à 250 000 F, soit 38 112,25 c, la condamnation mise à la charge de la commune de Tarbes. La societé SPS Tarbes s’est alors pourvue en cassation contre ces deux arrêts. Le Conseil d’Etat, par son arrêt du 10 octobre 2007, a rejeté ces deux requêtes. Dans cette affaire, la Haute Juridiction a rappelé que « lorsqu’un concessionnaire demande une indemnisation à la collectivité concédante du fait des activités concurrentes que cette dernière a organisées, le juge doit rechercher si la collectivité a méconnu les stipulations du contrat ou empêché le concessionnaire de poursuivre ses activités, et donc de remplir ses propres obligations contractuelles ». Or, en l’espèce, la commune de Tarbes n’avait pas méconnu les clauses du contrat de concession, et en particulier le second alinéa de son article 10 du contrat de concession en vertu duquel : « Les tarifs de stationnement payant de surface et des autres parcs publics seront progressivement augmentés pour atteindre ceux du parc "Verdun" le jour de son ouverture ». La Haute Juridiction a en effet considéré qu’« en jugeant que cette clause contractuelle impliquait uniquement un relèvement, à la date d’ouverture du parc "Verdun", des tarifs municipaux mais, d’une part, n’imposait pas de les faire évoluer par la suite de la même façon que ceux du parc "Verdun", et d’autre part, n’interdisait ni de fractionner les tarifs municipaux pour des durées inférieures à une heure, ni d’attribuer des cartes de stationnement gratuit, la Cour n’a(vait) pas dénaturé la commune intention des parties ». Le Conseil d’Etat comme la cour administrative d’appel de Bordeaux ont donc jugé que la commune, par ses agissements, n’avait pas empêché son concessionnaire d’exploiter rentablement le parc de stationnement. La Haute Juridiction a en outre rappelé qu’il ne pouvait être utilement invoqué un principe général de protection du concessionnaire contre la concurrence par le concédant, indépendamment de toute clause contractuelle posant une telle obligation à ce dernier. Cet arrêt Société SPS Tarbes reprend quasiment à l’identique une jurisprudence antérieure. Dans une affaire très largement similaire (CE, 25 juillet 2001, Ville de Toulon, req. nº 217307, MTRL), concernant une commune ayant délégué à une société la gestion et l’animation d’un parc des expositions et d’animation et dans laquelle le concessionnaire avait demandé à la commune de l’indemniser des préjudices résultant selon lui de l’organisation d’activités concurrentes de celles qui lui avaient été déléguées, le juge de cassation avait en effet déjà considéré que le juge administratif devait se borner à rechercher si, en réalisant d’autres équipements et en organisant dans d’autres sites des manifestations de la nature de celles susceptibles d’être organisées dans le parc des expositions, la commune avait soit méconnu les stipulations du contrat, soit empêché la société de poursuivre ses activités, « sans rechercher si la commune, ce faisant, a(vait) méconnu un prétendu principe général de protection de son concessionnaire contre la concurrence, qui n’existe pas de manière autonome ». Marchés publics - Formalités de publicité et de mise en concurrence - Application du droit communautaire. CE, 21 novembre 2007, Département du Var req. nº 300992 (décision mentionnée aux tables du Recueil Lebon) [extraits] Considérant que le formulaire DC4 intitulé lettre de candidature et habilitation du mandataire par ses co-traitants et le formulaire DC5 intitulé déclaration du candidat reprennent, sans y ajouter, les renseignements qui peuvent être exigés des candidats en application des dispositions précitées de l’article 45 du Code des marchés publics et de l’arrêté du 26 février 2004 et se bornent à déterminer les modalités de présentation de ces renseignements ; que ces formulaires sont aisément accessibles, sans frais particuliers, sur le site « Internet » du ministère de l’Economie, des 555 chronique de jurisprudence administrative Finances et de l’Industrie ; qu’il est ainsi loisible à l’acheteur public d’exiger des candidats, dès lors que les caractéristiques du marché le justifient, qu’ils utilisent, à peine d’irrecevabilité, ces formulaires pour présenter leur offre ; qu’il est, de même, loisible à l’acheteur public de renvoyer aux formulaires DC4 et DC5 dans l’avis d’appel public à la concurrence pour faire connaître aux entreprises les renseignements exigés à l’appui de leur candidature ; (...) Considérant, que s’agissant d’un marché de seuil communautaire, il appartenait au département du Var, en l’absence de règles nationales applicables à la procédure de passation du marché litigieux permettant d’assurer une publicité de l’avis d’appel public à la concurrence dans des conditions compatibles avec les objectifs de la directive nº 2004/18/CE, d’assurer une publicité de ses intentions compatible avec les objectifs de cette directive, et notamment avec les prescriptions des annexes du règlement (CE) nº 1564/2005 pris pour son application ; que le formulaire standard fixé par ce règlement fait notamment figurer, parmi les mentions que doivent comporter les avis de marchés, au point III.1.1 : « cautionnement et garanties exigées (le cas échéant) » ; qu’il ressort de l’article 8 du cahier des clauses administratives particulières du marché que le département prévoyait d’exiger la constitution de la garantie à première demande prévue à l’article 105 du Code des marchés publics si le titulaire du marché ne renonçait pas au bénéfice d’une avance forfaitaire ; que, toutefois, le département du Var n’a pas porté cette information à la connaissance des candidats éventuels en remplissant à cet effet la rubrique précitée dans l’avis paru au Journal officiel de l’Union européenne ; qu’il a ainsi manqué à ses obligations de publicité ; qu’il en résulte que le groupement OPSIA Méditerranée – Cabinet Arragon est fondé à demander l’annulation de la procédure contestée. (...) Contrats - Délégation de service public - Affermage - Modification des tarifs. CAA Nancy, 20 décembre 2007, Société Vivendi Universal req. nº 05NC00897 (décision mentionnée aux tables du Recueil Lebon) [extraits] Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance : Considérant qu’aux termes de l’article 40 du traité d’affermage conclu le 28 juin 1990 entre la commune de Saint-Dizier et la Compagnie générale des eaux, devenue la société Vivendi Universal : « Pour tenir compte de l’évolution des conditions économiques et techniques et pour s’assurer que la formule d’indexation est bien représentative des coûts réels, le niveau du tarif 556 fermier, d’une part, et la composition de la formule de variation, y compris la partie fixe, d’autre part, devront être soumis à un réexamen sur production par le fermier des justifications nécessaires et notamment des comptes de l’exploitation, dans les cas suivants : 1) après cinq ans... »; que l’article 42 relatif à la procédure de révision stipule que : « ... Si, dans les trois mois à compter de la date de la demande de révision présentée par l’une des parties, un accord n’est pas intervenu, il sera procédé à cette révision par une commission composée de trois membres, dont l’un sera désigné par la collectivité, l’autre par le fermier et le troisième par les deux premiers. Faute à ceux-ci de s’entendre dans un délai de quinze jours, la désignation du troisième membre sera faite par le président du tribunal administratif ... » ; Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que la procédure de révision des tarifs du service de distribution d’eau potable de la commune de Saint-Dizier a été entreprise en 1998, à l’initiative de la collectivité, à la suite d’un audit effectué en application des stipulations du traité d’affermage par le cabinet Service public 2000 et en parallèle à un contrôle de la chambre régionale des comptes, concluant, au vu des éléments à la disposition du consultant, à une différence importante entre la marge annoncée par le fermier dans son compte rendu financier (2,5 %) et celle résultant de ses propres évaluations (30 %) ; que la société Vivendi Universal avait, de son côté, acquiescé à l’engagement d’une nouvelle négociation sur les aspects économiques du traité dans la mesure, notamment, où une période de plus de cinq ans s’était écoulée depuis la révision du contrat d’affermage ; qu’en l’absence d’accord entre les parties sur le niveau de rémunération du fermier, une commission tripartite a été mise en place dans les conditions prévues par l’article 42 précité du contrat d’affermage pour procéder, conformément aux stipulations dudit article, à la révision demandée ; qu’après plusieurs mois de travaux, la commission, constatant que l’augmentation annuelle du prix de l’eau, par le jeu de la formule d’indexation figurant dans le traité d’affermage, avait suivi depuis 1990 une évolution supérieure à celle des charges portées par le fermier dans ses comptes rendus financiers annuels, a conclu à une diminution du tarif fermier du prix de l’eau de 1,548 F par m3 et à l’adoption d’une nouvelle formule de révision du prix tenant mieux compte des coûts réels d’exploitation ; qu’en décidant, par délibération du 20 janvier 2000, d’adopter les préconisations de la commission, la commune n’a fait que tirer les conséquences des choix de procédure auxquelles les parties ont entendu se soumettre en cas de désaccord sur la révision des prix de l’eau et des formules de variation ; qu’ainsi, aucune faute ne pouvant être imputable à la commune dans l’exécution du contrat, la société Vivendi Universal n’est pas fondée à demander, à ce titre, la condamnation de la collectivité à lui verser la somme de 4 675 239 c en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de la modification unilatérale dudit contrat ; Considérant, d’autre part, que si la nouvelle tarification retient, dans des proportions au demeurant limitées, une diminution des tarifs plus importante que celle que la société Vivendi Universal se déclarait disposée à consentir, celle-ci n’établit pas et il ne résulte pas de l’instruction, compte tenu des constatations opérées dans le cadre de l’audit et vérifiées par la commission, que la détermination, dans les conditions prévues au contrat, de la nouvelle tarification ait entraîné un bouleversement de l’équilibre financier de celuici ; que la société Vivendi Universal ne peut, dès lors, fonder ses prétentions à être indemnisée d’un manque à gagner sur la méconnaissance dudit principe ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la demande de la société Vivendi Universal doit être rejetée. (...) DOMAINE PUBLIC Domaine public - Domaine public routier - Occupation du domaine public routier - Redevances - Sécurité routière Radars automatisés fixes - Equipements routiers - Amendes. CE, 31 octobre 2007, Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales c/ Département de l’Essonne req. nº 306338 (décision publiée au Recueil Lebon) [extraits] Considérant qu’aux termes de l’article L. 2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques : « Toute occupation ou utilisation du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 donne lieu au paiement d’une redevance (...) » ; que toutefois l’article L. 117-1 du Code de la voirie routière dispose : « Des dispositifs techniques destinés à assurer le respect du Code de la route ou permettant aux fonctionnaires et agents habilités de constater les infractions audit code sont intégrés aux infrastructures et équipements routiers (...) » ; que l’article R. 111-1 du même code précise que : « Les équipements routiers sont des dispositifs affectés aux besoins de la circulation routière, destinés à la signalisation, à la protection des usagers, à l’exploitation des voies du domaine public routier et à la constatation des infractions au Code de la route (...) / Les équipements routiers sont classés en quatre catégories définies ainsi qu’il suit : (...) / 4º Les équipements de constatation des infractions au Code de la route, qui sont intégrés aux infrastructures routières ; que les radars automatiques de contrôle de vitesse constituent, compte tenu de leur objet même, des équipements intégrés aux infrastructures routières au sens des dispositions précitées du Code de la voirie routière » ; que, dès lors, ces No 7 - Juillet 2008 - chronique de jurisprudence administrative équipements, qui concourent à l’exécution du service public de la sécurité routière, ne peuvent être regardés comme occupant ou utilisant le domaine public routier au sens de l’article L. 2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques ; que, dès lors, en jugeant qu’aucune disposition de nature législative ne faisait obstacle à ce que l’installation par l’Etat de radars automatiques puisse donner lieu à l’établissement d’une redevance d’occupation sur le fondement des dispositions de cet article L. 2125-1, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Versailles a commis une erreur de droit ; que, par suite, pour ce motif d’ordre public, le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée. (...) Note Quatre arrêts du Conseil d’Etat en date du 31 octobre 2007 : CE, Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales c/ Département de l’Essonne, req. nos 306338 et 307861 ; –, Département de l’Aude c/ Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, req. nº 307797 ; –, Département de l’Ariège c/ Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales, req. nº 308716), dont seul le premier sera publié au Recueil Lebon, sont venus mettre fin au débat relatif aux radars automatisés fixes et au bienfondé des redevances d’occupation de leur domaine public instaurées par différents départements. Dans ces espèces, suite au transfert des routes nationales aux départements opéré par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, différents conseils généraux avaient en effet, par délibération, instauré des redevances forfaitaires annuelles d’occupation de leur domaine public pour l’implantation de chaque radar automatisé fixe sur leur domaine public routier. Bien évidemment, ces délibérations avaient été déférées aux tribunaux administratifs territorialement compétents par les préfets agissant au nom de l’Etat sur le fondement de l’article L. 554-1 du Code de justice administrative. Dans la plupart des cas, les juges des référés des tribunaux et des cours administratives d’appel avaient ordonné la suspension des délibérations litigieuses, au demeurant sur des fondements divers. Mais dans l’affaire opposant l’Etat au département de l’Essonne (req. nº 306338), le juge des référés de la cour administrative d’appel de Versailles avait admis – sur le fondement de l’article L. 2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) – la légalité de la redevance instaurée par la délibération du conseil général de l’Essonne du 29 janvier 2007. Au-delà de la multiplicité des solutions retenues par les cours administratives d’appel, - No 7 - Juillet 2008 la question posée dans ces diverses espèces était en vérité la même : la redevance départementale d’occupation domaniale instaurée par certains départements était-elle ou non légale ? Le Conseil d’Etat y a répondu par la négative, donnant par là même satisfaction à l’Etat. Le considérant de principe est le même dans les quatre arrêts du 31 octobre 2007. La solution retenue montre que la Haute Juridiction a fait prévaloir la sécurité routière sur les principes et règles du droit domanial : les radars automatisés fixes sont des équipements intégrés aux infrastructures routières ; ils concourent à l’exécution du service public routier ; ils ne peuvent être regardés comme occupant ou utilisant le domaine public routier au sens de l’article L. 2125-1 du CGPPP ; et la collecte des amendes générées par ces dispositifs n’est point assimilable à l’activité lucrative d’un usager privé occupant le domaine public. Au regard des règles relatives à l’occupation privative du domaine public, l’instauration de redevances domaniales par certains départements pour l’implantation des radars automatisés fixes pouvait apparaître fondée. Toute occupation domaniale est en effet conditionnée au respect de l’article L. 2122-1 du CGPPP selon lequel : « Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous ». Si le domaine public d’une personne publique est constitué de l’ensemble des biens qui appartiennent à cette personne publique et qui sont affectés à l’utilité publique, l’octroi d’une autorisation expresse (par la personne propriétaire du domaine) sous-entend que le domaine public concerné par cette autorisation ne sera pas destiné à une utilisation commune de tous, mais à un usage privatif. En l’espèce, l’usage était caractérisé par l’implantation par l’Etat de systèmes de contrôle sur les dépendances du domaine public routier des départements ; et l’autorisation d’occupation accordée à l’Etat, usager privatif, devait prendre la forme d’une permission de voirie, sous-entendant une emprise, dans la mesure où l’installation de ces radars nécessite effectivement une incorporation au sol. L’Etat était donc perçu comme un occupant privatif, comme les autres, se voyant ainsi opposer le droit de propriété des départements, lesquels – et c’est normal – souhait(ai)ent valoriser toute occupation de leur domaine public. L’Etat n’est cependant point un occupant comme les autres : alors que le titulaire d’une permission de voirie n’a droit ni à son maintien, ni à son renouvellement (CE, 24 novembre 1993, SA Atlantique construction, req. nº 124933), l’Etat n’y est pas soumis, alors même que cette solution peut s’appliquer à une administration publique (CE, 22 mai 1987, Ministre délégué chargé des PTT c/ Communauté urbaine de Lille). L’Etat est ainsi un occupant particulier, soumis à un régime « dérogatoire », bien qu’il entre dans la même catégorie des autres occupants privés. L’utilisation et/ou l’occupation du domaine public d’une personne publique donne en effet lieu au paiement d’une redevance (art. L. 2125-1 du CGPPP), dont le montant doit tenir compte de tous les avantages procurés au titulaire de l’autorisation (art. L. 2125-3 du CGPPP). La jurisprudence l’a confirmé : l’occupation du domaine public d’une personne publique est soumise à un principe général de non-gratuité (CE, 11 février 1998, Ville de Paris c/ Association pour la défense des droits des artistes peintres sur la place du Tertre, req. nº 171792) ; plus récemment, le tribunal administratif de Lille, dans deux jugements en date du 4 juillet 2007 (req. nos 0701413 et 0701891), a admis – du reste sur le fondement de l’article L. 2125-1, alinéa premier du CGPPP – la légalité des redevances pour occupation du domaine départemental public routier par des radars automatisés fixes, car aucune autre disposition législative spéciale ne prévoyait et ne régissait ce cas (1). L’article L. 2125-1, alinéa 2 du CGPPP prévoit cependant une dérogation (au demeurant facultative d’après la rédaction de l’alinéa) : celle-ci peut en effet permettre l’exemption de redevance si « l’occupation ou l’utilisation est la condition naturelle et forcée de l’exécution de travaux ou de la présence d’un ouvrage, intéressant un service public qui bénéficie gratuitement à tous ». Le Conseil d’Etat en a donc décidé autrement, en jugeant que l’implantation des radars automatiques répondait et répond à une mission de service public, à savoir la sécurité routière, et que la collecte des amendes générées par ces dispositifs n’est point assimilable à l’activité lucrative d’un usager privé occupant le domaine public d’une personne publique. Le Conseil d’Etat applique en effet les dispositions combinées des articles L. 117-1 et R. 111-1 du Code de la voirie routière (CVR) pour en déduire que les radars automatiques sont des équipements intégrés aux infrastructures routières, et qu’ils concourent à l’exécution du service public de la sécurité routière. Ce qui permet d’écarter les dispositions du CGPPP mises en œuvre par les départements. Aux termes de l’article L. 117-1 du Code de la voirie routière, « des dispositifs techniques destinés à assurer le respect du Code de la route ou permettant aux fonctionnaires et agents habilités de constater les infractions audit code sont intégrés aux infrastructures et équipements routiers ». (1) En l’absence de dispositions spéciales qui primeraient sur les dispositions d’ordre général, le droit général s’applique. 557 chronique de jurisprudence administrative Tel est le cas par exemple des trottoirs établis en bordure des voies publiques, et qui sont, dans leur ensemble, des dépendances des voies publiques (CE, 14 mai 1975, Sieur Chatard, req. nº 90899) ; tel est encore le cas, sauf titre contraire, des galeries et des passages se trouvant sous les arcades des maisons riveraines et affectés à la circulation générale. Depuis les arrêts du 31 octobre 2007, tel est donc désormais le cas également des radars automatisés fixes. Ceux-ci entrent dans la consistance du domaine public routier, défini à l’article L. 111-1 du Code de la voirie routière (« ensemble des biens du domaine public de l’Etat des départements et des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l’exception des voies ferrées »), et deviennent des dépendances par la théorie de l’accessoire. Les radars, bien que non explicitement retenus dans la définition du domaine public routier départemental, sont ainsi affectés – aux termes des arrêts du 31 octobre 2007 – aux besoins de la circulation routière, à la protection des usagers et à la constatation des infractions au Code de la route ; ils participent dès lors à la mission de service public de la sécurité routière, imposée par le ministère du Développement durable. En outre, par ces arrêts du 31 octobre 2007, la Haute Juridiction décide que la collecte des amendes générées par les radars automatisés fixes n’est point assimilable à l’activité lucrative d’un usager privé occupant le domaine public. Certains départements avaient appuyé leurs délibérations sur les dispositions financières de l’article L. 2125-3 du CGPPP, selon lesquelles : « La redevance due pour occupation du domaine public doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation » (2) : ces départements considéraient donc que le produit des amendes constituait un avantage financier pour l’Etat. Cependant, cette notion d’« avantage » n’est pas sans poser des difficultés d’interprétation et de mise en œuvre. L’arrêt déjà ancien Ministre de l’Economie et des Finances c/ Scudier (CE, 10 février 1978, req. nº 07652, Rec. p. 66) relève que « la redevance imposée à un occupant du domaine public doit être calculée en fonction, non seulement de la valeur locative d’une propriété privée comparable à la dépendance du domaine public pour laquelle la permission est délivrée, mais aussi de l’avantage spécifique que constitue le fait d’être autorisé à jouir d’une façon privative d’une partie du domaine public ». Plus récemment, la cour administrative d’appel de Bordeaux, le 20 juin 2002, retient que la redevance imposée à un occupant du domaine public doit être calculée « en fonction de la superficie du bien occupée, de son usage, de sa situation et de la nature 558 de l’activité exercée » (CAA Bordeaux, 20 juin 2002, M. Sourgen, req. nº 98BX01262, inédit au Recueil Lebon). Le calcul du montant de la redevance doit en vérité être fait au cas par cas, en fonction de la situation du permissionnaire. Peutêtre les départements devraient-ils aussi prendre en considération le nombre de véhicules transitant sur la voirie concernée, la durée accordée (cf. : CE, 11 juillet 2007, Syndicat professionnel Union des aéroports français, req. nº 290714). Dans cette affaire des radars automatisés fixes, la détermination du montant des redevances était très généralement fonction de la fréquentation autoroutière, mais tenait compte aussi – officieusement – du montant des amendes perçu par l’Etat. Mais dans la décision nº 307861 du 31 octobre 2007, le Conseil d’Etat considère que le produit des amendes généré par les systèmes automatiques de contrôle ne constitue pas un tel avantage. L’appréciation de l’avantage consenti, faite par les départements, est manifestement erronée. La Haute Juridiction relève que la collecte par l’Etat des amendes ne peut être regardée de cette manière, même si elle entraîne une économie de gestion par rapport à d’autres dispositifs ou procure une ressource. De par leur effet dissuasif, le produit des amendes concourt au bon fonctionnement du service public de la sécurité routière. Le paiement de l’amende à la suite de la commission d’une infraction aux règles du Code de la route sert à lutter contre l’insécurité routière : selon la Haute Juridiction, il ne s’agit donc pas d’une activité lucrative, comme pourrait l’être celle d’un usager privé du fait de son activité sur le domaine. La solution rendue par le Conseil d’Etat joue incontestablement en faveur de l’Etat ; elle s’avère pour le moins opportune pour les finances publiques. Dans le cas contraire, en effet, si les redevances domaniales départementales avaient été admises, la solution aurait pu être transposée au niveau communal : un conseil municipal aurait pu vouloir également récupérer une partie de la manne financière constituée par les radars automatisés fixes situés sur son domaine public routier ! Certes, les départements n’ont pas gagné. Mais leur action a néanmoins fait bouger les pouvoirs publics : le ministère de l’Intérieur a décidé qu’à compter du 1er janvier 2008 trente millions d’euros seraient alloués aux départements, en fonction de « l’accidentologie propre à chaque département, ainsi que du poids des charges d’entretien du réseau routier départemental ». Et par ailleurs, la loi nº 2007-1822 du 24 décembre 2007 (art. 40-V) a modifié l’article L. 2125-1 du CGPPP désormais ainsi rédigé : « toute occupation ou utilisation du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 donne lieu au paiement d’une redevance sauf lorsque l’occupation ou l’utilisation concerne l’installation par l’Etat des équipements visant à améliorer la sécurité routière » ; par là même, a été consacrée l’exception au principe de non-gratuité en cas d’occupation ou d’utilisation du domaine public routier. Domaine public - Bien appartenant au domaine public - Bien affecté à un service public - Bien non géré par la personne publique propriétaire. CE, 19 décembre 2007, Commune de Mercy-le-Bas req. nº 288017 (décision mentionnée aux tables du Recueil Lebon) [extraits] Considérant qu’à la demande de la commune de Mercy-Le-Bas, le tribunal administratif de Nancy a, en se fondant sur l’appartenance de la parcelle litigieuse au domaine public de la commune, annulé par un jugement du 18 décembre 2001 les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle des 7 avril et 29 juin 1995 déclarant d’utilité publique au profit du syndicat intercommunal des eaux de Piennes la dérivation de la source de la brasserie nº 2 à Mercy-le-Bas et l’établissement d’un périmètre de protection autour du point de prélèvement, l’arrêté du 6 avril 2000 portant prorogation de la déclaration d’utilité publique et l’arrêté de cessibilité du 29 mars 2001, par lequel le syndicat intercommunal était autorisé à acquérir par voie d’expropriation le terrain nécessaire à la constitution du périmètre de protection immédiate ; que par un arrêt en date du 29 septembre 2005, la cour administrative d’appel de Nancy a annulé ce jugement et rejeté la demande de la commune ; Considérant que le principe d’inaliénabilité des biens du domaine public, rappelé par l’article L. 1311-1 du Code général des collectivités territoriales, a pour objet de protéger l’affectation de ces biens à l’utilité publique et s’applique alors même que le bien en cause serait affecté à un service public géré par une collectivité publique différente de la collectivité publique qui en est la propriétaire ; qu’il suit de là qu’en jugeant que le terrain en cause ne pouvait pas être regardé comme appartenant au domaine public de la commune de Mercy-Le-Bas, du fait de son affectation à un service public géré par une autre collectivité publique, la Cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que la commune de Mercy-Le-Bas est fondée pour ce motif à en demander l’annulation ; Considérant qu’il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ; (2) Cet article rappelle l’article R. 56 du Code du domaine de l’Etat, selon lequel : « Toute redevance stipulée au profit du Trésor doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au concessionnaire ». No 7 - Juillet 2008 - chronique de jurisprudence administrative Sur la recevabilité des conclusions de la commune devant le tribunal administratif : En ce qui concerne les arrêtés du 7 avril et du 29 juin 1995 : Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 20 du Code de la santé publique alors applicable : « En vue d’assurer la protection de la qualité des eaux, l’acte portant déclaration d’utilité publique des travaux de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l’intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes activités et tous dépôts ou installations de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l’intérieur duquel peuvent être réglementés les activités, installations et dépôts ci-dessus visés » ; que sur le fondement de cet article et du Code de l’expropriation, le préfet de Meurthe-etMoselle a, par un arrêté du 7 avril 1995, déclaré d’utilité publique la dérivation de la source de la brasserie nº 2 à Mercy-le-Bas et l’établissement d’un périmètre de protection autour du point de prélèvement, en définissant notamment la parcelle AH12 comme périmètre de protection immédiate ; qu’ainsi cet arrêté portait à la fois déclaration d’utilité publique, arrêté de cessibilité et institution de servitudes ; que par arrêté du 29 juin 1995, il a uniquement modifié le périmètre de protection rapproché défini par l’arrêté du 7 avril 1995 ; Considérant que contrairement à ce que soutient le syndicat intercommunal des eaux de Piennes, la circonstance que la demande de la commune de Mercy-Le-Bas ait été enregistrée plus de deux mois après la publication de ces deux arrêtés au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-etMoselle ne peut à elle seule la faire regarder comme tardive, alors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les arrêtés attaqués aient fait l’objet d’une mesure de publicité suffisante ; Mais considérant que, faute d’avoir été transmis dans un délai de six mois au juge de l’expropriation, conformément à l’article R. 12-1 du Code de l’expropriation, l’arrêté du 7 avril 1995 était devenu caduc, en tant qu’il portait arrêté de cessibilité à la date à laquelle les conclusions de la commune contre cet arrêté ont été enregistrées ; que le syndicat intercommunal des eaux de Piennes est donc fondé à demander l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il y fait droit ; dirigées contre cet arrêté, enregistrées au tribunal administratif de Nancy le 25 mai 2001, étaient tardives et donc irrecevables ; En ce qui concerne l’arrêté du 29 mars 2001 : Considérant que l’arrêté de cessibilité du 29 mars 2001 n’est pas, contrairement à ce que soutient le syndicat intercommunal des eaux de Piennes, un acte confirmatif de l’arrêté du 7 avril 1995, mais emporte nouvelle autorisation, au bénéfice du syndicat intercommunal, en vue d’acquérir par voie d’expropriation le terrain nécessaire à la constitution du périmètre de protection immédiate ; que les conclusions présentées par la commune, enregistrées dans le délai de recours contentieux, sont donc recevables ; Sur les autres moyens des appelants : Considérant que la parcelle litigieuse, objet de la procédure d’expropriation, appartient à la commune de Mercy-Le-Bas ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’elle est affectée au service public de l’eau géré par le syndicat intercommunal des eaux de Piennes et avait fait l’objet d’aménagements spéciaux à cette fin ; que les requérants n’invoquent à l’appui de leurs appels, outre les moyens examinés plus haut, que le moyen tiré de ce que la parcelle litigieuse appartiendrait au domaine privé de la commune ; que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, l’affectation de la parcelle au service public de l’eau géré par le syndicat intercommunal ne saurait remettre en cause son caractère de dépendance du domaine public de la commune ; qu’elle ne pouvait ainsi faire l’objet d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique et que, par suite, le moyen doit être écarté ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le syndicat intercommunal et le ministre ne sont, dès lors, fondés à demander l’annulation du jugement attaqué qu’en ce qu’il fait droit à la demande de la commune d’annulation de l’arrêté du 7 avril 1995 en tant qu’il porte cessibilité de la parcelle litigieuse, et de l’arrêté du 6 avril 2000. (...) FONCTION PUBLIQUE Fonction publique territoriale Rémunération - Indemnités et avantages divers - Nouvelle bonification indiciaire - Conditions d’attribution - Attribution aux agents exerçant à titre principal des fonctions d’accueil du public Notion d’exercice à titre principal. CE, 4 juin 2007, Commune de Carrières-sur-Seine req. nº 284380 (décision mentionnée aux tables du Recueil Lebon) [extraits] En ce qui concerne l’arrêté du 6 avril 2000 : Considérant que l’arrêté du 6 avril 2000 proroge les effets de la déclaration d’utilité publique du 7 avril 1995 ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’il a fait l’objet d’un affichage en mairie du 14 avril au 15 mai 2000 ; que le syndicat requérant est fondé à soutenir que les conclusions Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par décision - No 7 - Juillet 2008 du 1er juillet 1999, le maire de Carrières-surSeine a attribué à Mme A, adjoint administratif, une bonification indiciaire à raison de ses fonctions d’accueil du public au service de l’administration générale de la commune ; que, à la suite de la mutation de l’intéressée au service scolaire enfance jeunesse, la commune a cessé de lui verser cette bonification du 1er janvier au 31 août 2004 ; que la commune de Carrières-sur-Seine se pourvoit en cassation contre le jugement du 20 juin 2005 du tribunal administratif de Versailles en tant qu’il a annulé cette décision ; Considérant qu’aux termes du I de l’article 27 de la loi du 18 janvier 1991 : « La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires, instituée à compter du 1er août 1990, est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret » ; qu’en vertu de l’article premier du décret du 24 juillet 1991 pris pour l’application de cette loi, dans sa rédaction issue du décret du 24 juillet 1997, « la nouvelle bonification indiciaire est versée mensuellement aux : (...) 18º Adjoints administratifs et agents administratifs exerçant à titre principal des fonctions d’accueil du public dans les communes de plus de 5 000 habitants ou les établissements publics communaux et intercommunaux en relevant : 10 points » ; Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire est lié non au corps ou cadre d’emplois d’appartenance ou au grade des fonctionnaires, ou encore à leur lieu d’affectation, mais aux seules caractéristiques des emplois occupés, au regard des responsabilités qu’ils impliquent ou de la technicité qu’ils requièrent ; qu’ainsi, les dispositions précitées du décret du 24 juillet 1991, qui ouvrent droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à raison de l’exercice à titre principal de fonctions d’accueil du public, doivent être interprétées comme réservant ce droit aux agents dont l’emploi implique qu’ils consacrent plus de la moitié de leur temps de travail total à des fonctions d’accueil du public ; que, pour l’application de cette règle, il convient de prendre en compte les heures d’ouverture au public du service, si l’agent y est affecté dans des fonctions d’accueil du public, ainsi que, le cas échéant, le temps passé par l’agent au contact du public en dehors de ces périodes, notamment à l’occasion de rendez-vous avec les administrés ; Considérant que, pour juger que Mme A exerçait à titre principal des fonctions d’accueil du public, le tribunal administratif de Versailles s’est fondé sur ce qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que, si le service scolaire n’était ouvert au public que treize heures par semaine, l’intéressée, qui bénéficiait par ailleurs d’une délégation aux fins d’établir des procurations, recevait également du public, sur rendez-vous, en dehors des heures normales d’ouverture du service ; qu’en statuant ainsi sans rechercher si, comme l’y invitait expressément la commune, 559 chronique de jurisprudence administrative le temps effectivement passé par Mme A au contact du public en dehors des heures d’ouverture du service était suffisant pour faire regarder l’intéressée comme exerçant des fonctions d’accueil du public durant la majeure partie de son temps de travail, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Carrières-sur-Seine est fondée à demander, pour ce motif, l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il a statué sur les conclusions de Mme A tendant à l’annulation de la décision du maire de Carrières-sur-Seine supprimant le versement à Mme A de la nouvelle bonification indiciaire au titre de la période du 1er janvier au 31 août 2004. (...) Note L’arrêt Commune de Carrières-sur-Seine du 4 juin 2007 concerne l’attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), et permet de préciser la notion d’exercice à titre principal des fonctions d’accueil du public. Il convient préalablement de rappeler les faits de l’espèce, au demeurant fort simples. Par décision du 1er juillet 1999 du maire de Carrières-sur-Seine, Mme Sandrine A, adjoint administratif, s’est vue attribuer une bonification indiciaire à raison de ses fonctions d’accueil du public au service de l’administration générale de la commune. Mais à la suite de la mutation de l’intéressée au service scolaire enfance jeunesse, la commune a cessé de lui verser cette bonification du 1er janvier au 31 août 2004. Mme A a alors saisi le tribunal administratif de Versailles, qui, par un jugement du 20 juin 2005, a annulé la décision du maire lui supprimant le versement de la NBI entre janvier et août 2004. C’est contre ce jugement que s’est pourvue en cassation la commune de Carrières-sur-Seine. Rappelons que l’objet de la NBI est de compléter le traitement du fonctionnaire lorsqu’il exerce une responsabilité particulière, dans ses fonctions, dans les moyens qu’il met en œuvre ou dans l’encadrement qu’il assume, ou lorsque l’agent utilise une technicité particulière dans l’exercice de ses fonctions : la NBI est accordée en fonction de la spécificité de l’emploi et la gratifie de points d’indices supplémentaires, ce qui permet de prendre en compte ce supplément de rémunération dans le calcul de la pension de retraite. Le régime juridique de la NBI est fixé par l’article 27 de la loi nº 91-73 du 18 janvier 1991 (JO du 20 janvier 1991) ; d’abord prévue pour les fonctionnaires de l’Etat et les militaires, la NBI a ensuite été étendue à la fonction publique territoriale. Aux termes de l’article 27 de la loi du 18 janvier 1991 : « La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires, 560 instituée à compter du 1er août 1990, est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière dans les conditions fixées par décret. » En vertu de l’article premier du décret du 24 juillet 1991 pris pour l’application de la loi précitée, dans sa rédaction issue du décret du 24 juillet 1997, « la nouvelle bonification indiciaire est versée mensuellement aux : (...) 18º Adjoints administratifs et agents administratifs exerçant à titre principal des fonctions d’accueil du public dans les communes de plus de 5 000 habitants ou les établissements publics communaux et intercommunaux en relevant : 10 points ». La NBI est donc dépourvue de caractère statutaire (CE, 2 février 1998, Robert, req. nº 150690 ; –, 18 septembre 1998, Betka, req. nº 153564). Comme le rappelle l’arrêt du 4 juin 2007, « le bénéfice de la NBI est lié non au corps ou cadre d’emplois d’appartenance ou aux grades des fonctionnaires, ou encore à leur lieu d’affectation, mais aux seules caractéristiques des emplois occupés, au regard des responsabilités qu’ils impliquent ou de la technicité qu’ils requièrent ». En particulier, pour bénéficier de la NBI au titre du 18º de l’article premier du décret du 24 juillet 1991, l’agent doit donc satisfaire aux deux conditions cumulatives suivantes : en premier lieu, exercer des fonctions d’accueil du public ; et en second lieu, les exercer à titre principal. La première condition ne pose pas de difficultés, et au demeurant, l’arrêt ne s’y attarde pas : par « fonctions d’accueil du public », il faut simplement entendre toutes fonctions mettant directement l’agent au contact du public, c’est-à-dire des usagers du service public. La seconde est plus délicate et méritait d’être précisée : et c’est en cela que réside l’apport du présent arrêt. Aux termes de celui-ci en effet, cette condition relative à l’exercice à titre principal implique que les agents « consacrent plus de la moitié de leur temps de travail total à des fonctions d’accueil du public » ; l’arrêt ajoute que, « pour l’application de cette règle, il convient de prendre en compte les heures d’ouverture au public du service, si l’agent y est affecté dans des fonctions d’accueil du public, ainsi que, le cas échéant, le temps passé par l’agent au contact du public en dehors de ces périodes, notamment à l’occasion de rendez-vous avec les administrés ». Ce qui conduit dès lors le Conseil d’Etat à annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles dans la mesure où celui-ci n’a pas recherché « si, comme l’y invitait expressément la commune, le temps effectivement passé par Mme A au contact du public en dehors des heures d’ouverture du service était suffisant pour faire regarder l’intéressée comme exerçant des fonctions d’accueil du public durant la majeure partie de son temps de travail », c’est-à-dire pendant plus de 50 % de celui-ci. Pour savoir si la seconde condition est satisfaite, il faut donc se livrer à une analyse in concreto de chaque cas d’espèce. Observons que le niveau de 50 % fixé par la Haute Juridiction apparaît raisonnable, et à l’évidence beaucoup plus que l’exigence de 80 % du temps de travail proposée par une réponse ministérielle à une question d’un parlementaire (réponse du ministre chargé de la Fonction publique à la question écrite nº 14617 de M. Mercier, JO Sénat, 29 avril 1999, p. 1423) concernant les fonctionnaires exerçant leurs fonctions à titre principal dans les zones urbaines sensibles ou dans les services et équipements publics en relation directe avec le public de ces zones (cf. le 45º du décret précité du 24 juillet 1991). Fonction publique - Fonction publique territoriale - Congé de longue durée - Concours interne. CE, 2 juillet 2007, CNFPT c/ Genari-Conti req. nº 271949 [extraits] Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 : « (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison (...) de leur état de santé (...). Toutefois des distinctions peuvent être faites afin de tenir compte d’éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions » ; qu’en vertu de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : « Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3º A des congés de longue maladie d’une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) 4º A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis », lequel congé n’est attribué « qu’à l’issue de la période rémunérée à plein traitement d’un congé de longue maladie » et que l’article 28 du décret du 30 juillet 1987 dispose que : « Le bénéficiaire d’un congé de longue maladie ou de longue durée doit cesser tout travail rémunéré, sauf les activités ordonnées et contrôlées médicalement au titre de la réadaptation. Il est tenu de notifier ses changements de résidence successifs à l’autorité territoriale qui, par des enquêtes (...), s’assure que le titulaire du congé n’exerce effectivement aucune activité interdite par le premier alinéa du présent article. Si l’enquête établit le contraire, elle provoque immédiatement l’interruption du versement de la rémunération. (...) » ; Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la participation d’un fonctionnaire territorial en congé de longue maladie ou de No 7 - Juillet 2008 - chronique de jurisprudence administrative longue durée aux épreuves d’un examen professionnel d’accès à un cadre d’emplois, auxquelles aucune disposition législative ou réglementaire ne lui interdit de s’inscrire, relève des droits qu’il tient de sa situation statutaire d’activité ; qu’elle n’est pas, par ses caractéristiques, assimilable à l’accomplissement effectif des fonctions qu’il est dans l’impossibilité d’exercer dans le service au sens de l’article 57 précité et qu’elle ne peut, en l’absence de contre-indication médicale relative à ces épreuves, être rangée parmi les activités incompatibles avec les exigences de sa situation que le décret précité du 30 juillet 1987 a pour objet de proscrire ; qu’ainsi, c’est sans erreur de droit que le tribunal administratif de Bordeaux a, par son jugement du 15 avril 2004, annulé la délibération en date du 29 janvier 2003 par laquelle le jury de l’examen professionnel d’accès au cadre d’emplois de chef de service de police municipale, au motif de la situation de congé de longue durée où se trouvait M. Genari-Conti lors des épreuves organisées les 11 et 12 septembre 2002 par la délégation Aquitaine du Centre national de la fonction publique territoriale, a rapporté l’admission qu’il avait prononcée en faveur de ce fonctionnaire le 3 octobre 2002 ; que le pourvoi formé par le Centre national de la fonction publique territoriale contre le jugement susvisé ne peut dès lors, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. GenariConti, qu’être rejeté. (...) Fonction publique - Fonction publique territoriale - Congé de longue durée - Concours interne. CE, 30 novembre 2007, M. Genari-Conti req. nº 280401 [extraits] Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen de la requête ; Considérant qu’aux termes de l’article 26 du décret du 20 janvier 2000 portant statut particulier du cadre d’emplois des chefs de service de police municipale : « Sont intégrés dans le cadre d’emplois des chefs de service de police municipale, après avoir satisfait aux épreuves d’un examen professionnel : 1º Les chefs de police municipale en fonctions à la date de publication du présent décret (...) » ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. GenariConti, chef de police municipale de la commune de Saint-Tropez depuis le 1er juillet 1996, a bénéficié à compter du 2 juillet 2001 d’un congé de longue maladie, ultérieurement transformé en congé de longue durée ; qu’ayant subi, les 11 et 12 septembre 2002, l’examen professionnel prévu par les dispositions précitées, organisé par la délégation régionale Aquitaine du Centre national de la fonction publique territoriale, il a été déclaré admis par le jury le 3 octobre 2002 ; que par une décision du 6 novembre 2002, le maire de Saint-Tropez a néanmoins refusé de l’intégrer dans le cadre d’emplois des chefs de service de police municipale au motif qu’étant en congé de longue durée il ne pouvait être admis à subir les épreuves d’un examen professionnel ; que pour rejeter, par le jugement attaqué, le recours de l’intéressé contre cette décision, le tribunal administratif de Nice a estimé que le maire avait pu légalement se fonder sur un tel motif ; Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 : « (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison (...)de leur état de santé (...). Toutefois des distinctions peuvent être faites afin de tenir compte d’éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions » ; qu’en vertu de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 « Le fonctionnaire en activité a droit : « (....) 3º A des congés de longue maladie d’une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...) 4º A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis », lequel congé n’est attribué « qu’à l’issue de la période rémunérée à plein traitement d’un congé de longue maladie » et que l’article 28 du décret du 30 juillet 1987 dispose que : « Le bénéficiaire d’un congé de longue maladie ou de longue durée doit cesser tout travail rémunéré, sauf les activités ordonnées et contrôlées médicalement au titre de la réadaptation. Il est tenu de notifier ses changements de résidence successifs à l’autorité territoriale qui, par des enquêtes (...), s’assure que le titulaire du congé n’exerce effectivement aucune activité interdite par le premier alinéa du présent article. Si l’enquête établit le contraire, elle provoque immédiatement l’interruption du versement de la rémunération (...) » ; Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la participation d’un fonctionnaire territorial en congé de longue maladie ou de longue durée aux épreuves d’un examen professionnel d’accès à un cadre d’emplois, auxquelles aucune disposition législative ou réglementaire ne lui interdit de s’inscrire, relève des droits qu’il tient de sa situation statutaire d’activité ; qu’elle n’est pas, par ses caractéristiques, assimilable à l’accomplissement effectif des fonctions qu’il est dans l’impossibilité d’exercer dans le service au sens de l’article 57 précité et qu’elle ne peut, en l’absence de contre-indication médicale relative à ces épreuves, être rangée parmi les activités incompatibles avec les exigences de sa situation que le décret précité du 30 juillet 1987 a pour objet de proscrire ; qu’ainsi, M. Genari-Conti est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Nice a commis une erreur de droit et à demander, pour ce motif, l’annulation du jugement ; - No 7 - Juillet 2008 Considérant qu’il y a lieu de régler l’affaire au fond par application de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative ; Sur la demande d’annulation de la décision du 6 novembre 2002, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens invoqués par M. A : Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le maire de Saint-Tropez n’a pu légalement se fonder, pour refuser l’intégration de M. Genari-Conti dans le cadre d’emploi des chefs de service de police municipale, sur la circonstance que l’intéressé bénéficiait d’un congé de longue maladie, ultérieurement transformé en congé de longue durée, à la date à laquelle il avait présenté les épreuves de l’examen professionnel ; que la décision du 6 novembre 2002 est par suite entachée d’excès de pouvoir et doit être annulée ; Sur les conclusions aux fins d’injonction : Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ; Considérant qu’aux termes de l’article 29 du décret susvisé du 20 janvier 2000 : « Les chefs de police municipale mentionnés au 1º de l’article 26 sont intégrés au grade de chef de service de police municipale de classe normale dans les conditions suivantes... » ; que l’article 31 du même décret prévoit que « l’intégration des fonctionnaires mentionnés aux articles 28 à 30 dans le cadre d’emplois des chefs de service de police municipale est prononcée par arrêté de l’autorité territoriale dont ils relèvent. / Cette intégration prend effet à la date de publication du présent décret » ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. Genari-Conti était en fonctions en qualité de chef de police municipale le 21 janvier 2000, date de publication au Journal officiel du décret susmentionné du 20 janvier 2000, et qu’à la date de la décision annulée par la présente décision il avait satisfait aux épreuves de l’examen professionnel prévu par l’article 26 dudit décret ; qu’ainsi le maire était tenu de prononcer son intégration dans le cadre d’emploi des chefs de service de police municipale ; qu’il y a lieu, dès lors, d’enjoindre au maire de Saint-Tropez de prononcer cette intégration à compter du 21 janvier 2000, date de la publication du Journal officiel du décret du 20 janvier 2000, et de reconstituer en conséquence la carrière de l’intéressé ; que cette mesure devra intervenir au plus tard trois mois après la notification de la présente décision à la commune de SaintTropez. (...) 561 chronique de jurisprudence administrative Note Ces deux arrêts du Conseil d’Etat en date respectivement du 2 juillet 2007 (req. nº 271949) et du 30 novembre 2007 (req. nº 280401), dont le second est la suite logique du premier dont il reprend l’apport jurisprudentiel essentiel, et qui concernent un agent territorial en congé de longue durée ayant passé avec succès un examen professionnel, consacrent un revirement de jurisprudence en matière de droit à se présenter à un concours interne pour un agent placé en congé de longue maladie ou de longue durée. Pour une meilleure compréhension du problème, il convient de rappeler brièvement les faits de l’espèce. En application de la loi nº 99-921 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales, le décret nº 2000-43 du 20 janvier 2000 a créé un nouveau cadre d’emplois de catégorie B, celui de chef de service de police municipale. Comme c’est souvent le cas à l’occasion de la création d’un nouveau cadre d’emplois, a alors été prévue – en dehors des procédures classiques d’accession (concours externe, interne, examen professionnel) – une procédure de transition, plus favorable, permettant – sous certaines conditions – à des agents d’intégrer directement le nouveau cadre d’emplois ; le statut particulier des chefs de service de police municipale n’a pas dérogé à cette facilité : ont pu ainsi intégrer ce cadre d’emplois, après réussite à un examen professionnel, les chefs de police municipale en fonctions à la date de publication du décret précité. M. Pierre Génari-Conti, chef de la police municipale de la commune de Saint-Tropez depuis le 1er juillet 1996, a effectivement passé les épreuves de l’examen professionnel organisées les 11 et 12 septembre 2002 par la délégation Aquitaine du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ; il a été déclaré reçu le 3 octobre 2002 par le jury d’examen. Cependant, par une décision du 6 novembre 2002, le maire de Saint-Tropez a refusé de l’intégrer dans le cadre d’emplois des chefs de service de police municipale au motif qu’étant en congé de longue durée, il n’aurait pas dû être admis à passer l’examen professionnel ; et par une délibération en date du 29 janvier 2003, le jury de l’examen professionnel a lui-même rapporté l’admission qu’il avait prononcée en faveur de ce fonctionnaire le 3 octobre 2002. L’affaire a alors été portée sur le plan contentieux. M. Génari-Conti a, d’une part, enclenché un recours en annulation de la décision du jury d’admission en date du 29 janvier 2003 : le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande par un jugement du 15 avril 2004, contre lequel 562 s’est pourvu en cassation le CNFPT ; ce pourvoi a donc été rejeté par l’arrêt du Conseil d’Etat du 2 juillet 2007. Mais d’autre part, M. Génari-Conti a aussi demandé l’annulation de la décision du maire de Saint-Tropez en date du 6 novembre 2002 au tribunal administratif de Nice, lequel a quant à lui considéré par un jugement en date du 28 janvier 2005 que le maire avait pu légalement se fonder sur le motif allégué ; M. Génari-Conti s’étant pourvu en cassation contre ce jugement, le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 30 novembre 2007, a bien évidemment repris sa motivation de l’arrêt du 2 juillet 2007 et annulé le jugement attaqué, confirmant ainsi le revirement de jurisprudence opéré par l’arrêt du 2 juillet 2007. Lorsqu’un agent n’est plus en état d’exercer ses fonctions, il peut être mis en congé de longue maladie ou de longue durée. Il reste néanmoins en positon d’activité. Peut-il dès lors bénéficier des dispositions relatives à l’avancement de carrière, et en particulier passer un examen professionnel afin d’accéder à un nouveau grade ? Tel était bien en l’espèce le fond du problème posé. Dans l’affaire ayant donné lieu aux deux arrêts analysés, l’agent concerné avait en effet d’abord bénéficié d’un congé de longue maladie à compter du 2 juillet 2001, étant rappelé que ce type de congé est attribué pour une durée maximale de trois ans lorsqu’il est constaté que « la maladie met l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et qu’elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée » (loi nº 84-53 du 26 janvier 1984, art. 57, al. 3) ; puis il avait été placé en congé de longue durée, lequel est prononcé pour une durée maximale de cinq ans en cas de « tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis » (loi nº 84-53 du 26 janvier 1984, art. 57, 4º). Il a néanmoins passé – et avec succès – les épreuves de l’examen professionnel permettant d’accéder à l’emploi de chef de service de police municipale. Jusqu’à l’arrêt du 2 juillet 2007, cette faculté était refusée aux agents en congé de longue maladie ou de longue durée. Par un arrêt Morel (CE, 4 juillet 1973, Rec. p. 466), le Conseil d’Etat avait en effet jugé que « si les fonctionnaires placés en congé de longue durée sur le fondement de l’article 36-3º de l’ordonnance du 4 février 1959 demeurent en position d’activité et conservent notamment leurs droits à un traitement et à l’avancement, il ressort des dispositions du titre V du décret du 14 février 1959 applicable à ces agents qu’ils ne peuvent reprendre leur emploi à l’expiration ou au cours de leur congé que s’ils sont reconnus aptes à ce faire après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent ; qu’ils sont au surplus tenus de cesser toute activité rémunérée ; que de telles dispositions sont incompatibles avec l’exercice effectif d’une activité du service et notamment avec le passage d’un concours ou d’un examen administratif ». En d’autres termes, selon l’arrêt Morel, un congé de longue maladie ou de longue durée est incompatible avec toute activité de service ainsi qu’avec le passage d’un concours ou d’un examen administratif assimilé ainsi à une activité de service. Mais les choses ont évolué : en particulier, l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983, qui – initialement – interdisait les discriminations entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur sexe ou de leur appartenance ethnique, a été complété, par la loi nº 90-602 du 12 juillet 1990 interdisant les discriminations en raison du handicap, puis par la loi nº 2001-1066 du 16 novembre 2001 interdisant les discriminations fondées sur l’état de santé. De sorte qu’il apparaît en somme que l’arrêt du 2 juillet 2007 a pris en compte cette évolution, étant au demeurant observé que la nouvelle position du Conseil d’Etat est avant tout justifiée par les droits dont bénéficie le fonctionnaire en congé de longue maladie ou de longue durée et attachés à sa situation statutaire d’activité, puisque, quel que soit le type de congé dans lequel se trouve placé un agent, il perçoit son traitement, même si au bout d’une période il ne reçoit plus qu’un demi-traitement (un an pour le congé de longue maladie, trois ans pour le congé de longue durée) et qu’il bénéficie de l’intégralité du supplément familial et de l’indemnité de résidence. Selon l’arrêt du 2 juillet 2007 en effet : « la participation d’un fonctionnaire territorial en congé de longue maladie ou de longue durée aux épreuves d’un examen professionnel d’accès à un cadre d’emplois, auxquelles aucune disposition législative ou réglementaire ne lui interdit de s’inscrire, relève des droits qu’il tient de sa situation statutaire d’activité » ; et en outre, revirement par rapport à l’arrêt Morel précité, « elle n’est pas, par ses caractéristiques, assimilable à l’accomplissement effectif des fonctions qu’il est dans l’impossibilité d’exercer dans le service au sens de l’article 57 » (du décret du 30 juillet 1987), dans la mesure où « elle ne peut, en l’absence de contre-indication médicale relative à ces épreuves, être rangée parmi les activités incompatibles avec les exigences de sa situation que le décret précité du 30 juillet 1987 a pour objet de proscrire ». Dès lors, le Conseil d’Etat ne pouvait qu’annuler la décision du jury d’admission en date du 29 janvier 2003 et celle du maire de Saint-Tropez du 6 novembre 2002, et enjoindre celui-ci de prononcer l’intégration de M. Génari-Conti dans le cadre d’emploi des chefs de service de police municipale. No 7 - Juillet 2008 -