de jurisprudence administrative

Transcription

de jurisprudence administrative
chronique de jurisprudence administrative
Jean-Luc PISSALOUX
Professeur à l’Université de Bourgogne
Vice-Président du Conseil scientifique du GRALE (GIS CNRS)
ACTE ADMINISTRATIF
Acte administratif - Circulaire Délégation de signature - Compétence.
CE, 4 juin 2007,
Ligue de l’enseignement et a.,
req. nos 289792 et 290183
(décision mentionnée
aux tables du Recueil Lebon)
[extraits]
Sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens
des requêtes ;
Considérant qu’aux termes de l’article premier du décret du 27 juillet 2005 relatif aux
délégations de signature des membres du
Gouvernement : « A compter du jour suivant
la publication au Journal officiel de la République française de l’acte les nommant dans
leurs fonctions (...) peuvent signer, au nom du
ministre ou du secrétaire d’Etat et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception
des décrets, relatifs aux affaires des services
placés sous leur autorité : 1º...les directeurs
d’administration centrale... » ; qu’aux termes
de l’article 2 du même décret : « les ministres
et secrétaires d’Etat peuvent, par arrêté
publié au Journal officiel de la République
française, donner délégation pour signer tous
actes, à l’exception des décrets, au directeur
et au chef de leur cabinet, ainsi qu’à leurs
adjoints, en ce qui concerne les affaires pour
lesquelles délégation n’est pas donnée à
l’une des personnes mentionnées à l’article
premier./ Les actes relevant, dans un même
ministère, des attributions de plusieurs responsables de directions ou services mentionnés à
l’article premier peuvent également être
signés conjointement par ceux-ci au nom du
ministre » ;
Considérant que le directeur de cabinet d’un
ministre ne peut signer un acte que s’il dispose
d’une délégation donnée par le ministre en
application des dispositions précitées ; qu’il en
est ainsi même s’il s’agit d’une circulaire qui
se borne à interpréter des dispositions législatives ou réglementaires et à prescrire à ses
destinataires d’en faire application, sans fixer
aucune règle nouvelle ; qu’une telle délégation ne peut être accordée que pour des
actes relatifs à des affaires pour lesquelles
aucune délégation n’a été donnée à une
personne mentionnée à l’article premier du
décret précité, notamment à un directeur
d’administration centrale ;
Considérant que la circulaire attaquée du
2 décembre 2005 a pour objet, ainsi qu’il a
été dit, le financement par les communes des
dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat ; que cet acte est relatif aux
affaires des services placés, au ministère de
l’Education nationale, de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche, sous l’autorité
du directeur des affaires financières et, au
ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement
du territoire, sous l’autorité du directeur
général des collectivités locales ; qu’en application de l’article premier du décret précité,
chacun de ces deux directeurs d’administration centrale disposait d’une délégation pour
signer, au nom de chacun des deux ministres,
la circulaire attaquée ; que, dès lors, les directeurs de cabinet des deux ministres étaient
incompétents pour la signer ;
Considérant qu’il suit de là que la circulaire
attaquée doit être annulée. (...)
- No 7 - Juillet 2008
Note
L’arrêt du 4 juin 2007 Ligue de l’enseignement et autres mentionné aux tables du
Recueil Lebon est relatif aux délégations de
signature en matière de circulaires ministérielles.
Cette décision concerne en l’espèce un
texte conjoint, à savoir la circulaire
nº 2005-206 du 2 décembre 2005 du ministre
d’Etat, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire et du ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, prise pour
l’application de l’article 89 de la loi
nº 2004-809 du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales, et ayant
pour objet le financement par les
communes des dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat ; cette
circulaire avait été signée par délégation
pour les ministres concernés par leurs directeurs de cabinet respectifs.
C’est précisément la compétence des
signataires qui était contestée par les
requérants : le Conseil d’Etat leur a donné
raison en faisant application de sa jurisprudence classique en la matière.
En vertu de l’article 2 du décret du 27 juillet
2005 relatif aux délégations de signature
des membres du Gouvernement, qui – sur
ce point – reprend en vérité au fond les dispositions du 1º de l’article premier du décret
nº 47-233 du 23 janvier 1947 autorisant les
ministres à déléguer par arrêté leur signature, « les ministres et secrétaires d’Etat peuvent, par un arrêté publié au Journal officiel
de la République française, donner délégation pour signer tous actes, à l’exception
des décrets, au directeur et au chef de leur
cabinet, ainsi qu’à leurs adjoints, en ce qui
concerne les affaires pour lesquelles délégation n’est pas donnée à l’une des personnes mentionnées à l’article premier », et
donc en particulier aux directeurs d’administration centrale.
Selon une jurisprudence constante et bien
établie, ces dispositions ont été interprétées
comme signifiant qu’un directeur de
cabinet n’est pas compétent pour signer un
acte entrant dans les attributions d’un
directeur d’administration centrale ayant
lui-même reçu délégation (cf. : CE, 10 juillet
1987, SA Presse Alliance, req. nº 54324, Rec.
p. 251 ; -, 7 février 1992, SA pour l’entretien
et la construction des routes et établissements Broggio, req. nº 115914, Rec. T. p. 676 ;
-, 4 mars 1996, Société civile de moyens
Scanner de l’ouest lyonnais, req. nº 129537 ;
-, 6 avril 2001, Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs, req.
nº 221447). Mais cette règle ne s’applique
plus lorsqu’un acte relève du champ de
compétence de plusieurs administrations
centrales (cf. : CE, ass., 15 avril 1996, Union
nationale des pharmaciens et autres, req.
nº 110464, Rec. p. 127 ; -, 13 mars 1992, Diadema, req. nº 98709, Rec. T. p. 676 ; -, 23 juin
2000, Syndicat professionnel des radios affiliées, req. nº 194772, Rec. T. p. 800).
549
chronique de jurisprudence administrative
En l’espèce, la circulaire litigieuse relevait
dans chaque ministère concerné d’une
seule direction d’administration centrale, à
savoir la direction des affaires financières au
ministère de l’Education nationale, de
l’Enseignement supérieur et de la
Recherche, et de la direction générale des
collectivités locales au ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire. Par
conséquent, en application de l’article premier du décret du 27 juillet 2005, chacun
des deux directeurs de ces directions
d’administration centrale disposait d’une
délégation pour signer, au nom de chacun
des deux ministres, la circulaire en question.
Dès lors, les directeurs de cabinet des deux
ministres étaient incompétents pour la
signer.
Au demeurant, et c’est là un élément intéressant de cet arrêt, la Haute Juridiction non
seulement rappelle que le directeur de
cabinet d’un ministre ne peut signer un acte
que s’il dispose d’une délégation donnée
par le ministre en application des dispositions précitées du décret de 2005, mais précise encore qu’ « il en est ainsi même s’il
s’agit d’une circulaire qui se borne à interpréter des dispositions législatives ou réglementaires et à prescrire à ses destinataires
d’en faire application, sans fixer aucune
règle nouvelle ».
Acte administratif - Retrait - Actes
des collectivités territoriales Contrôle de légalité.
CE, avis, 27 juin 2007, Mme Mireille A
req. nº 300143
(avis publié au Recueil Lebon)
Vu, enregistré le 26 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le
jugement en date du 13 décembre 2006 par
lequel le tribunal administratif de Lille, avant
de statuer sur la demande présentée par
Mme Mireille A, demeurant..., tendant à
l’annulation de l’arrêté en date du
12 décembre 2005 par lequel le maire d’Haubourdin a retiré l’arrêté en date du 17 mai
2005 la nommant en qualité d’assistant territorial d’enseignement artistique stagiaire, a
décidé, par application de l’article L. 113-1 du
Code de justice administrative de transmettre
le dossier de la demande au Conseil d’Etat
en soumettant à son examen les questions de
savoir si 1º sont au nombre des dispositions
législatives et réglementaires dérogeant aux
règles qui gouvernent le retrait des actes
administratifs celles du Code général des collectivités territoriales relatives au contrôle de
légalité des actes de ces collectivités par le
représentant de l’Etat dans le département
ou dans la région, si 2º dans l’affirmative, le
recours gracieux du représentant de l’Etat
doit avoir été formé dans le délai du recours
contentieux et 3º à quelle date et dans quel
délai l’autorité de la collectivité territoriale
peut retirer l’acte individuel créateur de droits
dont s’agit.
550
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Code général des collectivités territoriales ;
Vu le Code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. François Delion, maître des
requêtes ;
– les conclusions de M. Emmanuel Glaser,
commissaire du Gouvernement ;
I. Sous réserve de dispositions législatives ou
réglementaires contraires, et hors le cas où il
est satisfait à une demande du bénéficiaire,
l’Administration ne peut retirer une décision
individuelle explicite créatrice de droits, si elle
est illégale, que dans le délai de quatre mois
suivant la prise de cette décision.
Aux termes de l’article L. 2131-1 du Code
général des collectivités territoriales : « Les
actes pris par les autorités communales sont
exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ou à
leur notification aux intéressés ainsi qu’à leur
transmission au représentant de l’Etat dans
le département ou à son délégué dans
l’arrondissement. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un
délai de quinze jours à compter de leur
signature ». Selon l’article L. 2131-6 du même
code, le représentant de l’Etat dans le
département défère au tribunal administratif
les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il
estime contraires à la légalité dans les deux
mois suivant leur transmission. Ces dispositions s’appliquent aux établissements publics
de coopération intercommunale en vertu
de l’article L. 5211-3. Des dispositions identiques sont également prévues pour les actes
du département et de la région respectivement par les articles L. 3131-1 et L. 3132-1 et
par les articles L. 4141-1 et L. 4142-1. Ni ces
dispositions ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne fixent les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales ou les établissements publics de
coopération intercommunale doivent se
prononcer sur les demandes tendant au
retrait de leurs actes que leur adresse dans
le cadre du contrôle de légalité le représentant de l’Etat dans la région ou le département.
Il en résulte qu’en l’absence de disposition
législative ou réglementaire contraire et
nonobstant la circonstance que, pour l’exercice du contrôle de légalité qui lui appartient, le représentant de l’Etat peut
demander des pièces complémentaires et
présenter un recours gracieux qui, d’ailleurs,
ne revêt pas le caractère d’un recours préalable obligatoire et s’exerce dans les conditions de droit commun, les décisions individuelles explicites créatrices de droit prises
par les communes, les départements, les
régions et les établissements publics de coopération intercommunale ne peuvent être
retirées, si elles sont illégales, et, hors le cas
où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, que dans un délai de quatre mois
après qu’elles ont été prises.
II. Compte tenu des précédentes observations, les deuxième et troisième questions
deviennent sans objet.
Le présent avis sera notifié à Mme Mireille A,
à la commune d’Haubourdin, au préfet du
Nord et au ministre de l’Intérieur, de
l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
Note
L’avis du 27 juin 2007 publié au Recueil
Lebon et au Journal officiel concerne le
droit de retrait des actes des collectivités
locales et l’exercice du contrôle de légalité.
Les faits de l’espèce à l’origine de cet avis
sont fort simples.
Par un arrêté du maire d’Haubourdin en
date du 17 mai 2005, Mme Mireille A avait
été nommée en qualité d’assistante territoriale d’enseignement artistique stagiaire ;
mais par un nouvel arrêté en date du
12 décembre 2005, à la suite du contrôle de
légalité exercé par le préfet, le maire de la
commune devait retirer sa précédente
décision. Mme A a alors déposé un recours
en annulation contre ce second arrêté.
Cependant, avant de statuer sur cette
requête, le tribunal administratif de Lille a,
par application de l’article L. 113-1 du Code
de justice administrative, transmis le dossier
de cette demande au Conseil d’Etat en sollicitant son avis sur les trois questions suivantes :
1º Est-ce que sont au nombre des dispositions législatives et réglementaires dérogeant aux règles gouvernant le retrait des
actes administratifs celles du Code général
des collectivités territoriales (CGCT) relatives
au contrôle de légalité des actes de ces
collectivités par le représentant de l’Etat
dans le département ou dans la région ?
2º Dans l’affirmative, est-ce que le recours
gracieux du représentant de l’Etat doit avoir
été formé dans le délai du recours contentieux ?
3º A quelle date et dans quel délai l’autorité de la collectivité territoriale peut-elle
retirer un acte individuel créateur de droits ?
En d’autres termes, le tribunal administratif
de Lille a demandé au Conseil d’Etat si les
dispositions législatives et réglementaires du
CGCT relatives au contrôle de légalité de
leurs actes dérogeaient ou non à la jurisprudence Ternon (CE, ass., 26 octobre 2001,
req. nº 197018, Rec. p. ; GAJA Dalloz,
16e éd., nº 111), en vertu de laquelle « sous
réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est
satisfait à une demande du bénéficiaire,
l’Administration ne peut retirer une décision
individuelle explicite créatrice de droits, si
elle est illégale, que dans le délai de quatre
mois suivant la prise de cette décision ».
No 7 - Juillet 2008 -
chronique de jurisprudence administrative
Au regard de la jurisprudence administrative bien établie concernant le contrôle
administratif de légalité et la nature du
déféré préfectoral, la réponse donnée par
le Conseil d’Etat dans cet avis du 27 juin
2007 s’imposait facilement.
Le juge administratif a en effet aligné, et
depuis fort longtemps, le déféré préfectoral
sur le recours pour excès de pouvoir (CE,
sect., 27 févr. 1987, Commune Grand-Bourg
de Marie Galante c/ Pistol, Rec. p. 80) : le
Conseil d’Etat considère que, quelle que
soit la décision attaquée, le déféré préfectoral constitue un nouveau contentieux de
l’excès de pouvoir (CE, sect., 26 juillet 1991,
Commune Sainte-Marie, Rec. p. 30 ; AJDA
1991, p. 693, chron. C. Maugüé et
R. Schwartz). Et si le préfet peut, avant de
déférer la décision litigieuse, solliciter des
pièces complémentaires (CE, 31 mars 1989,
Commune de Septème-les-Vallons, Rec.
p. 102) ou exercer un recours gracieux (CE,
18 avril 1986, COREP d’Ille-et-Vilaine, Rec. T.
p. 423), il le fait – doit le faire – dans les conditions de droit commun ; et en outre, à l’évidence, ni la demande de pièces complémentaires, ni le recours gracieux, n’ont le
caractère d’un recours administratif préalable obligatoire, ce qui permettrait
d’écarter la jurisprudence Ternon.
On peut également faire observer que la
dernière phrase de l’alinéa premier de
l’article L. 2131-1 du CGCT introduite par la
loi du 13 août 2004 a, par le bref délai de
transmission de quinze jours qu’elle impose
en matière de décisions individuelles, sinon
pour objet du moins pour effet de faciliter
l’exercice par le préfet d’un recours gracieux aux fins d’obtenir le retrait d’un acte
individuel créateur de droits qu’il estime
illégal, recours gracieux qui – ainsi que l’a
rappelé l’auteur de l’amendement ayant
abouti à modifier l’article L. 2131-1 précité,
M. Schostoeck – est « un des instruments
essentiels du contrôle de légalité » (JO
Débats, Sénat, 15 novembre 2003). Implicitement, par cette modification de l’article
L. 2131-1 du CGCT, le législateur de 2004 a
ainsi pris en compte la jurisprudence Ternon,
en ne donnant pas d’effet au recours gracieux du préfet sur le délai de retrait des
actes individuels créateurs de droits considérés comme illégaux mais en facilitant simplement l’exercice de ce recours gracieux.
Aussi, ne faut-il point s’étonner que la Haute
Assemblée ait, dans son avis du 27 juin 2007,
répondu que les dispositions législatives et
réglementaires du CGCT relatives au
contrôle de légalité de leurs actes ne dérogeaient point à la jurisprudence Ternon, et
que « les décisions individuelles explicites
créatrices de droit prises par les communes,
les départements, les régions et les établissements publics de coopération intercommunale ne peuvent être retirées, si elles sont
illégales, et, hors le cas où il est satisfait à
une demande du bénéficiaire, que dans un
délai de quatre mois après qu’elles ont été
prises ».
COMMUNE
Commune - Action du contribuable - Autorisation de plaider Refus d’autorisation - Absence
d’intérêt suffisant - Absence de
chance de succès.
CE, 9 novembre 2007,
Commune de Puttelange-aux-Lacs
req. nº 296743
(décision mentionnée
aux tables du Recueil Lebon)
[extraits]
Considérant qu’aux termes de l’article
L. 2132-5 du Code général des collectivités
territoriales : « Tout contribuable inscrit au rôle
de la commune a le droit d’exercer, tant en
demande qu’en défense, à ses frais et risques,
avec l’autorisation du tribunal administratif,
les actions qu’il croit appartenir à la
commune et que celle-ci, préalablement
appelée à en délibérer, a refusé ou négligé
d’exercer » ; qu’il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, et au Conseil d’Etat, saisi d’un recours de
pleine juridiction dirigé contre la décision du
tribunal administratif, lorsqu’ils examinent une
demande présentée par un contribuable sur
le fondement de ces dispositions, de vérifier,
sans se substituer au juge de l’action, et au vu
des éléments qui leur sont fournis, que l’action
envisagée présente un intérêt matériel suffisant pour la commune et qu’elle a une
chance de succès ;
Considérant que, par une décision en date
du 21 juillet 2006, le tribunal administratif de
Strasbourg a autorisé Mme A à déposer, au
nom de la commune de Puttelange-aux-Lacs,
une plainte avec constitution de partie civile
du chef notamment de prise illégale d’intérêts
au titre des faits allégués dans sa demande
relatifs aux liens existant entre le maire de
cette commune et son premier adjoint, d’une
part, et l’association Carnavalesque, l’association culturelle de Puttelange-aux-Lacs
(ACP), la SARL Numériff et la société Télédistribution, d’autre part, et rejeté le surplus des
conclusions de sa demande ;
(...)
Au fond :
Considérant, en premier lieu, que si Mme A
soutient que la prise en charge directe par la
commune, d’une part, de dépenses liées à
l’organisation de la fête annuelle dénommée
« Festives du lac » et qui devaient incomber à
l’association ACP, dont le maire et son premier adjoint assuraient la direction, et, d’autre
part, d’investissements incombant à la
société Télédistribution au titre du réseau
câblé de la commune, a causé un préjudice
financier à la commune, elle n’établit pas que
les dépenses ainsi prises en charge auraient
été dépourvues d’intérêt pour la commune ;
Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A
soutient que l’adjoint au maire a passé sans
- No 7 - Juillet 2008
concurrence des contrats avec la société
Numériff qu’il dirige et dont il détient un quart
du capital, il ne résulte pas de l’instruction
qu’en l’espèce l’attribution de ces
commandes ou marchés ait entraîné un surcoût portant préjudice à la commune ;
Considérant, enfin, que si Mme A fait également valoir que le maire de la commune a
participé à la délibération décidant l’octroi
d’une subvention de 790 c à l’association Carnavalesque dont il est trésorier, que le personnel municipal a effectué des travaux, dont
la consistance n’est pas précisée, dans les
magasins de la société Numériff, le préjudice
matériel éventuellement subi à ces titres par
la commune n’apparaît pas d’une importance telle que la constitution de partie civile
envisagée puisse être regardée comme présentant un intérêt suffisant pour la commune ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède,
et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres
moyens de la requête, que la commune de
Puttelange-aux-Lacs est fondée à demander
l’annulation de la décision du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juillet 2006 en ce
qu’elle autorise Mme A à déposer au nom de
la commune de Puttelange-aux-Lacs une
plainte avec constitution de partie civile au
titre de l’ensemble des faits allégués dans sa
demande relatifs aux liens existant entre le
maire et son premier adjoint, d’une part, et les
associations Carnavalesque et ACP, la SARL
Numériff et la société Télédistribution, d’autre
part ; que, par voie de conséquence, les dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit
mise à la charge de la commune de Puttelange-aux-Lacs, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme
que demande Mme A au titre des frais
exposés par elle et non compris dans les
dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de
Mme A la somme que demande la commune
au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice
administrative. (...)
Commune - Action du contribuable - Autorisation de plaider Refus d’autorisation - Action
n’appartenant
pas
à
la
commune - Absence d’intérêt
suffisant.
CE, 3 décembre 2007, M. B
req. nº 300922
(décision mentionnée
aux tables du Recueil Lebon)
[extraits]
Considérant qu’aux termes de l’article
L. 2132-5 du Code général des collectivités
territoriales : « Tout contribuable inscrit au rôle
de la commune a le droit d’exercer, tant en
demande qu’en défense, à ses frais et risques,
avec l’autorisation du tribunal administratif,
les actions qu’il croit appartenir à la
commune, et que celle-ci, préalablement
appelée à en délibérer, a refusé ou négligé
d’exercer » ; qu’il appartient au tribunal
551
chronique de jurisprudence administrative
administratif statuant comme autorité administrative, et au Conseil d’Etat, saisi d’un
recours de pleine juridiction dirigé contre la
décision du tribunal administratif, lorsqu’ils
examinent une demande présentée par un
contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de
l’action, et au vu des éléments qui leur sont
fournis, que l’action envisagée appartient à
la commune, qu’elle présente un intérêt
matériel suffisant pour celle-ci et qu’elle a une
chance de succès ;
Considérant que M. B a notamment
demandé au tribunal administratif de Nice,
d’une part, de l’autoriser à déposer plainte
avec constitution de partie civile pour le
compte de la commune de Solliès-Pont à
l’encontre de M. N, alors chef du service de
l’urbanisme dans cette commune, du fait de
la transformation illégale d’un bâtiment agricole, situé dans le quartier des Bancaous, en
local à usage d’habitation et au titre d’infractions au Code de l’urbanisme qu’il aurait
commises au regard d’une habitation située
dans le quartier de La Jonquière et, d’autre
part, de l’autoriser à engager une action en
responsabilité pour faute personnelle contre
l’auteur réel ou apparent d’un permis de lotir
modificatif qui aurait été délivré frauduleusement le 31 octobre 2001 ; que, par la décision
attaquée du 22 décembre 2006, le tribunal
administratif de Nice a rejeté cette demande
au motif que les actions envisagées ne présentaient pas d’intérêt suffisant pour la
commune de Solliès-Pont, ni d’ailleurs de
chance raisonnable de succès ;
Sur le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée :
Considérant que la décision attaquée
énonce les considérations de droit et de fait
sur lesquelles elle se fonde ; que le moyen tiré
de ce qu’elle ne serait pas suffisamment
motivée doit, dès lors, être écarté ;
commune ne saurait être regardée comme
une action appartenant à celle-ci, au sens de
l’article L. 2132-5 du Code général des collectivités territoriales ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que M. B ne saurait être autorisé à engager
au nom de la commune, sur le fondement de
ces dispositions, une action tendant à mettre
en cause la responsabilité pour faute personnelle de l’auteur d’une autorisation de lotir ;
En ce qui concerne les infractions au Code de
l’urbanisme imputées à un agent communal :
Considérant qu’à l’appui de sa demande
d’autorisation, M. B fait valoir que le dépôt
d’une plainte avec constitution de partie
civile permettrait d’obtenir la démolition des
constructions irrégulières et la réparation des
préjudices résultant pour la commune des
participations d’urbanisme impayées ainsi
que de la soustraction d’une parcelle de
5 000 m2 à sa vocation agricole ;
Considérant, toutefois, qu’il ne résulte pas de
l’instruction que la démolition des constructions litigieuses présenterait pour la commune
un intérêt matériel, seul susceptible de justifier
l’action d’un contribuable sur le fondement
des dispositions citées plus haut ; qu’il n’est
pas davantage établi que le fait d’avoir soustrait 5 000 m2 de terrain réservé à l’agriculture
par la transformation d’un bâtiment agricole
en local à usage d’habitation ait causé un
préjudice matériel à la commune ; qu’enfin,
s’agissant du préjudice résultant, selon M. B,
des participations d’urbanisme impayées, le
requérant ne fournit aucun élément permettant d’en apprécier la réalité ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B n’est pas fondé à demander
l’annulation de la décision par laquelle le tribunal administratif de Nice a refusé de l’autoriser à engager les actions qu’il envisageait
d’exercer au nom de la commune de SollièsPont. (...)
Au fond :
En ce qui concerne l’action tendant à mettre
en cause la responsabilité pour faute personnelle de l’auteur d’un permis de lotir modificatif :
Considérant que les dispositions citées plus
haut de l’article L. 2132-5 du Code général
des collectivités territoriales visent les seules
actions en justice appartenant à la commune
et que celle-ci refuse ou néglige d’exercer ;
que, lorsqu’une collectivité publique estime
avoir subi un préjudice en raison de la faute
personnelle d’un de ses agents, il lui appartient d’émettre directement, si elle s’y croit
fondée, un titre exécutoire à l’effet de fixer le
montant des sommes qu’elle estime lui être
dues par cet agent, à charge pour ce dernier,
s’il conteste son obligation, d’en saisir la juridiction administrative, seule compétente
pour en connaître dès lors que les rapports
entre une collectivité publique et ses agents
sont des rapports de droit public ; qu’il suit de
là qu’une action en justice tendant à mettre
en cause la responsabilité d’un agent de la
552
Note
Ces deux arrêts Commune de Puttelangeaux-Lacs du 9 novembre 2007 et M. B du
3 décembre 2007 sont relatifs à l’action du
contribuable d’une commune.
Il convient préalablement de rappeler rapidement les faits de ces deux espèces.
Dans la première affaire, Mme Laurette A,
par une décision en date du 21 juillet 2006
du tribunal administratif de Strasbourg, a été
autorisée à déposer au nom de la
commune de Puttelange-aux-Lacs une
plainte avec constitution de partie civile du
chef notamment de prise illégale d’intérêts
au titre des faits allégués dans sa demande
relatifs aux liens existant entre le maire de
cette commune et son premier adjoint,
d’une part, et l’association Carnavalesque,
l’association culturelle de Puttelange-auxLacs (ACP), la SARL Numériff et la société
Télédistribution, d’autre part. La commune
de Puttelange-aux-Lacs, représentée par
son maire, a alors saisi le Conseil d’Etat pour
lui demander d’annuler cette décision du
tribunal administratif : la Haute Juridiction,
dans son arrêt du 9 novembre 2007, a
accueilli ce recours.
Dans la seconde affaire, un contribuable de
la commune de Solliès-Pont, M. Gaspard B,
n’avait pas obtenu du tribunal administratif
de Nice deux autorisations de plaider au
nom de sa commune, et qui concernaient :
pour l’une, une action en responsabilité
pour faute personnelle visant l’auteur d’un
permis de lotir modificatif délivré selon lui
frauduleusement ; et pour l’autre, le dépôt
d’une plainte avec constitution de partie
civile à l’encontre du chef du service de
l’urbanisme de la commune, du fait
d’infractions au Code de l’urbanisme. Mais
le Conseil d’Etat, dans son arrêt du
3 décembre 2007, a refusé d’annuler la
décision du 22 décembre 2006 du tribunal
administratif de Nice.
Ces deux arrêts confirment en vérité la jurisprudence rendue en la matière (cf. par
exemples : Ph. Tuot, Quand le procès est la
continuation de la politique par d’autres
moyens, notes sous CE, 13 octobre 2003,
Predon (1re espèce), Duhamel et Pilet
(2e espèce), AJDA 2004, p. 591 ; J.-L. Pissaloux, note sous CE, 20 octobre 2004, M. D. M. C., req. nº 266682, La Revue du Trésor,
juin 2005).
Aux termes de l’article L. 2132-5 du Code
général des collectivités territoriales
(CGCT) : « Tout contribuable inscrit au rôle
de la commune a le droit d’exercer, tant en
demande qu’en défense, à ses frais et risques, avec l’autorisation du tribunal administratif, les actions qu’il croit appartenir à la
commune et que celle-ci, préalablement
appelée à en délibérer, a refusé ou négligé
d’exercer ».
Malgré le silence de la loi, pour qu’un tribunal administratif autorise un contribuable
à se substituer à la commune, il faut,
comme le rappellent du reste les deux arrêts
analysés, que l’action du contribuable satisfasse aux deux conditions cumulatives suivantes : présenter un intérêt matériel suffisant pour la commune ; et avoir des
chances sérieuses de succès. Il s’agit là
d’une jurisprudence constante et bien établie, étant encore précisé – comme le souligne du reste l’arrêt du 9 novembre 2007
– que le tribunal administratif et le Conseil
d’Etat en cas de recours procèdent à cette
analyse du bien-fondé de la demande sans
se substituer au juge de l’action (cf. CE, ass.,
26 juin 1992, Mme Lepage-Huglo et autres,
req. nº 137345, Rec. p. 246 et 252 ; –, 13 mai
1994, Levais, req. nº 150047 ; –, 20 octobre
2004, M. D. - M. C., précité).
A titre d’exemples :
– l’existence d’un intérêt suffisant a été
déniée dans le cas d’une plainte contre les
agissements de certains parents d’élèves
pour obtenir l’inscription de leurs enfants
No 7 - Juillet 2008 -
chronique de jurisprudence administrative
dans les écoles primaires de la commune
(CE, sect., 22 juillet 1992, Commune de
Neuilly-sur-Seine c/ Sulzet, req. nº 137344,
Rec. p. 304), dans le cas d’une plainte
contre la vente d’un terrain de 30 m2 à un
prix anormalement bas (CE, 13 mai 1994,
Levais, précité), dans le cas d’une action
destinée à mettre fin à une occupation irrégulière du domaine public d’ampleur
limitée (CE, 27 mars 1996, Verrier, req.
nº 163909), dans le cas de requérants faisant
état de factures de régularisation compromettantes mais n’apportant aucun élément précis prouvant que l’attribution du
marché à un neveu du maire de la
commune aurait entraîné un surcoût pour
la commune ni – de façon plus générale –
lésé ses intérêts (CE, 20 octobre 2004, M. D.
– M. C., précité), ou encore dans le cas de
l’action en restitution d’aides locales pour
non-respect de création d’emplois (CE,
7 juin 2006, Asselin, req. nº 286350, Rec.
p. 286) ;
– a été considérée comme dépourvue de
chances de succès une demande invoquant un moyen non fondé (CE, 14 janvier
1998, Commune de Saint-Vincent-deBoisset) ou encore celle dans laquelle les
allégations du demandeur n’étaient pas
assorties des précisions nécessaires pour en
apprécier la portée ou le bien-fondé (CE,
ass., 26 juin 1992, Monnier-Besombes, req.
nº 133901 ; -, 30 avril 1997, Carrière, req.
nº 182355 ; -, 20 octobre 2004, M. D. – M. C.,
précité).
En outre, bien évidemment, et comme
l’énonce l’article L. 2132-5 précité, il faut
que l’action du contribuable (tant en
défense qu’en demande) appartienne
– effectivement – à la commune : en
d’autres termes, la commune doit être
recevable à l’intenter si elle le faisait ellemême.
Les arrêts du 9 novembre 2007 et du
3 décembre 2007 mettent en œuvre ces différentes conditions.
Dans l’affaire Commune de Puttelangeaux-Lacs, seule la première condition
exigée est en fait examinée par le Conseil
d’Etat, lequel a donc considéré qu’elle
n’était pas en l’occurrence satisfaite.
Pour essayer de démonter que cette première condition était selon elle bien remplie,
Mme A avait invoqué plusieurs moyens.
En premier lieu, la prise en charge directe
par la commune, d’une part, de dépenses
liées à l’organisation de la fête annuelle et
qui devaient incomber à l’association ACP,
dont le maire et son premier adjoint assuraient la direction, et, d’autre part, d’investissements incombant à la société Télédistribution au titre du réseau câblé de la
commune, avait selon elle causé un préjudice financier à la commune. A cet égard,
la Haute Juridiction a considéré que la
requérante n’établissait pas que les
dépenses ainsi prises en charge étaient
dépourvues d’intérêt pour la commune.
- No 7 - Juillet 2008
En deuxième lieu, toujours selon Mme A,
l’adjoint au maire avait passé sans concurrence des contrats avec la société Numériff
qu’il dirige et dont il détient un quart du
capital. Là encore, au regard de l’instruction, la Haute Juridiction a considéré qu’en
l’espèce il n’en avait pas résulté un surcoût
portant préjudice à la commune : en
somme, le fait qu’un marché ait été conclu
avec une société dans laquelle un
conseiller municipal (premier adjoint) ait des
intérêts, et au surplus sans mise en concurrence préalable, n’implique pas ipso facto
un préjudice pour la commune, et surtout
un préjudice suffisant de nature à pouvoir
autoriser un contribuable à agir au nom de
la commune, ce qui donc n’était effectivement pas le cas en l’espèce.
En troisième et dernier lieu, Mme A a soutenu que le maire de la commune avait
participé à la délibération décidant l’octroi
d’une subvention de 790 c à l’association
Carnavalesque dont il est trésorier, que le
personnel municipal avait effectué des travaux, mais dont la consistance n’était pas
précisée, dans les magasins de la société
Numériff. Une nouvelle fois, le Conseil d’Etat
a estimé que le préjudice matériel éventuellement subi à ces titres par la commune
n’était pas suffisamment important pour
que « la constitution de partie civile envisagée puisse être regardée comme présentant un intérêt suffisant pour la commune ».
Cet arrêt du 9 novembre 2007 confirme
donc bien la jurisprudence antérieure. Il ne
suffit pas d’invoquer un préjudice subi par
la commune : encore, faut-il que celui-ci
soit d’une importance suffisante pour justifier qu’un contribuable puisse être autorisé
en application de l’article L. 2132-5 du
CGCT, à agir au nom de la commune.
Il en va de même pour l’arrêt du
3 décembre 2007.
A propos de la seconde autorisation de
plaider sollicitée par M. B, et concernant le
dépôt d’une plainte avec constitution de
partie civile à l’encontre du chef du service
de l’urbanisme de la commune, le Conseil
d’Etat a en effet considéré que l’intérêt
matériel résultant de l’éventuelle réussite de
l’action n’était établi ni par l’instruction ni
par le demandeur, en somme que – là
encore – l’intérêt matériel n’était pas suffisant (ce qui est dans la droite ligne de la
jurisprudence antérieure précitée).
En revanche, s’agissant de la première
autorisation demandée, c’est sur un autre
fondement que la Haute Juridiction a
confirmé la décision du tribunal administratif
de Nice : il a en effet considéré qu’une
action en justice tendant à mettre en cause
la responsabilité d’un agent de la
commune ne saurait être regardée comme
une action appartenant à celle-ci, au sens
de l’article L. 2132-5 du CGCT, dans la
mesure où « lorsqu’une collectivité publique
estime avoir subi un préjudice en raison de
la faute personnelle d’un de ses agents, il lui
appartient d’émettre directement, si elle s’y
croit fondée, un titre exécutoire à l’effet de
fixer le montant des sommes qu’elle estime
lui être dues par cet agent, à charge pour
ce dernier, s’il conteste son obligation, de
saisir la juridiction administrative, seule
compétente pour en connaître dès lors que
les rapports entre une collectivité publique
et ses agents sont des rapports de droit
public ».
CONTRATS
Contrats - Contrats entre personnes publiques - Responsabilité contractuelle - Contrat entre
l’Etat et des régions.
CE, 21 décembre 2007, Région Limousin
req. nº 293260
(décision publiée au Recueil Lebon)
[extraits]
Considérant que les régions demandent
l’annulation des décisions de rejet de leurs
demandes indemnitaires, présentées respectivement les 18 juin 2004 et 20 décembre 2005
par les régions du Centre et Midi-Pyrénées, et
les 18 juin 2004 et 12 décembre 2005 par la
région du Limousin, à raison des préjudices qui
résulteraient pour elles de l’abandon par
l’Etat du projet de liaison ferrée « POLT » par
TGV pendulaire ; qu’elles invoquent à titre
principal la violation par l’Etat de ses engagements contractuels, et, à titre subsidiaire, sa
responsabilité pour promesse non tenue et
pour préjudice anormal et spécial ;
Sur le fondement de la responsabilité de l’Etat :
En ce qui concerne la nature des documents
signés par l’Etat et les régions :
Considérant que les régions requérantes ont
signé le 21 février 2001 un protocole d’accord
avec l’Etat, puis, le 13 novembre 2001, avec
l’Etat, la Société nationale des chemins de fer
français (SNCF) et Réseau ferré de France
(RFF), une convention-cadre dont l’objet est
le financement et la réalisation de la modernisation de la liaison ferrée Paris-OrléansLimoges-Toulouse et de la mise en service de
six rames de TGV rendues pendulaires ;
qu’elles ont signé le même jour avec les
mêmes partenaires une convention relative
au financement et à la réalisation de l’étude
d’avant-projet détaillé ; qu’elles ont enfin
signé avec l’Etat, le 12 septembre 2002, une
convention relative au financement du
contrôle externe ; que si le protocole
d’accord du 21 février 2001, qui ne fixe qu’un
objectif et prévoit sa concrétisation par des
conventions ultérieures, constitue une simple
déclaration commune d’intention sans
portée juridique, les trois conventions signées
les 13 novembre 2001 et 12 septembre 2002
présentent en revanche le caractère de
contrats susceptibles de mettre en jeu la responsabilité contractuelle de l’Etat ;
553
chronique de jurisprudence administrative
En ce qui concerne la portée juridique de la
renonciation par l’Etat à la liaison par TGV
pendulaire :
Considérant que le comité interministériel
d’aménagement et de développement du
territoire (CIADT), en date du 18 décembre
2003, a modifié substantiellement le projet de
réalisation de la liaison ferrée rapide « POLT »
dont l’objet était la mise en service de six
rames TGV rendues pendulaires entre Paris et
Toulouse via Orléans et Limoges, prévue par
la convention-cadre ; qu’en renonçant à la
liaison par la technique de rames pendulaires,
au profit d’une simple amélioration classique
de la ligne, l’Etat doit être regardé comme
ayant modifié unilatéralement l’objet de la
convention-cadre du 13 novembre 2001, ainsi
que, corrélativement, celui de la convention
relative au financement et à la réalisation de
l’étude d’avant-projet détaillé et de la
convention relative au financement du
contrôle externe ; que l’Etat doit ainsi être
regardé comme ayant résilié les trois conventions qui le liaient aux trois régions pour la réalisation de la liaison « POLT » ;
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de l’Etat :
Considérant que si l’Etat a pu mettre fin unilatéralement à ses engagements contractuels pour un motif d’intérêt général, eu égard
notamment au coût élevé et à la faible rentabilité socio-économique du projet de liaison
par rames pendulaires, ses co-contractants
sont toutefois en droit d’obtenir réparation du
préjudice résultant de la résiliation unilatérale
de ces contrats particuliers par l’Etat, même
en l’absence de toute faute de ce dernier,
dès lors qu’aucune stipulation contractuelle
n’y fait obstacle ;
Considérant que, sans qu’il soit besoin
d’ordonner la communication de documents
non publics relatifs au CIADT du 18 décembre
2003, qui ne sont pas utiles à la solution du
litige, les régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées sont fondées à soutenir que l’Etat a
engagé sa responsabilité contractuelle à leur
égard en raison de la décision unilatérale
prise lors du CIADT du 18 décembre 2003 de
renoncer, avec l’abandon de la liaison par
rames pendulaires, à exécuter les engagements qu’il avait souscrits auprès des régions ;
Considérant que si, en ce qui concerne la
convention relative au financement et à la
réalisation de l’étude d’avant-projet détaillé,
l’Etat se prévaut de son article 7 qui stipule
qu’en cas de résiliation de ladite convention
pour non-respect par une partie de ses engagements, laquelle doit se faire par courrier
recommandé avec avis de réception, « les
frais engagés par chaque maître d’ouvrage
seront facturés, sur justificatif, aux financeurs
au prorata de leur participation », cette stipulation ne saurait être utilement invoquée dès
lors qu’il n’est pas allégué par l’Etat que les
régions ou les maîtres d’ouvrage n’auraient
pas rempli leurs engagements, ni d’ailleurs
que lui-même aurait respecté les formes de la
554
résiliation contractuelle prévues par ce même
article ; qu’ainsi aucune stipulation contractuelle ne fait obstacle à ce que sa responsabilité contractuelle soit recherchée par les
régions en ce qui concerne la résiliation de
cette convention, comme celle des deux
autres conventions ;
2004 ; que la capitalisation des intérêts a été
demandée le 10 mai 2006 ; qu’à cette date,
il était dû au moins une année d’intérêts ; que,
dès lors, conformément aux dispositions de
l’article 1154 du Code civil, il y a lieu de faire
droit à cette demande au 10 mai 2006, ainsi
qu’à chaque échéance annuelle à compter
de cette date. (...)
Sur les préjudices :
Considérant, en premier lieu, que les
dépenses d’études de faisabilité et d’études
préalables d’avant-projet prévues par des
conventions antérieures aux trois conventions
en litige ne sauraient, en tout état de cause,
constituer un préjudice réparable au titre de
la responsabilité contractuelle de l’Etat dans
le cadre de ces trois conventions ;
Considérant, en deuxième lieu, que la région
Midi-Pyrénées n’apporte pas la preuve de la
relation de causalité entre les travaux d’amélioration de la ligne Brive-Rodez et le projet de
liaison ferroviaire rapide par rames pendulaires ; qu’elle n’établit pas notamment que
les travaux ainsi réalisés seraient dépourvus de
toute utilité en l’absence de TGV pendulaire,
et n’auraient pas par eux-mêmes des effets
sur l’amélioration de la desserte ferroviaire
entre Brive et Rodez ; qu’elle ne saurait utilement invoquer le contrat de plan qui la lie par
ailleurs à l’Etat et dans lequel cette amélioration figurerait, ce contrat étant étranger au
présent litige ;
Considérant, en troisième lieu, et en tout état
de cause, que les préjudices de manque à
gagner invoqués par les trois régions requérantes et le préjudice d’image invoqué par la
seule région Limousin ne présentent pas un
caractère direct et certain ;
Considérant, en quatrième lieu, que les
dépenses d’études effectuées en application
de la convention relative au financement et
à la réalisation de l’étude d’avant-projet
détaillé et les dépenses de contrôle externe
effectuées en application de la convention
relative au financement du contrôle externe
constituent en revanche un préjudice direct
et certain, dans la seule mesure où la réalité
de ces dépenses est établie ; que, toutefois,
les régions du Centre et du Limousin, n’ayant
pas justifié qu’elles avaient effectivement
payé les dépenses relatives aux études et au
contrôle externe, n’établissent pas la réalité
de ce chef de préjudice ; que la région MidiPyrénées a justifié avoir dépensé les sommes
de 295 367,66 c au titre de l’étude d’avantprojet détaillé et de 45 700 c au titre du
contrôle externe ; qu’il résulte de l’instruction
que le préjudice subi par la région Midi-Pyrénées s’élève ainsi à 341 067,66 c ; qu’il y a lieu,
par suite, de condamner l’Etat à verser à la
région Midi-Pyrénées une indemnité égale à
ce montant ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que la région Midi-Pyrénées a
droit aux intérêts de la somme de 341 067,66 c
à compter du jour de la réception par le Premier ministre de sa demande datée du 18 juin
CONTRATS
ET MARCHÉS PUBLICS
Marchés publics - Contrat administratif - Délégation de service
public - Obligations du concédant - Obligation de protection
du cocontractant contre la
concurrence - Concession Erreur de droit.
CE, 10 octobre 2007, Société SPS Tarbes
req. nos 255213 et 271215
(décision mentionnée
aux tables du Recueil Lebon)
[extraits]
Sur l’arrêt de la cour administrative d’appel de
Bordeaux en date du 16 janvier 2003 :
Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des
écritures de la société SPS Tarbes devant la
cour administrative d’appel de Bordeaux que
si elle a fait état de la création par la
commune de « zones vertes » de stationnement, il ne s’agissait que d’un élément postérieur à l’intervention du jugement dont elle
interjetait appel et qu’elle indiquait, selon ses
propres dires, pour éclairer la Cour sur le
comportement de la commune ; que cette
mention ne constituait dès lors pas un moyen
auquel la Cour aurait été tenue de répondre ;
que contrairement à ce que soutient la
société requérante, la Cour a répondu au
moyen tiré de ce que la commune n’aurait
pas veillé à l’application des règles relatives
au stationnement ; qu’enfin, il ressort des écritures de la société SPS Tarbes devant la Cour
qu’elle n’avait pas soulevé de moyen tiré
d’un manquement de la commune à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat
conclu et qu’ainsi, elle ne saurait soutenir que
l’arrêt de la Cour, qui, contrairement à ce
qu’elle allègue, ne dénature pas le jugement
du tribunal, serait insuffisamment motivé faute
d’avoir vérifié si les agissements reprochés à
la commune ne constituaient pas un manquement à son obligation d’exécuter de
bonne foi le contrat ;
Considérant, en deuxième lieu, que dès lors
que la Cour a estimé que l’article 10 du
contrat de concession n’imposait à la
commune d’obligations tarifaires pour ses
propres parcs de stationnement qu’en ce qui
concerne le stationnement payant, elle a pu
juger, sans entacher son arrêt de contradictions de motifs, d’une part, que si l’absence
d’augmentation des tarifs communaux de
stationnement méconnaissait les obligations
No 7 - Juillet 2008 -
chronique de jurisprudence administrative
contractuelles de la ville, tel n’était pas le cas
du maintien du stationnement gratuit et
d’autre part, que le tarif du stationnement
horaire pratiqué par la ville était bien égal à
celui du parc de son concessionnaire alors
même que la commune avait maintenu la
gratuité du stationnement de courte durée ;
Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des
pièces du dossier soumis aux juges du fond
que le second alinéa de l’article 10 du contrat
de concession en litige stipulait que « les tarifs
de stationnement payant de surface et des
autres parcs publics seront progressivement
augmentés pour atteindre ceux du parc
"Verdun" le jour de son ouverture » ; qu’en
jugeant que cette clause contractuelle impliquait uniquement un relèvement, à la date
d’ouverture du parc « Verdun », des tarifs
municipaux mais, d’une part, n’imposait pas
de les faire évoluer par la suite de la même
façon que ceux du parc « Verdun », et d’autre
part, n’interdisait ni de fractionner les tarifs
municipaux pour des durées inférieures à une
heure, ni d’attribuer des cartes de stationnement gratuit, la Cour n’a pas dénaturé la
commune intention des parties ;
Considérant, en dernier lieu, que lorsqu’un
concessionnaire demande une indemnisation
à la collectivité concédante du fait des activités concurrentes que cette dernière a organisées, le juge doit rechercher si la collectivité
a méconnu les stipulations du contrat ou
empêché le concessionnaire de poursuivre
ses activités, et donc de remplir ses propres
obligations contractuelles ; qu’il ne peut être
utilement invoqué un principe général de protection du concessionnaire contre la concurrence par le concédant, indépendamment
de toute clause contractuelle posant une
telle obligation à ce dernier ; qu’ainsi, en censurant le jugement du tribunal de Pau, qui
avait condamné la commune au motif que
ses agissements avaient empêché son
concessionnaire d’exploiter rentablement le
parc de stationnement, la Cour n’a pas
entaché son arrêt d’une erreur de droit ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société SPS Tarbes n’est pas
fondée à demander l’annulation de l’article
premier de l’arrêt attaqué de la cour administrative d’appel de Bordeaux en date du
16 janvier 2003 ; que doivent être rejetées, par
voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article
L. 761-1 du Code de justice administrative ;
qu’en revanche, il y a lieu, sur le fondement
de ces dernières dispositions, de mettre à sa
charge le paiement à la commune de Tarbes
de la somme de 3 000 c au titre des frais que
celle-ci a exposés et non compris dans les
dépens. (...)
Note
Le principal intérêt de cet arrêt Société SPS
Tarbes du 10 octobre 2007 est de rappeler
l’absence d’un principe général de
- No 7 - Juillet 2008
protection du concessionnaire contre la
concurrence par le concédant, indépendamment de toute clause contractuelle
posant une telle obligation à ce dernier.
En l’espèce, une commune, la commune
de Tarbes, avait, par une convention
conclue le 15 novembre 1990, concédé à
la société Spie Aménagement, à laquelle
s’est substituée la société Spie Park Tarbes,
devenue ensuite la societé SPS Tarbes, la
construction et l’exploitation d’un parc de
stationnement souterrain sous la place
Verdun. L’exploitation de ce parc s’étant
révélée déficitaire, la société concessionnaire a recherché la responsabilité de la
commune de Tarbes devant le tribunal
administratif de Pau. Celui-ci, par un jugement en date du 13 octobre 1998, a
condamné la commune à verser à son
concessionnaire la somme de 2 500 000 F
(381 122,54 c), en réparation du préjudice
subi du fait des pratiques tarifaires de la ville
dans ses parcs de stationnement. Par un
premier arrêt en date du 16 janvier 2003, la
cour administrative d’appel de Bordeaux a
annulé le jugement du tribunal administratif
de Pau en tant qu’il avait retenu la responsabilité de la commune sur d’autres fondements que celui de la méconnaissance de
l’article 10 du contrat de concession et sur
d’autres motifs que celui relatif au tarif
d’abonnement, et a ordonné une expertise
afin de déterminer la réalité et l’étendue du
préjudice subi par la société Spie Park
Tarbes ; par un second arrêt en date du
17 juin 2004, la Cour a ramené à 250 000 F,
soit 38 112,25 c, la condamnation mise à la
charge de la commune de Tarbes. La
societé SPS Tarbes s’est alors pourvue en
cassation contre ces deux arrêts. Le Conseil
d’Etat, par son arrêt du 10 octobre 2007, a
rejeté ces deux requêtes.
Dans cette affaire, la Haute Juridiction a
rappelé que « lorsqu’un concessionnaire
demande une indemnisation à la collectivité concédante du fait des activités
concurrentes que cette dernière a organisées, le juge doit rechercher si la collectivité
a méconnu les stipulations du contrat ou
empêché le concessionnaire de poursuivre
ses activités, et donc de remplir ses propres
obligations contractuelles ».
Or, en l’espèce, la commune de Tarbes
n’avait pas méconnu les clauses du contrat
de concession, et en particulier le second
alinéa de son article 10 du contrat de
concession en vertu duquel : « Les tarifs de
stationnement payant de surface et des
autres parcs publics seront progressivement
augmentés pour atteindre ceux du parc
"Verdun" le jour de son ouverture ». La Haute
Juridiction a en effet considéré qu’« en
jugeant que cette clause contractuelle
impliquait uniquement un relèvement, à la
date d’ouverture du parc "Verdun", des
tarifs municipaux mais, d’une part, n’imposait pas de les faire évoluer par la suite de
la même façon que ceux du parc "Verdun",
et d’autre part, n’interdisait ni de fractionner les tarifs municipaux pour des durées
inférieures à une heure, ni d’attribuer des
cartes de stationnement gratuit, la Cour
n’a(vait) pas dénaturé la commune intention des parties ». Le Conseil d’Etat comme
la cour administrative d’appel de Bordeaux
ont donc jugé que la commune, par ses
agissements, n’avait pas empêché son
concessionnaire d’exploiter rentablement
le parc de stationnement.
La Haute Juridiction a en outre rappelé qu’il
ne pouvait être utilement invoqué un principe général de protection du concessionnaire contre la concurrence par le concédant, indépendamment de toute clause
contractuelle posant une telle obligation à
ce dernier.
Cet arrêt Société SPS Tarbes reprend quasiment à l’identique une jurisprudence antérieure. Dans une affaire très largement similaire (CE, 25 juillet 2001, Ville de Toulon, req.
nº 217307, MTRL), concernant une
commune ayant délégué à une société la
gestion et l’animation d’un parc des expositions et d’animation et dans laquelle le
concessionnaire avait demandé à la
commune de l’indemniser des préjudices
résultant selon lui de l’organisation d’activités concurrentes de celles qui lui avaient
été déléguées, le juge de cassation avait
en effet déjà considéré que le juge administratif devait se borner à rechercher si, en
réalisant d’autres équipements et en organisant dans d’autres sites des manifestations
de la nature de celles susceptibles d’être
organisées dans le parc des expositions, la
commune avait soit méconnu les stipulations du contrat, soit empêché la société de
poursuivre ses activités, « sans rechercher si
la commune, ce faisant, a(vait) méconnu
un prétendu principe général de protection
de son concessionnaire contre la concurrence, qui n’existe pas de manière autonome ».
Marchés publics - Formalités de
publicité et de mise en concurrence - Application du droit
communautaire.
CE, 21 novembre 2007, Département du Var
req. nº 300992
(décision mentionnée
aux tables du Recueil Lebon)
[extraits]
Considérant que le formulaire DC4 intitulé
lettre de candidature et habilitation du mandataire par ses co-traitants et le formulaire
DC5 intitulé déclaration du candidat reprennent, sans y ajouter, les renseignements qui
peuvent être exigés des candidats en application des dispositions précitées de l’article 45
du Code des marchés publics et de l’arrêté
du 26 février 2004 et se bornent à déterminer
les modalités de présentation de ces renseignements ; que ces formulaires sont aisément
accessibles, sans frais particuliers, sur le site
« Internet » du ministère de l’Economie, des
555
chronique de jurisprudence administrative
Finances et de l’Industrie ; qu’il est ainsi loisible à l’acheteur public d’exiger des candidats, dès lors que les caractéristiques du
marché le justifient, qu’ils utilisent, à peine
d’irrecevabilité, ces formulaires pour présenter leur offre ; qu’il est, de même, loisible
à l’acheteur public de renvoyer aux formulaires DC4 et DC5 dans l’avis d’appel public
à la concurrence pour faire connaître aux
entreprises les renseignements exigés à
l’appui de leur candidature ;
(...) Considérant, que s’agissant d’un marché
de seuil communautaire, il appartenait au
département du Var, en l’absence de règles
nationales applicables à la procédure de
passation du marché litigieux permettant
d’assurer une publicité de l’avis d’appel
public à la concurrence dans des conditions
compatibles avec les objectifs de la directive
nº 2004/18/CE, d’assurer une publicité de ses
intentions compatible avec les objectifs de
cette directive, et notamment avec les prescriptions des annexes du règlement (CE)
nº 1564/2005 pris pour son application ; que le
formulaire standard fixé par ce règlement fait
notamment figurer, parmi les mentions que
doivent comporter les avis de marchés, au
point III.1.1 : « cautionnement et garanties exigées (le cas échéant) » ; qu’il ressort de
l’article 8 du cahier des clauses administratives particulières du marché que le département prévoyait d’exiger la constitution de la
garantie à première demande prévue à
l’article 105 du Code des marchés publics si
le titulaire du marché ne renonçait pas au
bénéfice d’une avance forfaitaire ; que, toutefois, le département du Var n’a pas porté
cette information à la connaissance des candidats éventuels en remplissant à cet effet la
rubrique précitée dans l’avis paru au Journal
officiel de l’Union européenne ; qu’il a ainsi
manqué à ses obligations de publicité ; qu’il
en résulte que le groupement OPSIA Méditerranée – Cabinet Arragon est fondé à
demander l’annulation de la procédure
contestée. (...)
Contrats - Délégation de service
public - Affermage - Modification des tarifs.
CAA Nancy, 20 décembre 2007,
Société Vivendi Universal
req. nº 05NC00897
(décision mentionnée
aux tables du Recueil Lebon)
[extraits]
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu’aux termes de l’article 40 du
traité d’affermage conclu le 28 juin 1990
entre la commune de Saint-Dizier et la
Compagnie générale des eaux, devenue la
société Vivendi Universal : « Pour tenir
compte de l’évolution des conditions économiques et techniques et pour s’assurer
que la formule d’indexation est bien représentative des coûts réels, le niveau du tarif
556
fermier, d’une part, et la composition de la
formule de variation, y compris la partie fixe,
d’autre part, devront être soumis à un
réexamen sur production par le fermier des
justifications nécessaires et notamment des
comptes de l’exploitation, dans les cas suivants : 1) après cinq ans... »; que l’article 42
relatif à la procédure de révision stipule que :
« ... Si, dans les trois mois à compter de la date
de la demande de révision présentée par
l’une des parties, un accord n’est pas intervenu, il sera procédé à cette révision par une
commission composée de trois membres,
dont l’un sera désigné par la collectivité,
l’autre par le fermier et le troisième par les
deux premiers. Faute à ceux-ci de s’entendre
dans un délai de quinze jours, la désignation
du troisième membre sera faite par le président du tribunal administratif ... » ;
Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que la procédure de révision des tarifs
du service de distribution d’eau potable de la
commune de Saint-Dizier a été entreprise en
1998, à l’initiative de la collectivité, à la suite
d’un audit effectué en application des stipulations du traité d’affermage par le cabinet
Service public 2000 et en parallèle à un
contrôle de la chambre régionale des
comptes, concluant, au vu des éléments à la
disposition du consultant, à une différence
importante entre la marge annoncée par le
fermier dans son compte rendu financier
(2,5 %) et celle résultant de ses propres évaluations (30 %) ; que la société Vivendi Universal avait, de son côté, acquiescé à l’engagement d’une nouvelle négociation sur les
aspects économiques du traité dans la
mesure, notamment, où une période de plus
de cinq ans s’était écoulée depuis la révision
du contrat d’affermage ; qu’en l’absence
d’accord entre les parties sur le niveau de
rémunération du fermier, une commission tripartite a été mise en place dans les conditions
prévues par l’article 42 précité du contrat
d’affermage pour procéder, conformément
aux stipulations dudit article, à la révision
demandée ; qu’après plusieurs mois de travaux, la commission, constatant que l’augmentation annuelle du prix de l’eau, par le jeu
de la formule d’indexation figurant dans le
traité d’affermage, avait suivi depuis 1990 une
évolution supérieure à celle des charges portées par le fermier dans ses comptes rendus
financiers annuels, a conclu à une diminution
du tarif fermier du prix de l’eau de 1,548 F par
m3 et à l’adoption d’une nouvelle formule de
révision du prix tenant mieux compte des
coûts réels d’exploitation ; qu’en décidant,
par délibération du 20 janvier 2000, d’adopter
les préconisations de la commission, la
commune n’a fait que tirer les conséquences
des choix de procédure auxquelles les parties
ont entendu se soumettre en cas de désaccord sur la révision des prix de l’eau et des
formules de variation ; qu’ainsi, aucune faute
ne pouvant être imputable à la commune
dans l’exécution du contrat, la société
Vivendi Universal n’est pas fondée à
demander, à ce titre, la condamnation de
la collectivité à lui verser la somme de
4 675 239 c en réparation du préjudice qu’elle
estime avoir subi du fait de la modification
unilatérale dudit contrat ;
Considérant, d’autre part, que si la nouvelle
tarification retient, dans des proportions au
demeurant limitées, une diminution des tarifs
plus importante que celle que la société
Vivendi Universal se déclarait disposée à
consentir, celle-ci n’établit pas et il ne résulte
pas de l’instruction, compte tenu des constatations opérées dans le cadre de l’audit et
vérifiées par la commission, que la détermination, dans les conditions prévues au contrat,
de la nouvelle tarification ait entraîné un bouleversement de l’équilibre financier de celuici ; que la société Vivendi Universal ne peut,
dès lors, fonder ses prétentions à être indemnisée d’un manque à gagner sur la méconnaissance dudit principe ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que la demande de la société Vivendi Universal doit être rejetée. (...)
DOMAINE PUBLIC
Domaine public - Domaine
public routier - Occupation du
domaine public routier - Redevances - Sécurité routière Radars automatisés fixes - Equipements routiers - Amendes.
CE, 31 octobre 2007, Ministre de l’Intérieur,
de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales
c/ Département de l’Essonne
req. nº 306338
(décision publiée au Recueil Lebon)
[extraits]
Considérant qu’aux termes de l’article
L. 2125-1 du Code général de la propriété des
personnes publiques : « Toute occupation ou
utilisation du domaine public d’une personne
publique mentionnée à l’article L. 1 donne lieu
au paiement d’une redevance (...) » ; que
toutefois l’article L. 117-1 du Code de la voirie
routière dispose : « Des dispositifs techniques
destinés à assurer le respect du Code de la
route ou permettant aux fonctionnaires et
agents habilités de constater les infractions
audit code sont intégrés aux infrastructures et
équipements routiers (...) » ; que l’article
R. 111-1 du même code précise que : « Les
équipements routiers sont des dispositifs
affectés aux besoins de la circulation routière,
destinés à la signalisation, à la protection des
usagers, à l’exploitation des voies du domaine
public routier et à la constatation des infractions au Code de la route (...) / Les équipements routiers sont classés en quatre catégories définies ainsi qu’il suit : (...) / 4º Les
équipements de constatation des infractions
au Code de la route, qui sont intégrés aux
infrastructures routières ; que les radars automatiques de contrôle de vitesse constituent,
compte tenu de leur objet même, des équipements intégrés aux infrastructures routières
au sens des dispositions précitées du Code de
la voirie routière » ; que, dès lors, ces
No 7 - Juillet 2008 -
chronique de jurisprudence administrative
équipements, qui concourent à l’exécution
du service public de la sécurité routière, ne
peuvent être regardés comme occupant ou
utilisant le domaine public routier au sens de
l’article L. 2125-1 du Code général de la propriété des personnes publiques ; que, dès lors,
en jugeant qu’aucune disposition de nature
législative ne faisait obstacle à ce que l’installation par l’Etat de radars automatiques
puisse donner lieu à l’établissement d’une
redevance d’occupation sur le fondement
des dispositions de cet article L. 2125-1, le juge
des référés de la cour administrative d’appel
de Versailles a commis une erreur de droit ;
que, par suite, pour ce motif d’ordre public,
le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des
Collectivités territoriales est fondé à
demander l’annulation de l’ordonnance
attaquée. (...)
Note
Quatre arrêts du Conseil d’Etat en date du
31 octobre 2007 : CE, Ministre de l’Intérieur,
de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales c/ Département de l’Essonne, req.
nos 306338 et 307861 ; –, Département de
l’Aude c/ Ministre de l’Intérieur, de
l’Outre-mer et des Collectivités territoriales,
req. nº 307797 ; –, Département de l’Ariège
c/ Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et
des Collectivités territoriales, req. nº 308716),
dont seul le premier sera publié au Recueil
Lebon, sont venus mettre fin au débat relatif
aux radars automatisés fixes et au bienfondé des redevances d’occupation de
leur domaine public instaurées par différents départements.
Dans ces espèces, suite au transfert des
routes nationales aux départements opéré
par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés
et responsabilités locales, différents conseils
généraux avaient en effet, par délibération,
instauré des redevances forfaitaires
annuelles d’occupation de leur domaine
public pour l’implantation de chaque radar
automatisé fixe sur leur domaine public routier. Bien évidemment, ces délibérations
avaient été déférées aux tribunaux administratifs territorialement compétents par les
préfets agissant au nom de l’Etat sur le fondement de l’article L. 554-1 du Code de justice administrative. Dans la plupart des cas,
les juges des référés des tribunaux et des
cours administratives d’appel avaient
ordonné la suspension des délibérations litigieuses, au demeurant sur des fondements
divers. Mais dans l’affaire opposant l’Etat au
département de l’Essonne (req. nº 306338),
le juge des référés de la cour administrative
d’appel de Versailles avait admis – sur le
fondement de l’article L. 2125-1 du Code
général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) – la légalité de la redevance
instaurée par la délibération du conseil
général de l’Essonne du 29 janvier 2007.
Au-delà de la multiplicité des solutions retenues par les cours administratives d’appel,
- No 7 - Juillet 2008
la question posée dans ces diverses
espèces était en vérité la même : la redevance départementale d’occupation
domaniale instaurée par certains départements était-elle ou non légale ?
Le Conseil d’Etat y a répondu par la négative, donnant par là même satisfaction à
l’Etat. Le considérant de principe est le
même dans les quatre arrêts du 31 octobre
2007. La solution retenue montre que la
Haute Juridiction a fait prévaloir la sécurité
routière sur les principes et règles du droit
domanial : les radars automatisés fixes sont
des équipements intégrés aux infrastructures routières ; ils concourent à l’exécution
du service public routier ; ils ne peuvent être
regardés comme occupant ou utilisant le
domaine public routier au sens de l’article
L. 2125-1 du CGPPP ; et la collecte des
amendes générées par ces dispositifs n’est
point assimilable à l’activité lucrative d’un
usager privé occupant le domaine public.
Au regard des règles relatives à l’occupation privative du domaine public, l’instauration de redevances domaniales par certains départements pour l’implantation des
radars automatisés fixes pouvait apparaître
fondée.
Toute occupation domaniale est en effet
conditionnée au respect de l’article
L. 2122-1 du CGPPP selon lequel : « Nul ne
peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant,
occuper une dépendance du domaine
public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 ou l’utiliser dans des
limites dépassant le droit d’usage qui
appartient à tous ». Si le domaine public
d’une personne publique est constitué de
l’ensemble des biens qui appartiennent à
cette personne publique et qui sont
affectés à l’utilité publique, l’octroi d’une
autorisation expresse (par la personne propriétaire du domaine) sous-entend que le
domaine public concerné par cette autorisation ne sera pas destiné à une utilisation
commune de tous, mais à un usage privatif.
En l’espèce, l’usage était caractérisé par
l’implantation par l’Etat de systèmes de
contrôle sur les dépendances du domaine
public routier des départements ; et l’autorisation d’occupation accordée à l’Etat,
usager privatif, devait prendre la forme
d’une permission de voirie, sous-entendant
une emprise, dans la mesure où l’installation
de ces radars nécessite effectivement une
incorporation au sol.
L’Etat était donc perçu comme un occupant privatif, comme les autres, se voyant
ainsi opposer le droit de propriété des
départements, lesquels – et c’est normal –
souhait(ai)ent valoriser toute occupation
de leur domaine public. L’Etat n’est cependant point un occupant comme les autres :
alors que le titulaire d’une permission de
voirie n’a droit ni à son maintien, ni à son
renouvellement (CE, 24 novembre 1993,
SA Atlantique construction, req. nº 124933),
l’Etat n’y est pas soumis, alors même que
cette solution peut s’appliquer à une administration publique (CE, 22 mai 1987, Ministre
délégué chargé des PTT c/ Communauté
urbaine de Lille). L’Etat est ainsi un occupant particulier, soumis à un régime « dérogatoire », bien qu’il entre dans la même
catégorie des autres occupants privés.
L’utilisation et/ou l’occupation du domaine
public d’une personne publique donne en
effet lieu au paiement d’une redevance (art.
L. 2125-1 du CGPPP), dont le montant doit
tenir compte de tous les avantages procurés
au titulaire de l’autorisation (art. L. 2125-3 du
CGPPP). La jurisprudence l’a confirmé :
l’occupation du domaine public d’une personne publique est soumise à un principe
général de non-gratuité (CE, 11 février 1998,
Ville de Paris c/ Association pour la défense
des droits des artistes peintres sur la place du
Tertre, req. nº 171792) ; plus récemment, le
tribunal administratif de Lille, dans deux jugements en date du 4 juillet 2007 (req.
nos 0701413 et 0701891), a admis – du reste
sur le fondement de l’article L. 2125-1, alinéa
premier du CGPPP – la légalité des redevances pour occupation du domaine
départemental public routier par des radars
automatisés fixes, car aucune autre disposition législative spéciale ne prévoyait et ne
régissait ce cas (1). L’article L. 2125-1,
alinéa 2 du CGPPP prévoit cependant une
dérogation (au demeurant facultative
d’après la rédaction de l’alinéa) : celle-ci
peut en effet permettre l’exemption de
redevance si « l’occupation ou l’utilisation
est la condition naturelle et forcée de l’exécution de travaux ou de la présence d’un
ouvrage, intéressant un service public qui
bénéficie gratuitement à tous ».
Le Conseil d’Etat en a donc décidé autrement, en jugeant que l’implantation des
radars automatiques répondait et répond à
une mission de service public, à savoir la
sécurité routière, et que la collecte des
amendes générées par ces dispositifs n’est
point assimilable à l’activité lucrative d’un
usager privé occupant le domaine public
d’une personne publique.
Le Conseil d’Etat applique en effet les dispositions combinées des articles L. 117-1 et
R. 111-1 du Code de la voirie routière (CVR)
pour en déduire que les radars automatiques sont des équipements intégrés aux
infrastructures routières, et qu’ils concourent
à l’exécution du service public de la sécurité routière. Ce qui permet d’écarter les dispositions du CGPPP mises en œuvre par les
départements.
Aux termes de l’article L. 117-1 du Code de
la voirie routière, « des dispositifs techniques
destinés à assurer le respect du Code de la
route ou permettant aux fonctionnaires et
agents habilités de constater les infractions
audit code sont intégrés aux infrastructures
et équipements routiers ».
(1) En l’absence de dispositions spéciales qui primeraient sur les dispositions d’ordre général, le droit
général s’applique.
557
chronique de jurisprudence administrative
Tel est le cas par exemple des trottoirs établis en bordure des voies publiques, et qui
sont, dans leur ensemble, des dépendances des voies publiques (CE, 14 mai
1975, Sieur Chatard, req. nº 90899) ; tel est
encore le cas, sauf titre contraire, des galeries et des passages se trouvant sous les
arcades des maisons riveraines et affectés
à la circulation générale.
Depuis les arrêts du 31 octobre 2007, tel est
donc désormais le cas également des
radars automatisés fixes. Ceux-ci entrent
dans la consistance du domaine public routier, défini à l’article L. 111-1 du Code de la
voirie routière (« ensemble des biens du
domaine public de l’Etat des départements
et des communes affectés aux besoins de
la circulation terrestre, à l’exception des
voies ferrées »), et deviennent des dépendances par la théorie de l’accessoire. Les
radars, bien que non explicitement retenus
dans la définition du domaine public routier
départemental, sont ainsi affectés – aux
termes des arrêts du 31 octobre 2007 – aux
besoins de la circulation routière, à la protection des usagers et à la constatation des
infractions au Code de la route ; ils participent dès lors à la mission de service public
de la sécurité routière, imposée par le ministère du Développement durable.
En outre, par ces arrêts du 31 octobre 2007,
la Haute Juridiction décide que la collecte
des amendes générées par les radars automatisés fixes n’est point assimilable à l’activité lucrative d’un usager privé occupant le
domaine public.
Certains départements avaient appuyé
leurs délibérations sur les dispositions financières de l’article L. 2125-3 du CGPPP, selon
lesquelles : « La redevance due pour occupation du domaine public doit tenir compte
des avantages de toute nature procurés au
titulaire de l’autorisation » (2) : ces départements considéraient donc que le produit
des amendes constituait un avantage
financier pour l’Etat.
Cependant, cette notion d’« avantage »
n’est pas sans poser des difficultés d’interprétation et de mise en œuvre.
L’arrêt déjà ancien Ministre de l’Economie
et des Finances c/ Scudier (CE, 10 février
1978, req. nº 07652, Rec. p. 66) relève que
« la redevance imposée à un occupant du
domaine public doit être calculée en fonction, non seulement de la valeur locative
d’une propriété privée comparable à la
dépendance du domaine public pour
laquelle la permission est délivrée, mais aussi
de l’avantage spécifique que constitue le
fait d’être autorisé à jouir d’une façon privative d’une partie du domaine public ».
Plus récemment, la cour administrative
d’appel de Bordeaux, le 20 juin 2002, retient
que la redevance imposée à un occupant
du domaine public doit être calculée « en
fonction de la superficie du bien occupée,
de son usage, de sa situation et de la nature
558
de l’activité exercée » (CAA Bordeaux,
20 juin 2002, M. Sourgen, req. nº 98BX01262,
inédit au Recueil Lebon).
Le calcul du montant de la redevance doit
en vérité être fait au cas par cas, en fonction de la situation du permissionnaire. Peutêtre les départements devraient-ils aussi
prendre en considération le nombre de
véhicules transitant sur la voirie concernée,
la durée accordée (cf. : CE, 11 juillet 2007,
Syndicat professionnel Union des aéroports
français, req. nº 290714).
Dans cette affaire des radars automatisés
fixes, la détermination du montant des redevances était très généralement fonction de
la fréquentation autoroutière, mais tenait
compte aussi – officieusement – du montant
des amendes perçu par l’Etat.
Mais dans la décision nº 307861 du
31 octobre 2007, le Conseil d’Etat considère
que le produit des amendes généré par les
systèmes automatiques de contrôle ne
constitue pas un tel avantage. L’appréciation de l’avantage consenti, faite par les
départements, est manifestement erronée.
La Haute Juridiction relève que la collecte
par l’Etat des amendes ne peut être
regardée de cette manière, même si elle
entraîne une économie de gestion par rapport à d’autres dispositifs ou procure une
ressource. De par leur effet dissuasif, le produit des amendes concourt au bon fonctionnement du service public de la sécurité
routière. Le paiement de l’amende à la
suite de la commission d’une infraction aux
règles du Code de la route sert à lutter
contre l’insécurité routière : selon la Haute
Juridiction, il ne s’agit donc pas d’une activité lucrative, comme pourrait l’être celle
d’un usager privé du fait de son activité sur
le domaine.
La solution rendue par le Conseil d’Etat joue
incontestablement en faveur de l’Etat ; elle
s’avère pour le moins opportune pour les
finances publiques. Dans le cas contraire,
en effet, si les redevances domaniales
départementales avaient été admises, la
solution aurait pu être transposée au niveau
communal : un conseil municipal aurait pu
vouloir également récupérer une partie de
la manne financière constituée par les
radars automatisés fixes situés sur son
domaine public routier !
Certes, les départements n’ont pas gagné.
Mais leur action a néanmoins fait bouger les
pouvoirs publics : le ministère de l’Intérieur a
décidé qu’à compter du 1er janvier 2008
trente millions d’euros seraient alloués aux
départements, en fonction de « l’accidentologie propre à chaque département, ainsi
que du poids des charges d’entretien du
réseau routier départemental ». Et par ailleurs, la loi nº 2007-1822 du 24 décembre
2007 (art. 40-V) a modifié l’article L. 2125-1
du CGPPP désormais ainsi rédigé : « toute
occupation ou utilisation du domaine public
d’une personne publique mentionnée à
l’article L. 1 donne lieu au paiement d’une
redevance sauf lorsque l’occupation ou l’utilisation concerne l’installation par l’Etat des
équipements visant à améliorer la sécurité
routière » ; par là même, a été consacrée
l’exception au principe de non-gratuité en
cas d’occupation ou d’utilisation du
domaine public routier.
Domaine public - Bien appartenant au domaine public - Bien
affecté à un service public - Bien
non géré par la personne
publique propriétaire.
CE, 19 décembre 2007,
Commune de Mercy-le-Bas
req. nº 288017
(décision mentionnée
aux tables du Recueil Lebon)
[extraits]
Considérant qu’à la demande de la
commune de Mercy-Le-Bas, le tribunal administratif de Nancy a, en se fondant sur l’appartenance de la parcelle litigieuse au domaine
public de la commune, annulé par un jugement du 18 décembre 2001 les arrêtés du
préfet de Meurthe-et-Moselle des 7 avril et
29 juin 1995 déclarant d’utilité publique au
profit du syndicat intercommunal des eaux de
Piennes la dérivation de la source de la brasserie nº 2 à Mercy-le-Bas et l’établissement
d’un périmètre de protection autour du point
de prélèvement, l’arrêté du 6 avril 2000 portant prorogation de la déclaration d’utilité
publique et l’arrêté de cessibilité du 29 mars
2001, par lequel le syndicat intercommunal
était autorisé à acquérir par voie d’expropriation le terrain nécessaire à la constitution du
périmètre de protection immédiate ; que par
un arrêt en date du 29 septembre 2005, la
cour administrative d’appel de Nancy a
annulé ce jugement et rejeté la demande de
la commune ;
Considérant que le principe d’inaliénabilité
des biens du domaine public, rappelé par
l’article L. 1311-1 du Code général des collectivités territoriales, a pour objet de protéger
l’affectation de ces biens à l’utilité publique
et s’applique alors même que le bien en
cause serait affecté à un service public géré
par une collectivité publique différente de la
collectivité publique qui en est la propriétaire ;
qu’il suit de là qu’en jugeant que le terrain en
cause ne pouvait pas être regardé comme
appartenant au domaine public de la
commune de Mercy-Le-Bas, du fait de son
affectation à un service public géré par une
autre collectivité publique, la Cour a entaché
son arrêt d’une erreur de droit ; que la
commune de Mercy-Le-Bas est fondée pour
ce motif à en demander l’annulation ;
Considérant qu’il y a lieu, en application de
l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;
(2) Cet article rappelle l’article R. 56 du Code du
domaine de l’Etat, selon lequel : « Toute redevance
stipulée au profit du Trésor doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au concessionnaire ».
No 7 - Juillet 2008 -
chronique de jurisprudence administrative
Sur la recevabilité des conclusions de la
commune devant le tribunal administratif :
En ce qui concerne les arrêtés du 7 avril et du
29 juin 1995 :
Considérant qu’aux termes du premier alinéa
de l’article L. 20 du Code de la santé publique
alors applicable : « En vue d’assurer la protection de la qualité des eaux, l’acte portant
déclaration d’utilité publique des travaux de
prélèvement d’eau destinée à l’alimentation
des collectivités humaines détermine autour
du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à
acquérir en pleine propriété, un périmètre de
protection rapprochée à l’intérieur duquel
peuvent être interdits ou réglementés toutes
activités et tous dépôts ou installations de
nature à nuire directement ou indirectement
à la qualité des eaux et, le cas échéant, un
périmètre de protection éloignée à l’intérieur
duquel peuvent être réglementés les activités,
installations et dépôts ci-dessus visés » ; que sur
le fondement de cet article et du Code de
l’expropriation, le préfet de Meurthe-etMoselle a, par un arrêté du 7 avril 1995,
déclaré d’utilité publique la dérivation de la
source de la brasserie nº 2 à Mercy-le-Bas et
l’établissement d’un périmètre de protection
autour du point de prélèvement, en définissant notamment la parcelle AH12 comme
périmètre de protection immédiate ; qu’ainsi
cet arrêté portait à la fois déclaration d’utilité
publique, arrêté de cessibilité et institution de
servitudes ; que par arrêté du 29 juin 1995, il a
uniquement modifié le périmètre de protection rapproché défini par l’arrêté du 7 avril
1995 ;
Considérant que contrairement à ce que soutient le syndicat intercommunal des eaux de
Piennes, la circonstance que la demande de
la commune de Mercy-Le-Bas ait été enregistrée plus de deux mois après la publication de
ces deux arrêtés au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-etMoselle ne peut à elle seule la faire regarder
comme tardive, alors qu’il ne ressort pas des
pièces du dossier que les arrêtés attaqués
aient fait l’objet d’une mesure de publicité
suffisante ;
Mais considérant que, faute d’avoir été
transmis dans un délai de six mois au juge de
l’expropriation, conformément à l’article
R. 12-1 du Code de l’expropriation, l’arrêté du
7 avril 1995 était devenu caduc, en tant qu’il
portait arrêté de cessibilité à la date à
laquelle les conclusions de la commune
contre cet arrêté ont été enregistrées ; que le
syndicat intercommunal des eaux de Piennes
est donc fondé à demander l’annulation du
jugement attaqué en tant qu’il y fait droit ;
dirigées contre cet arrêté, enregistrées au tribunal administratif de Nancy le 25 mai 2001,
étaient tardives et donc irrecevables ;
En ce qui concerne l’arrêté du 29 mars 2001 :
Considérant que l’arrêté de cessibilité du
29 mars 2001 n’est pas, contrairement à ce
que soutient le syndicat intercommunal des
eaux de Piennes, un acte confirmatif de
l’arrêté du 7 avril 1995, mais emporte nouvelle
autorisation, au bénéfice du syndicat intercommunal, en vue d’acquérir par voie
d’expropriation le terrain nécessaire à la
constitution du périmètre de protection immédiate ; que les conclusions présentées par la
commune, enregistrées dans le délai de
recours contentieux, sont donc recevables ;
Sur les autres moyens des appelants :
Considérant que la parcelle litigieuse, objet
de la procédure d’expropriation, appartient
à la commune de Mercy-Le-Bas ; qu’il ressort
des pièces du dossier qu’elle est affectée au
service public de l’eau géré par le syndicat
intercommunal des eaux de Piennes et avait
fait l’objet d’aménagements spéciaux à
cette fin ; que les requérants n’invoquent à
l’appui de leurs appels, outre les moyens examinés plus haut, que le moyen tiré de ce que
la parcelle litigieuse appartiendrait au
domaine privé de la commune ; que, ainsi
qu’il a été dit ci-dessus, l’affectation de la parcelle au service public de l’eau géré par le
syndicat intercommunal ne saurait remettre
en cause son caractère de dépendance du
domaine public de la commune ; qu’elle ne
pouvait ainsi faire l’objet d’une procédure
d’expropriation pour cause d’utilité publique
et que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que le syndicat intercommunal et le ministre
ne sont, dès lors, fondés à demander l’annulation du jugement attaqué qu’en ce qu’il fait
droit à la demande de la commune d’annulation de l’arrêté du 7 avril 1995 en tant qu’il
porte cessibilité de la parcelle litigieuse, et de
l’arrêté du 6 avril 2000. (...)
FONCTION PUBLIQUE
Fonction publique territoriale Rémunération - Indemnités et
avantages divers - Nouvelle bonification indiciaire - Conditions
d’attribution - Attribution aux
agents exerçant à titre principal
des fonctions d’accueil du public Notion d’exercice à titre principal.
CE, 4 juin 2007,
Commune de Carrières-sur-Seine
req. nº 284380
(décision mentionnée
aux tables du Recueil Lebon)
[extraits]
En ce qui concerne l’arrêté du 6 avril 2000 :
Considérant que l’arrêté du 6 avril 2000 proroge
les effets de la déclaration d’utilité publique du
7 avril 1995 ; qu’il ressort des pièces du dossier
qu’il a fait l’objet d’un affichage en mairie du
14 avril au 15 mai 2000 ; que le syndicat requérant est fondé à soutenir que les conclusions
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier
soumis aux juges du fond que, par décision
- No 7 - Juillet 2008
du 1er juillet 1999, le maire de Carrières-surSeine a attribué à Mme A, adjoint administratif, une bonification indiciaire à raison de
ses fonctions d’accueil du public au service
de l’administration générale de la commune ;
que, à la suite de la mutation de l’intéressée
au service scolaire enfance jeunesse, la
commune a cessé de lui verser cette bonification du 1er janvier au 31 août 2004 ; que la
commune de Carrières-sur-Seine se pourvoit
en cassation contre le jugement du 20 juin
2005 du tribunal administratif de Versailles en
tant qu’il a annulé cette décision ;
Considérant qu’aux termes du I de l’article 27
de la loi du 18 janvier 1991 : « La nouvelle
bonification indiciaire des fonctionnaires et
des militaires, instituée à compter du 1er août
1990, est attribuée pour certains emplois
comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées
par décret » ; qu’en vertu de l’article premier
du décret du 24 juillet 1991 pris pour l’application de cette loi, dans sa rédaction issue du
décret du 24 juillet 1997, « la nouvelle bonification indiciaire est versée mensuellement
aux : (...) 18º Adjoints administratifs et agents
administratifs exerçant à titre principal des
fonctions d’accueil du public dans les
communes de plus de 5 000 habitants ou les
établissements publics communaux et intercommunaux en relevant : 10 points » ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions
que le bénéfice de la nouvelle bonification
indiciaire est lié non au corps ou cadre
d’emplois d’appartenance ou au grade des
fonctionnaires, ou encore à leur lieu d’affectation, mais aux seules caractéristiques des
emplois occupés, au regard des responsabilités qu’ils impliquent ou de la technicité qu’ils
requièrent ; qu’ainsi, les dispositions précitées
du décret du 24 juillet 1991, qui ouvrent droit
au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à raison de l’exercice à titre principal
de fonctions d’accueil du public, doivent être
interprétées comme réservant ce droit aux
agents dont l’emploi implique qu’ils consacrent plus de la moitié de leur temps de travail
total à des fonctions d’accueil du public ;
que, pour l’application de cette règle, il
convient de prendre en compte les heures
d’ouverture au public du service, si l’agent y
est affecté dans des fonctions d’accueil du
public, ainsi que, le cas échéant, le temps
passé par l’agent au contact du public en
dehors de ces périodes, notamment à l’occasion de rendez-vous avec les administrés ;
Considérant que, pour juger que Mme A exerçait à titre principal des fonctions d’accueil
du public, le tribunal administratif de Versailles
s’est fondé sur ce qu’il ressortait des pièces du
dossier qui lui était soumis que, si le service
scolaire n’était ouvert au public que treize
heures par semaine, l’intéressée, qui bénéficiait par ailleurs d’une délégation aux fins
d’établir des procurations, recevait également du public, sur rendez-vous, en dehors
des heures normales d’ouverture du service ;
qu’en statuant ainsi sans rechercher si,
comme l’y invitait expressément la commune,
559
chronique de jurisprudence administrative
le temps effectivement passé par Mme A au
contact du public en dehors des heures
d’ouverture du service était suffisant pour faire
regarder l’intéressée comme exerçant des
fonctions d’accueil du public durant la
majeure partie de son temps de travail, le tribunal administratif a commis une erreur de
droit ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que la commune de Carrières-sur-Seine est
fondée à demander, pour ce motif, l’annulation du jugement attaqué en tant qu’il a
statué sur les conclusions de Mme A tendant
à l’annulation de la décision du maire de Carrières-sur-Seine supprimant le versement à
Mme A de la nouvelle bonification indiciaire
au titre de la période du 1er janvier au 31 août
2004. (...)
Note
L’arrêt Commune de Carrières-sur-Seine du
4 juin 2007 concerne l’attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), et permet
de préciser la notion d’exercice à titre principal des fonctions d’accueil du public.
Il convient préalablement de rappeler les
faits de l’espèce, au demeurant fort simples.
Par décision du 1er juillet 1999 du maire de
Carrières-sur-Seine, Mme Sandrine A,
adjoint administratif, s’est vue attribuer une
bonification indiciaire à raison de ses fonctions d’accueil du public au service de
l’administration générale de la commune.
Mais à la suite de la mutation de l’intéressée
au service scolaire enfance jeunesse, la
commune a cessé de lui verser cette bonification du 1er janvier au 31 août 2004.
Mme A a alors saisi le tribunal administratif
de Versailles, qui, par un jugement du 20 juin
2005, a annulé la décision du maire lui supprimant le versement de la NBI entre janvier
et août 2004. C’est contre ce jugement que
s’est pourvue en cassation la commune de
Carrières-sur-Seine.
Rappelons que l’objet de la NBI est de
compléter le traitement du fonctionnaire
lorsqu’il exerce une responsabilité particulière, dans ses fonctions, dans les moyens
qu’il met en œuvre ou dans l’encadrement
qu’il assume, ou lorsque l’agent utilise une
technicité particulière dans l’exercice de
ses fonctions : la NBI est accordée en fonction de la spécificité de l’emploi et la gratifie
de points d’indices supplémentaires, ce qui
permet de prendre en compte ce supplément de rémunération dans le calcul de la
pension de retraite.
Le régime juridique de la NBI est fixé par
l’article 27 de la loi nº 91-73 du 18 janvier
1991 (JO du 20 janvier 1991) ; d’abord
prévue pour les fonctionnaires de l’Etat et
les militaires, la NBI a ensuite été étendue à
la fonction publique territoriale.
Aux termes de l’article 27 de la loi du 18 janvier 1991 : « La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires,
560
instituée à compter du 1er août 1990, est
attribuée pour certains emplois comportant
une responsabilité ou une technicité particulière dans les conditions fixées par
décret. »
En vertu de l’article premier du décret du
24 juillet 1991 pris pour l’application de la loi
précitée, dans sa rédaction issue du décret
du 24 juillet 1997, « la nouvelle bonification
indiciaire est versée mensuellement
aux : (...) 18º Adjoints administratifs et agents
administratifs exerçant à titre principal des
fonctions d’accueil du public dans les
communes de plus de 5 000 habitants ou les
établissements publics communaux et intercommunaux en relevant : 10 points ».
La NBI est donc dépourvue de caractère
statutaire (CE, 2 février 1998, Robert, req.
nº 150690 ; –, 18 septembre 1998, Betka, req.
nº 153564). Comme le rappelle l’arrêt du
4 juin 2007, « le bénéfice de la NBI est lié non
au corps ou cadre d’emplois d’appartenance ou aux grades des fonctionnaires, ou
encore à leur lieu d’affectation, mais aux
seules caractéristiques des emplois
occupés, au regard des responsabilités
qu’ils impliquent ou de la technicité qu’ils
requièrent ».
En particulier, pour bénéficier de la NBI au
titre du 18º de l’article premier du décret du
24 juillet 1991, l’agent doit donc satisfaire
aux deux conditions cumulatives suivantes :
en premier lieu, exercer des fonctions
d’accueil du public ; et en second lieu, les
exercer à titre principal.
La première condition ne pose pas de difficultés, et au demeurant, l’arrêt ne s’y
attarde pas : par « fonctions d’accueil du
public », il faut simplement entendre toutes
fonctions mettant directement l’agent au
contact du public, c’est-à-dire des usagers
du service public.
La seconde est plus délicate et méritait
d’être précisée : et c’est en cela que réside
l’apport du présent arrêt. Aux termes de
celui-ci en effet, cette condition relative à
l’exercice à titre principal implique que les
agents « consacrent plus de la moitié de
leur temps de travail total à des fonctions
d’accueil du public » ; l’arrêt ajoute que,
« pour l’application de cette règle, il
convient de prendre en compte les heures
d’ouverture au public du service, si l’agent
y est affecté dans des fonctions d’accueil
du public, ainsi que, le cas échéant, le
temps passé par l’agent au contact du
public en dehors de ces périodes, notamment à l’occasion de rendez-vous avec les
administrés ».
Ce qui conduit dès lors le Conseil d’Etat à
annuler le jugement du tribunal administratif
de Versailles dans la mesure où celui-ci n’a
pas recherché « si, comme l’y invitait expressément la commune, le temps effectivement passé par Mme A au contact du
public en dehors des heures d’ouverture du
service était suffisant pour faire regarder
l’intéressée comme exerçant des fonctions
d’accueil du public durant la majeure
partie de son temps de travail », c’est-à-dire
pendant plus de 50 % de celui-ci. Pour savoir
si la seconde condition est satisfaite, il faut
donc se livrer à une analyse in concreto de
chaque cas d’espèce.
Observons que le niveau de 50 % fixé par la
Haute Juridiction apparaît raisonnable, et à
l’évidence beaucoup plus que l’exigence
de 80 % du temps de travail proposée par
une réponse ministérielle à une question
d’un parlementaire (réponse du ministre
chargé de la Fonction publique à la question écrite nº 14617 de M. Mercier, JO Sénat,
29 avril 1999, p. 1423) concernant les fonctionnaires exerçant leurs fonctions à titre
principal dans les zones urbaines sensibles
ou dans les services et équipements publics
en relation directe avec le public de ces
zones (cf. le 45º du décret précité du
24 juillet 1991).
Fonction publique - Fonction
publique territoriale - Congé de
longue durée - Concours interne.
CE, 2 juillet 2007, CNFPT c/ Genari-Conti
req. nº 271949
[extraits]
Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la
loi du 13 juillet 1983 : « (...) Aucune distinction,
directe ou indirecte, ne peut être faite entre
les fonctionnaires en raison (...) de leur état de
santé (...). Toutefois des distinctions peuvent
être faites afin de tenir compte d’éventuelles
inaptitudes physiques à exercer certaines
fonctions » ; qu’en vertu de l’article 57 de la
loi du 26 janvier 1984 : « Le fonctionnaire en
activité a droit : (...) 3º A des congés de longue
maladie d’une durée maximale de trois ans
dans les cas où il est constaté que la maladie
met l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer
ses fonctions, rend nécessaires un traitement
et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. (...)
4º A un congé de longue durée, en cas de
tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire
grave et acquis », lequel congé n’est attribué
« qu’à l’issue de la période rémunérée à plein
traitement d’un congé de longue maladie »
et que l’article 28 du décret du 30 juillet 1987
dispose que : « Le bénéficiaire d’un congé de
longue maladie ou de longue durée doit
cesser tout travail rémunéré, sauf les activités
ordonnées et contrôlées médicalement au
titre de la réadaptation. Il est tenu de notifier
ses changements de résidence successifs à
l’autorité territoriale qui, par des enquêtes (...),
s’assure que le titulaire du congé n’exerce
effectivement aucune activité interdite par le
premier alinéa du présent article. Si l’enquête
établit le contraire, elle provoque immédiatement l’interruption du versement de la rémunération. (...) » ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions
que la participation d’un fonctionnaire territorial en congé de longue maladie ou de
No 7 - Juillet 2008 -
chronique de jurisprudence administrative
longue durée aux épreuves d’un examen professionnel d’accès à un cadre d’emplois, auxquelles aucune disposition législative ou réglementaire ne lui interdit de s’inscrire, relève des
droits qu’il tient de sa situation statutaire
d’activité ; qu’elle n’est pas, par ses caractéristiques, assimilable à l’accomplissement
effectif des fonctions qu’il est dans l’impossibilité d’exercer dans le service au sens de
l’article 57 précité et qu’elle ne peut, en
l’absence de contre-indication médicale
relative à ces épreuves, être rangée parmi les
activités incompatibles avec les exigences de
sa situation que le décret précité du 30 juillet
1987 a pour objet de proscrire ; qu’ainsi, c’est
sans erreur de droit que le tribunal administratif de Bordeaux a, par son jugement du
15 avril 2004, annulé la délibération en date
du 29 janvier 2003 par laquelle le jury de
l’examen professionnel d’accès au cadre
d’emplois de chef de service de police municipale, au motif de la situation de congé de
longue durée où se trouvait M. Genari-Conti
lors des épreuves organisées les 11 et 12 septembre 2002 par la délégation Aquitaine du
Centre national de la fonction publique territoriale, a rapporté l’admission qu’il avait prononcée en faveur de ce fonctionnaire le
3 octobre 2002 ; que le pourvoi formé par le
Centre national de la fonction publique territoriale contre le jugement susvisé ne peut dès
lors, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la
fin de non-recevoir opposée par M. GenariConti, qu’être rejeté. (...)
Fonction publique - Fonction
publique territoriale - Congé de
longue durée - Concours interne.
CE, 30 novembre 2007, M. Genari-Conti
req. nº 280401
[extraits]
Sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre
moyen de la requête ;
Considérant qu’aux termes de l’article 26 du
décret du 20 janvier 2000 portant statut particulier du cadre d’emplois des chefs de service de police municipale : « Sont intégrés
dans le cadre d’emplois des chefs de service
de police municipale, après avoir satisfait
aux épreuves d’un examen professionnel :
1º Les chefs de police municipale en fonctions à la date de publication du présent
décret (...) » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier
soumis aux juges du fond que M. GenariConti, chef de police municipale de la
commune de Saint-Tropez depuis le 1er juillet
1996, a bénéficié à compter du 2 juillet 2001
d’un congé de longue maladie, ultérieurement transformé en congé de longue durée ;
qu’ayant subi, les 11 et 12 septembre 2002,
l’examen professionnel prévu par les dispositions précitées, organisé par la délégation
régionale Aquitaine du Centre national de la
fonction publique territoriale, il a été déclaré
admis par le jury le 3 octobre 2002 ; que par
une décision du 6 novembre 2002, le maire de
Saint-Tropez a néanmoins refusé de l’intégrer
dans le cadre d’emplois des chefs de service
de police municipale au motif qu’étant en
congé de longue durée il ne pouvait être
admis à subir les épreuves d’un examen professionnel ; que pour rejeter, par le jugement
attaqué, le recours de l’intéressé contre cette
décision, le tribunal administratif de Nice a
estimé que le maire avait pu légalement se
fonder sur un tel motif ;
Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la
loi du 13 juillet 1983 : « (...) Aucune distinction,
directe ou indirecte, ne peut être faite entre
les fonctionnaires en raison (...)de leur état de
santé (...). Toutefois des distinctions peuvent
être faites afin de tenir compte d’éventuelles
inaptitudes physiques à exercer certaines
fonctions » ; qu’en vertu de l’article 57 de la
loi du 26 janvier 1984 « Le fonctionnaire en
activité a droit : « (....) 3º A des congés de
longue maladie d’une durée maximale de
trois ans dans les cas où il est constaté que la
maladie met l’intéressé dans l’impossibilité
d’exercer ses fonctions, rend nécessaires un
traitement et des soins prolongés et présente
un caractère invalidant et de gravité
confirmée. (...) 4º A un congé de longue
durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou
déficit immunitaire grave et acquis », lequel
congé n’est attribué « qu’à l’issue de la
période rémunérée à plein traitement d’un
congé de longue maladie » et que l’article 28
du décret du 30 juillet 1987 dispose que : « Le
bénéficiaire d’un congé de longue maladie
ou de longue durée doit cesser tout travail
rémunéré, sauf les activités ordonnées et
contrôlées médicalement au titre de la
réadaptation. Il est tenu de notifier ses changements de résidence successifs à l’autorité
territoriale qui, par des enquêtes (...), s’assure
que le titulaire du congé n’exerce effectivement aucune activité interdite par le premier
alinéa du présent article. Si l’enquête établit
le contraire, elle provoque immédiatement
l’interruption du versement de la rémunération (...) » ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions
que la participation d’un fonctionnaire territorial en congé de longue maladie ou de
longue durée aux épreuves d’un examen professionnel d’accès à un cadre d’emplois, auxquelles aucune disposition législative ou réglementaire ne lui interdit de s’inscrire, relève des
droits qu’il tient de sa situation statutaire
d’activité ; qu’elle n’est pas, par ses caractéristiques, assimilable à l’accomplissement
effectif des fonctions qu’il est dans l’impossibilité d’exercer dans le service au sens de
l’article 57 précité et qu’elle ne peut, en
l’absence de contre-indication médicale
relative à ces épreuves, être rangée parmi les
activités incompatibles avec les exigences de
sa situation que le décret précité du 30 juillet
1987 a pour objet de proscrire ; qu’ainsi,
M. Genari-Conti est fondé à soutenir que le
tribunal administratif de Nice a commis une
erreur de droit et à demander, pour ce motif,
l’annulation du jugement ;
- No 7 - Juillet 2008
Considérant qu’il y a lieu de régler l’affaire au
fond par application de l’article L. 821-2 du
Code de justice administrative ;
Sur la demande d’annulation de la décision
du 6 novembre 2002, sans qu’il soit besoin
d’examiner les autres moyens invoqués par
M. A :
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que le maire de Saint-Tropez n’a pu légalement se fonder, pour refuser l’intégration de
M. Genari-Conti dans le cadre d’emploi des
chefs de service de police municipale, sur
la circonstance que l’intéressé bénéficiait
d’un congé de longue maladie, ultérieurement transformé en congé de longue
durée, à la date à laquelle il avait présenté
les épreuves de l’examen professionnel ;
que la décision du 6 novembre 2002 est par
suite entachée d’excès de pouvoir et doit
être annulée ;
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1
du Code de justice administrative : « Lorsque
sa décision implique nécessairement qu’une
personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un
service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction,
saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par
la même décision, cette mesure assortie, le
cas échéant, d’un délai d’exécution » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 29 du
décret susvisé du 20 janvier 2000 : « Les chefs
de police municipale mentionnés au 1º de
l’article 26 sont intégrés au grade de chef de
service de police municipale de classe normale dans les conditions suivantes... » ; que
l’article 31 du même décret prévoit que
« l’intégration des fonctionnaires mentionnés
aux articles 28 à 30 dans le cadre d’emplois
des chefs de service de police municipale est
prononcée par arrêté de l’autorité territoriale
dont ils relèvent. / Cette intégration prend
effet à la date de publication du présent
décret » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier
que M. Genari-Conti était en fonctions en
qualité de chef de police municipale le
21 janvier 2000, date de publication au
Journal officiel du décret susmentionné du
20 janvier 2000, et qu’à la date de la décision
annulée par la présente décision il avait satisfait aux épreuves de l’examen professionnel
prévu par l’article 26 dudit décret ; qu’ainsi le
maire était tenu de prononcer son intégration
dans le cadre d’emploi des chefs de service
de police municipale ; qu’il y a lieu, dès lors,
d’enjoindre au maire de Saint-Tropez de prononcer cette intégration à compter du 21 janvier 2000, date de la publication du Journal
officiel du décret du 20 janvier 2000, et de
reconstituer en conséquence la carrière de
l’intéressé ; que cette mesure devra intervenir
au plus tard trois mois après la notification de
la présente décision à la commune de SaintTropez. (...)
561
chronique de jurisprudence administrative
Note
Ces deux arrêts du Conseil d’Etat en date
respectivement du 2 juillet 2007 (req.
nº 271949) et du 30 novembre 2007 (req.
nº 280401), dont le second est la suite
logique du premier dont il reprend l’apport
jurisprudentiel essentiel, et qui concernent
un agent territorial en congé de longue
durée ayant passé avec succès un examen
professionnel, consacrent un revirement de
jurisprudence en matière de droit à se présenter à un concours interne pour un agent
placé en congé de longue maladie ou de
longue durée.
Pour une meilleure compréhension du problème, il convient de rappeler brièvement
les faits de l’espèce.
En application de la loi nº 99-921 du 15 avril
1999 relative aux polices municipales, le
décret nº 2000-43 du 20 janvier 2000 a créé
un nouveau cadre d’emplois de catégorie
B, celui de chef de service de police municipale. Comme c’est souvent le cas à
l’occasion de la création d’un nouveau
cadre d’emplois, a alors été prévue – en
dehors des procédures classiques d’accession (concours externe, interne, examen
professionnel) – une procédure de transition, plus favorable, permettant – sous certaines conditions – à des agents d’intégrer
directement le nouveau cadre d’emplois ;
le statut particulier des chefs de service de
police municipale n’a pas dérogé à cette
facilité : ont pu ainsi intégrer ce cadre
d’emplois, après réussite à un examen professionnel, les chefs de police municipale en
fonctions à la date de publication du
décret précité.
M. Pierre Génari-Conti, chef de la police
municipale de la commune de Saint-Tropez
depuis le 1er juillet 1996, a effectivement
passé les épreuves de l’examen professionnel organisées les 11 et 12 septembre
2002 par la délégation Aquitaine du Centre
national de la fonction publique territoriale
(CNFPT) ; il a été déclaré reçu le 3 octobre
2002 par le jury d’examen. Cependant, par
une décision du 6 novembre 2002, le maire
de Saint-Tropez a refusé de l’intégrer dans
le cadre d’emplois des chefs de service de
police municipale au motif qu’étant en
congé de longue durée, il n’aurait pas dû
être admis à passer l’examen professionnel ;
et par une délibération en date du 29 janvier 2003, le jury de l’examen professionnel
a lui-même rapporté l’admission qu’il avait
prononcée en faveur de ce fonctionnaire
le 3 octobre 2002.
L’affaire a alors été portée sur le plan
contentieux. M. Génari-Conti a, d’une part,
enclenché un recours en annulation de la
décision du jury d’admission en date du
29 janvier 2003 : le tribunal administratif de
Bordeaux a fait droit à sa demande par un
jugement du 15 avril 2004, contre lequel
562
s’est pourvu en cassation le CNFPT ; ce
pourvoi a donc été rejeté par l’arrêt du
Conseil d’Etat du 2 juillet 2007. Mais d’autre
part, M. Génari-Conti a aussi demandé
l’annulation de la décision du maire de
Saint-Tropez en date du 6 novembre 2002
au tribunal administratif de Nice, lequel a
quant à lui considéré par un jugement en
date du 28 janvier 2005 que le maire avait
pu légalement se fonder sur le motif
allégué ; M. Génari-Conti s’étant pourvu en
cassation contre ce jugement, le Conseil
d’Etat, dans son arrêt du 30 novembre 2007,
a bien évidemment repris sa motivation de
l’arrêt du 2 juillet 2007 et annulé le jugement
attaqué, confirmant ainsi le revirement de
jurisprudence opéré par l’arrêt du 2 juillet
2007.
Lorsqu’un agent n’est plus en état d’exercer
ses fonctions, il peut être mis en congé de
longue maladie ou de longue durée. Il reste
néanmoins en positon d’activité. Peut-il dès
lors bénéficier des dispositions relatives à
l’avancement de carrière, et en particulier
passer un examen professionnel afin
d’accéder à un nouveau grade ?
Tel était bien en l’espèce le fond du problème posé. Dans l’affaire ayant donné lieu
aux deux arrêts analysés, l’agent concerné
avait en effet d’abord bénéficié d’un
congé de longue maladie à compter du
2 juillet 2001, étant rappelé que ce type de
congé est attribué pour une durée maximale de trois ans lorsqu’il est constaté que
« la maladie met l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés
et qu’elle présente un caractère invalidant
et de gravité confirmée » (loi nº 84-53 du
26 janvier 1984, art. 57, al. 3) ; puis il avait été
placé en congé de longue durée, lequel est
prononcé pour une durée maximale de
cinq ans en cas de « tuberculose, maladie
mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis »
(loi nº 84-53 du 26 janvier 1984, art. 57, 4º). Il
a néanmoins passé – et avec succès – les
épreuves de l’examen professionnel permettant d’accéder à l’emploi de chef de
service de police municipale.
Jusqu’à l’arrêt du 2 juillet 2007, cette faculté
était refusée aux agents en congé de
longue maladie ou de longue durée. Par un
arrêt Morel (CE, 4 juillet 1973, Rec. p. 466),
le Conseil d’Etat avait en effet jugé que « si
les fonctionnaires placés en congé de
longue durée sur le fondement de
l’article 36-3º de l’ordonnance du 4 février
1959 demeurent en position d’activité et
conservent notamment leurs droits à un traitement et à l’avancement, il ressort des dispositions du titre V du décret du 14 février
1959 applicable à ces agents qu’ils ne peuvent reprendre leur emploi à l’expiration ou
au cours de leur congé que s’ils sont
reconnus aptes à ce faire après examen
par un spécialiste agréé et avis favorable
du comité médical compétent ; qu’ils sont
au surplus tenus de cesser toute activité
rémunérée ; que de telles dispositions sont
incompatibles avec l’exercice effectif
d’une activité du service et notamment
avec le passage d’un concours ou d’un
examen administratif ». En d’autres termes,
selon l’arrêt Morel, un congé de longue
maladie ou de longue durée est incompatible avec toute activité de service ainsi
qu’avec le passage d’un concours ou d’un
examen administratif assimilé ainsi à une
activité de service.
Mais les choses ont évolué : en particulier,
l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983, qui –
initialement – interdisait les discriminations
entre les fonctionnaires en raison de leurs
opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur sexe ou de leur
appartenance ethnique, a été complété,
par la loi nº 90-602 du 12 juillet 1990 interdisant les discriminations en raison du handicap, puis par la loi nº 2001-1066 du
16 novembre 2001 interdisant les discriminations fondées sur l’état de santé.
De sorte qu’il apparaît en somme que l’arrêt
du 2 juillet 2007 a pris en compte cette évolution, étant au demeurant observé que la
nouvelle position du Conseil d’Etat est avant
tout justifiée par les droits dont bénéficie le
fonctionnaire en congé de longue maladie
ou de longue durée et attachés à sa situation statutaire d’activité, puisque, quel que
soit le type de congé dans lequel se trouve
placé un agent, il perçoit son traitement,
même si au bout d’une période il ne reçoit
plus qu’un demi-traitement (un an pour le
congé de longue maladie, trois ans pour le
congé de longue durée) et qu’il bénéficie
de l’intégralité du supplément familial et de
l’indemnité de résidence. Selon l’arrêt du
2 juillet 2007 en effet : « la participation d’un
fonctionnaire territorial en congé de longue
maladie ou de longue durée aux épreuves
d’un examen professionnel d’accès à un
cadre d’emplois, auxquelles aucune disposition législative ou réglementaire ne lui
interdit de s’inscrire, relève des droits qu’il
tient de sa situation statutaire d’activité » ;
et en outre, revirement par rapport à l’arrêt
Morel précité, « elle n’est pas, par ses caractéristiques, assimilable à l’accomplissement
effectif des fonctions qu’il est dans l’impossibilité d’exercer dans le service au sens de
l’article 57 » (du décret du 30 juillet 1987),
dans la mesure où « elle ne peut, en
l’absence de contre-indication médicale
relative à ces épreuves, être rangée parmi
les activités incompatibles avec les exigences de sa situation que le décret précité
du 30 juillet 1987 a pour objet de proscrire ».
Dès lors, le Conseil d’Etat ne pouvait
qu’annuler la décision du jury d’admission
en date du 29 janvier 2003 et celle du maire
de Saint-Tropez du 6 novembre 2002, et
enjoindre celui-ci de prononcer l’intégration de M. Génari-Conti dans le cadre
d’emploi des chefs de service de police
municipale.
No 7 - Juillet 2008 -