note d`analyse

Transcription

note d`analyse
NOTE D’
ANALYSE
15/05/2008
PARAGUAY : FERNANDO LUGO,
DU BON PASTEUR AU CAUDILLO POPULISTE ?
Par le Général (CR) Jean-Paul HUSTE
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INTRODUCTION
Les élections générales du 20 avril dernier mériteront sans doute le qualificatif
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apremière fois depuis
60 ans que le président ne sera pas issu des rangs du parti Colorado.
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masquer les défis qui ne manqueront pas de naître des résultats des élections législatives
concomitantes.
Comme pour « Evo », son homologue bolivien, la route sera rude sous les pieds
du bon pasteur qui compte prendre ses fonctions en sandales. Peut-être à son
tour sera-t-il tenté comme lui, et comme le vénézuélien Hugo Chávez, par la
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dans le XXIe siècle après avoir été gouverné sans interruption depuis 1947 par le même parti,
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sa Constitution le principe de la division des pouvoirs.
- Retour sur les traces des Colorados
Une telle continuité mérite un bref rappel de ce passé pour mieux appréhender
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1Rejoignant
ainsi au chapitre des records les 71 ans au pouvoir du Parti Révolutionnaire Institutionnel
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en 1962. Néanmoins, ce parti à
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e«invita » en 1954 le président Federico Chavez à
céder son fauteuil au général Stroessner pour achever son mandat. Celui-ci terminé, le
général Stroessner fut successivement réélu à compter de 1958 pour 7 autres mandats de 5
ans avec à chaque fois des scores voisins de 90%.
Il fut renversé en 1989 parl
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s«grands subordonnés » à la tête des armées, le général
Andrés Rodriguez Pedotti. Celui-ci légalisa tous les partis politiques2 et convoqua des
élections générales qui le portèrent à la présidence comme candidat du parti Colorado.
A la surprise de beaucoup, le nouveau président abandonna les mesures politiques
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à son environnement régional par la co-fondation en 1991 du Mercosur. Il termina son
mandat en 1993, évitant de peu une traduction en justice pour connivence avec les milieux de
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Dès lors, depuis les années ’
90, le Paraguay a connu une succession de
présidents civils tous issus du parti Colorado mais aussi des moments de fortes
tensions politiques directement liées aux rivalités internes au parti.
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présidentiel terminé, M. Wasmosy fut condamné à 4 ans de prison pour détournements de
fonds publics.
Le parti désigna alors comme candidat M. Raul Cubas Grau (par ailleurs allié de Lino Oviedo)
qui, néanmoins, duta
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empeachement pour détournements
de fonds bancaires et utilisation abusive de fonds de la présidence grâce aux bons offices de
M. Nicanor Duarte Frutos qui sut « contrôler » les sénateurs Colorados depuis sa position à
la direction du parti.
M. Nicanor Duarte Frutos accéda aux fonctions présidentielles en 2003 mais avec un soutien
populaire bien moins marqué à sa candidature personnelle que pour ses prédécesseurs.
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(75,9%).
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communiste qui, par ailleurs, avait durement souffert sous la dictature du
général Stroessner et vu ses secrétaires généraux successifs éliminés physiquement.
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Les résultats aux législatives concomitantes3 enregistrèrent le même sérieux fléchissement
pour le Parti Colorado. Pour la première fois depuis le renversement du général Stroessner,
les Colorados n’
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dans les deux chambres : 37 députés sur 80 et 16 sénateurs sur 45.
Cette situation devait se révéler très problématique pour le président tout au long de son
mandat.
Les élections de 2003 (65% de participation) avaient donc donné le premier
signal de lassitude générale des Paraguayens vis-à-vis du Parti Colorado.
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libéraux mais aussi concurrents, durent se partager, en vain, 45% des suffrages.
- La présidence Nicanor Duarte Frutos
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Néanmoins, il est certain que les initiatives du président cherchant en cours de mandat à lui
autoriser le cumul de ses fonctions avec celles de président du parti ou bien visant à modifier
la Constitution pour permettre sa réélection, ont été interprétées comme des tentatives de
retour à la dictature et au régime du parti unique.
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que vaille, ces 5 dernières années ont permis à la démocratie de se consolider au Paraguay.
Par ailleurs, le gouvernement a mis en place des stratégies et des plans cohérents de façon à
organiser et à conduire ses actions dans les domaines essentiels de la lutte contre la pauvreté
(ENREPD) et de la croissance économique (Paraguay 2011)5.
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Paraguay, les électeurs sont appelés à voter tous les 5 ans pour choisir le binôme président-viceprésident, leurs députés, leurs sénateurs et leurs représentants au parlement du Mercosur.
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amélioration de la compétitivité, diversification économique, production agricole et réduction de la
pauvreté.
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rigoureuse des finances publiques et des réformes structurelles touchant à la banque et à la
fonction publiques.
Enfin, le mandat de M. Duarte aura permis au pays de retrouver une stabilité macroéconomique qui avait été fortement ébranlée durant celui de son prédécesseur en raison des
crises traversées par ses deux grands partenaires du Mercosur sur la période 1999-2001.
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accord de précaution de 65 M. de droits de tirage spéciaux (DTS) a été signé avec le Fonds.
Les indicateurs sont globalement satisfaisants avec une évolution du PIB qui est redevenue
positive à compter de 2003, soutenue par la hausse des prix agricoles mais aussi par la
croissance industrielle et celle des services6.
Cependant, le panorama des problèmes récurrents et des fragilités est
indiscutablement très large.
Il serait vain de vouloir en dresser un bilan exhaustif mais les plus graves ont
été largement abordés durant les débats de la campagne électorale.
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déficiences des équipements et des infrastructures de transports ou encore au faible niveau
des investissements privés, en raison de la défiance générée par le manque de protection
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- du solde budgétaire/PIB : 0,8% en 2005, 2,3% en 2006 ;
- de la dette extérieure/PIB : 29,6% en 2005, 24% en 2006.
7 A ce propos, le Parti Colorado se sera encore particulièrement distingué au cours de la campagne
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Le Paraguay enregistre en effet une croissance démographique régulière annuelle de 2%, soit
le double de la croissance moyenne des pays du Cône Sud, tandis que le PIB par habitant
stagne au-dessous de 2000 $ américains et que le taux de chômage (officiel) se maintient à
plus de 10% depuis 2002aus
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Parmi les plus défavorisés se rangent les populations indiennes essentiellement versées dans
les activités agricoles mais dont la moitié ne possèdent pas les titres de propriété des
parcelles sur lesquelles elles subsistent. Vivant dans des conditions de grande précarité, la
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A ce sujet, malgré le triplement des dépenses sociales depuis la fin de la dictature, le
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accès à la mer, souffrant de nombreuses et importantes asymétries aux plans économique et
social par rapport à ses voisins, le Paraguay a du mal à tirer son épingle du jeu dans ce
marché commun régional. Etj
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du credo pro-Mercosur des derniers gouvernements malgré le coup de pouce
donné à la production interne exportable.
Ainsi, dans le contexte de la campagne électorale, ce sont les ressources générées par les
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profite essentiellement à Sao Paulo.
 La campagne électorale, les programmes
Tandis que « la droite » a repris ses sentiers de la guerre habituels, la campagne
électorale a enregistré une prise en compte par « la gauche » des enseignements
dupasséens’
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Les programmes de la première faisaient hésiter entre le déjà entendu et le
manque de crédibilité qui y est attaché. Ceux de la seconde ont attisé le
nationalisme et opposé riches contre pauvres dans un langage populiste
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un«juste équilibre ».
Les deux tendances se sont partagées les mauvaises manières, les Colorados
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multipliés par 7 depuis la chute de la dictature mais les universités ne répondent pas aux besoins en
formations scientifiques et techniques.
10 Le Brésil verse au Paraguay 2,72 $ par mégawatt/heure quand, sur son marché intérieur, il est
facturé 72 $.
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les candidats « du pouvoir »commeresponsabl
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Le Parti Colorado a offert aux Paraguayens le spectacle de féroces luttes intestines dont il est
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Mme Ovelar par le président Nicanor Duarte Frutos a contribué à attiser les tensions entre
Colorados.
Quinze jours avant les élections, les plaies demeuraient ouvertes, comme le montraient les
déclarations d’
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représentation du parti au congrès comporterait « au moins » deux ailes.
Blanca Ovelar a mené une campagne sur un programme sans grand relief fait de promesses
de prospérité répartie, de lutte contre la misère, de révision des « traités énergétiques » et de
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La campagne de Lino Oviedo s
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Fernando Lugo finit en effet par prononcer en 2007 son propre choix entre plusieurs
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catalogués à « gauche » (comme le Parti communiste ), se rangent deux partis du « centre »
et le Parti Libéral Radical Authentique (PLRA) classé à « droite » mais rival historique du
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compte les intérêts nationaux avant toute décision.
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 construire un Etat au service du bien commun des citoyens,
 impulser le développement économique avec la participation de la société civile, de
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 défendre les intérêts nationaux et les droits fondamentaux de tous les Paraguayens.
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 respect et expansion des droits sociaux,
 modernisation du secteur public,
 présence internationale et souveraineté énergétique.
Sur ce fond de tableau académique, la campagne menée par Fernando Lugo et
son succès ont en fait reposé sur trois discours étroitement liés :
 un discours aux accents populistes mettant en avant une polarisation simpliste de la
société qui veut distinguer les nantis t
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veut le donner,
 une dénonciation tous azimuts du système visant à rassembler tous les exclus et
aigris,
 une exaltation du nationalisme dénonçant la superbe de ses deux grands voisins et
leurs atteintes à la souveraineté du pays.
 A propos du futur président Lugo
M. Fernando Armindo Lugo Méndez est né en mai 1951 au sei
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modeste, mais « engagée en politique », dans une petite localité du département
de Itapúa, située à quelque 400 kilomètres au sud de la capitale.
En 1970, âgé de 19 ans et après une première année de vie active comme
instituteur, il intégra comme novice la congrégation des Missionnaires de la
Parole Divine.
Cet engagement dans la vie religieuse durera près de 28 ans. Le Vatican nel
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toujours évêque, en dépit de la demande déposée en 2006 par M. Lugo pour être
dégagé de toute fonction ecclésiastique pour se consacrer à la course à la
présidence. Mais sonengagementdansl
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ces deux dernières années.
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Son retour dans des responsabilités de contact avec les réalités sociales de son pays se fit en
1992 au moment où il fut nommé supérieur provincial des Missionnaires de la Parole Divine.
Ordonné évêque en 1994, i
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les mouvements revendicatifs des paysans sans terre de son diocèse. Parallèlement, son
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mouvements clairement voués à renverser le pouvoir des Colorados.
Ainsi, en mars 2006, Monseigneur Lugo - qui avait été nommé en 2004 évêque émérite par le
Pape Jean Paul II - se retrouva animateur de la Résistance Citoyenne, mouvement qui réunit
dans des manifestations de rejet du président Duarte Frutos et des Colorados, la majorité des
partis de l’
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annonça son intention de se lancer dans la campagne présidentielle.
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Patriotique pour le Changement, formée sur la base politique et intersyndicale fournie par la
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Populaire (BSP) puis rejointe par le Parti Libéral Radical Authentique (PLRA).
Des perspectives très problématiques
Pour Fernando Lugo et pour le Paraguay, les lendemains de ces élections
paraissent très incertains.
Bien des données de la scène intérieure et des relations extérieures peuvent
faire craindre une évolution comparable à celle que connaissent les pays de la
région dont le vote populaire a porté au pouvoir des tenants du « socialisme du
XXIe siècle ».
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l est vrai que M.Lugo ne s’
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tandis que loin derrière, M. Fadul confirmait les derniers sondages avec 2,2%.
En revanche, les résultats de législatives doivent inviter M. Lugo et ses
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Ainsi, sur les 45 fauteuils du Sénat, 14 reviendraient au PLRA et 2 aux partis de gauche,
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ANR,9aux«Oviédistes » et 4 aux « Fadulistes ».
A la Chambre, les perspectives sont identiques avec 29 sièges sur 80 au PLRA et 2 ou 3 à la
gauche face à 30 Colorados, 15 « Oviédistes » et 4 « Fadulistes ».
- La scène intérieure
Au premier rang des fragilités du nouvelexécut
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nouveau président - comme de son vice-président - en matière de conduite des affaires
publiques, inexpérience alliée à une connaissance très imparfaite et partisane des grands
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un même parti et par une administration affiliée.
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doctrinaires que de véritables spécialistes pour prendre en compte les portefeuilles les plus
lourds.
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élaborée que dans les discours de campagne des diverses politiques. Sans oublier les
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A ce propos, le PLRA qui, seul, mé
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du législatif, sera probablement source de tiraillements tant au plan des responsabilités
gouvernementales que des orientations politiques.
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largement associées aux errements du pouvoir politique sur la scène intérieure durant ces
dernières décennies.
Sur un autre registre, le président Lugo devra assumer les promesses et
engagements contractés au fil de ses années de militance auprès de ceux qui ont
constitué la majorité de son électorat : les pauvres.
Il a toutes les chances de voir ses premières initiatives rattrapées par les attentes de ses
fidèles.
Or, certains de ces « engagements » peuvent rapidement se révéler périlleux. Parmi ceux-ci,
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Si le président doit se garder sur son flanc gauche, il lui faudra aussi et surtout
se garder sur son flanc droit. Forts de leur emprise traditionnelle et des positions
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Dans un tel contexte politique, M. Lugo, comme ses homologues bolivien,
équatorien ou vénézuélien et en dépit de son passé de bon pasteur, pourrait
bien se trouver entraîné vers un leadership de caudillo populiste en recourant
comme eux à l
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un soutien populaire personnel par voie de
référendums.
Bien entendu, cette fragilité de nature politique se trouve accentuée par le
manque quasi complet de souplesse dont dispose le président Lugo au plan
économique.
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De son coté, le patronat a, dès le mois de mars, fait éta
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quasiment inexistante dans les conditions actuelles et, a priori, le coup de force
se révèlerait suicidaire.
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autres membres du marché commun,
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le recours aux importations de biens et aux exportations de ses productions agricoles
dans le cadre des échanges régionaux.
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alternatives réelles dans les court et moyen termes11.
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Qui plus est, les chaleureuses félicitations envoyées à Fernando Lugo par ses (futurs)
homologues bolivien, vénézuélien, équatorien, nicaraguayen et cubain doivent pour le moins
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estrades de la campagne électorale, le nouveau président va être pris à contrepied sur deux de ses discours : le discours nationaliste (surtout anti-brésilien) et
le discours populiste.
De plus, on peut compter sur les Colorados et sur les fidèles de Lino Oviedo
pour bientôt contre-attaquer sur le terrain de la corruption des personnes et du
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Copyright © ESISC 2008
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