Investir dans l`emploi des jeunes au Maroc pour faire face au
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Investir dans l`emploi des jeunes au Maroc pour faire face au
Policy Brief Employment Royaume du Maroc Ministère de l’Emploi et des Affaires 4ociales International Labour Office Note synthétique de politique Investir dans l’emploi des jeunes au Maroc pour faire face au chômage et à la précarité Août 2014 Cette note présente une analyse de la situation de l’emploi des jeunes au Maroc. Elle identifie les contraintes et les obstacles que rencontrent les jeunes et font qu’ils sont les plus vulnérables face au chômage et à la précarité du travail. La note décrit ensuite les dispositifs et programmes mis en place par le Gouvernement en faveur des jeunes en mettant l’accent sur la nécessité d’améliorer leur impact. Enfin, sur la base des résolutions de la Conférence Internationale du Travail du BIT 2012 « La crise de l’emploi des jeunes : Appel à l’action», cette note fournit des pistes pour renforcer l’impact des politiques en faveur de l’emploi productif et décent des jeunes. Ces recommandations préconisent notamment que la future Stratégie Nationale de l’Emploi tienne compte de la double vulnérabilité des jeunes sur le marché du travail, à savoir : (i) le chômage, notamment de primo-insertion et de longue durée, (ii) la précarité dans l’emploi, qui touche en particulier les jeunes non diplômés, surtout en milieu rural et dans l’économie informelle. Marché du travail : un défi pour les jeunes toujours en mal d’emploi Au Maroc, comme dans d’autres pays de la région, le chômage et le sous-emploi persistants des jeunes ont un coût social et économique élevé et menacent le tissu social. Ainsi, les jeunes sont les plus exposés au chômage, en particulier les jeunes diplômés en phase d’insertion sur le marché du travail et en milieu urbain. Les jeunes sont aussi les plus touchés par la précarité du travail, surtout les moins qualifiés d’entre eux qui exercent dans l’économie informelle et en milieu rural, en particulier les jeunes femmes et les jeunes non diplômés. Les jeunes (15 à 24 ans) participent de moins en moins au marché du travail, certains prolongent la durée de scolarité et d’autres se retirent du marché du travail face aux difficultés croissantes d’insertion ; ce qui accroit le taux de dépendance. Au Maroc, la vulnérabilité des jeunes primo-demandeurs et des chômeurs de longue durée est forte. Il y a une dévalorisation du capital humain et une exposition au risque d’exclusion du marché du travail, surtout pour les jeunes diplômés. Les jeunes femmes en particulier ont un taux de participation très faible. La situation des jeunes au Maroc en chiffres (2013) Un tiers des jeunes participent au marché du travail (près d’un quart en milieu urbain). La part des jeunes dans l’emploi diminue : 15 % des travailleurs sont des jeunes (25% en 2000). Les jeunes sont plus exposés au chômage : 19% des 15-24 ans et 13% des 25-34 ans sont au chômage (contre 9,2% des actifs de 15 ans et plus en 2013). La situation des jeunes relativement aux adultes s’aggrave : le décalage entre le taux de chômage des jeunes et celui des adultes se creuse. Le chômage touche davantage les diplômés : 18,8% des diplômés du supérieur sont au chômage (4,5% chez les actifs non diplômés) car les créations d’emploi dans le secteur public ont fortement baissé et les diplômes d’enseignement général ne correspondent pas aux besoins des entreprises privées. Plus d’un chômeur sur deux est primo-demandeur d’emploi : les nouveaux arrivés sur le marché du travail affrontent des difficultés non plus transitoires, mais de durée indéterminée. Le chômage des jeunes est dominé par le chômage de longue durée : les deux tiers des jeunes chômeurs sont au chômage depuis un an ou plus. La majorité des jeunes occupent des emplois non rémunérés : près de 68% des jeunes de moins de 25 ans actifs exercent des activités non rémunérées et non couvertes par la législation du travail en milieu rural. La majorité des jeunes travaillent sans contrat : les jeunes et surtout les non diplômés sont plus touchés par la précarité de l’emploi : seulement 11% des jeunes travailleurs de moins de 25 ans ont un contrat de travail écrit et 14,5% des non diplômés (contre 79,8% chez les diplômés de l’enseignement supérieur) (2012). Le désir de changer d’emploi est important parmi les jeunes : le désir de changer d’emploi, qui reflète une insatisfaction par rapport à l’emploi exercé, est exprimé par 17% des actifs occupés, mais cette proportion est deux fois plus importante chez les jeunes de 25 à 34 ans et concerne 62% des non diplômés. Source : HCP 2012, 2013 Pourquoi les jeunes sont plus touchés par le chômage et la précarité ? Il y a un manque d’opportunités d’emplois décents : la création d’emplois publics diminue et la capacité d’absorption du secteur privé est faible ; de plus les jeunes diplômés sont peu attirés par le secteur privé par rapport au secteur public. Ce dernier offre une carrière plus attrayante en raison, notamment de la stabilité, de la couverture sociale ainsi que des garanties statutaires et disciplinaires. La non scolarisation et la déscolarisation précoce au premier cycle fondamental entraîne une forte proportion d’actifs analphabètes ou très faiblement instruits dont les perspectives professionnelles se limitent au secteur informel. Les jeunes sont plus nombreux à occuper des emplois précaires, notamment dans l’économie informelle : une relation de cause à effet claire a été identifiée entre le travail dans l’économie informelle, le décrochage scolaire et le manque de compétences demandées par les entreprises formelles. La primauté donnée à l’enseignement général au détriment de l’enseignement professionnel : l’enseignement technique et professionnel est peu répandu et commence autour de l’âge adulte le plus souvent. Les jeunes ne disposent souvent pas de qualifications requises : - un dysfonctionnement du système d’éducation et de formation Un niveau général d’éducation faible : 60% des actifs n’ont aucun diplôme, 27% des actifs ont un diplôme de niveau moyen et 13% des actifs ont un diplôme de niveau supérieur. L’enseignement privé se développe mais s’accompagne de fortes inégalités sociales. Les inégalités entre les jeunes sont fortes : les jeunes vulnérables habitent des zones sous équipées, notamment en milieu rural. - une faible interaction entre le système d’éducation et le système productif. Les dispositifs d’appui à l’emploi des jeunes : un impact réel mais limité Le faible nombre d’emplois créés dans le secteur public fait que l’emploi dans le secteur privé devient prioritaire pour les politiques publiques. La politique volontariste de l’Etat marocain a appuyé la transition de l’école vers l’emploi, surtout du secteur privé. Les dispositifs d’appui ciblant les jeunes et la transition école-marché du travail : Le service d’intermédiation est assuré par l’ANAPEC qui joue un rôle clé dans l’exécution de la politique publique de l’emploi en faveur des diplômés. Les mesures pour faciliter l’accès à l’emploi dans le secteur privé et encourager l’auto-emploi sont mises en œuvre à travers les programmes Idmaj, Taehil et Moukawalati. Les mesures pour l’auto-emploi visent les jeunes et la requalification des travailleurs du secteur informel. Des actions transversales et sectorielles plus spécifiques visent à encourager l’esprit d’entreprenariat, notamment à travers le programme Moukawalati et la filière auto-emploi de l’OFPPT. Les étapes de la politique active de l’emploi ciblant les jeunes Première étape (1990-2004) : QUn certain nombre de dispositifs dans le cadre d’une approche structurale combinant plusieurs dimensions (macroéconomiques, institutionnelles, financières, etc.) et un traitement actif du chômage des jeunes se déployant de façon différenciée entre le monde urbain et le monde rural ; QPromotion des investissements créateurs d’emploi et l’amélioration de l’environnement financier des entreprises ; QAmélioration de l’environnement productif (infrastructure, activités agricoles, recherche), de l’éducation et la formation professionnelle et de l’accès au secteur financier. Deuxième étape (2005-2013) : des politiques actives surtout tournées vers l’insertion des jeunes à travers : QLa promotion de l’emploi salarié (Programme IDMAJ, Contrat d’Intégration Professionnelle). QL’amélioration de l’employabilité (programme TAEHIL : formation contractualisée, formation qualifiante ou de reconversion, aide à la formation dans les secteurs émergent). QL’appui à l’auto-emploi (programme Moukawalati). Un impact réel, mais limité ? Comme dans d’autres pays, les programmes actifs pour l’emploi des jeunes trouvent leurs principales limites dans : - leur coût relativement élevé ; - la faiblesse du ciblage. Au Maroc l’impact des programmes pour l’accès à l’emploi du secteur privé est réel : L e programme Idmaj assure environ 50.000 insertions en moyenne annuelle (2007-2013) ; Q Le programme Taehil a permis à plus de 105.000 chercheurs d’emploi de bénéficier des formations depuis son démarrage jusqu’à fin 2013 ; Q Le programme Moukawalati : plus de 5400 entreprises créées et 15.000 emplois générés (2007-2013), pour Q une proportion trois fois plus élevée d’hommes que de femmes porteurs de projet. Ces programmes ciblent insuffisamment les jeunes désavantagés et non diplômés. L’impact de ces programmes reste indéterminé, en termes de durée d’insertion dans l’emploi, de couverture sociale, et de ciblage des régions défavorisées. Les politiques actives du marché du travail se focalisent essentiellement sur une catégorie de la population : les diplômés chômeurs. Or les problèmes du travail précaire, de l’emploi informel et des disparités dans l’emploi (genre, régions, secteurs d’activité) se doivent d’être mieux ciblés. Principales propositions Comme le préconise la résolution de la Conférence Internationale du Travail du BIT 2012 «La crise de l’emploi des jeunes : Appel à l’action», l’engagement politique et les approches novatrices sont indispensables pour améliorer la situation du chômage et le sous- emploi persistants des jeunes. La future Stratégie Nationale de l’Emploi est susceptible de faciliter grandement l’entrée ou le retour des jeunes sur le marché du travail en tenant compte des recommandations suivantes : Une approche coordonnée pour l’emploi des jeunes est nécessaire : Qla réponse pour l’emploi des jeunes doit aller au-delà des politiques actives et agir tant sur l’offre que sur la demande de travail, Qles programmes en faveur des jeunes doivent être menés de façon coordonnée entre ministères et acteurs centraux et locaux. Les programmes de promotion de l’emploi des jeunes doivent être conçus et suivis dans le cadre d’une démarche tripartite. Une réforme du système d’éducation et de formation s’impose et doit être conçue en référence à la question de l’emploi décent et productif. Le programme Moukawalati, annoncé avec un objectif quantitatif trop ambitieux, connaît plusieurs contraintes : - une faible culture de l’entrepreneuriat chez les jeunes, - des difficultés foncières et techniques, - un faible suivi post-création, - une fiscalité inappropriée, - une absence de couverture sociale de l’entrepreneur, - une faible implication des acteurs locaux. Consolidation de l’intermédiation : les fonctions de l’ANAPEC doivent être étendues aux territoires ‘marginalisés’ et à d’autres catégories de travailleurs. Un meilleur encadrement institutionnel des activités d’intermédiation doit être assuré notamment en direction des opérateurs privés. Améliorer l’employabilité des jeunes : i) adapter la formation aux besoins du marché du travail, ii) mettre en place un système de formation en cours d’emploi, iii) rénover le système d’apprentissage, iv) développer les stages d’insertion à l’emploi, et cibler les interventions des mesures de l’emploi en visant les groupes désavantagés sur le marché du travail (formations complémentaires, expériences professionnelles en milieu de travail, dispositifs d’insertion professionnelle au sein des entreprises privées). Réduire les déséquilibres structurels du système d’éducation et de formation par des actions visant à : i) orienter le système d’éducation vers les besoins du système productif et développer des filières professionnelles, ii) reconnaitre les compétences acquises dans le secteur informel et appuyer la formation des opérateurs informels et iii) cibler les jeunes non scolarisés ou déscolarisés en les orientant vers des filières professionnelles. Renforcer le dispositif statistique notamment au niveau des régions (bassins d’emplois locaux) et au niveau sectoriel, pour un meilleur suivi et évaluation d’impact des politiques d’emploi ; incluant la production d’information sur le système productif, ses liens avec le marché du travail et l’offre du système éducation-formation, et la production d’information sur l’employabilité, la mobilité du travail et les revenus du travail. Gérer de manière optimale la phase d’entrée au marché du travail pour lutter contre le chômage de primo-insertion et le chômage de longue durée, tout en prenant en compte la complexité des processus d’insertion et la diversité des profils des travailleurs concernés. Encourager l’insertion des diplômés dans le secteur privé : la préférence des jeunes diplômés pour l’emploi public exprime le déficit d’emploi décent dans le secteur privé et trouve un ancrage dans les mesures exceptionnelles d’insertion adoptées pendant de longues années par les pouvoirs publics. Elle représente actuellement un facteur de démobilisation eu égard aux mesures de politiques actives du marché du travail. Relever les défis posés à la promotion de l’auto-emploi : promouvoir l’esprit d’entreprise qui reste encore peu développé chez les jeunes et assurer la continuité et la qualité des services d’accompagnement des jeunes porteurs de projets. Favoriser la mobilité des jeunes et sécuriser les parcours professionnels pour une «mobilité accompagnée» : la mise en place de l’indemnité pour perte d’emploi (IPE) pour les salariés est un premier pas dans le dispositif de sécurisation et doit être renforcée par des actions d’appui à la formation en cours d’emploi, la formation et l’accompagnement pendant les périodes de transition et la validation des acquis de l’expérience professionnelle. Les jeunes et les salariés à faible expérience professionnelle sont plus défavorisés et sont moins outillés pour faire face aux transitions, qui aboutissent souvent soit au chômage, soit à un emploi informel et précaire. La requalification des jeunes facilite leur transition vers d’autres métiers ou secteurs. Réorienter et étendre les politiques publiques vers plusieurs catégories de jeunes avec une couverture géographique plus large : Les jeunes actifs analphabètes ou très faiblement instruits (secteur informel). L es jeunes déscolarisés dont le niveau de scolarisation n’atteint pas la fin du 1er cycle de l’enseignement secondaire (apprentis dans le secteur informel). L es jeunes déscolarisés du second cycle du secondaire n’ayant pas accès immédiatement à la formation professionnelle (souvent en formation professionnelle dans le secteur informel ou dans des établissements privés). Les jeunes bacheliers n’ayant pas pu accéder ni à la formation professionnelle, ni à un diplôme de l’enseignement supérieur (leurs compétences n’ont généralement aucun contenu professionnel et leurs souhaits s’orientent vers l’emploi public). Les jeunes diplômés des filières à vocation générale de l’enseignement supérieur ( la majorité ayant une formation qui les prédestine aux emplois dans le secteur structuré et particulièrement le secteur public ; la demande de leurs compétences par le secteur privé est insuffisante pour compenser la baisse de la demande du secteur public). Les jeunes issus de l’enseignement supérieur marocain de type professionnel ( y compris les établissements supérieurs privés assurant formations du tertiaire, avec une qualité variable mais une bonne performance en raison d’une demande importante du secteur privé). Les jeunes diplômés des filières à vocation professionnelle de l’enseignement supérieur (formation générale solide ayant une composante professionnelle avec un fort rendement interne et une sélection à l’entrée : filières tertiaires, médecine, écoles d’ingénieurs). Les jeunes issus du système de formation professionnelle initiale (compétences intermédiaires pour le secteur privé, emplois à caractère technique). Q Q Q Q Q Q Q Q