consulter le texte de l`intervention d`Aurélie Filippetti, ministre
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Discours Discours d'Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l'occasion de la présentation du bilan du Centre national du Cinéma et de l'Image animée (CNC) Cannes, le 21 mai 2013, Monsieur le député-maire de Cannes, Bernard Brochand, Monsieur le président du Festival de Cannes, cher Gilles Jacob, Monsieur le Président du CNC, cher Eric Garandeau, Mesdames, Messieurs, les amoureux du cinéma, Contact presse Presque qu’un an jour pour jour, tout juste nommée au ministère de la culture et de la communication, je me trouvais ici devant vous. Département de l’information et de la communication 01 40 15 80 20 [email protected] C’est donc avec une certaine émotion que je me joins à vous ce midi ainsi qu’à cette 66ème édition du Festival de Cannes. SEUL LE PRONONCE FAIT FOI L’année 2012, Eric Garandeau nous l’a rappelé à l’instant, a été une année contrastée puisque si la fréquentation dans nos salles de cinéma en France est restée élevée avec 204 millions d’entrées ainsi qu’à l’étranger avec une fréquentation record (140 millions versus 72 millions en 2011) grâce plus particulièrement à un film Intouchables, le second semestre en France a été en demi-teinte pour les films français, et la part de marché du film français sur l’année a diminué (-2%) pour se situer à 40%. www.culturecommunication.gouv.fr www.facebook.com/ministere.culture.communication https://twitter.com/MinistereCC J’en profite pour saluer le formidable travail accompli ces 20 dernières années par Jean Labé à la présidence de la FNCF et de saluer Richard Patry son successeur et son vice-Président Jean-Pierre Decrette, ainsi que celui d’Antoine de Clermont Tonnerre à la présidence d’Unifrance et de Régine Hatchondo à la direction générale, et d’encourager Jean-Paul Salomé et Isabelle Giordano dans la poursuite de ces missions essentielles. Le second semestre de 2012 a également été marqué en France par d’importantes délocalisations de tournages ce qui m’a amené à proposer au Gouvernement de réformer le crédit d’impôt cinéma et audiovisuel, mesure reprise ensuite au sein du pacte de compétitivité puis votée par la représentation nationale. Dans le même esprit, il convenait de renforcer l’attractivité de notre territoire en favorisant la modification de notre crédit d’impôt international, source d’emplois pour notre filière et en particulier pour nos industries techniques, mais également de faciliter administrativement l’obtention de visas pour des tournages de pays comme l’Inde. Pour ces deux réformes de crédits d’impôts, il nous reste à parfaire leur mise en œuvre avec les autorités bruxelloises. Ces décisions, je les ai proposées au Gouvernement et elles ont été prises avec rapidité et efficacité parce qu’elles sont à la fois concrètes - il ne s'agit pas de faire de grands discours mais d'agir - et porteuses d'une vision : celle qui porte sur notre industrie cinématographique un regard juste : celui que mérite un secteur économique essentiel à notre pays, un regard sérieux et attentif. Permettez-moi de souligner l’action plus particulière en faveur de ces mesures, de Patrick Lamassoure et donc de FilmFrance ainsi que de Thierry de Segonzac au sein de la Ficam, et du CNC. 1/6 S’agissant des industries techniques, j’ai invité courant février le CNC à aller plus loin, conformément aux recommandations des rapporteurs Lepers et Portugal, pour mieux relier l’action des industries techniques et leur valorisation, au travail qu’accomplissent en amont les créateurs et producteurs. Rappelons-nous que les données statistiques que j‘évoquais à l’instant ont tendance à masquer certaines fragilités, auxquelles il est de notre responsabilité collective, partenaires privés, institutionnels et pouvoirs publics, de réfléchir. Les débats très animés de la fin de l’année suivis d’attaques très vives de certains à l’égard de nos mécanismes de soutien – pour ne pas dire des remises en cause – m’ont conduit à demander au CNC d’organiser des Assises pour la diversité du cinéma le 23 janvier dernier. Cette première journée de réflexion a permis de préciser le programme de travail qui s'est engagé depuis et qui se poursuit. Il s’agit en effet, sous la coordination de René Bonnell, que je remercie vivement d’avoir accepté, de disposer d’une analyse de la rentabilité des films en salle, et dans le même temps de réfléchir, d’ici la mi-juillet, aux financements de nos œuvres et à l’accès à ces financements actuels et futurs. Je suis convaincue que la réflexion dépasse le simple cadre du compte de soutien du CNC, j’en appelle donc aux différents contributeurs à la création cinématographique. Il nous faut en effet structurellement retrouver un meilleur équilibre entre les différentes catégories de devis films – nous savons que l’on produit moins de films aux devis entre 4 et 7 M€. Tout modèle économique, et en particulier celui devant favoriser et permettre de retrouver l’émergence d’œuvres diverses, audacieuses et populaires, ne peut en effet assurer sa performance ni sa pérennité, sur une excessive bipolarisation entre petits et gros films. Ce groupe de suivi des Assises devra également examiner les propositions du rapport que vient de me remettre Pierre Lescure quant à un acte 2 de l’exception culturelle à l’ère du numérique. Un certain nombre de ces 75 réflexions concernent le secteur cinématographique, comme une grande partie d’entre vous le savent puisque ce rapport est en ligne, que vous en avez débattu ici à Cannes, et que nous avons pu également en parler lundi dernier au ministère. L’approche que j'ai demandé à la mission Lescure d'adopter, souhaitée dès le lancement de la mission s’est avérée pertinent : à partir de nombreuses auditions et d’une analyse systémique, la mission s’est forgé une vision d’ensemble, puis a déterminé une série de mesures qui sont toutes reliées à cette vision. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble du rapport, Pierre Lescure l’a présenté longuement à Paris et ici. Mais simplement sur les deux grands principes qui intéressent le plus le monde du cinéma. Le premier, c’est faire contribuer à la création tous ceux qui en profitent, et faire entrer dans cette logique les nouveaux supports de diffusion à mesure qu’ils apparaissent. Ce n’est pas de la gourmandise fiscale comme certains essayent de le faire croire, c’est de l’équité fiscale. Ce ne sont pas de nouvelles taxes, mais l’entrée des nouveaux acteurs dans les dispositifs existants ; - prélèvement sur les objets connectés, pour soutenir la création qui fait toute l’attractivité de ces objets, - contribution de la télévision de rattrapage au Compte de soutien, 2/6 - contribution également des distributeurs de vidéo à la demande et pas seulement des éditeurs de VAD. Le deuxième principe qui doit attirer notre attention, c’est organiser un partage de la valeur qui permette le développement de la fréquentation d’ensemble sur tout support, en organisant la place de chaque support. C’est la philosophie même de la chronologie des médias, et Pierre Lescure propose à la fois de la confirmer et de la faire évoluer pour favoriser la croissance d’ensemble. J’ai commencé à recueillir à Cannes des réactions, certaines positives, d’autres plus mitigées ou négatives. Les discussions vont se poursuivre. Je souhaite que la voie de la concertation professionnelle soit privilégiée. Après avoir entendu les professionnels, j’indiquerai avant la fin de l’été, les orientations retenues par le Gouvernement. Dans certains cas il s’agira de préparer des mesures législatives et réglementaires, dans d’autres il s’agira de proposer aux partenaires de négocier des accords professionnels. Cet acte 2 proposé par Pierre Lescure présuppose néanmoins que l’exception culturelle soit préservée à l’échelle européenne. Hier, s’est tenue avec beaucoup d’entre vous mais aussi des représentants élus français et européens, cette grande conférence internationale que j’avais souhaité que le CNC organise, car il nous faut réaffirmer, 20 ans après ce que nos illustres prédécesseurs comme Costa-Gavras ici présent ont su proclamer, que l’exception culturelle est une chance pour chaque citoyen que nous sommes, dans notre constitution d’individus, mais aussi pour le rayonnement de notre culture ainsi que pour nos emplois. Accepter de négocier les services audiovisuels dans le futur accord de libre-échange entre l’Union Européenne et les États-Unis, le 14 juin prochain, équivaut pour l’Europe à organiser son propre recul. Car comment lutter face à la formidable industrie du loisir américaine que chacun d’entre nous, nous savons d’une redoutable efficacité dans sa force de frappe et de séduction ? Je vous l’ai dit hier et j’en remercie encore chacun d’entre vous, je crois en une Europe forte de son destin politique et culturel, riche de la passionnante diversité de ses peuples et de ses forces créatives, que les œuvres se diffusent par les outils d’hier ou grâce au numérique ! Il n y a donc pas de distinction à faire entre le projet politique que le Gouvernement porte en France avec l'acte 2 de l’exception culturelle et le combat que nous menons en Europe et avec l'Europe. L'exception culturelle est un élément constitutif essentiel de notre politique culturelle. Elle peut être remise en cause autant par manque de détermination dans les discussions que nous menons à Bruxelles que par immobilisme dans la définition des outils qui en permettent la mise en œuvre concrète. Et c'est pour cette raison que nous avons engagé ce travail de redéfinition des outils en France, un travail qui nous conduira à faire bouger les lignes mais pour réarmer nos convictions - et il n'était que temps de s'y mettre plutôt que de rester fébrilement blottis derrière des barrières de papier - ; et c'est pour cette raison que nous menons avec vigueur le combat sur le plan international ! Ce combat, je le mène aux côtés du Président de la République, il se construit avec vous depuis quelques mois ainsi qu’avec 15 autres ministres de la culture de l’Union européenne que j’ai fédéré autour d’une même ambition. Nous le ravivons de notre fougue ici à Cannes, nous devrons le poursuivre jeudi au Parlement européen, le 11 juin au Parlement français et nous devrons le gagner le 14 juin à Bruxelles ! 3/6 D’autres enjeux majeurs s’annoncent : celui de la Communication cinéma – ou aides d’État - que la Commission européenne a réécrite. Sachez que je rencontre vendredi le Commissaire Joaquim Almunia et que je lui exprimerai notre détermination à ne pas faire table rase de principes de territorialisation ayant permis le développement de nos industries cinématographiques. Cette Communication, nous le savons, est essentielle à l’ensemble de nos dispositifs d’aides tant au plan national que régional. Sans ces aides, comment réunir les conditions à la pérennisation de ce qui favorise la diversité de la création cinématographique ? Cette Communication complétée d’autres dispositifs comme Media et Eurimages, doit également continuer de favoriser la coproduction ainsi que la diffusion d’œuvres européennes et extra-européennes. Est-ce un hasard si EuropaCinémas dont nous avons célébré les 20 ans, et j’en salue Nico Simon son président et Claude-Eric Poiroux son délégué général, annonce cette année des résultats encourageants quant à l’exposition du nombre de films européens dans nos salles ? est-ce un hasard si la France a pu signer tant d’accords de coproductions avec ses partenaires européens ? Audelà de la production, pensez-vous que nous pourrions transmettre notre patrimoine restauré et numérisé sans une vision politique de nous tous ambitieuse mais néanmoins adaptée à l’essor de nos industries qu’une Communication Cinéma viendrait ensuite empêcher dans sa mise en œuvre ? Et bien évidemment non ! C’est le fruit de la conjonction de vos volontés individuelles, et de ces dispositifs nationaux puis européens. Alors, permettez-moi encore de dire ceci : pourquoi devrions-nous renoncer à ce qui marche ? Soyez donc assurés de mon plein engagement ! Vous l’avez compris, ma conviction reste entière tant au plan international, pour que par exemple la France puisse permettre la diffusion de ses œuvres à l’étranger, comme par exemple en obtenant l’augmentation de quotas de diffusion en Chine, au plan européen qu’au plan national. L’Europe n’est pas un adversaire, l’Europe, c’est nous. C’est à nous tous Européens d’agir pour que l’Union européenne en matière culturelle soit là pour faire, et non pour défaire ou empêcher de faire ! Nous devons donc être force de propositions pour des initiatives européennes nouvelles. L’éducation au cinéma est un champ possible pour l’Europe. Nos dispositifs d’éducation au cinéma dans les écoles, collèges et les lycées – mais également pour ce qui se développe hors du temps scolaire - sont d’une grande efficacité et préparent les nouvelles générations de cinéphiles, aidant nos enfants dans la constitution de leur personnalité et dans la découverte du monde. Fort de cette expérience, nous pourrions proposer une démarche européenne d’éducation au cinéma. Il s’agirait d’offrir à de jeunes européens une découverte partagée d’œuvres marquantes. C’est une démarche qui doit être discutée avec nos partenaires européens, et le programme Média peut être notre allié dans une démarche de ce type. Je n’oublie pas que beaucoup d’entre vous s’inquiètent de l’impact de la future convention collective de la production cinématographique, au sujet de laquelle des discussions divisent la communauté du cinéma français. 4/6 Vous savez mon attachement et celui du Ministre du travail pour que le secteur se dote d’une convention collective respectueuse du droit du travail et de la diversité des œuvres, tant pour les techniciens, que les artistes-interprètes sans oublier les salariés permanents. Raphaël Hadas-Lebel, dont je salue la présence aujourd’hui, a été nommé médiateur début avril : je le sais totalement investi pour que le dialogue entre les différentes organisations favorise cette réalisation. Ce n’est pas le moment pour le cinéma français de se diviser, nous vivons des moments complexes, des moments d’adversité, où nous sommes amenés à dépenser une grande énergie défensive alors que nous devons aussi être en posture offensive. Ne nous laissons pas caricaturer par certains, ne nous laissons pas bousculer : - Le système de soutien n’est pas un repli protectionniste, - Le soutien au cinéma ne s’oppose pas au développement des télécommunications, - Le cinéma n’est pas un problème pour les finances publiques, il apporte innovation, activité, emplois, et recettes d’exportation. Nous devons donc nous mettre aussi en posture offensive : - par la nécessité de tirer le bilan de nos actions et procédures, comme la médiatrice du cinéma Jeanne Seyvet que je salue s’agissant des engagements de programmation des circuits, comme le fera Serge Lagauche s’agissant de l’autorisation administrative relative à l’ouverture d’établissements de spectacles cinématographiques, et comme nous devrons le faire demain pour anticiper la fin des contributions numériques mais aussi pour nous interroger sur la poursuite de notre mission de conservation du patrimoine cinématographique numérisé en vue de sa transmission aux générations futures, - posture offensive donc, en vue de la modernisation de nos dispositifs de soutien et non par leur désarmement, - par un regard vers le grand large et l’exportation, cher Jean-Paul Salomé je partage avec vous le souhait que nous portions de nouveaux efforts vers la Chine. Mais cette vision mondiale c’est aussi celle que nous apporte le Festival de Cannes, et je souhaite tout particulièrement saluer et remercier le Président Gilles Jacob et le directeur général Thierry Frémaux, ainsi que Charles Tesson et Edouard Waintrop pour cette édition 2013 qui s’annonce être un très beau cru, dès le 6e jour du Festival. Le festival de Cannes 2013 nous offre plusieurs beaux symboles : - l’émergence de nouveaux talents français et internationaux est particulièrement valorisée ; elle est même revendiquée ! - les films français trouvent toute leur place dans la concurrence mondiale, là où certaines cinématographiques d’Europe rencontrent de graves difficultés – comment ne pas plus spécifiquement penser en ce moment à l’Espagne ou encore à l’Italie par exemple nos plus proches voisins ? ; - la puissance du cinéma indien et les réussites du cinéma français et européen ne s’opposent pas au cinéma américain que nous aimons tous ; – les films européens qui n’existeraient pas sans les soutiens nationaux racontent des histoires qui inspirent les créateurs américains comme le producteur Harvey Weinstein qui nous le disait hier. 5/6 En un mot, le dialogue des cultures nous enrichit tous, on le voit avec : - Ashgar Farhadi qui vient tourner en banlieue parisienne un film avec acteurs français et iraniens, - Arnaud Desplechin est allé tourner aux Etats-Unis son dernier film sur une psychanalyse insolite. En conclusion, vous me permettrez une mention particulière pour les agents du CNC qui travaillent toute l’année aux côtés des professionnels, sur bien des sujets : gestion du compte de soutien, secrétariat des commissions, application de la réglementation, concertation et échange permanents, politique patrimoniale, action régionale, action européenne et internationale. De ces agents, de ceux de l’État sans oublier ceux de nos partenaires des collectivités territoriales, et de tous les auteurs, exploitants de salles de cinéma et autres professionnels du cinéma ici présents, je salue l’engagement indéfectible et passionné pour le cinéma. Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une excellente poursuite du Festival. 6/6