les talents dans l`immobilier : quelles sont les
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les talents dans l`immobilier : quelles sont les
64 8 LES TALENTS DANS L’IMMOBILIER : QUELLES SONT LES ATTENTES DES EMPLOYEURS ? Par Laurent Blivet, Spencer Stuart, Paris. 8.1 / EN PRÉAMBULE D ans un environnement économique maussade, le marché immobilier français fait figure d’exception, tiré, notamment, par certains segments particulièrement dynamiques. Taux faibles, réallocation de certaines poches d’actifs vers l’immobilier, attraction de nouvelles catégories d’investisseurs, regain d’intérêt des investisseurs internationaux : les astres s’alignent pour le secteur, et le marché des talents profite dans son ensemble de cet environnement porteur. Notre position de chasseur de têtes nous donne un point de vue singulier sur le sentiment du marché et l’évolution des attentes vis-à-vis des candidats. Établi depuis 1956 et comptant cinquante-six bureaux à travers le monde, Spencer Stuart se spécialise dans l’évaluation et le recrutement de cadres dirigeants. Notre « practice » immobilier sert les développeurs, sociétés foncières, investisseurs et courtiers à travers l’Europe. Se nourrissant d’un contact permanent avec les directions générales à travers l’Europe, le présent article a pour objectif de partager nos observations sur les évolutions en cours. 8.2 / UN MARCHÉ AUX ATTENTES NOUVELLES C hez les recruteurs, un optimisme raisonnable semble avoir pris le pas, en 2015, sur l’attentisme constaté dans la période récente. Chacun a pu observer un « mercato » spécifiquement dynamique au niveau des directeurs généraux des grands investisseurs ou des grandes foncières… Sur des niveaux hiérarchiques moins élevés, le mouvement a également repris, donnant des « envies d’ailleurs » à certains cadres, qui avaient fait le dos rond pendant les années moins fastes. Ce dynamisme du marché s’accompagne d’une évolution progressive des attentes des employeurs vis-à-vis des candidats (que ceux-ci soient, d’ailleurs, internes, dans le cadre d’une promotion éventuelle, ou qu’ils soient externes). Les compétences purement immobilières traditionnelles telles que la connaissance du marché et le capital relationnel sur la « place » restent, bien sûr, des prérequis incontournables. Pour autant, de nouvelles attentes se font jour, qui déter- L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91 65 carrières minent de plus en plus l’accès aux postes à responsabilités dans le monde de l’immobilier français. Trois éléments nous paraissent spécialement intéressants à souligner : la capacité à évoluer dans un environnement international, le renforcement des attentes en matière financière et la dimension « client ». UNE DIMENSION INTERNATIONALE L’actif immobilier étant par définition non délocalisable, les carrières de l’immobilier ont longtemps pu se dérouler dans un cadre national. Désormais, la « capacité à évoluer dans un environnement international » pointe systématiquement son nez dans les descriptions de poste, qu’il s’agisse, par exemple, d’un poste de responsable des investissements, dont les interlocuteurs investissent de plus en plus fortement dans une logique paneuropéenne, ou d’un poste d’asset manager, qui aura, quant à lui, à rendre des comptes à des mandants de plus en plus internationaux. Même chez les foncières traditionnellement limitées au territoire national, la préparation de l’expansion européenne impose d’intégrer cette dimension internationale. Dans ce cadre, la maîtrise de l’anglais devient un impératif de premier ordre et, a contrario, l’incapacité à interagir avec des interlocuteurs étrangers un frein majeur à la mobilité professionnelle. Une expérience internationale est, ainsi, souvent appréciée. DES COMPÉTENCES FINANCIÈRES CONCRÈTES La financiarisation de l’activité est un autre élément clé de l’évolution que nous observons. La diffusion de critères financiers et la sophistication croissante de la modélisation rendent plus importante la maîtrise par les candidats des éléments de base de l’analyse financière (modèles de cash-flow, calcul des taux de retour,…) et des outils technologiques associés. Pour nombre de rôles, même les plus seniors, la préférence est donnée à des candidats à forte implication opérationnelle, ce qui sous-entend souvent une capacité à entrer sans peine dans un modèle simple de valorisation et à en comprendre la sensibilité à différents paramètres. Les produits d’investissement se complexifient et les exigences en matière de reporting et de compliance sont de plus en plus grandes. Là encore, la polyvalence est de rigueur, et on attendra des candidats une vision transversale allant au-delà de leur fonction propre. UN BON RELATIONNEL CLIENT Enfin, l’orientation « client » s’impose, désormais, à tous les acteurs de l’entreprise et n’est plus limitée aux fonctions directement en face des clients. Tous les acteurs du marché souhaitent faire de leurs activités de services un levier clé de différenciation. Des indicateurs de satisfaction client sont partout mis en place et concernent le quotidien de chacun. On demandera, par exemple, de plus en plus aux assets ou aux property managers, jadis peu exposés au client, de venir défendre leur performance, ce qui suppose aisance de communication et force de conviction. 8.3 / EN CONCLUSION E n retour, le marché s’ouvre progressivement à des talents issus d’univers différents. On a vu arriver des financiers de l’industrie pour consolider les processus financiers et les reportings, renforcer la discipline de contrôle de gestion ou le contrôle des coûts. On a vu également recruter des experts du marketing venus du monde des produits de grande consommation afin de développer plus fortement les marques de l’immobilier et accompagner le déploiement des acteurs dans le monde digital. À ce jour, on ne signale pas de réaction de rejet de ces « greffes », bien au contraire ! Rien d’étonnant, au final. Les attentes des professionnels de l’immobilier, en France, dans le choix de leurs équipes s’alignent sur les pratiques générales du marché du travail des cadres, que nous observons partout en Europe et dans tous les secteurs. C’est cette combinaison des attentes traditionnelles et de nouveaux impératifs qui fait de l’immobilier un environnement particulièrement intéressant pour le chasseur de têtes, aujourd’hui.