SUR MARTHE ROBIN

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SUR MARTHE ROBIN
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SUR MARTHE ROBIN
(Conférence du Très Révérend Père Antoine Forgeot,
donnée à Fontgombault le 19 mars 2014)
C'est une joie de parler de Marthe Robin, et de le faire le soir de la fête de Saint Joseph,
qui était pour elle un modèle de vie cachée et offerte dans le silence et la prière. Dès le début
de son long parcours de souffrance vécu dans un ardent amour du Seigneur et des âmes,
parcours qui commença en 1918 (elle avait 16 ans), elle disait : « Qu'on m'ignore et qu'on
m'oublie. Je ne demande pas que Dieu fasse en moi des choses visibles, mais uniquement
d'être une humble petite enfant douce et humble de cœur » (J.-J.Antier Marthe Robin p 93).
Comme plusieurs autres membres de la communauté, j'ai eu la grâce de la rencontrer
plusieurs fois entre janvier 1978 et février 1981 (elle est morte le 6 février 1981). Oui, c'est
une grâce, comme Pie XII l'a dit un jour à une colombienne, membre des Foyers de Charité,
qui, au cours d'une audience, lui avait demandé une bénédiction pour Marthe. Le visage du
Pape s'était illuminé et il avait dit : « C'est une grâce très grande de connaître Marthe Robin
et un privilège spécial. C'est une joie » ; et avant de donner la bénédiction sollicitée,
s'adressant aux autres pèlerins présents, le Pape ajouta : « Je vous demande de vous unir à
une prière que je vais faire pour une enfant très aimée du bon Dieu, et qui se trouve en
France » (id p 349).
Les liens entre Marthe et Fontgombault sont anciens : ils remontent au 30 avril 1969, date
de la première visite à Chateauneuf de Galaure de Dom Jean Roy qui fut Abbé de
Fontgombault de 1962 à 1977. 1969, on était dans les années de l'immédiat après-concile,
dans les turbulences qui ont secoué la barque de l'Église. Le Père Abbé était, et voulait
demeurer, entièrement fidèle à la Tradition et à la doctrine de l'Église dont il était un fils très
aimant et dévoué ; pour conduire en sécurité la petite barque de notre monastère, il a dû
plus d'une fois ramer à contre-courant pour éviter les écueils suscités par un certain ''esprit
du concile'' qui trop souvent ne correspondait pas à la lettre du Concile, c'est-à-dire aux
textes du Concile dans lesquels seuls se trouvent la vraie pensée de l'Église et la volonté des
Pères conciliaires. Connaissant la réputation de sainteté de Marthe, il voulut la rencontrer
pour s'entretenir avec elle de diverses choses et plus particulièrement de la position qu'il
avait prise dans ce contexte difficile, ce qui lui valut des critiques sévères et le fit beaucoup
souffrir.
Dès cette première visite s'établit entre Marthe et le Père Abbé une entière communion de
pensée sur tous les sujets qui furent abordés : leurs âmes étaient à l'unisson dans l'amour de
Notre Seigneur et de la Sainte Église qui ne fait qu'un avec Lui, comme l'affirmait Ste
Jeanne d'Arc. Marthe soutenait sans réserve l'orientation du Père Abbé pour la marche de
l'abbaye, et par la suite, elle ne cessa de l'encourager. Il y avait entre eux une telle
communion de pensée et une telle confiance réciproque qu'il est arrivé plus d'une fois que
Marthe envoya au Père Abbé des personnes qui avaient à prendre des décisions graves en
leur disant : « vous ferez ce que vous dira le Père Abbé ».
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Le Père secrétaire qui accompagnait le Père Abbé dans ses voyages se souvient de 7
visites à Chateauneuf, la dernière datant du 6 septembre 1977, un peu plus de 15 jours avant
la mort du Père Abbé, à Rome, le 23 septembre. C'était un vendredi, or chaque vendredi
Marthe était dans les souffrances de la Passion du Seigneur, et donc sans contact avec le
monde extérieur jusqu'au lundi lorsqu'elle revenait à elle. Ce lundi-là, une de ses premières
réactions fut de dire : « ...et le Père Abbé ! » (lorsqu'elle disait ''le P.Abbé'' sans autre
précision on savait dans son entourage qu'il s'agissait du P.Abbé de Fontgombault). Elle
savait donc ce qui était arrivé à Rome, et plus tard elle ajouta que le Père Abbé avait
beaucoup souffert la nuit qui avait précédé sa mort. Comment pouvait-elle le savoir ?? C'est
un mystère. (Une autre fois à un jeune homme qui se préparait à entrer à Fontgombault, elle
avait dit: « oh ! Ils ont une belle église », sur le ton de quelqu'un qui parle d'expérience,
alors qu'elle n'y était jamais venue et qu'elle n'en avait pas vu de photos, puisqu'elle ne
voyait pas !)
Ce climat de pleine confiance mutuelle a grandement facilité ma première rencontre avec
Marthe, en janvier 1978 ; ce fut tout simple, comme si nous nous connaissions depuis
toujours ! Elle me dit entre autres choses qu'elle restait très unie au P. Abbé Dom Roy : « On
peut le prier ; on prie avec lui ; il ne souffre plus, lui ». Entre autres choses, durant ce
premier entretien qui dura une vingtaine de minutes, elle me recommanda de lui être fidèle.
Comment se passait une visite chez Marthe ?
Du foyer on montait à ''la Plaine'', la ferme des parents Robin où Marthe a toujours vécu.
Située sur un plateau isolé, dans un beau paysage, la maison est semblable à tant d'autres de
cette région, simple et sans prétention. On entrait directement dans la cuisine où l'on était
accueilli par deux demoiselles (à l'époque, c'étaient Thérèse et Henriette), membres des
Foyers, chargées de veiller sur Marthe et d'assurer son entretien quotidien. La cuisine était
meublée comme à la campagne : une grande table, un fourneau à bois sur lequel mijotait, en
hiver, la soupe de midi, un vaisselier et quelques chaises de paille alignées le long du mur.
On était invité à s'asseoir en attendant son tour d'être introduit auprès de Marthe. L'attente se
passait dans le recueillement en silence ou en parlant à mi-voix, d'ailleurs les demoiselles
n'étaient pas bavardes et se montraient très discrètes, chacune s'employant à son travail, soit
celui de la cuisine, soit celui du secrétariat de Marthe (il fallait répondre à son courrier selon
ses instructions) . Lorsqu'une porte s'ouvrait pour laisser sortir un visiteur, on entrait dans un
couloir qui donnait accès à la chambre de Marthe ; avant d'en ouvrir la porte on devait
prendre soin de fermer la première porte parce que Marthe ne supportait pas la lumière dont
le moindre rayon causait une vive souffrance à ses pauvres yeux pourtant aveugles. Une
fois, lorsque cette précaution avait été omise, Marthe poussa un petit cri ; le visiteur s'étant
excusé, elle dit simplement : « ce n'est rien, c'est offert ». La chambre était donc dans
l'obscurité tempérée cependant par un faible éclairage indirect venant des volets à peine
entr'ouverts. Après quelques minutes, la vue s'accommodait et on pouvait distinguer
l'environnement.
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La chambre n'était pas grande ; contre le mur il y avait une robuste commode sur laquelle
trônait le tableau de N.D.Médiatrice que le P. Finet avait apporté de Lyon à Marthe le 10
février 1936, jour de leur première rencontre qui fut décisive pour le Père et pour l’Œuvre
des Foyers de Charité. Devant la commode, et contre elle, il y avait un petit divan, à peine
plus long qu'elle, sur lequel était couchée Marthe dont on ne pouvait voir que la tête dont j'ai
perçu très nettement les traces de la couronne d'épines. On pouvait s'asseoir au pied du lit
sur une chaise sur laquelle, m'a dit une fois le Père qui m'avait accompagné, la Sainte Vierge
s'asseyait familièrement quand elle venait chez Marthe.
La conversation avec elle se passait tout simplement. Marthe avait une voix cristalline,
claire et fraîche comme une voix d'enfant, avec une petite pointe d'accent méridional. Elle
écoutait attentivement ce qu'on lui disait et elle répondait avec clarté et précision de telle
sorte qu'on saisissait sa pensée sans hésitation. Elle était étonnamment bien renseignée sur
ce qui se passait dans le monde et surtout dans l'Église, et elle en parlait en quelque sorte
comme en connaissance de cause, avec une sûreté de jugement qui prouvait sa docilité aux
inspirations du Saint Esprit qui habitait son cœur. 1978 était 'l'année des trois papes',
marquée successivement par la mort de Paul VI, le 6 août, l'élection de Jean-Paul I er suivie
de sa mort un mois plus tard, et au mois d'octobre l'élection de Jean-Paul II. A propos du
décès si surprenant de Jean-Paul I er , Marthe m'a dit : « Le Seigneur a permis la mort du
Pape Jean-Paul Ier pour nous en donner un meilleur... ». Elle a dit de Jean-Paul II : « C'est le
pape de Marie ; c'est elle qui l'a spécialement choisi. Nous sommes dans le temps de Marie.
Voyez sa présence et son action dans le monde et dans l'Église d'aujourd'hui » (Antier p 347).
Nous avons vu, en effet, la splendeur du long pontificat de ce 1 er pape slave qui sera
canonisé dans quelques semaines, le dimanche de la Miséricorde, neuf ans à peine après sa
mort, en même temps que le Pape Jean XXIII.
La visite à Marthe se terminait toujours par une prière récitée avec elle et dont elle laissait
l'initiative aux prêtres ; elle appréciait que l'on prie en latin et était heureuse quand on
ajoutait une antienne chantée à la Sainte Vierge. Puis il fallait se séparer, mais avec la
certitude que l'on restait avec Marthe dont on savait qu'à l'image de Notre Dame « elle
conservait et repassait dans son cœur » toutes les intentions qu'on lui avait confiées. Quels
que fussent les soucis ou les détresses avec lesquels on était entré dans la petite chambre, on
en sortait toujours dans la paix.
Le Saint Esprit lui accordait des grâces de lumière et de force pour aider, consoler et
guider les âmes avec beaucoup de délicatesse et de discrétion ; quelques exemples :
Je me souviens de deux parents qui étaient allés chez Marthe pour lui confier leur
chagrin et leur angoisse quant au sort éternel de leur jeune fils, d'environ 20 ans, qui s'était
donné la mort. Je ne sais pas ce que leur a dit Marthe, mais ils sont sortis de chez elle, l'âme
en paix et complètement rassurés ! Cela rappelle le S. Curé d'Ars consolant une dame dont
le mari s'était suicidé : « Entre le pont et l'eau, il a fait un acte de contrition ».
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Comme Jésus, Marthe ne condamnait jamais. Elle recevait nombre de personnes divorcées
ou vivant dans l'adultère ; elle leur parlait rarement de leur situation ; elle les aspirait plutôt
vers le haut. Un jour elle reçut un Mr et une Dame, chacun marié de son côté et sur le point
de briser leurs foyers pour vivre ensemble. Elle leur dit: –Vous vous aimez ? Réponse : oui.
Marthe : – Vous avez raison car l'amour est de Dieu. Elle ne dit rien de plus. L'ayant quittée,
ils eurent la grâce (sans doute sollicitée par la prière de Marthe) de comprendre ce qu'est
l'amour en vérité, tel que le chante le psalmiste : « Mon bonheur est d'adhérer à Dieu et de
placer en lui mon espérance »; et ils rentrèrent chacun dans son foyer !
« J'étais divorcée et je vivais avec mon ami et je disais à Marthe mon désir de vivre selon
la volonté du Seigneur. Elle m'a donné ce conseil : « Éloignez-vous, et Dieu vous donnera
un signe si vous devez revenir vers votre ami ou vers votre mari ». J'ai habité quelques mois
à Lourdes et cela m'a permis de me séparer de mon ami. Et Dieu a montré que je devais
revenir vers mon mari ; et même si lui n'accepte pas encore de revenir vers moi avec nos
deux enfants, j'ai grande confiance, Dieu travaille en son cœur. J'ai compris que Marthe, par
délicatesse, ne m'avait pas demandé brutalement de quitter mon ami et qu'elle savait bien
qu'un jour je reviendrais à mon mari » (Éphraïm Marthe p.118).
Une autre fois trois jeunes gens (un garçon et deux jeunes filles), menant une vie
désordonnée, s'étaient mis en tête d'aller chez Marthe se faisant passer pour des personnes
pieuses (« On se moquerait d'elle et on rirait bien »). En les accueillant Marthe leur dit :
« Comme vous avez raison de venir vous moquer de moi, c'est tout ce que je mérite ! ».
Résultat : le garçon est devenu trappiste et ses deux compagnes sont rentrées au Carmel !
(id p.137).
Marthe avait un grand souci des prêtres : elle leur rappelait leur devoir de travailler à leur
propre sanctification et elle les poussait vers la dévotion mariale ; à l'un d'eux qui lui disait
son regret de ne pas assez aimer la Ste Vierge, elle dit : « Entre la Ste Vierge et vous, il n'y a
pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarettes ! » – Lorsqu'elle parlait des prêtres qui
n'étaient pas fidèles à leurs engagements, elle parlait de ''prêtres blessés'' ; sous-entendons
que l'on peut toujours guérir d'une blessure tant qu'elle n'est pas mortelle. – Par contre, on l'a
entendue gémir sur le sort d'un prêtre qui s'était suicidé : « Je n'ai pas réussi à sauver son
âme. »
Un mot sur la communion de Marthe à laquelle j'ai pu assister une fois. C'était, comme
d'habitude, un jeudi, dans la soirée vers 20 heures. Outre le Père qui portait le Saint
Sacrement, il y avait dans la chambre une quinzaine de personnes, membres du Foyer ou
retraitants. On commençait par prier en commun à haute voix ; ensuite le prêtre récitait les
prières rituelles agenouillé sur un gros coussin placé à la tête du lit, et il déposait l'hostie sur
les lèvres de Marthe : à ce moment j'entendis un léger bruit comme celui de quelqu'un qui
aspire très rapidement un liquide (parfois même il arrivait que l'hostie glissait des doigts du
prêtre et s'envolait d'elle-même jusqu'à Marthe); puis se faisait un grand silence ; on restait
un peu de temps à prier et à adorer en union avec Marthe ; et on se retirait discrètement pour
respecter le colloque intime de Marthe avec son Seigneur; et on savait que ce colloque se
prolongerait sans tarder par sa participation à la Passion « complétant en sa chair ce qui
manquait aux souffrances du Christ pour son corps qui est l'Église » (cf. Col 1,24).
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De Marthe on conserve le souvenir de sa simplicité, de son bon sens, de son sens pratique
(l'armoire), de sa gaieté, de sa spontanéité (Que ferez-vous au ciel?- Je gambaderai) ; mais
aussi de sa lucidité et de la sûreté et fermeté de son jugement. Elle était étonnamment bien
renseignée sur la vie de l'Église ; le Père Finet affirmait que Pie XII était en contact constant
avec Marthe, et ensuite Jean XXIII et Paul VI (Antier p 349). Quant à elle, elle ne désirait rien
d'autre que de demeurer petite et toute cachée, pour vivre dans le silence son immolation
pour l'Église et le salut du monde.
Mgr Lagleize nous parlait, la semaine dernière , des 4 éléments constitutifs d'un Foyer de
Charité : un prêtre, le Père, la Ste Vierge ''mère de famille'', la retraite et une œuvre. La
chambre de Marthe fut, me semble-t-il, le premier Foyer, modèle pour tous ceux qui
viendraient ; il y avait le Père Finet, une présence presque tangible de Marie, le témoignage
de la vie de Marthe était à lui-même une prédication très éloquente, et l’œuvre c'était la
''corbeille de Marthe'' (qui demande une petite explication : dans les débuts de la vie
extraordinaire de M. les voisins et amis qui venaient la visiter avaient l'habitude de lui
apporter des petits cadeaux, souvent des produits de leurs jardins ou de leurs fermes dont la
famille Robin n'avait guère besoin... On décida donc, d'un commun accord, d'en faire
bénéficier les pauvres, et cela dure toujours ; à l'entrée du Grand Foyer, il y a une corbeille
dans laquelle on peut déposer des aumônes pour les bonnes œuvres de Marthe ; du vivant de
Marthe, à la ferme, on pouvait voir les demoiselles s'activer à faire des paquets pour
expédier les dons de Marthe en pays de missions ou ailleurs). Ainsi la petite chambre de ''la
Plaine'' demeure, même sans la présence physique de Marthe, un lieu béni où nombreux sont
ceux qui viennent s'y recueillir et prier en s'abreuvant à la source de sa spiritualité qui est
purement évangélique.
Son humilité m'a semblé resplendir plus particulièrement en deux circonstances
importantes pour la vie des Foyers de Charité à la fondation desquels le Seigneur l'a
associée de façon très étroite ; elle en avait reçu l'inspiration qu'elle a mis en œuvre avec,
comme premier collaborateur le Père Finet qui fut son père spirituel jusqu'à sa mort.
Le premier événement auquel je pense est la consécration du grand sanctuaire du Foyer
de Chateauneuf, le 24 juin 1979. C'était la foule des grands jours rassemblée pour une fête
unique. Dans l'allégresse générale, on pouvait penser à Marthe qui, à quelques centaines de
mètres de là, gisait sur son lit de douleur dans sa petite chambre obscure ; silencieusement,
elle partageait la joie commune, en souffrant et en s'offrant et, de la sorte, elle attirait sur
tous de nouvelles grâces qui étaient le secret de chacun. Mystère de la fécondité de la vie
cachée et de la communion des saints : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de
blé tombé en terre ne meurt pas il demeure seul; mais s'il meurt,il porte beaucoup de fruit »
(Jn 12,24).
Le second événement fut également un moment de grandes grâces. Je veux parler de la
mort et surtout des obsèques de Marthe. Elle est morte le 6 février 1981, et ses obsèques ont
eu lieu dans l'après-midi du jeudi 12 février. Ce fut comme une grande réunion de famille,
fort émouvante certes, mais nullement triste ; on entourait la petite Marthe dont on goûtait
un peu le bonheur auprès du Seigneur qu'elle avait si généreusement servi et imité, et auprès
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de la Sainte Vierge pour qui elle avait la tendre dévotion d'une enfant allant jusqu'à l'appeler
''Maman''. Ce jour-là elle était encore toute cachée : son cercueil disparaissait sous une
montagne de fleurs, témoignant de la gratitude de tous ceux qui lui devaient beaucoup.
Après la messe, le corps de Marthe fut transporté au cimetière de Saint-Bonnet, à trois ou
quatre kilomètres de Chateauneuf, dans le caveau familial où il repose encore, en attendant
d'être peut-être un jour transféré dans le grand sanctuaire. Après les prières de l'inhumation,
le cercueil fut descendu dans la tombe. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas... »,
tel était, à la messe, le thème de l'homélie de Mgr Marchand, évêque de Valence qui
présidait la concélébration à laquelle avaient pris part de très nombreux prêtres. Pour des
raisons pratiques, seul le clergé et la famille de Marthe ont pu aller au cimetière ; elle était
entourée de ceux qu'elle avait le plus aimés ici-bas : sa sœur et ses neveux et nièces, et les
prêtres pour qui elle a tant fait et de tant de manières (cela aussi, c'est un secret caché...).
Ce 12 février, il faisait bien froid à Chateauneuf, mais très beau ; le mistral qui avait
soufflé sur la vallée du Rhône, avait balayé tous les nuages, et le ciel était d'une lumineuse
pureté ; le soleil couchant sur le petit cimetière invitait au silence, à la prière et à l'action de
grâces paisible et discrètement joyeuse.
Sa dévotion filiale envers la Sainte Vierge est une clef du cœur de Marthe. Le 7 septembre
1931, alors qu'elle était dans les débuts de son douloureux chemin de croix, qui devait durer
encore cinquante ans, elle écrivait : « Je compte surtout sur ma Mère bien-aimée pour me
garder plus que jamais humble, docile, confiante et bien petite afin que le Bon Dieu soit
bien libre en mon âme ; car l'humilité, l'abandon à la volonté divine c'est la base et le centre
de l'union intime et féconde avec Jésus ».
Humble et cachée sur cette terre, Marthe entendait le rester dans l'au-delà ; « Obscure et
ignorée, écrivait-elle, ce sera mon privilège dans le Ciel. Sans nom, sans gloire connue de la
terre, je veillerai sur les miens si chers, sur tous, parée que de la belle couronne de ma
grande mission qui se poursuivra plus rayonnante, plus vaste encore. Connue que de ceux
que je viendrai visiter, fortifier, encourager, relever, et encore ne sauront-ils pas toujours que
c'est moi... si souvent je leur demeurerai invisible »(7.9.1931).
J'aime à penser que ce soir, auprès de Dieu, Marthe prie pour nous et pour la réalisation du
projet que nous portons dans notre cœur en le confiant à Notre Dame des Foyers. Même si
vous n'êtes jamais allé à Chateauneuf de Galaure, je vous engage à faire de temps en temps,
en esprit un petit pèlerinage dans l'humble chambre de La Plaine : Marthe y est toujours
présente et elle vous attend .
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