Reconnaissance des visages d`un autre groupe ethnique : éclairage

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Reconnaissance des visages d`un autre groupe ethnique : éclairage
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Psychologie française 55 (2010) 243–257
Article original
Reconnaissance des visages d’un autre groupe ethnique :
éclairage d’une approche développementale
The other race effect: A developmental approach
X. de Viviés a , D.J. Kelly c , V. Cordier a , O. Pascalis b,d,∗
a
Faculté des sciences de l’Homme et de l’environnement, université de la Réunion,
rue du Général-Ailleret, 97430 Le Tampon, Réunion
b Department of Psychology, University of Sheffield, Sheffield, Royaume-Uni
c Department of Psychology, University of Glasgow, Glasgow, Royaume-Uni
d Laboratoire de psychologie et neurocognition, université Pierre-Mendès-France,
BP 47, 38040 Grenoble cedex 9, France
Reçu le 3 septembre 2009 ; accepté le 7 juillet 2010
Résumé
Dans cet article, nous nous attachons à explorer les déterminants de l’other race effect (ORE). Valentine
(1991) a proposé un modèle de codage dans lequel chaque visage est encodé en fonction de sa déviation
par rapport à une norme qui varie selon l’environnement des individus. Différents travaux chez les adultes
montrent qu’en général les résultats soutiennent les prédictions issues du modèle. Nous nous intéressons
également au développement de l’ORE au cours de l’enfance. Les travaux de Pascalis et de Schonen (1994)
et de Pascalis et al. (1995, 1998) montrent que les nourrissons, de la naissance à l’âge de trois mois, sont
capables de reconnaître des visages familiers. Par ailleurs, on note que des difficultés à reconnaître des
visages peu fréquents dans l’environnement existent dès la première année.
© 2010 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Développement ; Visage ; Ethnique ; Reconnaissance
Abstract
We are reviewing the recent findings on the Other Race Effect (ORE), which is the difficulty to recognize
faces from other race compared to own race faces. Several hypotheses were proposed: negative attitude
(Brigham and Malpass, 1985), attentional mechanisms (Chance and Goldstein, 1981), and the contact hypothesis (Brigham et al., 1982) which postulates that the ORE is due to a lack of experience with other
∗
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (O. Pascalis).
0033-2984/$ – see front matter © 2010 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.psfr.2010.07.001
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race’s faces. The contact hypothesis being, of course, modulated by attention and attitude. Valentine (1991 ;
Valentine and Endo, 1992) proposes a norm-based coding model in which faces are encoded as vectors
according to their deviation from a prototypical average. The resulting dimensions will differ according to
the input received with certain salient, individuating dimensions carrying more “weight” than others. Predominant exposure to faces of a specific species, gender, or race early in life will cause the dimensions of one’s
prototype to become “tuned” towards such faces. The evidence presented support Valentine’s model but we
are showing that the quality of the contact is crucial in the experience. We are arguing that a developmental
approach is necessary to better understand the ORE. Infants are able to process and recognize faces from
an early age and several recent studies have found that the ORE can be observed from 9–10 months of age.
Experimental results indicate that 6- to 9-months of age represents an important time of transition in the
face processing system. If a certain type of face (other races) is not experienced prior to this period, then we
appear to lose our ability to discriminate between individual faces within those groups.
© 2010 Société française de psychologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Development; Face; Other race effect
On constate couramment que les adultes ont plus de facilité à reconnaître des visages de leur
propre type ethnique, si celui-ci est prédominant dans le pays, en comparaison à des visages
appartenant à d’autres types, minoritaires ou nouveaux. Ce phénomène est communément désigné en anglais comme le own-race bias (ORB) ou other race effect (ORE) (Bothwell et al.,
1989 ; Meissner et Brigham, 2001 pour revue et discussion)1 . Une des explications de l’ORE est
l’hypothèse de contact, selon laquelle ce phénomène est la conséquence d’une forte exposition à
une catégorie de visages depuis la petite enfance. Pourtant, bien que cette hypothèse soit appuyée
par de nombreuses études chez l’adulte (Brigham et al., 1982 ; Chance et al., 1975 ; Chiroro
et Valentine, 1995 ; Cross et al., 1971 ; Lindsay et al., 1991), elle n’indique que la raison pour
laquelle ce biais de facilitation s’est développé. En revanche, elle n’explique pas la nature de ce
phénomène qui fait qu’un adulte reconnaît moins facilement un visage qui n’appartient pas à sa
propre ethnie.
La plus vieille étude dont nous avons connaissance décrivant l’ORE est celle de Feingold
(1914). Elle est basée sur la constatation courante de la difficulté qu’on éprouve à reconnaître
ou à discriminer des visages de personnes appartenant à un groupe ethnique différent du nôtre.
On s’est contenté de ce constat pendant longtemps ; ce n’est qu’à la fin des années 1960 que des
travaux empiriques ont commencé à explorer ce phénomène.
Valentine (1991) a proposé un modèle de traitement selon lequel les visages seraient encodés
dans un « espace visages », qu’on pourrait représenter par un ensemble de vecteurs dans un espace
perceptuel multidimensionnel, et dont l’origine correspondrait à la moyenne de tous les visages
qu’un individu a rencontré. Dans cet espace, les visages les plus « typiques » seront proches de
l’origine et les visages les plus atypiques seront encodés plus « loin ». Selon ce principe, chaque
nouveau visage est encodé en fonction de sa déviation par rapport à la norme. Ce modèle explique
partiellement l’ORE : l’espace visages est modelé par les visages présents dans l’environnement
et il est moins efficace pour les visages de personnes appartenant à des groupes minoritaires.
1
Indépendamment des définitions académiques des termes « race » et « ethnie », leur usage diffère entre les communautés francophones et anglophones. Pour des raisons que la sociologie pourrait certainement expliquer, en France le
terme « race » n’est que très rarement utilisé en relation avec le genre humain, on lui préfère en général le terme « ethnie ».
Ces deux termes ne sont certes pas équivalents sur le plan strictement sémantique, mais il nous a semblé plus pertinent
d’utiliser le terme « ethnie » dans nos propos, là où la littérature anglophone utilise le terme « race », de façon à être
cohérent avec les habitudes sémantiques du français.
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Dans cette revue de question, nous allons nous attacher à résumer les hypothèses explicatives
de l’ORE chez l’adulte. Puis nous présenterons des données obtenues dans le cadre théorique de
Valentine chez l’adulte. Finalement, nous nous intéresserons à l’approche développementale qui
permet une interprétation nouvelle de ce phénomène.
1. Différentes hypothèses explicatives avancées pour expliquer l’ORE
1.1. L’ORE est-il dû à une plus grande homogénéité dans les visages de type différents du
sien ?
Selon cette hypothèse, certains types de visages présenteraient moins de variations que d’autres.
Cependant, si tous les humains, quels que soient leurs origines et leurs types, sont sujets à l’ORE,
et c’est effectivement le cas, alors il est évident que cette hypothèse tombe d’elle-même. En
effet, si certains types humains présentaient plus de variabilité faciale que d’autres, l’ORE ne se
manifesterait pas avec la même importance dans les différentes populations humaines.
Par ailleurs, Goldstein (1979a,b) a comparé les mesures de visages caucasiens et japonais
adultes et n’a pas observé de différences entre les deux groupes en termes de variabilité. Goldstein
et Chance (1976, 1978) ont également montré que des Caucasiens américains ne trouvent pas les
visages japonais moins variables que ceux de leur propre type.
Il semblerait donc que, si les visages d’autres types que le nôtre soient jugés comme étant plus
similaires entre eux, ils sont en réalité aussi variables que dans notre propre groupe.
1.2. L’ORE est-il dû à une attitude négative ?
Cette hypothèse a été proposée par Brigham et Malpass (1985) qui avaient identifié l’attitude
négative comme un facteur potentiel de problèmes de reconnaissance de visages d’autres types.
Cependant, les travaux engagés pour explorer cette piste n’ont donné aucun résultat qui soit de
nature à donner du crédit à l’hypothèse de « l’attitude négative » (Brigham et Barkowitz, 1978 ;
Carroo, 1987 ; Lavrakas et al., 1976).
1.3. La difficulté à reconnaître un visage pourrait-elle être liée à un problème attentionnel ?
Formulé autrement, les gens porteraient plus d’attention aux visages de leur propre groupe
qu’aux visages d’autres groupes. Dans cet esprit, Chance et Goldstein (1981) ont postulé
l’existence d’une disparité au niveau de l’orientation attentionnelle. On aurait tendance à la diriger
spontanément vers des visages de son propre type plutôt que vers d’autres types de visages. Pour
tester cette hypothèse, les auteurs ont demandé à leurs sujets de décrire des visages et de leur
attribuer un état.
Ils ont observé que les réponses pour les visages du même type que les sujets étaient des jugements d’états, tels que « heureux » ou « ennuyé » alors que les réponses pour les visages d’autres
groupes ethniques étaient formulées en termes plus généraux tel que homme/femme. Cependant,
la relation entre le niveau d’encodage de ces visages et leur reconnaissance n’a pas été étudiée.
1.4. La quatrième hypothèse repose sur la fréquence des contacts avec des visages de types
différents du sien (hypothèse de contact)
L’hypothèse qui semble la plus vraisemblable est celle du contact qu’un sujet entretient avec
d’autres personnes. Si l’on a peu de contact avec un type de visage, on aura une moins grande
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expertise pour le reconnaître. En conséquence, on admet que les individus qui vivent dans un
environnement où un type de visage est prédominant présentent un plus grand ORE que ceux qui
vivent dans des communautés mixtes. Cependant les données d’études relatives à cette hypothèse
sont assez contrastées et l’expérience ne semble pas être un facteur réduisant complètement l’ORE
(Brigham et Barkowitz, 1978 ; Luce, 1974 ; Ng et Lindsay, 1994).
La plupart de ces études ont été conduites aux États-Unis et montrent que les Américains
d’origine européenne présentent un ORE plus marqué que les Noirs américains (Lindsay et al.,
1991 ; Malpass et Kravitz, 1969). Il faut noter cependant que dans toutes ces études, les participants
habitaient dans des quartiers dont la majorité des habitants étaient de type européen. Carroo (1986)
a montré que des participants afro-américains vivant dans des quartiers à forte densité d’AfroAméricains présentent une meilleure reconnaissance des visages de leur type que pour des visages
blancs. Dans une autre étude, Carroo (1987) a montré que des Afro-Américains sont cependant
meilleurs pour les visages de Blancs que des Nigériens primo-arrivants aux États-Unis. On peut
attribuer ce résultat au fait que les sujets afro-américains avaient eu une exposition bien plus
importante aux visages blancs que les sujets nigériens.
Chance et al. (1975) ont testé des sujets américains d’origine européenne ainsi que des sujets
afro-américains sur des visages blancs, noirs et japonais ; leurs résultats confirment également
l’idée que l’expérience joue un rôle important. Ils ont montré en effet que les sujets américains
d’origine européenne obtenaient de meilleurs résultats avec les visages blancs qu’avec des visages
de type africain ou de type japonais. Les sujets afro-américains, quant à eux, obtenaient de
meilleurs résultats avec les visages de type africain, des résultats intermédiaires avec des visages
blancs et de moins bons résultats avec des visages japonais. Les auteurs de cette étude affirment
que les résultats de ces deux populations correspondent à l’expérience que les sujets testés ont
acquise dans le passé avec les visages des trois groupes de stimuli.
De plus, une des toutes premières études sur le terrain en cette matière a établi une corrélation
positive entre le fait d’avoir eu une expérience multiraciale et une identification correcte des
visages présentés (Brigham et al., 1982).
Bien que ces études aient fourni des preuves de l’ORE, vu l’aspect multiculturel des États-Unis
il est plus que probable que tous les sujets testés auront eu une exposition à des personnes de
groupes ethniques différents. Pour explorer plus en détail ces aspects, il est nécessaire de mener des
études interculturelles. Une telle étude, menée par Ellis et Deregowski (1981), a montré un effet
inter-ethnie après avoir testé des sujets européens et africains dans leurs pays respectifs (l’Écosse
et le Zimbabwe). Cependant, ce résultat doit être modulé par le fait qu’une étude précédente menée
par les mêmes auteurs (Shepherd et al., 1974) a mis en évidence une reconnaissance différentielle
pour les sujets écossais mais pas pour les sujets du Zimbabwe.
1.5. Pluralité des facteurs intervenant dans l’ORE
Le fait de voir souvent des visages d’un type différent du sien suffit-il à ne pas avoir de difficulté
à les reconnaître ? Nous venons de voir que les résultats ne sont pas aussi clairs que cela. D’autres
facteurs vont influencer l’ORE. Bien que, comme on l’a vu plus haut, l’attitude et l’orientation
attentionnelle ne constituent pas des facteurs importants pour expliquer l’ORE, il est néanmoins
possible qu’ils jouent un rôle de modulation dans l’expression de cet effet. Ainsi, certains auteurs
(par exemple Brigham et Malpass, 1985 ; Lavrakas et al., 1976) ont suggéré que c’était la qualité du contact qui importait plus que la quantité. De même, Lavrakas et al. (1976) ont montré
que pour des sujets américains d’origine européenne le fait d’avoir des amis afro-américains
entraînait de meilleurs résultats avec des visages de type africain que si les sujets vivaient simple-
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ment près d’Afro-Américains ou avaient fréquenté les mêmes écoles mais sans lier de relations
d’amitié.
2. Le modèle multidimensionnel de l’espace visages
2.1. Généralités sur le modèle
Valentine (1991 ; Valentine et Endo, 1992) a proposé un modèle de codage dans lequel chaque
visage est encodé comme un vecteur en fonction de sa déviation par rapport à un prototype
moyen. Ce prototype correspondrait à une compilation des visages connus qui aboutirait à un
visage normé. Les normes étant entre autres : le sexe du visage, son teint, son âge, la forme des
yeux, etc.
Ce modèle, qui suppose la confrontation avec un nombre important de visages, est pertinent
pour expliquer l’ORE chez les adultes, mais il devrait être différent au cours du développement.
Selon Nelson (2001), à la naissance, les dimensions de ce prototype sont étendues et non spécifiques et son développement va dépendre de l’« apport » de visages (input). Les dimensions qui
vont se construire diffèreront selon l’apport reçu. De plus, certaines dimensions plus saillantes et
propres à un individu auront plus de poids que d’autres. Ainsi, lorsqu’un individu a été exposé
principalement à des visages d’un seul sexe ou d’un seul type ethnique, les dimensions de son
prototype seront accordées à cette exposition particulière.
Le modèle de Valentine fait de nombreuses prédictions pour les visages de son propre type.
Par exemple, des visages typiques seront rassemblés de façon assez dense et seront situés près de
la moyenne. En revanche, des visages plus distincts seront encodés de façon plus éclatée et seront
situés plus loin de la norme du prototype dans l’espace visages. Si cette prédiction est correcte,
un individu devrait avoir plus de facilité à se souvenir d’un visage plus distinct par rapport à des
visages typiques puisqu’au sein de l’espace visages, il sera entouré de moins d’exemplaires qui
risqueraient d’interférer avec un rappel correct.
Une seconde prédiction, associée à la première, est que des visages typiques seront catégorisés
plus rapidement en tant que « visage » que des visages distincts, puisqu’ils correspondent davantage au prototype. Ces deux prédictions ont été confirmées (Valentine, 1991 ; Valentine et Bruce,
1986).
Du point de vue de l’ORE, on peut logiquement penser que des visages appartenant à d’autres
ethnies ne correspondront pas bien à la norme du prototype étant donné que le prototype se
construit en fonction du type de visages rencontrés fréquemment dans l’environnement. Ainsi, les
exemples de visages appartenant à d’autres ethnies et mémorisés dans l’espace visages devraient
se situer loin de la norme et, par conséquent, devraient être perçus comme étant distincts. Selon
ce raisonnement, des visages appartenant à des ethnies différentes de celle du sujet devraient être
reconnus plus facilement que les visages appartenant à sa propre ethnie. Cette prédiction semble
paradoxale et les travaux présentés ici montrent clairement que ce n’est pas le cas. Pour répondre
à ce paradoxe, Valentine postule que les visages appartenant à d’autres types ethniques que le
sujet ne sont pas encodés comme ceux de sa propre ethnie : leur densité ne diminue pas au fur et
à mesure qu’ils s’éloignent du prototype. La logique de ce raisonnement repose sur l’idée que les
dimensions du prototype d’un individu sont optimales pour discriminer les visages appartenant à
son propre type. De ce fait, des visages appartenant à une autre ethnie seront, certes, situés loin
de la norme, mais en revanche, ils seront rassemblés de façon très dense ; ce qui expliquerait les
difficultés éprouvées à discriminer différents visages d’un même type ethnique, différent de celui
du sujet.
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Chiroro et Valentine (1995) ont étudié le rôle du type de visage, au sein de l’espace visages,
du point de vue de l’hypothèse de contact. Ils ont testé des sujets en Angleterre et au Zimbabwe
et les ont regroupés en fonction de leur degré de contact avec des individus de l’autre ethnie. Les
deux groupes à haut degré de contact étaient issus d’une école au Zimbabwe qui acceptait aussi
bien des étudiants noirs que blancs. Le sous-groupe noir à faible degré de contact était issu de
l’école d’un petit village du Zimbabwe sans télévision. Les auteurs précisent qu’à l’exception du
prêtre du village, qui était blanc, les enfants avaient eu très peu de contact avec des sujets blancs.
Le sous-groupe blanc à faible degré de contact était issu de l’école d’un village du nord-est de
l’Angleterre.
Les résultats ont montré que les visages blancs étaient généralement mieux reconnus que les
visages noirs, mais un effet inter-ethnie de base était cependant observé. Pour les sujets noirs, le
groupe à haut degré de contact reconnaissait aussi bien les visages des deux groupes, alors que le
groupe à bas degré de contact reconnaissait mieux les visages appartenant à leur propre groupe
ethnique.
Les sujets blancs des deux groupes reconnaissaient mieux les visages blancs ; par ailleurs,
le groupe à haut degré de contact était légèrement plus performant dans la reconnaissance des
visages noirs que le groupe à bas degré de contact, sans que cet effet soit significatif.
En revanche, un effet majeur a été observé pour les visages atypiques, qui sont systématiquement mieux reconnus que les visages typiques. Les auteurs concluent qu’en général les résultats
soutiennent les prédictions issues du modèle espace visages mais que l’hypothèse de contact n’est
validée que pour les sujets noirs. Les faibles résultats du groupe blanc à haut degré de contact
avec les visages de l’autre ethnie sont difficilement interprétables.
Il faut cependant considérer ces résultats au regard du contexte : en effet, il est important de se
rappeler que le Zimbabwe est un pays avec une histoire sombre de tensions ethniques, ce qui a
certainement influencé les rapports entre les différents groupes, même s’ils ont l’occasion de se
fréquenter quotidiennement.
2.2. L’ethnie perçue comme une caractéristique visuelle
Valentine et Endo (1992) ont constaté que, bien que nous soyons plus précis lorsqu’il s’agit de
reconnaître des visages appartenant à notre propre ethnie, nous sommes également plus rapides
lorsqu’il s’agit de catégoriser des visages appartenant à une ethnie différente. Selon Levin (1996,
2000), qui a étudié ce paradoxe, le modèle espace visages ne suffit pas à expliquer ces résultats.
Le modèle espace visages stipule en effet que l’augmentation de l’expertise dans la discrimination des visages de son propre groupe s’opère au détriment de la capacité à discriminer des
visages d’autres groupes. On devient expert pour un type de visage mais il ne semble pas possible d’être expert pour plusieurs types. Bien que cette hypothèse soit partagée par la plupart des
auteurs, Levin la réfute en faisant remarquer que cette explication ignore totalement les différences
importantes dans les cognitions sociales, et la priorité accordée à l’encodage de caractéristiques
associées aux visages appartenant à sa propre ethnie par rapport aux caractéristiques associées
aux visages d’autres ethnies.
Pour prendre en compte ces dimensions, Levin (2000) postule une hypothèse dite « EthnieCaractéristique », selon laquelle notre expertise à classifier des visages d’un autre type serait
supérieure à notre capacité de discrimination de visages appartenant à notre propre type. Selon
cette hypothèse, pour « des individus Blancs, l’ethnie n’est pas encodée comme noir ou blanc,
mais bien comme noir ou pas noir » (Levin, 2000 p. 1366). Par conséquent, en partant du principe
qu’il est plus simple d’établir la présence d’une caractéristique, plutôt que son absence, cette hypo-
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thèse permettrait d’expliquer l’avantage observé dans une situation de classification de visages
appartenant à une autre ethnie. De plus, l’information qui spécifie l’ethnie à laquelle appartient
un individu serait mise en valeur aux dépens d’une information permettant de différencier des
visages, ce qui expliquerait le paradoxe.
Cependant, des études électrophysiologiques menées par Caldara et al. (2003, 2004) ont mis en
doute la légitimité de cette explication. L’hypothèse Ethnie-Caractéristique affirme en effet que le
signal visuel nécessaire à l’encodage du type de visage (le feature-positive) devrait théoriquement
être détecté lorsque des visages appartenant à d’autres groupes sont perçus. Ce qui devrait se
traduire par des différences dans le traitement des visages au niveau de l’encodage. Bentin et al.
(1996) ont été les pionniers dans la description d’une onde cérébrale reliée à la présentation des
visages. Elle apparaît, chez l’adulte, 170 ms après la présentation d’un visage, et est négative.
Cette négativité (N170) n’est pas observée pour d’autres stimuli visuels tels que des voitures ou
des animaux. Caldara et ses collègues ont démontré que la réaction N170 aux visages appartenant
à l’ethnie de l’individu est identique à celle produite pour les visages appartenant à une autre
ethnie ; les différences n’apparaissant que plus tard dans le traitement. Les auteurs interprètent ce
résultat comme la preuve irréfutable que le N170 ne dépend pas du degré de familiarité avec tel
ou tel type de visage. Au contraire, conformément à d’autres travaux (notamment Bentin et al.,
1996), ils confirment que le N170 est une composante très générale, sensible à la configuration
structurelle d’un visage plutôt qu’à ses caractéristiques ethniques. En effet, ce n’est qu’après
240 ms qu’un avantage de traitement apparaît en faveur de visages appartenant à une autre ethnie.
Pour ces auteurs, ce second stade de traitement serait dû à la prise en compte d’informations
sémantiques.
Selon ce nouveau point de vue, l’avantage pour la classification de visages appartenant à une
autre ethnie pourrait trouver son origine à ce stade-ci du traitement dans la mesure où « ces visages
évoquent des représentations moins sémantiques en raison de la faiblesse des expériences que
nous avons avec des visages appartenant à une autre ethnie » (Caldara et al., 2004 ; p. 910).
2.3. Traitement des éléments vs traitement configural
On peut reconnaître des individus principalement à partir de traits internes du visage, tels le
nez, les yeux ; il s’agit d’un processus que l’on appelle « traitement des éléments ».
Il existe un autre système dit « configural » qui permettrait de reconnaître les visages (Leder
et Bruce, 2000). La définition du terme configural a longtemps été controversée. Maurer et al.
(2002) ont proposé une définition qui permet de les réunir. Au niveau basique, le traitement
configural consiste à catégoriser le stimulus en tant que visage « il y a deux yeux au-dessus d’un
nez ». Diamond et Carey (1977) appellent cela un « traitement de premier ordre ». Le traitement
configural consiste également à lier les traits faciaux entre eux. Cette opération est quelquefois
appelée « traitement holistique ». Enfin, le terme « configural » est aussi utilisé pour définir le
traitement « de deuxième ordre » de Diamond et Carey, c’est-à-dire l’analyse des distances entre
les principaux éléments constitutifs du visage (yeux, bouche, ligne des cheveux, etc.).
Rhodes et al. (1989) ont utilisé l’effet d’inversion pour étudier l’usage de l’information configurale quand on traite des visages appartenant à notre propre groupe par rapport à ceux appartenant à
un autre groupe. Dans cette étude, des sujets chinois et européens ont montré un effet d’inversion
plus important pour les visages appartenant à leur propre ethnie. Ce résultat suggère que les deux
populations aient adopté une stratégie configurale pour la reconnaissance des visages appartenant
à leur propre ethnie et une stratégie basée sur le traitement des éléments pour la reconnaissance
des visages appartenant à une autre ethnie.
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Michel et al. (2006) ont testé des sujets belges et coréens dans leurs pays respectifs au moyen
d’une tâche de visages composites. Ils présentaient des stimuli formés du haut du visage d’une
personne, associés au bas du visage d’une autre personne. Ces stimuli sont perçus comme des
montages si les deux parties ne sont pas bien alignées, et comme un nouveau visage si l’alignement
est parfait. Michel et al. ont constaté que les deux groupes traitaient les visages appartenant à leur
propre ethnie de façon plus holistique que les visages appartenant à une autre ethnie.
2.4. L’uniformité de l’ORE à travers les cultures
Les travaux étudiant l’ORE chez les adultes ont été menés auprès de différents groupes ethniques dans différents pays, avec des résultats positifs dans la grande majorité des groupes testés,
ce qui fait dire à Chance et Goldstein (1996) que cet effet est l’un des plus robustes en psychologie.
Certaines questions subsistent à propos de l’ORE, mais on peut néanmoins établir un certain
nombre de points avec certitude :
•
•
•
•
son existence est irréfutable ;
il concerne tous les groupes ethniques ;
il n’est pas lié à des attitudes négatives ;
il se développe tôt dans la vie.
De plus, il est probable que cet effet soit fortement lié au degré de familiarisation des sujets,
avec des visages d’autres types ethniques que le sien.
En revanche, l’ORE semble être beaucoup plus complexe que ce qu’on s’imaginait à l’origine
et, malgré plus de 30 ans de recherche, la raison pour laquelle se manifeste cet effet reste
inexpliquée. Nous allons à présent nous pencher sur les travaux qui ont exploré la dimension
développementale de l’ORE.
3. Le développement de l’ORE
On a vu l’importance que semblait jouer l’expérience visuelle et sociale avec d’autres groupes
ethniques sur l’ORE, il semble donc judicieux d’employer une approche développementale afin
de savoir comment l’ORE se construit au cours de l’enfance. Deux situations sont envisageables :
• soit les enfants naissent avec des dispositions à l’ORE qui pourraient éventuellement se moduler
en fonction du type de visages auxquels ils seraient exposés ;
• soit ils ne présenteraient aucun ORE à la naissance, mais le développeraient en réponse à
l’homogénéité des visages présents habituellement dans leur environnement.
Nous allons tout d’abord résumer très brièvement nos connaissances sur le développement du
traitement des visages.
Les visages sont omniprésents dans l’environnement du nourrisson et sont certainement les
plus fréquents des stimuli visuels qu’ils vont rencontrer durant les premiers jours de leur vie. Il
n’est donc pas déraisonnable de penser que les visages puissent être préférés à d’autres stimuli
visuels. Plusieurs études (Goren et al., 1975 ; Johnson et al., 1991) ont montré que des face-like
patterns en mouvement induisent un plus grand comportement de suivi que des non face-like
patterns chez des nouveau-nés quelques minutes après la naissance. Une préférence a également
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été observée avec des photos de vrais visages appariés à des visages inversés (Macchi Cassia et
al., 2004).
Les visages majoritairement présents dans l’environnement de l’enfant influencent le type de
représentation qu’ils ont des visages. Quinn et al. (2002) ont fait l’hypothèse que la représentation
ou le prototype des visages chez les nourrissons de trois mois pourrait être biaisé en faveur de
visages féminins, la mère étant habituellement la personne principale qui s’occupe du nourrisson.
Ils ont en effet montré que les nourrissons de trois mois élevés par leur mère préfèrent regarder
les visages féminins. En outre, dès la première semaine de vie, les nouveau-nés sont capables de
reconnaître le visage de leur mère (Bushnell et al., 1989 ; Pascalis et al., 1995).
Des nouveau-nés de quatre jours familiarisés avec un visage étranger le reconnaissaient immédiatement ainsi qu’après un délai de deux minutes (Pascalis et de Schonen, 1994 ; Turati et al.,
2006). Les nourrissons de trois mois sont également capables de reconnaître une photo de visage
sous un point de vue différent que celui sous lequel il avait été appris (Pascalis et al., 1998).
Cohen et Cashon (2001) ont mis en évidence des signes d’effet d’inversion à l’âge de sept
mois. Les nourrissons ont été habitués à deux visages de femmes et déshabitués avec un composite
correspondant aux traits internes d’un des deux visages et des traits externes de l’autre. Leurs
résultats montrent que dans la condition « endroit » les nourrissons traitent le composite comme
un nouveau visage mais ils le traitent comme familier lorsque-il est présenté à l’envers, ce qui
démontre un traitement de type configural.
Nelson (2001) suggère que les enfants possèdent à la naissance un potentiel de perception
et de traitement des visages qui se développe avec l’expérience. Selon lui, le développement de
ce système conduit à une réduction de capacités que l’on peut qualifier de spécialisation. Nelson
compare le développement du traitement des visages au développement du langage. Chez l’enfant,
des similitudes importantes sont observées dans le répertoire phonétique des enfants de différentes
origines culturelles. Vers l’âge de six mois, ce répertoire se spécialise à la langue que l’enfant
perçoit (pour une revue, Aslin et al., 1998). Il a suggéré que le système présent durant la première
année de vie serait très général et non spécifique de l’espèce, puis se transformerait en système
spécifique de l’espèce humaine. L’environnement façonnerait le développement du visage. À l’âge
adulte, une expérience extensive avec des visages humains produirait un prototype spécialisé aux
visages humains. De Haan et al. (2001) ont montré l’existence d’un prototype visage à l’âge de
trois mois, c’est donc aux alentours de cet âge que le système devrait devenir spécifique à l’espèce.
Pascalis et al. (2002) ont testé cette hypothèse et montré que si des nourrissons de six et neuf mois
étaient capables de discriminer des visages humains seuls les nourrissons de six mois pouvaient
discriminer des visages de singe. À partir de neuf mois, les enfants ont perdu la capacité à traiter
et reconnaître des visages d’autres espèces.
Il est généralement admis que les enfants sont très mauvais à reconnaître les visages jusqu’à
l’âge de dix ans (Carey, 1992) mais cela est basé sur une littérature des années 1970. Une observation plus détaillée de la littérature montre que les enfants sont en fait capables de bonnes
performances plus tôt (voir Want et al., 2003 pour une revue). Même si certains aspects du
traitement des visages ne correspondront à ceux des adultes que vers l’âge de 16 ans, le développement du traitement des visages commence en fait dès la première semaine de vie. Au cours
de la première année de vie, on observe certaines compétences qui sont similaires à celles observées chez l’adulte comme la reconnaissance sous différents angles, ou la sensibilité à l’effet
d’inversion. Cependant le système de traitement des visages se développe lentement et passe
par différentes étapes durant la petite enfance et durant l’enfance avant d’atteindre les capacités de traitement de l’adulte. L’environnement joue un rôle prédominant tout au long de ce
développement.
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Nous avons mentionné que l’ORE pouvait être la conséquence d’un manque d’exposition à
des visages d’autres groupes ethniques que le sien. Les nourrissons voient rarement d’autres
visages que leurs parents durant les trois premiers mois puis peu de visages jusqu’à un âge
avancé. Les enfants sont eux aussi limités dans le nombre de visages rencontrés et ils représentent
une population pour laquelle on peut facilement quantifier l’exposition avec d’autres types de
visages que le leur et celui de leur entourage. Une approche développementale représente donc
un des meilleurs moyens pour étudier le rôle de l’expérience sur le développement de l’ORE et
de déterminer quand celle-ci apparaît.
Il existe peu de données sur le développement de l’ORE chez l’enfant, mais on pense que cet
effet se développe tôt dans la vie et qu’il est probablement lié à l’expérience de l’individu. Feinman
et Entwhistle (1976) ont testé, aux États-Unis, des enfants blancs et noirs âgés de six à 11 ans
appartenant soit à des communautés mixtes soit à des communautés où la ségrégation raciale
est en vigueur. Les deux groupes ethniques ont manifesté un effet d’ORE et cet effet était plus
important chez les sujets issus des communautés où la ségrégation raciale était en vigueur. Cross
et al. (1971) ont également signalé des résultats différentiels causés par la ségrégation. Cependant,
en y regardant de plus près, les données révèlent que les enfants blancs issus de communautés
mixtes obtenaient des résultats très inférieurs pour les visages appartenant à leur propre ethnie
par rapport aux enfants blancs issus de communautés où la ségrégation raciale était en vigueur,
mais les deux groupes obtenaient des résultats comparables pour les visages appartenant à une
ethnie différente. Chance et al. (1982) ont testé des enfants blancs âgés entre six et sept ans, dix et
11 ans, 12 et 13 ans et des étudiants universitaires (âges non fournis) avec des visages caucasiens
et japonais. Les auteurs ont constaté de meilleurs résultats avec les visages blancs dans tous
les groupes, mais cette différence n’atteignait pas un niveau significatif dans le groupe le plus
jeune.
Toutes ces études utilisaient une tâche ancien/nouveau. Dans ce type de tâche, un certain
nombre de visages (par exemple 20) sont présentés aux sujets qui doivent les étudier afin de se
les rappeler plus tard. Ensuite, on présente les visages étudiés ainsi qu’un nombre égal de visages
neufs aux sujets testés, pour chacun des visages présentés, les sujets doivent décider s’il s’agit d’un
nouveau visage ou d’un ancien visage. Ce genre de paradigme présente l’inconvénient d’utiliser
la mémoire à long terme, il est donc difficile de dissocier la part due au traitement des visages de
celle due à l’aspect mnésique.
Pezdek et al. (2003) ont observé des ORE en utilisant une technique très différente, ces effets
s’observent aussi bien sur des adultes que sur des enfants. Pour cette tâche, les sujets devaient
regarder une vidéo dans laquelle un homme blanc et un homme noir sont debout l’un à côté de
l’autre en train de préparer à manger. On demandait aux sujets de faire attention aux deux hommes
car plus tard ils devraient les identifier. Le lendemain, les sujets regardaient deux vidéos (une pour
chacun des hommes vus dans la première vidéo) de six personnes alignées comprenant l’homme
« cible » ainsi que cinq individus appariés en fonction de leur physique ; leur tâche consistait à
identifier l’homme vu dans la vidéo de la veille. Pour tous les âges, les auteurs ont observé un
effet inter-ethnie significatif et cohérent avec les résultats classiques, ce qui indique à nouveau
qu’il existe effectivement une reconnaissance différentielle dès l’âge de cinq ans.
Plus récemment, Sangrigoli et de Schonen (2004a,b) ont démontré, dans une tâche de choix
forcé, que l’ORE peut également être observé chez des enfants dès l’âge de trois ans.
Ces études montrent que l’ORE est en réalité très précoce et elles suggèrent que son émergence
pourrait être mieux comprise en testant des nourrissons.
Selon Nelson (2001), les différentes dimensions du prototype facial présentes à la naissance
seraient plutôt générales et se spécialiseraient peu à peu avec l’expérience. La plupart des nour-
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rissons grandissant dans un univers monoracial, leur représentation des visages devrait également
être monoraciale, ce qu’on devrait pouvoir observer dans leur comportement.
Kelly et al. (2005, 2007a,b) ont exploré cette dimension avec une tâche de préférence visuelle
spontanée. Les nourrissons regardaient un écran sur lequel étaient présentées des paires de visages
de différents types. Les nourrissons anglais ont vu des visages de types européens appariés avec
des visages de types africain ou chinois ; les nourrissons chinois ont vu des visages chinois appariés
à d’autres types de visages. Si un des visages est plus proche de la représentation des visages du
nourrisson, les auteurs s’attendaient à ce qu’il reçoive plus d’attention comme cela a été observé
pour les visages féminins par Quinn et al. (2002). Leurs résultats montrent que, si les nouveau-nés
(trois à quatre jours) ne présentent pas de préférence pour des visages du même type que leurs
parents, dès l’âge de trois mois en revanche, les nourrissons manifestent une préférence pour les
visages les plus présents dans leur environnement (chinois pour Kelly et al., 2007a,b et caucasien
pour Kelly et al., 2005). Les auteurs justifient ces résultats en invoquant l’expérience qu’ont eue
ces nourrissons.
Ce résultat est renforcé par celui de Bar-Haim et al. (2006) qui ont démontré une préférence
pour le type de visage le plus présent dans l’environnement dans une population de nourrissons
israéliens et éthiopiens, alors qu’un groupe d’enfant éthiopiens exposés aux deux types de visages
ne présentait pas de préférence. Cependant, ces études de préférence n’ont pas évalué la possibilité
de reconnaître des visages non présents dans l’environnement de l’enfant, ce qui correspond à la
définition de l’ORE chez l’adulte.
Au moyen d’une tâche de comparaison de visages appariés, Sangrigoli et de Schonen (2004a)
ont démontré que des nourrissons, de type européen, âgés de trois mois étaient capables de
reconnaître un visage européen, mais pas un visage asiatique, ce qui est une des caractéristiques
de l’ORE. Cependant, cette étude était limitée dans la mesure où une seule population ethnique et
un seul stimulus visage appartenant à une autre ethnie étaient utilisés. De plus, dans une seconde
expérience où les nourrissons étaient habitués à trois exemplaires de visages (comparé à un seul
visage dans la première expérience), la reconnaissance avait lieu aussi bien avec les visages
appartenant à sa propre ethnie qu’avec les visages appartenant à une autre ethnie. Il semble donc
que l’effet observé à trois mois soit faible puisqu’il disparaît après une exposition limitée à des
visages asiatiques. De plus, ces auteurs ont utilisé des visages dont la chevelure était masquée ce
qui rendait la tâche de reconnaissance plus difficile et pouvait avoir enlevé des indices pertinents
pour les nourrissons qui utilisent beaucoup les contours du visage dans la reconnaissance (Gallay
et al., 2006).
En utilisant le même type de tâche, Kelly et al. (2007a,b) ont testé les capacités de discrimination de nourrissons anglais, de trois, six et neuf mois pour des visages de types caucasiens,
africains et chinois. Afin de rendre la tâche plus difficile, le point de vue (face, 3/4) changeait
entre l’apprentissage et le test de reconnaissance. Les résultats ont montré que, si les nourrissons
de trois et six mois étaient capables de discriminer tous les types de visages, les enfants de neuf
mois, en revanche, présentaient des limitations similaires à celles obtenues chez des adultes (une
reconnaissance n’est observée que pour les visages de leur propre type). Le même résultat a été
observé pour des nourrissons chinois en Chine, qui à trois mois sont capables de discriminer des
visages de différents types alors qu’à partir de neuf mois, ils sont limités à leur propre type de
visage (Kelly et al., 2009). L’expérience précoce avec les visages présents dans l’environnement
va donc façonner rapidement la représentation des visages du nourrisson et limiter ses capacités
discriminatoires.
Ces données sont confirmées par Ferguson et al. (2009) qui ont utilisé, avec des enfants européens, leur tâche dite composite décrite ci-dessus avec des visages européens ou africains. Ils
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montrent un effet composite à quatre mois pour les deux types de visages mais à huit mois, cet
effet ne perdure que pour les visages européens.
L’ensemble de ces données semble suggérer que des difficultés à reconnaître des visages peu
fréquents dans l’environnement existent dès la première année de vie et sont observées tout au
long de l’enfance. Cependant, cela ne signifie pas que le système soit figé. En effet, deux études
ont montré que des enfants adoptés au cours de l’enfance dans une ethnie très différente en termes
de visage apprenaient rapidement à discriminer les visages de leur nouveau groupe.
Sangrigoli et de Schonen (2004b) ont montré que des adultes d’origine asiatique qui avaient été
adoptés au cours de leur enfance par des Européens présentent les mêmes difficultés à discriminer
des visages asiatiques que leurs parents adoptifs.
de Heering et al. (2010) ont testé les capacités de reconnaissance des visages d’enfants asiatiques qui avaient été adoptés juste quelques années auparavant. Ils ont montré que ces enfants
avaient des performances moindres que les enfants non adoptés pour les visages européens et asiatiques tout en ayant une très bonne capacité de reconnaissance. Ces deux études démontrent une
capacité d’apprentissage chez l’enfant qui permet de résoudre l’ORE ; capacité d’apprentissage
qui semble disparaître chez l’adulte.
4. Conclusion
La difficulté à reconnaître des visages d’un autre type que le sien est un phénomène qui reste mal
compris malgré l’intérêt qu’il suscite. Nous avons essayé de démontrer que l’ORE se développe
au travers des processus suivants :
• l’exposition à des visages d’un seul type induit une familiarité ;
• cette familiarité crée un biais attentionnel pour ces types de visages ;
• une fois ce biais mis en place, la reconnaissance des visages d’autres types devient difficile.
Cela peut être interprété dans le cadre théorique proposé par Valentine en 1991. Si le prototype
de visages correspond à une moyenne des visages rencontrés durant notre vie, la reconnaissance
des visages rencontrés le plus souvent sera optimisée, ce qui ne sera pas le cas pour des visages
aperçus plus rarement. Cette hypothèse est séduisante, mais se heurte pourtant à certains faits,
notamment la persistance de l’ORE chez des sujets vivants dans des pays où la population est
mixte du point de vue ethnique (les États-Unis par exemple). Cet effet pourrait s’expliquer par
la nécessité de prendre en considération le type de rapports établis entre les individus, et non pas
simplement le nombre de contact avec tel ou tel type de visage.
Il apparaît donc important de s’interroger sur l’effet des critères sociaux, comme l’attitude
envers d’autres groupes ethniques, sur l’émergence de ce phénomène cognitif.
Pour cet aspect, il est intéressant de considérer le parallèle entre le développement du langage
et celui du traitement des visages. Les humains sont capables d’apprendre plusieurs langues, en
fait, la plus grande majorité de la population mondiale est bilingue. Il faut cependant distinguer
le bilinguisme actif et passif. Quand on parle du bilinguisme actif, il s’agit de parler deux langues
aisément et relativement bien. Contrairement à cela, le bilinguisme passif est le fait de comprendre
et de parler une première langue mais de comprendre, plus ou moins bien, une deuxième langue
sans la parler. Cette forme de bilinguisme s’observe lorsque la personne n’est pas activement
impliquée dans des conversations dans cette deuxième langue ou ne veut pas la pratiquer. On peut
imaginer que le même type de distinction puisse exister pour les visages. Être en présence de
visages de deux types n’est pas suffisant pour développer une capacité de traitement de ces deux
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visages. L’interaction et l’apprentissage conscient sont nécessaires pour être capable de traiter
plusieurs types de visages. Cette distinction permettrait d’expliquer pourquoi dans des pays où il
existe différents types de visages, les individus présentent toujours un ORE.
Considérant cette communauté de processus, on peut envisager de s’appuyer sur le cadre
conceptuel de l’acquisition du langage pour apporter un éclairage original au développement
de l’ORE. Dans cette perspective, la capacité à reconnaître et à discriminer des visages d’un
autre type ethnique que le sien pourrait être comparée à la plus ou moins grande maîtrise d’une
langue seconde. Ainsi, des distinctions pertinentes dans le champ de l’apprentissage des langues
pourraient s’avérer heuristiques pour l’étude de l’ORE.
Les questions qui restent d’actualité dans cette recherche sont donc d’évaluer l’effet des critères
sociaux ainsi que celui de l’attitude envers d’autres groupes ethniques dans ce phénomène cognitif.
Il est également important d’essayer de déterminer s’il existe une période critique au-delà de
laquelle la capacité à reconnaître des visages différents de ceux auxquels on a été le plus souvent
exposés diminuera.
Une façon d’explorer cette question pourrait consister à étudier les enfants qui grandissent
dans un milieu pluriethnique en cherchant à déterminer s’ils sont capables de reconnaître plus
facilement des visages d’un type différent du leur.
5. Conflit d’intérêt
Il n’y a pas de conflits d’intérêt pour notre article.
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