Reconnaissance des visages d`un autre groupe ethnique : éclairage
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Reconnaissance des visages d`un autre groupe ethnique : éclairage
This article appeared in a journal published by Elsevier. The attached copy is furnished to the author for internal non-commercial research and education use, including for instruction at the authors institution and sharing with colleagues. Other uses, including reproduction and distribution, or selling or licensing copies, or posting to personal, institutional or third party websites are prohibited. In most cases authors are permitted to post their version of the article (e.g. in Word or Tex form) to their personal website or institutional repository. Authors requiring further information regarding Elsevier’s archiving and manuscript policies are encouraged to visit: http://www.elsevier.com/copyright Author's personal copy Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Psychologie française 55 (2010) 243–257 Article original Reconnaissance des visages d’un autre groupe ethnique : éclairage d’une approche développementale The other race effect: A developmental approach X. de Viviés a , D.J. Kelly c , V. Cordier a , O. Pascalis b,d,∗ a Faculté des sciences de l’Homme et de l’environnement, université de la Réunion, rue du Général-Ailleret, 97430 Le Tampon, Réunion b Department of Psychology, University of Sheffield, Sheffield, Royaume-Uni c Department of Psychology, University of Glasgow, Glasgow, Royaume-Uni d Laboratoire de psychologie et neurocognition, université Pierre-Mendès-France, BP 47, 38040 Grenoble cedex 9, France Reçu le 3 septembre 2009 ; accepté le 7 juillet 2010 Résumé Dans cet article, nous nous attachons à explorer les déterminants de l’other race effect (ORE). Valentine (1991) a proposé un modèle de codage dans lequel chaque visage est encodé en fonction de sa déviation par rapport à une norme qui varie selon l’environnement des individus. Différents travaux chez les adultes montrent qu’en général les résultats soutiennent les prédictions issues du modèle. Nous nous intéressons également au développement de l’ORE au cours de l’enfance. Les travaux de Pascalis et de Schonen (1994) et de Pascalis et al. (1995, 1998) montrent que les nourrissons, de la naissance à l’âge de trois mois, sont capables de reconnaître des visages familiers. Par ailleurs, on note que des difficultés à reconnaître des visages peu fréquents dans l’environnement existent dès la première année. © 2010 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Développement ; Visage ; Ethnique ; Reconnaissance Abstract We are reviewing the recent findings on the Other Race Effect (ORE), which is the difficulty to recognize faces from other race compared to own race faces. Several hypotheses were proposed: negative attitude (Brigham and Malpass, 1985), attentional mechanisms (Chance and Goldstein, 1981), and the contact hypothesis (Brigham et al., 1982) which postulates that the ORE is due to a lack of experience with other ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Pascalis). 0033-2984/$ – see front matter © 2010 Société française de psychologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.psfr.2010.07.001 Author's personal copy 244 X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 race’s faces. The contact hypothesis being, of course, modulated by attention and attitude. Valentine (1991 ; Valentine and Endo, 1992) proposes a norm-based coding model in which faces are encoded as vectors according to their deviation from a prototypical average. The resulting dimensions will differ according to the input received with certain salient, individuating dimensions carrying more “weight” than others. Predominant exposure to faces of a specific species, gender, or race early in life will cause the dimensions of one’s prototype to become “tuned” towards such faces. The evidence presented support Valentine’s model but we are showing that the quality of the contact is crucial in the experience. We are arguing that a developmental approach is necessary to better understand the ORE. Infants are able to process and recognize faces from an early age and several recent studies have found that the ORE can be observed from 9–10 months of age. Experimental results indicate that 6- to 9-months of age represents an important time of transition in the face processing system. If a certain type of face (other races) is not experienced prior to this period, then we appear to lose our ability to discriminate between individual faces within those groups. © 2010 Société française de psychologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Development; Face; Other race effect On constate couramment que les adultes ont plus de facilité à reconnaître des visages de leur propre type ethnique, si celui-ci est prédominant dans le pays, en comparaison à des visages appartenant à d’autres types, minoritaires ou nouveaux. Ce phénomène est communément désigné en anglais comme le own-race bias (ORB) ou other race effect (ORE) (Bothwell et al., 1989 ; Meissner et Brigham, 2001 pour revue et discussion)1 . Une des explications de l’ORE est l’hypothèse de contact, selon laquelle ce phénomène est la conséquence d’une forte exposition à une catégorie de visages depuis la petite enfance. Pourtant, bien que cette hypothèse soit appuyée par de nombreuses études chez l’adulte (Brigham et al., 1982 ; Chance et al., 1975 ; Chiroro et Valentine, 1995 ; Cross et al., 1971 ; Lindsay et al., 1991), elle n’indique que la raison pour laquelle ce biais de facilitation s’est développé. En revanche, elle n’explique pas la nature de ce phénomène qui fait qu’un adulte reconnaît moins facilement un visage qui n’appartient pas à sa propre ethnie. La plus vieille étude dont nous avons connaissance décrivant l’ORE est celle de Feingold (1914). Elle est basée sur la constatation courante de la difficulté qu’on éprouve à reconnaître ou à discriminer des visages de personnes appartenant à un groupe ethnique différent du nôtre. On s’est contenté de ce constat pendant longtemps ; ce n’est qu’à la fin des années 1960 que des travaux empiriques ont commencé à explorer ce phénomène. Valentine (1991) a proposé un modèle de traitement selon lequel les visages seraient encodés dans un « espace visages », qu’on pourrait représenter par un ensemble de vecteurs dans un espace perceptuel multidimensionnel, et dont l’origine correspondrait à la moyenne de tous les visages qu’un individu a rencontré. Dans cet espace, les visages les plus « typiques » seront proches de l’origine et les visages les plus atypiques seront encodés plus « loin ». Selon ce principe, chaque nouveau visage est encodé en fonction de sa déviation par rapport à la norme. Ce modèle explique partiellement l’ORE : l’espace visages est modelé par les visages présents dans l’environnement et il est moins efficace pour les visages de personnes appartenant à des groupes minoritaires. 1 Indépendamment des définitions académiques des termes « race » et « ethnie », leur usage diffère entre les communautés francophones et anglophones. Pour des raisons que la sociologie pourrait certainement expliquer, en France le terme « race » n’est que très rarement utilisé en relation avec le genre humain, on lui préfère en général le terme « ethnie ». Ces deux termes ne sont certes pas équivalents sur le plan strictement sémantique, mais il nous a semblé plus pertinent d’utiliser le terme « ethnie » dans nos propos, là où la littérature anglophone utilise le terme « race », de façon à être cohérent avec les habitudes sémantiques du français. Author's personal copy X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 245 Dans cette revue de question, nous allons nous attacher à résumer les hypothèses explicatives de l’ORE chez l’adulte. Puis nous présenterons des données obtenues dans le cadre théorique de Valentine chez l’adulte. Finalement, nous nous intéresserons à l’approche développementale qui permet une interprétation nouvelle de ce phénomène. 1. Différentes hypothèses explicatives avancées pour expliquer l’ORE 1.1. L’ORE est-il dû à une plus grande homogénéité dans les visages de type différents du sien ? Selon cette hypothèse, certains types de visages présenteraient moins de variations que d’autres. Cependant, si tous les humains, quels que soient leurs origines et leurs types, sont sujets à l’ORE, et c’est effectivement le cas, alors il est évident que cette hypothèse tombe d’elle-même. En effet, si certains types humains présentaient plus de variabilité faciale que d’autres, l’ORE ne se manifesterait pas avec la même importance dans les différentes populations humaines. Par ailleurs, Goldstein (1979a,b) a comparé les mesures de visages caucasiens et japonais adultes et n’a pas observé de différences entre les deux groupes en termes de variabilité. Goldstein et Chance (1976, 1978) ont également montré que des Caucasiens américains ne trouvent pas les visages japonais moins variables que ceux de leur propre type. Il semblerait donc que, si les visages d’autres types que le nôtre soient jugés comme étant plus similaires entre eux, ils sont en réalité aussi variables que dans notre propre groupe. 1.2. L’ORE est-il dû à une attitude négative ? Cette hypothèse a été proposée par Brigham et Malpass (1985) qui avaient identifié l’attitude négative comme un facteur potentiel de problèmes de reconnaissance de visages d’autres types. Cependant, les travaux engagés pour explorer cette piste n’ont donné aucun résultat qui soit de nature à donner du crédit à l’hypothèse de « l’attitude négative » (Brigham et Barkowitz, 1978 ; Carroo, 1987 ; Lavrakas et al., 1976). 1.3. La difficulté à reconnaître un visage pourrait-elle être liée à un problème attentionnel ? Formulé autrement, les gens porteraient plus d’attention aux visages de leur propre groupe qu’aux visages d’autres groupes. Dans cet esprit, Chance et Goldstein (1981) ont postulé l’existence d’une disparité au niveau de l’orientation attentionnelle. On aurait tendance à la diriger spontanément vers des visages de son propre type plutôt que vers d’autres types de visages. Pour tester cette hypothèse, les auteurs ont demandé à leurs sujets de décrire des visages et de leur attribuer un état. Ils ont observé que les réponses pour les visages du même type que les sujets étaient des jugements d’états, tels que « heureux » ou « ennuyé » alors que les réponses pour les visages d’autres groupes ethniques étaient formulées en termes plus généraux tel que homme/femme. Cependant, la relation entre le niveau d’encodage de ces visages et leur reconnaissance n’a pas été étudiée. 1.4. La quatrième hypothèse repose sur la fréquence des contacts avec des visages de types différents du sien (hypothèse de contact) L’hypothèse qui semble la plus vraisemblable est celle du contact qu’un sujet entretient avec d’autres personnes. Si l’on a peu de contact avec un type de visage, on aura une moins grande Author's personal copy 246 X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 expertise pour le reconnaître. En conséquence, on admet que les individus qui vivent dans un environnement où un type de visage est prédominant présentent un plus grand ORE que ceux qui vivent dans des communautés mixtes. Cependant les données d’études relatives à cette hypothèse sont assez contrastées et l’expérience ne semble pas être un facteur réduisant complètement l’ORE (Brigham et Barkowitz, 1978 ; Luce, 1974 ; Ng et Lindsay, 1994). La plupart de ces études ont été conduites aux États-Unis et montrent que les Américains d’origine européenne présentent un ORE plus marqué que les Noirs américains (Lindsay et al., 1991 ; Malpass et Kravitz, 1969). Il faut noter cependant que dans toutes ces études, les participants habitaient dans des quartiers dont la majorité des habitants étaient de type européen. Carroo (1986) a montré que des participants afro-américains vivant dans des quartiers à forte densité d’AfroAméricains présentent une meilleure reconnaissance des visages de leur type que pour des visages blancs. Dans une autre étude, Carroo (1987) a montré que des Afro-Américains sont cependant meilleurs pour les visages de Blancs que des Nigériens primo-arrivants aux États-Unis. On peut attribuer ce résultat au fait que les sujets afro-américains avaient eu une exposition bien plus importante aux visages blancs que les sujets nigériens. Chance et al. (1975) ont testé des sujets américains d’origine européenne ainsi que des sujets afro-américains sur des visages blancs, noirs et japonais ; leurs résultats confirment également l’idée que l’expérience joue un rôle important. Ils ont montré en effet que les sujets américains d’origine européenne obtenaient de meilleurs résultats avec les visages blancs qu’avec des visages de type africain ou de type japonais. Les sujets afro-américains, quant à eux, obtenaient de meilleurs résultats avec les visages de type africain, des résultats intermédiaires avec des visages blancs et de moins bons résultats avec des visages japonais. Les auteurs de cette étude affirment que les résultats de ces deux populations correspondent à l’expérience que les sujets testés ont acquise dans le passé avec les visages des trois groupes de stimuli. De plus, une des toutes premières études sur le terrain en cette matière a établi une corrélation positive entre le fait d’avoir eu une expérience multiraciale et une identification correcte des visages présentés (Brigham et al., 1982). Bien que ces études aient fourni des preuves de l’ORE, vu l’aspect multiculturel des États-Unis il est plus que probable que tous les sujets testés auront eu une exposition à des personnes de groupes ethniques différents. Pour explorer plus en détail ces aspects, il est nécessaire de mener des études interculturelles. Une telle étude, menée par Ellis et Deregowski (1981), a montré un effet inter-ethnie après avoir testé des sujets européens et africains dans leurs pays respectifs (l’Écosse et le Zimbabwe). Cependant, ce résultat doit être modulé par le fait qu’une étude précédente menée par les mêmes auteurs (Shepherd et al., 1974) a mis en évidence une reconnaissance différentielle pour les sujets écossais mais pas pour les sujets du Zimbabwe. 1.5. Pluralité des facteurs intervenant dans l’ORE Le fait de voir souvent des visages d’un type différent du sien suffit-il à ne pas avoir de difficulté à les reconnaître ? Nous venons de voir que les résultats ne sont pas aussi clairs que cela. D’autres facteurs vont influencer l’ORE. Bien que, comme on l’a vu plus haut, l’attitude et l’orientation attentionnelle ne constituent pas des facteurs importants pour expliquer l’ORE, il est néanmoins possible qu’ils jouent un rôle de modulation dans l’expression de cet effet. Ainsi, certains auteurs (par exemple Brigham et Malpass, 1985 ; Lavrakas et al., 1976) ont suggéré que c’était la qualité du contact qui importait plus que la quantité. De même, Lavrakas et al. (1976) ont montré que pour des sujets américains d’origine européenne le fait d’avoir des amis afro-américains entraînait de meilleurs résultats avec des visages de type africain que si les sujets vivaient simple- Author's personal copy X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 247 ment près d’Afro-Américains ou avaient fréquenté les mêmes écoles mais sans lier de relations d’amitié. 2. Le modèle multidimensionnel de l’espace visages 2.1. Généralités sur le modèle Valentine (1991 ; Valentine et Endo, 1992) a proposé un modèle de codage dans lequel chaque visage est encodé comme un vecteur en fonction de sa déviation par rapport à un prototype moyen. Ce prototype correspondrait à une compilation des visages connus qui aboutirait à un visage normé. Les normes étant entre autres : le sexe du visage, son teint, son âge, la forme des yeux, etc. Ce modèle, qui suppose la confrontation avec un nombre important de visages, est pertinent pour expliquer l’ORE chez les adultes, mais il devrait être différent au cours du développement. Selon Nelson (2001), à la naissance, les dimensions de ce prototype sont étendues et non spécifiques et son développement va dépendre de l’« apport » de visages (input). Les dimensions qui vont se construire diffèreront selon l’apport reçu. De plus, certaines dimensions plus saillantes et propres à un individu auront plus de poids que d’autres. Ainsi, lorsqu’un individu a été exposé principalement à des visages d’un seul sexe ou d’un seul type ethnique, les dimensions de son prototype seront accordées à cette exposition particulière. Le modèle de Valentine fait de nombreuses prédictions pour les visages de son propre type. Par exemple, des visages typiques seront rassemblés de façon assez dense et seront situés près de la moyenne. En revanche, des visages plus distincts seront encodés de façon plus éclatée et seront situés plus loin de la norme du prototype dans l’espace visages. Si cette prédiction est correcte, un individu devrait avoir plus de facilité à se souvenir d’un visage plus distinct par rapport à des visages typiques puisqu’au sein de l’espace visages, il sera entouré de moins d’exemplaires qui risqueraient d’interférer avec un rappel correct. Une seconde prédiction, associée à la première, est que des visages typiques seront catégorisés plus rapidement en tant que « visage » que des visages distincts, puisqu’ils correspondent davantage au prototype. Ces deux prédictions ont été confirmées (Valentine, 1991 ; Valentine et Bruce, 1986). Du point de vue de l’ORE, on peut logiquement penser que des visages appartenant à d’autres ethnies ne correspondront pas bien à la norme du prototype étant donné que le prototype se construit en fonction du type de visages rencontrés fréquemment dans l’environnement. Ainsi, les exemples de visages appartenant à d’autres ethnies et mémorisés dans l’espace visages devraient se situer loin de la norme et, par conséquent, devraient être perçus comme étant distincts. Selon ce raisonnement, des visages appartenant à des ethnies différentes de celle du sujet devraient être reconnus plus facilement que les visages appartenant à sa propre ethnie. Cette prédiction semble paradoxale et les travaux présentés ici montrent clairement que ce n’est pas le cas. Pour répondre à ce paradoxe, Valentine postule que les visages appartenant à d’autres types ethniques que le sujet ne sont pas encodés comme ceux de sa propre ethnie : leur densité ne diminue pas au fur et à mesure qu’ils s’éloignent du prototype. La logique de ce raisonnement repose sur l’idée que les dimensions du prototype d’un individu sont optimales pour discriminer les visages appartenant à son propre type. De ce fait, des visages appartenant à une autre ethnie seront, certes, situés loin de la norme, mais en revanche, ils seront rassemblés de façon très dense ; ce qui expliquerait les difficultés éprouvées à discriminer différents visages d’un même type ethnique, différent de celui du sujet. Author's personal copy 248 X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 Chiroro et Valentine (1995) ont étudié le rôle du type de visage, au sein de l’espace visages, du point de vue de l’hypothèse de contact. Ils ont testé des sujets en Angleterre et au Zimbabwe et les ont regroupés en fonction de leur degré de contact avec des individus de l’autre ethnie. Les deux groupes à haut degré de contact étaient issus d’une école au Zimbabwe qui acceptait aussi bien des étudiants noirs que blancs. Le sous-groupe noir à faible degré de contact était issu de l’école d’un petit village du Zimbabwe sans télévision. Les auteurs précisent qu’à l’exception du prêtre du village, qui était blanc, les enfants avaient eu très peu de contact avec des sujets blancs. Le sous-groupe blanc à faible degré de contact était issu de l’école d’un village du nord-est de l’Angleterre. Les résultats ont montré que les visages blancs étaient généralement mieux reconnus que les visages noirs, mais un effet inter-ethnie de base était cependant observé. Pour les sujets noirs, le groupe à haut degré de contact reconnaissait aussi bien les visages des deux groupes, alors que le groupe à bas degré de contact reconnaissait mieux les visages appartenant à leur propre groupe ethnique. Les sujets blancs des deux groupes reconnaissaient mieux les visages blancs ; par ailleurs, le groupe à haut degré de contact était légèrement plus performant dans la reconnaissance des visages noirs que le groupe à bas degré de contact, sans que cet effet soit significatif. En revanche, un effet majeur a été observé pour les visages atypiques, qui sont systématiquement mieux reconnus que les visages typiques. Les auteurs concluent qu’en général les résultats soutiennent les prédictions issues du modèle espace visages mais que l’hypothèse de contact n’est validée que pour les sujets noirs. Les faibles résultats du groupe blanc à haut degré de contact avec les visages de l’autre ethnie sont difficilement interprétables. Il faut cependant considérer ces résultats au regard du contexte : en effet, il est important de se rappeler que le Zimbabwe est un pays avec une histoire sombre de tensions ethniques, ce qui a certainement influencé les rapports entre les différents groupes, même s’ils ont l’occasion de se fréquenter quotidiennement. 2.2. L’ethnie perçue comme une caractéristique visuelle Valentine et Endo (1992) ont constaté que, bien que nous soyons plus précis lorsqu’il s’agit de reconnaître des visages appartenant à notre propre ethnie, nous sommes également plus rapides lorsqu’il s’agit de catégoriser des visages appartenant à une ethnie différente. Selon Levin (1996, 2000), qui a étudié ce paradoxe, le modèle espace visages ne suffit pas à expliquer ces résultats. Le modèle espace visages stipule en effet que l’augmentation de l’expertise dans la discrimination des visages de son propre groupe s’opère au détriment de la capacité à discriminer des visages d’autres groupes. On devient expert pour un type de visage mais il ne semble pas possible d’être expert pour plusieurs types. Bien que cette hypothèse soit partagée par la plupart des auteurs, Levin la réfute en faisant remarquer que cette explication ignore totalement les différences importantes dans les cognitions sociales, et la priorité accordée à l’encodage de caractéristiques associées aux visages appartenant à sa propre ethnie par rapport aux caractéristiques associées aux visages d’autres ethnies. Pour prendre en compte ces dimensions, Levin (2000) postule une hypothèse dite « EthnieCaractéristique », selon laquelle notre expertise à classifier des visages d’un autre type serait supérieure à notre capacité de discrimination de visages appartenant à notre propre type. Selon cette hypothèse, pour « des individus Blancs, l’ethnie n’est pas encodée comme noir ou blanc, mais bien comme noir ou pas noir » (Levin, 2000 p. 1366). Par conséquent, en partant du principe qu’il est plus simple d’établir la présence d’une caractéristique, plutôt que son absence, cette hypo- Author's personal copy X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 249 thèse permettrait d’expliquer l’avantage observé dans une situation de classification de visages appartenant à une autre ethnie. De plus, l’information qui spécifie l’ethnie à laquelle appartient un individu serait mise en valeur aux dépens d’une information permettant de différencier des visages, ce qui expliquerait le paradoxe. Cependant, des études électrophysiologiques menées par Caldara et al. (2003, 2004) ont mis en doute la légitimité de cette explication. L’hypothèse Ethnie-Caractéristique affirme en effet que le signal visuel nécessaire à l’encodage du type de visage (le feature-positive) devrait théoriquement être détecté lorsque des visages appartenant à d’autres groupes sont perçus. Ce qui devrait se traduire par des différences dans le traitement des visages au niveau de l’encodage. Bentin et al. (1996) ont été les pionniers dans la description d’une onde cérébrale reliée à la présentation des visages. Elle apparaît, chez l’adulte, 170 ms après la présentation d’un visage, et est négative. Cette négativité (N170) n’est pas observée pour d’autres stimuli visuels tels que des voitures ou des animaux. Caldara et ses collègues ont démontré que la réaction N170 aux visages appartenant à l’ethnie de l’individu est identique à celle produite pour les visages appartenant à une autre ethnie ; les différences n’apparaissant que plus tard dans le traitement. Les auteurs interprètent ce résultat comme la preuve irréfutable que le N170 ne dépend pas du degré de familiarité avec tel ou tel type de visage. Au contraire, conformément à d’autres travaux (notamment Bentin et al., 1996), ils confirment que le N170 est une composante très générale, sensible à la configuration structurelle d’un visage plutôt qu’à ses caractéristiques ethniques. En effet, ce n’est qu’après 240 ms qu’un avantage de traitement apparaît en faveur de visages appartenant à une autre ethnie. Pour ces auteurs, ce second stade de traitement serait dû à la prise en compte d’informations sémantiques. Selon ce nouveau point de vue, l’avantage pour la classification de visages appartenant à une autre ethnie pourrait trouver son origine à ce stade-ci du traitement dans la mesure où « ces visages évoquent des représentations moins sémantiques en raison de la faiblesse des expériences que nous avons avec des visages appartenant à une autre ethnie » (Caldara et al., 2004 ; p. 910). 2.3. Traitement des éléments vs traitement configural On peut reconnaître des individus principalement à partir de traits internes du visage, tels le nez, les yeux ; il s’agit d’un processus que l’on appelle « traitement des éléments ». Il existe un autre système dit « configural » qui permettrait de reconnaître les visages (Leder et Bruce, 2000). La définition du terme configural a longtemps été controversée. Maurer et al. (2002) ont proposé une définition qui permet de les réunir. Au niveau basique, le traitement configural consiste à catégoriser le stimulus en tant que visage « il y a deux yeux au-dessus d’un nez ». Diamond et Carey (1977) appellent cela un « traitement de premier ordre ». Le traitement configural consiste également à lier les traits faciaux entre eux. Cette opération est quelquefois appelée « traitement holistique ». Enfin, le terme « configural » est aussi utilisé pour définir le traitement « de deuxième ordre » de Diamond et Carey, c’est-à-dire l’analyse des distances entre les principaux éléments constitutifs du visage (yeux, bouche, ligne des cheveux, etc.). Rhodes et al. (1989) ont utilisé l’effet d’inversion pour étudier l’usage de l’information configurale quand on traite des visages appartenant à notre propre groupe par rapport à ceux appartenant à un autre groupe. Dans cette étude, des sujets chinois et européens ont montré un effet d’inversion plus important pour les visages appartenant à leur propre ethnie. Ce résultat suggère que les deux populations aient adopté une stratégie configurale pour la reconnaissance des visages appartenant à leur propre ethnie et une stratégie basée sur le traitement des éléments pour la reconnaissance des visages appartenant à une autre ethnie. Author's personal copy 250 X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 Michel et al. (2006) ont testé des sujets belges et coréens dans leurs pays respectifs au moyen d’une tâche de visages composites. Ils présentaient des stimuli formés du haut du visage d’une personne, associés au bas du visage d’une autre personne. Ces stimuli sont perçus comme des montages si les deux parties ne sont pas bien alignées, et comme un nouveau visage si l’alignement est parfait. Michel et al. ont constaté que les deux groupes traitaient les visages appartenant à leur propre ethnie de façon plus holistique que les visages appartenant à une autre ethnie. 2.4. L’uniformité de l’ORE à travers les cultures Les travaux étudiant l’ORE chez les adultes ont été menés auprès de différents groupes ethniques dans différents pays, avec des résultats positifs dans la grande majorité des groupes testés, ce qui fait dire à Chance et Goldstein (1996) que cet effet est l’un des plus robustes en psychologie. Certaines questions subsistent à propos de l’ORE, mais on peut néanmoins établir un certain nombre de points avec certitude : • • • • son existence est irréfutable ; il concerne tous les groupes ethniques ; il n’est pas lié à des attitudes négatives ; il se développe tôt dans la vie. De plus, il est probable que cet effet soit fortement lié au degré de familiarisation des sujets, avec des visages d’autres types ethniques que le sien. En revanche, l’ORE semble être beaucoup plus complexe que ce qu’on s’imaginait à l’origine et, malgré plus de 30 ans de recherche, la raison pour laquelle se manifeste cet effet reste inexpliquée. Nous allons à présent nous pencher sur les travaux qui ont exploré la dimension développementale de l’ORE. 3. Le développement de l’ORE On a vu l’importance que semblait jouer l’expérience visuelle et sociale avec d’autres groupes ethniques sur l’ORE, il semble donc judicieux d’employer une approche développementale afin de savoir comment l’ORE se construit au cours de l’enfance. Deux situations sont envisageables : • soit les enfants naissent avec des dispositions à l’ORE qui pourraient éventuellement se moduler en fonction du type de visages auxquels ils seraient exposés ; • soit ils ne présenteraient aucun ORE à la naissance, mais le développeraient en réponse à l’homogénéité des visages présents habituellement dans leur environnement. Nous allons tout d’abord résumer très brièvement nos connaissances sur le développement du traitement des visages. Les visages sont omniprésents dans l’environnement du nourrisson et sont certainement les plus fréquents des stimuli visuels qu’ils vont rencontrer durant les premiers jours de leur vie. Il n’est donc pas déraisonnable de penser que les visages puissent être préférés à d’autres stimuli visuels. Plusieurs études (Goren et al., 1975 ; Johnson et al., 1991) ont montré que des face-like patterns en mouvement induisent un plus grand comportement de suivi que des non face-like patterns chez des nouveau-nés quelques minutes après la naissance. Une préférence a également Author's personal copy X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 251 été observée avec des photos de vrais visages appariés à des visages inversés (Macchi Cassia et al., 2004). Les visages majoritairement présents dans l’environnement de l’enfant influencent le type de représentation qu’ils ont des visages. Quinn et al. (2002) ont fait l’hypothèse que la représentation ou le prototype des visages chez les nourrissons de trois mois pourrait être biaisé en faveur de visages féminins, la mère étant habituellement la personne principale qui s’occupe du nourrisson. Ils ont en effet montré que les nourrissons de trois mois élevés par leur mère préfèrent regarder les visages féminins. En outre, dès la première semaine de vie, les nouveau-nés sont capables de reconnaître le visage de leur mère (Bushnell et al., 1989 ; Pascalis et al., 1995). Des nouveau-nés de quatre jours familiarisés avec un visage étranger le reconnaissaient immédiatement ainsi qu’après un délai de deux minutes (Pascalis et de Schonen, 1994 ; Turati et al., 2006). Les nourrissons de trois mois sont également capables de reconnaître une photo de visage sous un point de vue différent que celui sous lequel il avait été appris (Pascalis et al., 1998). Cohen et Cashon (2001) ont mis en évidence des signes d’effet d’inversion à l’âge de sept mois. Les nourrissons ont été habitués à deux visages de femmes et déshabitués avec un composite correspondant aux traits internes d’un des deux visages et des traits externes de l’autre. Leurs résultats montrent que dans la condition « endroit » les nourrissons traitent le composite comme un nouveau visage mais ils le traitent comme familier lorsque-il est présenté à l’envers, ce qui démontre un traitement de type configural. Nelson (2001) suggère que les enfants possèdent à la naissance un potentiel de perception et de traitement des visages qui se développe avec l’expérience. Selon lui, le développement de ce système conduit à une réduction de capacités que l’on peut qualifier de spécialisation. Nelson compare le développement du traitement des visages au développement du langage. Chez l’enfant, des similitudes importantes sont observées dans le répertoire phonétique des enfants de différentes origines culturelles. Vers l’âge de six mois, ce répertoire se spécialise à la langue que l’enfant perçoit (pour une revue, Aslin et al., 1998). Il a suggéré que le système présent durant la première année de vie serait très général et non spécifique de l’espèce, puis se transformerait en système spécifique de l’espèce humaine. L’environnement façonnerait le développement du visage. À l’âge adulte, une expérience extensive avec des visages humains produirait un prototype spécialisé aux visages humains. De Haan et al. (2001) ont montré l’existence d’un prototype visage à l’âge de trois mois, c’est donc aux alentours de cet âge que le système devrait devenir spécifique à l’espèce. Pascalis et al. (2002) ont testé cette hypothèse et montré que si des nourrissons de six et neuf mois étaient capables de discriminer des visages humains seuls les nourrissons de six mois pouvaient discriminer des visages de singe. À partir de neuf mois, les enfants ont perdu la capacité à traiter et reconnaître des visages d’autres espèces. Il est généralement admis que les enfants sont très mauvais à reconnaître les visages jusqu’à l’âge de dix ans (Carey, 1992) mais cela est basé sur une littérature des années 1970. Une observation plus détaillée de la littérature montre que les enfants sont en fait capables de bonnes performances plus tôt (voir Want et al., 2003 pour une revue). Même si certains aspects du traitement des visages ne correspondront à ceux des adultes que vers l’âge de 16 ans, le développement du traitement des visages commence en fait dès la première semaine de vie. Au cours de la première année de vie, on observe certaines compétences qui sont similaires à celles observées chez l’adulte comme la reconnaissance sous différents angles, ou la sensibilité à l’effet d’inversion. Cependant le système de traitement des visages se développe lentement et passe par différentes étapes durant la petite enfance et durant l’enfance avant d’atteindre les capacités de traitement de l’adulte. L’environnement joue un rôle prédominant tout au long de ce développement. Author's personal copy 252 X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 Nous avons mentionné que l’ORE pouvait être la conséquence d’un manque d’exposition à des visages d’autres groupes ethniques que le sien. Les nourrissons voient rarement d’autres visages que leurs parents durant les trois premiers mois puis peu de visages jusqu’à un âge avancé. Les enfants sont eux aussi limités dans le nombre de visages rencontrés et ils représentent une population pour laquelle on peut facilement quantifier l’exposition avec d’autres types de visages que le leur et celui de leur entourage. Une approche développementale représente donc un des meilleurs moyens pour étudier le rôle de l’expérience sur le développement de l’ORE et de déterminer quand celle-ci apparaît. Il existe peu de données sur le développement de l’ORE chez l’enfant, mais on pense que cet effet se développe tôt dans la vie et qu’il est probablement lié à l’expérience de l’individu. Feinman et Entwhistle (1976) ont testé, aux États-Unis, des enfants blancs et noirs âgés de six à 11 ans appartenant soit à des communautés mixtes soit à des communautés où la ségrégation raciale est en vigueur. Les deux groupes ethniques ont manifesté un effet d’ORE et cet effet était plus important chez les sujets issus des communautés où la ségrégation raciale était en vigueur. Cross et al. (1971) ont également signalé des résultats différentiels causés par la ségrégation. Cependant, en y regardant de plus près, les données révèlent que les enfants blancs issus de communautés mixtes obtenaient des résultats très inférieurs pour les visages appartenant à leur propre ethnie par rapport aux enfants blancs issus de communautés où la ségrégation raciale était en vigueur, mais les deux groupes obtenaient des résultats comparables pour les visages appartenant à une ethnie différente. Chance et al. (1982) ont testé des enfants blancs âgés entre six et sept ans, dix et 11 ans, 12 et 13 ans et des étudiants universitaires (âges non fournis) avec des visages caucasiens et japonais. Les auteurs ont constaté de meilleurs résultats avec les visages blancs dans tous les groupes, mais cette différence n’atteignait pas un niveau significatif dans le groupe le plus jeune. Toutes ces études utilisaient une tâche ancien/nouveau. Dans ce type de tâche, un certain nombre de visages (par exemple 20) sont présentés aux sujets qui doivent les étudier afin de se les rappeler plus tard. Ensuite, on présente les visages étudiés ainsi qu’un nombre égal de visages neufs aux sujets testés, pour chacun des visages présentés, les sujets doivent décider s’il s’agit d’un nouveau visage ou d’un ancien visage. Ce genre de paradigme présente l’inconvénient d’utiliser la mémoire à long terme, il est donc difficile de dissocier la part due au traitement des visages de celle due à l’aspect mnésique. Pezdek et al. (2003) ont observé des ORE en utilisant une technique très différente, ces effets s’observent aussi bien sur des adultes que sur des enfants. Pour cette tâche, les sujets devaient regarder une vidéo dans laquelle un homme blanc et un homme noir sont debout l’un à côté de l’autre en train de préparer à manger. On demandait aux sujets de faire attention aux deux hommes car plus tard ils devraient les identifier. Le lendemain, les sujets regardaient deux vidéos (une pour chacun des hommes vus dans la première vidéo) de six personnes alignées comprenant l’homme « cible » ainsi que cinq individus appariés en fonction de leur physique ; leur tâche consistait à identifier l’homme vu dans la vidéo de la veille. Pour tous les âges, les auteurs ont observé un effet inter-ethnie significatif et cohérent avec les résultats classiques, ce qui indique à nouveau qu’il existe effectivement une reconnaissance différentielle dès l’âge de cinq ans. Plus récemment, Sangrigoli et de Schonen (2004a,b) ont démontré, dans une tâche de choix forcé, que l’ORE peut également être observé chez des enfants dès l’âge de trois ans. Ces études montrent que l’ORE est en réalité très précoce et elles suggèrent que son émergence pourrait être mieux comprise en testant des nourrissons. Selon Nelson (2001), les différentes dimensions du prototype facial présentes à la naissance seraient plutôt générales et se spécialiseraient peu à peu avec l’expérience. La plupart des nour- Author's personal copy X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 253 rissons grandissant dans un univers monoracial, leur représentation des visages devrait également être monoraciale, ce qu’on devrait pouvoir observer dans leur comportement. Kelly et al. (2005, 2007a,b) ont exploré cette dimension avec une tâche de préférence visuelle spontanée. Les nourrissons regardaient un écran sur lequel étaient présentées des paires de visages de différents types. Les nourrissons anglais ont vu des visages de types européens appariés avec des visages de types africain ou chinois ; les nourrissons chinois ont vu des visages chinois appariés à d’autres types de visages. Si un des visages est plus proche de la représentation des visages du nourrisson, les auteurs s’attendaient à ce qu’il reçoive plus d’attention comme cela a été observé pour les visages féminins par Quinn et al. (2002). Leurs résultats montrent que, si les nouveau-nés (trois à quatre jours) ne présentent pas de préférence pour des visages du même type que leurs parents, dès l’âge de trois mois en revanche, les nourrissons manifestent une préférence pour les visages les plus présents dans leur environnement (chinois pour Kelly et al., 2007a,b et caucasien pour Kelly et al., 2005). Les auteurs justifient ces résultats en invoquant l’expérience qu’ont eue ces nourrissons. Ce résultat est renforcé par celui de Bar-Haim et al. (2006) qui ont démontré une préférence pour le type de visage le plus présent dans l’environnement dans une population de nourrissons israéliens et éthiopiens, alors qu’un groupe d’enfant éthiopiens exposés aux deux types de visages ne présentait pas de préférence. Cependant, ces études de préférence n’ont pas évalué la possibilité de reconnaître des visages non présents dans l’environnement de l’enfant, ce qui correspond à la définition de l’ORE chez l’adulte. Au moyen d’une tâche de comparaison de visages appariés, Sangrigoli et de Schonen (2004a) ont démontré que des nourrissons, de type européen, âgés de trois mois étaient capables de reconnaître un visage européen, mais pas un visage asiatique, ce qui est une des caractéristiques de l’ORE. Cependant, cette étude était limitée dans la mesure où une seule population ethnique et un seul stimulus visage appartenant à une autre ethnie étaient utilisés. De plus, dans une seconde expérience où les nourrissons étaient habitués à trois exemplaires de visages (comparé à un seul visage dans la première expérience), la reconnaissance avait lieu aussi bien avec les visages appartenant à sa propre ethnie qu’avec les visages appartenant à une autre ethnie. Il semble donc que l’effet observé à trois mois soit faible puisqu’il disparaît après une exposition limitée à des visages asiatiques. De plus, ces auteurs ont utilisé des visages dont la chevelure était masquée ce qui rendait la tâche de reconnaissance plus difficile et pouvait avoir enlevé des indices pertinents pour les nourrissons qui utilisent beaucoup les contours du visage dans la reconnaissance (Gallay et al., 2006). En utilisant le même type de tâche, Kelly et al. (2007a,b) ont testé les capacités de discrimination de nourrissons anglais, de trois, six et neuf mois pour des visages de types caucasiens, africains et chinois. Afin de rendre la tâche plus difficile, le point de vue (face, 3/4) changeait entre l’apprentissage et le test de reconnaissance. Les résultats ont montré que, si les nourrissons de trois et six mois étaient capables de discriminer tous les types de visages, les enfants de neuf mois, en revanche, présentaient des limitations similaires à celles obtenues chez des adultes (une reconnaissance n’est observée que pour les visages de leur propre type). Le même résultat a été observé pour des nourrissons chinois en Chine, qui à trois mois sont capables de discriminer des visages de différents types alors qu’à partir de neuf mois, ils sont limités à leur propre type de visage (Kelly et al., 2009). L’expérience précoce avec les visages présents dans l’environnement va donc façonner rapidement la représentation des visages du nourrisson et limiter ses capacités discriminatoires. Ces données sont confirmées par Ferguson et al. (2009) qui ont utilisé, avec des enfants européens, leur tâche dite composite décrite ci-dessus avec des visages européens ou africains. Ils Author's personal copy 254 X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 montrent un effet composite à quatre mois pour les deux types de visages mais à huit mois, cet effet ne perdure que pour les visages européens. L’ensemble de ces données semble suggérer que des difficultés à reconnaître des visages peu fréquents dans l’environnement existent dès la première année de vie et sont observées tout au long de l’enfance. Cependant, cela ne signifie pas que le système soit figé. En effet, deux études ont montré que des enfants adoptés au cours de l’enfance dans une ethnie très différente en termes de visage apprenaient rapidement à discriminer les visages de leur nouveau groupe. Sangrigoli et de Schonen (2004b) ont montré que des adultes d’origine asiatique qui avaient été adoptés au cours de leur enfance par des Européens présentent les mêmes difficultés à discriminer des visages asiatiques que leurs parents adoptifs. de Heering et al. (2010) ont testé les capacités de reconnaissance des visages d’enfants asiatiques qui avaient été adoptés juste quelques années auparavant. Ils ont montré que ces enfants avaient des performances moindres que les enfants non adoptés pour les visages européens et asiatiques tout en ayant une très bonne capacité de reconnaissance. Ces deux études démontrent une capacité d’apprentissage chez l’enfant qui permet de résoudre l’ORE ; capacité d’apprentissage qui semble disparaître chez l’adulte. 4. Conclusion La difficulté à reconnaître des visages d’un autre type que le sien est un phénomène qui reste mal compris malgré l’intérêt qu’il suscite. Nous avons essayé de démontrer que l’ORE se développe au travers des processus suivants : • l’exposition à des visages d’un seul type induit une familiarité ; • cette familiarité crée un biais attentionnel pour ces types de visages ; • une fois ce biais mis en place, la reconnaissance des visages d’autres types devient difficile. Cela peut être interprété dans le cadre théorique proposé par Valentine en 1991. Si le prototype de visages correspond à une moyenne des visages rencontrés durant notre vie, la reconnaissance des visages rencontrés le plus souvent sera optimisée, ce qui ne sera pas le cas pour des visages aperçus plus rarement. Cette hypothèse est séduisante, mais se heurte pourtant à certains faits, notamment la persistance de l’ORE chez des sujets vivants dans des pays où la population est mixte du point de vue ethnique (les États-Unis par exemple). Cet effet pourrait s’expliquer par la nécessité de prendre en considération le type de rapports établis entre les individus, et non pas simplement le nombre de contact avec tel ou tel type de visage. Il apparaît donc important de s’interroger sur l’effet des critères sociaux, comme l’attitude envers d’autres groupes ethniques, sur l’émergence de ce phénomène cognitif. Pour cet aspect, il est intéressant de considérer le parallèle entre le développement du langage et celui du traitement des visages. Les humains sont capables d’apprendre plusieurs langues, en fait, la plus grande majorité de la population mondiale est bilingue. Il faut cependant distinguer le bilinguisme actif et passif. Quand on parle du bilinguisme actif, il s’agit de parler deux langues aisément et relativement bien. Contrairement à cela, le bilinguisme passif est le fait de comprendre et de parler une première langue mais de comprendre, plus ou moins bien, une deuxième langue sans la parler. Cette forme de bilinguisme s’observe lorsque la personne n’est pas activement impliquée dans des conversations dans cette deuxième langue ou ne veut pas la pratiquer. On peut imaginer que le même type de distinction puisse exister pour les visages. Être en présence de visages de deux types n’est pas suffisant pour développer une capacité de traitement de ces deux Author's personal copy X. de Viviés et al. / Psychologie française 55 (2010) 243–257 255 visages. L’interaction et l’apprentissage conscient sont nécessaires pour être capable de traiter plusieurs types de visages. Cette distinction permettrait d’expliquer pourquoi dans des pays où il existe différents types de visages, les individus présentent toujours un ORE. Considérant cette communauté de processus, on peut envisager de s’appuyer sur le cadre conceptuel de l’acquisition du langage pour apporter un éclairage original au développement de l’ORE. Dans cette perspective, la capacité à reconnaître et à discriminer des visages d’un autre type ethnique que le sien pourrait être comparée à la plus ou moins grande maîtrise d’une langue seconde. Ainsi, des distinctions pertinentes dans le champ de l’apprentissage des langues pourraient s’avérer heuristiques pour l’étude de l’ORE. Les questions qui restent d’actualité dans cette recherche sont donc d’évaluer l’effet des critères sociaux ainsi que celui de l’attitude envers d’autres groupes ethniques dans ce phénomène cognitif. Il est également important d’essayer de déterminer s’il existe une période critique au-delà de laquelle la capacité à reconnaître des visages différents de ceux auxquels on a été le plus souvent exposés diminuera. Une façon d’explorer cette question pourrait consister à étudier les enfants qui grandissent dans un milieu pluriethnique en cherchant à déterminer s’ils sont capables de reconnaître plus facilement des visages d’un type différent du leur. 5. Conflit d’intérêt Il n’y a pas de conflits d’intérêt pour notre article. Références Aslin, R.N., Jusczyk, P.W., Pisoni, D.B., 1998. 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