declaration commune des maires des villes

Transcription

declaration commune des maires des villes
DECLARATION COMMUNE DES MAIRES
DES VILLES-CAPITALES D’OUTRE MER
La 6ème Conférence des Villes capitales d’outre-mer s’est tenue à Mamoudzou, les 12 et 13
avril 2016, en présence des Maires, Mohamed MAJANI de la Ville de Mamoudzou, MarieLaure PHINERA-HORTH de la Ville de Cayenne, Jacques BANGOU de la Ville de Pointe-à-Pitre,
Didier LAGUERRE de la Ville de Fort-de-France, Marie-Luce PENCHARD de la Ville de BasseTerre.
Les communes d’outre-mer se trouvent à la croisée des chemins :
 ou bien, leurs dotations continuent de baisser et elles plongent, accélérant
la dégradation de la situation économique et sociale de l’outre-mer.
 ou bien, leurs dotations répondent aux enjeux de l’outre mer et elles conservent des
marges de manœuvre pour faire face aux besoins des populations et des entreprises,
ces dernières étant très largement dépendantes des donneurs d’ordre publics.
Si rien n’est entrepris, au titre de la contribution au redressement des comptes de l’Etat, les
dotations des communes des DROM seront définitivement amputées de 64 Millions
d’euros. Si rien n’est entrepris, au titre de la réforme de la DGF, les dotations de la plupart
des communes d’outre-mer seront en forte baisse.
A ces pertes cumulatives, s’ajoutent les charges de centralité des villes capitales d’outremer, qui, elles, ne diminuent pas.
Dans ce contexte, les maires des villes capitales d’outre-mer ne peuvent être attentistes
et décident d’être les acteurs de leur destin. La Conférence de Mamoudzou se fixe comme
principal objectif d’enrayer la chute des dotations de l’Etat aux communes d’outre-mer,
conformément au principe de péréquation nationale, constitutionnel depuis 2003 et
respecté, sans faille, pour les communes défavorisées de l’hexagone.
1
Sur la base des travaux qui ont été menés en ateliers les 12 et 13 avril 2016, Mohamed
MAJANI, Marie-Laure PHINERA-HORTH, Jacques BANGOU, Didier LAGUERRE et Marie-Luce
PENCHARD, Maires des villes capitales d’outre mer déclarent :
Préambule :
Depuis une dizaine d’années les communes des outre-mer font face à une crise financière
sans précédent.
Cette crise se diffuse dans l’économie locale, avec de graves répercussions sur le climat
social.
Les évènements de 2009, en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, sont
venus rappeler que la fiscalité indirecte ne peut plus être une variable d’ajustement pour
équilibrer le budget des communes. Ce que vit Mayotte aujourd’hui témoigne également
des attentes pressantes des populations d’outre mer.
C’est dans ce contexte qu’intervient la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités, outremer compris.
Plus grave, l’outre-mer est pointée du doigt, comme source d’économies substantielles
pour l’Etat. Qu’il s’agisse de l’érosion progressive de la défiscalisation, qu’il s’agisse de la
sous-consommation de la LBU par des artifices d’agréments fiscaux, qu’il s’agisse des
menaces sur les « sur-rémunérations », qu’il s’agisse d’avantages fiscaux scrutés à la loupe,
qu’il s’agisse d’intégrer l’octroi de mer dans le potentiel fiscal des communes, qu’il s’agisse
de diminuer les abattements sur l’impôt sur le revenu…
Qu’il s’agisse des conditions de mise en œuvre de la départementalisation de Mayotte.
La priorité de l’Etat semble désormais de réduire son intervention dans des territoires
subissant des difficultés structurelles rendant pourtant l’intervention publique vitale pour
l’activité économique et la cohésion sociale.
Dans ce contexte de crise financière majeure des communes, les collectivités et les
départements d’outre-mer se vident de leurs forces vives, surtout les plus qualifiées,
notamment à cause de l’exode des populations les plus jeunes qui ne trouvent pas
d’opportunités sur place. Par ailleurs, la démographie décline en Guadeloupe et en
Martinique alors qu’elle est soutenue en Guyane et à Mayotte.
On observe partout cependant une perte de repère et la délinquance et la violence
deviennent un nouveau fléau, de la Guadeloupe à Mayotte, de la Martinique à la Guyane.
2
La principale réponse de l’Etat aux attentes et aux aspirations de la jeunesse a été les
emplois-aidés et demeure en deçà des espoirs. De surcroit, elle peine à s’appliquer outremer vu la situation financière des communes. Il se pose également la question du devenir de
ces emplois.
Quel sera à terme le coût de ce drame humain et économique pour la puissance publique ?
Certes, la réduction des déficits publics de la France est un objectif dit non négociable pour
Bruxelles.
Pour autant, par la péréquation, un principe constitutionnel depuis 2003, l’Etat doit
réorienter son intervention vers les territoires les plus fragiles. En effet, la baisse des
dotations n’aura pas les mêmes conséquences partout, le coût des transferts de
compétences non plus.
C’est sur la base de ce principe que la France pourrait éviter que ne se creuse davantage le
fossé entre l’hexagone et les outre-mer.
Or, la péréquation nationale s’attache surtout à soutenir les communes défavorisées de
l’hexagone, reléguant les outre-mer dans des « quoteparts » définies de manière aléatoire,
sans analyse préalable ni évaluation.
Le rapport de l’IGAS sur la réforme de la péréquation nationale cite des zones à handicaps
comme les zones de montagne méritant une péréquation renforcée mais n’évoque jamais
les outre-mer. Le rapport Pires-Beaune sur la réforme de la DGF, évoque les handicaps
structurels des outre-mer uniquement dans une note de bas de page.
Si les territoires les plus pauvres se trouvent au centre de la politique de cohésion
économique et sociale de l’Union européenne et que les RUP, de plus, bénéficient d’une
enveloppe pour compenser leurs surcouts liés à l’ultra-périphérie, il ressort qu’en France, les
communes des outre mer les plus défavorisées doivent sempiternellement apporter la
preuve de leurs contraintes, par moult critères, arguments, motions ou déclarations.
C’est qu’en premier lieu, pour l’Etat la question des finances des communes des outre mer
n’est qu’une cause « ultrapériphérique » supportée par la population locale au travers de
l’octroi de mer. Or, l’octroi de mer ne permet pas à la fois de compenser les ressources
manquantes des communes et de financer leurs charges additionnelles, lesquelles,
contrairement à une vision biaisée largement répandue afin de déplacer les responsabilités,
ne se résument pas en des charges de personnel.
3
Ressources manquantes
 Faiblesse de la fiscalité locale
directe liée au niveau de vie de la
population
 Dotations inadaptées
 En Guyane, 27 millions d’euros
d’octroi de mer versés à la CTG.







Dépenses additionnelles
Surcoûts liés à l’éloignement
Rattrapage avec notamment des
charges urbaines exceptionnelles
Prime de vie chère,
Dépenses induites par une crise
sociale structurelle
Pression migratoire et dynamique
démographique à Mayotte et en
Guyane (niées par l’INSEE)
Adaptation au réchauffement
climatique…
Normes para-cycloniques et
parasismiques…
En deuxième lieu, la péréquation nationale dépend surtout du lobbying exercé par les
associations d’élus afin que leurs membres soient le moins perdant possible dans les
mécanismes de soutien aux communes défavorisées. De sorte qu’actuellement 98% des
communes françaises sont éligibles à la péréquation verticale. Dans ce contexte, la voix de
des outre-mer est inaudible.
En troisième lieu, les écarts entre l’hexagone et les outre-mer font face à un déni. L’on
s’évertue à comparer les dotations de péréquation d’un échantillon de 215 communes (2,7
millions d’habitants) situées parmi les régions les plus pauvres d’Europe (jusqu’à 27% du PIB
européen) à un échantillon de 36 000 communes situées parmi les régions les plus riches
d’Europe (jusqu’à 170% du PIB européen). Et, parce qu’aux premières l’on accorde un bonus
démographique de 33%, l’on considère qu’elles sont « avantagées ». Alors même qu’aux
280 communes cibles de la DSU (8 millions d’habitants) - situées pour la plupart dans des
régions riches pouvant soutenir ces communes et leurs populations - l’on accorde un bonus
démographique de 500%.
C’est que l’on prend toujours soin de ne jamais comparer l’outre-mer aux communes
défavorisées de l’hexagone, au motif qu’il existe un échantillon de 36 000 communes et un
autre de 215 communes, et que dans chacun, il existe des disparités sur lesquelles il faut
agir en priorité. D’où l’exclusion de 50% des communes isolées et 40% des EPCI d’outre-mer
du bénéfice du Fonds de Péréquation des Ressources Inter Communales et Communales
(FPIC), alors même que seules 3% des communes d’outre-mer sont contributrices au FPIC.
Seules les communes de Saint-Pierre et Miquelon disposent d’une dotation de péréquation
verticale du niveau des communes les plus fragiles de l’hexagone. Pourquoi ? Parce que le
législateur a prélevé au sein de la quotepart outre-mer une enveloppe destinée à ces
communes en plus de celle qui leur revient par leur poids démographique.
4
Même une collectivité de la taille de Saint-Pierre et Miquelon (6000 habitants) ne peut
émarger sur l’enveloppe hexagonale, sanctuarisée.
Telle est la solidarité nationale mise en œuvre à l’égard des outre-mer !
Pour que toutes les communes des outre-mer bénéficient d’une dotation verticale
équivalente à celle de Saint-Pierre et Miquelon, il faudrait, au lieu de réserver à l’outre-mer
5,3% de la péréquation verticale, que l’effort soit multiplié par deux.
Dans ces conditions, la péréquation verticale s’engagerait dans une trajectoire vertueuse en
matière de cohésion nationale.
5
Les Maires des Villes capitales d’outre-mer :
ASSURENT de leur solidarité active leurs collègues et la population de Mayotte et
REMERCIENT Monsieur Le Maire de Mamoudzou d’avoir maintenu la Conférence en dépit
des circonstances difficiles que vit Mayotte actuellement.
EXPRIMENT leurs plus vives inquiétudes quant à la situation économique et sociale
des outre-mer résultant de la baisse de l’investissement public et de la diminution des
dépenses d’intervention auprès d’une population en difficulté.
ATTIRENT l’attention des plus hauts sommets de l’Etat sur le drame économique et
humain qui se joue actuellement dans les outre mer du fait du désengagement de l’Etat.
SOULIGNENT que, dans le cadre de la Contribution au Redressement des Finances
Publiques (CRFP), la loi dispose que la hausse de la péréquation nationale doit nettement
compenser la baisse des dotations des communes les plus fragiles, les communes de
Mayotte et des COM étant exonérées.
DEPLORENT qu’en 2015, la contribution au redressement des finances publiques des
112 communes de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion, n’a été compensée qu’au
taux de 33% contre plus de 100% pour les 10280 communes cibles de la péréquation
verticale de l’hexagone.
CONTESTENT que la hausse de la péréquation nationale ne soit calculée que pour
neutraliser la contribution des 10280 communes défavorisées de l’hexagone.
REVENDIQUENT le droit plein et entier des 112 communes précitées à bénéficier
d’une neutralisation de leur CRFP dans les mêmes proportions que les 10280 communes
défavorisées de l’hexagone.
S’OFFUSQUENT du déni du Comité des finances locales, qui affirme que la
progression de la péréquation nationale a permis de neutraliser en partie les effets de la
contribution au redressement des finances publiques pour les communes éligibles à la DSU
cible et à la DSR cible en ajoutant : « idem pour les communes d’outre-mer ».
ESTIMENT que la CRFP a été l’occasion de prouver le caractère « désavantageux » de
la DACOM ; depuis 2009, une concentration de la hausse de la péréquation sur les
communes cibles de l’hexagone et un reliquat de 5,3% pour l’outre-mer. De sorte
qu’aujourd’hui la quotepart DSU/DSR des 215 communes d’outre-mer, confrontées à des
défis sociaux et urbains hors normes, est alignée sur la DSR des 10000 petites communes
rurales de l’hexagone éligibles à la DSR cible.
6
REGRETTENT que face aux conséquences désastreuses de la CRFP en Guadeloupe,
Guyane, Martinique, Réunion, où toutes les communes déjà fragilisées d’un même territoire,
se retrouvent, d’un seul coup, sans marge de manœuvre - le gouvernement n’apporte
comme réponse que d’extraire l’octroi de mer de l’assiette de calcul de la CRFP, alors que
dans ces conditions, à horizon 2017, les pertes cumulées des 112 communes assujetties
seront de 63 millions d’euros contre 0 pour les communes cibles de l’hexagone.
RAPPELLENT que l’octroi de mer s’essouffle et qu’en Guyane et en Martinique
l’évolution des recettes de fonctionnement des communes est quasi nulle depuis 2009.
S’INQUIETENT que la réforme de la dotation forfaitaire, notamment du fait de la
disparition du complément de garantie, entraine de nouvelles pertes financières
substantielles pour de nombreuses communes des outre-mer. En particulier, les nouvelles
dispositions relatives aux charges de centralité conduisent à une aggravation inacceptable
des finances des villes telles que Pointe à Pitre et Basse-Terre et doivent être reconsidérées
complètement.
DEMANDENT dans ces conditions, la mise en œuvre d’un mécanisme au sein de la
dotation forfaitaire pour que les communes de Mayotte et des COM ne perdent pas, par la
réforme de la dotation forfaitaire, le bénéfice de leur exonération à la CRFP et l’introduction
du critère de l’ultra-périphérie au sein de la dotation forfaitaire.
CONSTATENT que la réforme de la DGF n’envisage pour les outre-mer que
d’introduire de nouveaux critères pour rendre la DACOM plus péréquatrice.
DEMANDENT la mise à niveau de la DACOM dans les conditions indiquées plus avant.
CONSIDERENT que dans la situation actuelle, la plupart des communes des outre-mer
ne pourront pas apporter une contrepartie aux Programmes européens 2014-2020, ce qui
nuira à la politique de cohésion européenne vis-à-vis des RUP françaises.
ESTIMENT que les villes capitales d’outre-mer, fortement pénalisées par les réformes
en cours et subissant de plus, des charges de centralité, parfois exorbitantes comme en
Guadeloupe, se trouvent dans une situation financière difficile qui appelle des mesures
ciblées au sein de la DACOM, mais aussi de l’octroi de mer pour Basse-Terre et Pointe à
Pitre.
SE POSITIONNENT comme force de propositions sur les réformes en cours et
JOIGNENT à la présente déclaration des annexes thématiques.
REMERCIENT, tous ceux qui, comme le sénateur Patient, Président de l’intergroupe
parlementaire de l’outre-mer, par leur engagement sans faille aux côté des Maires,
élargissent le champs de réflexion et donnent du poids à notre Conférence, notamment sur
le dossier des finances locales.
7
CONVIENNENT que les Villes de Basse-Terre et Pointe à Pitre assureront la
coprésidence annuelle de la prochaine Conférence des Maires des Villes capitales d’outremer en janvier 2018.
Fonctionnement de la Conférence
Les maires des villes capitales d’outre-mer :
DECIDENT que :
 La prochaine présidence sera assurée par les Villes de Basse-Terre et
Pointe à Pitre et se tiendra au mois de janvier 2018
 La Co-Présidence engagera la Conférence pour tous
les actes administratifs
 La veille technique assurera
o Le secrétariat de la Co-Présidence de la Conférence
o L’animation du réseau
o L’organisation de rencontres thématiques
o Le suivi des dossiers
o La recherche de financements pour le fonctionnement
de la Conférence et les expertises complémentaires
o Elaboration d’un compte rendu financier
S’ENGAGENT à contribuer au financement de la veille technique estimée à : 72 000 euros
par an, selon la répartition suivante :
Basse-Terre : 12 000 euros
Pointe à Pitre : 12 000 euros
Cayenne : 12 000 euros
Fort-de-France : 12 000 euros
Mamoudzou : 12 000 euros
Saint Denis : 12 000 euros
CONFIENT au réseau des collaborateurs des villes capitales d’outre-mer, le suivi des dossiers
suivants :
Réforme de la DGF
Contribution au redressement des finances publiques
Avenir du FPIC
Loi de finances 2017
DECIDENT d’intervenir auprès de toutes les instances locales, régionales, nationales et
européennes pour faire aboutir les mesures indispensables aux villes capitales
d’outre mer.
8
DECIDENT de communiquer cette déclaration commune aux autorités de chaque collectivité
et département d’outre mer), à la Conférence Nationale des Exécutifs (CNE), au
Comité des finances locales (CFL), au Comité National des Villes (CNV), aux Conseillers
Economiques et Sociaux, à tous les Parlementaires Ultramarins, aux Groupes
Parlementaires, aux Présidents du Sénat et de l’Assemblée Nationale, au Ministère
des Outre-mer, au Ministère des finances, à la Cour des Comptes, au premier
Ministre, à la Présidence de la République, à la Commission européenne.
Mamoudzou, le 13 avril 2016
9
Le Maire de la Ville de Basse-Terre,
Le Maire de la Ville de Cayenne,
Marie-Luce PENCHARD
Marie-Laure PHINERA-HORTH
Le Maire de la Ville de Fort-de-France,
Didier LAGUERRE
Le Maire de la Ville de Pointe-à-Pitre,
Jacques BANGOU
Le Maire de Mamoudzou
Mohamed MAJANI
10