On ne peut plus fermer les yeux lorsqu`il s`agit d`entreprises et de

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On ne peut plus fermer les yeux lorsqu`il s`agit d`entreprises et de
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On ne peut plus fermer les yeux lorsqu’il s’agit d’entreprises et de
droits de l’homme
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Par Michel Forst, Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’homme
Au début de mon mandat de Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’homme, je me suis engagé à
centrer mon attention sur les défenseurs qui sont les plus exposés ou qui courent le plus de risques. Dans le
cadre de cet engagement, j’ai mené des consultations avec plus de 500 défenseurs des droits de l’homme
venant de plus de 110 Etats de toutes les régions du monde. Comme l’illustre mon récent rapport à
l’Assemblée générale de l’ONU, la catégorie de défenseurs la plus exposée à des risques dans toutes les
régions est celle travaillant sur des questions d’entreprises et de droits de l’homme, et notamment les
défenseurs travaillant sur des questions de droits fonciers et environnementaux.
Les preuves et les témoignages que j’ai reçus du terrain corroborent les rapports récemment publiés par
ISHR, le Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l'Homme, Global Witness, et l’Observatoire
pour la protection des défenseurs des droits de l’homme. Ces rapports font état des menaces, restrictions et
risques particuliers auxquels sont confrontés ces défenseurs, qu’ils travaillent en Afrique, en Asie, en
Amérique latine ou dans des Etats d’Europe de l’ouest. Ces menaces, restrictions et risques vont de la
surveillance à la stigmatisation et à l’usage inapproprié et excessif de la force contre des manifestants
pacifiques, en particulier ceux manifestant contre les activités des industries extractives.
La vulnérabilité particulière des défenseurs des droits de l’homme travaillant dans le domaine des entreprises
et des droits de l’homme émerge de trois facteurs clés.
Le premier est la fausse dichotomie souvent propagée entre le développement d’un côté et le respect des
droits de l’homme de l’autre. Cela se manifeste par une stigmatisation des activistes travaillant pour la
responsabilisation des entreprises comme étant « anti-développement », des syndicalistes et des manifestants
comme étant des « saboteurs économiques », des défenseurs des droits fonciers et environnementaux comme
étant des « éco-terroristes », et des ONG travaillant sur le terrain comme étant des « agents étrangers ». Les
Etats doivent renoncer à une telle stigmatisation et la dénoncer lorsqu’elle survient, en promouvant au
contraire le fait que les défenseurs des droits de l’homme ont réellement un rôle vital à jouer dans le
développement durable et solidaire.
Le deuxième facteur de vulnérabilité est que le travail des défenseurs des droits de l’homme dans le domaine
des entreprises et des droits de l’homme implique souvent la promotion de la transparence, la dénonciation de
violations et le combat contre la corruption. Cela peut créer des relations conflictuelles avec des acteurs
étatiques et non-étatiques puissants, notamment des gouvernements et des entreprises, mais aussi des
entreprises militaires et de sécurité privées (en particulier dans le contexte des industries extractives) et des
groupes criminels organisés (question qui se pose de plus en plus dans mes consultations en Amérique latine).
Une enquête rapide et approfondie, ainsi que des mesures de réparations pour toutes les menaces et attaques
subies par des défenseurs des droits de l’homme travaillant dans le domaine des entreprises et des droits de
l’homme, qu’elles aient été commises par des acteurs étatiques ou non-étatiques, est vitale pour remédier à ce
facteur de vulnérabilité. La fréquence choquante de l’impunité pour des attaques commises contre des
défenseurs laisse en effet la porte ouverte à d’autres attaques.
Le troisième facteur de vulnérabilité, lié au second, est la faiblesse des régulations de beaucoup d’acteurs nonétatiques, à la fois au niveau national et international. La protection spécifique des défenseurs des droits de
l’homme par le biais de lois et de politiques nationales et dans tout traité international négocié dans le
domaine des entreprises et des droits de l’homme est vitale à cet égard.
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Dans mon récent rapport à l’Assemblée générale de l’ONU, j’ai fait un certain nombre de recommandations à
la fois aux Etats et aux entreprises visant à répondre à ces facteurs. Pour les Etats, en plus des obligations
citées ci-dessus, il est impératif que les défenseurs des droits de l’homme soient activement impliqués dans le
processus d’élaboration d’un Plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme, et que tout
Plan d’action de ce type contienne des engagements et des mesures concrètes pour faciliter et protéger le
travail des défenseurs des droits de l’homme. Les Etats, aussi bien que les entreprises, doivent également
collaborer avec les défenseurs des droits de l’homme pour l’évaluation des impacts sur les droits de l’homme
et les processus de diligence raisonnable des grands projets. Une collaboration efficace en amont peut éviter
des risques et des coûts pour les droits de l’homme.
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Concernant les entreprises, mon rapport recommande qu’elles jouent un rôle actif dans le soutien et la
promotion du rôle des défenseurs des droits de l’homme travaillant dans leurs secteurs d’activité. Cela doit
inclure, par exemple, qu’elles élèvent leur voix lorsque des défenseurs des droits de l’homme sont ciblés en
raison de leur travail pour la responsabilisation des entreprises, comme l’ont fait de grands bijoutiers tel que
Tiffany & Co lorsque le défenseur des droits de l’homme et journaliste Rafael Marques a été poursuivi pour
son travail visant à dénoncer la corruption dans l’industrie du diamant en Angola. Les entreprises doivent
aussi, bien sûr, cesser et s’abstenir de soutenir toute activité, directe ou indirecte, allant à l’encontre des
droits des défenseurs à la liberté d’expression, d’association et de réunion.
Poursuivre des activités commerciales sans prêter attention à la question des entreprises et des droits de
l’homme n’est pas suffisant. Les entreprises comme les États et le système onusien des droits de l’homme
doivent reconnaître le rôle vital des défenseurs des droits de l’homme dans la promotion de la responsabilité
des entreprises, et doivent les soutenir et les protéger dans le cadre de ce travail crucial.
Michel Forst est le Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.
Suivez-le sur Twitter à @ForstMichel.
Dans les semaines et jours précédant le Forum des Nations Unies sur les droits de l’Homme et les
entreprises, ISHR publiera une série d’articles rédigés par des experts reconnus tels que des
défenseurs des droits de l’Homme, des représentants de l’ONU, des diplomates, des représentants
d’entreprises et des ONG internationales. Chaque article comprendra une analyse du rôle crucial
des défenseurs et sera inclus dans une compilation qui constituera l’édition spéciale de notre
Human Rights Monitor. Cette édition sera publiée le 9 novembre en français, anglais et espagnol.
Les opinions exprimées dans ces articles sont celles de leurs auteurs respectifs et ne reflètent pas
nécessairement les positions d’ISHR.
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2015