Qualité et redevabilité – scénario de discussion pour

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Qualité et redevabilité – scénario de discussion pour
Notez que la version anglaise fait foi. Pour tout commentaire concernant les traductions,
merci de contacter [email protected]
Qualité et redevabilité – scénario de discussion pour le personnel
L’outil suivant a été développé durant un récent déploiement HAP au Sri Lanka (2009). Il a été utilisé par le
personnel d’une ONG pour lancer des discussions sur les thèmes de la qualité et de la redevabilité, et pour
présenter les critères de référence de la Norme HAP 2007, dans le cadre d’ateliers de 2 jours et de formations
de 3 heures.
Cet exercice fonctionne bien en petits groupes, et permet aux participants de discuter du scénario et des
questions avant de retourner en plénière. Il est bon de noter les grands points de discussion de la plénière sur
un tableau pour pouvoir s’y référer durant le reste de l’atelier. Cela permet également de faire ressortir les
grands axes et leur importance. Cet exercice peut prendre environ 45 minutes selon l’intensité des discussions.
Ce scénario a été élaboré par Goldan Gomara (de Vision Mondiale Sri Lanka) pour HAP, et les notes de
l’animateur ont été rédigées par HAP. Les notes sont là pour donner une orientation à la discussion, pour
souligner les thématiques sur la qualité et la redevabilité et pour faire le lien entre le scénario et la Norme HAP
2007. Tout commentaire et feedback sur l’utilisation de ce scénario sont les bienvenus et peuvent être envoyés
par e-mail à : [email protected]
A) Fiche pour les participants :
Scénario – Le service de bus
Près de 75 personnes, enfants et personnes âgées compris, attendent un bus à son arrêt. Ils veulent se rendre
à Tentaka qui se trouve à 8 heures de route. Le bus ne passe qu’une fois par semaine.
Le bus arrive avec 3 heures de retard, 3 heures durant lesquelles les passagers ont attendu debout sous le
soleil. Lorsque le bus arrive, les passagers se ruent à l’intérieur et leurs bagages sont casés sur le toit et à
l’intérieur, où il y a de la place. Le bus a une capacité de 40 passagers, il est donc largement surchargé. Une
femme qui a 4 jeunes enfants demande discrètement au chauffeur ce qu’elle doit faire pour obtenir une place
assise.
Mais le bus ne part pas. Le chauffeur annonce aux passagers que le bus partira dans les 10 prochaines
minutes, mais en réalité il reste à l’arrêt pendant plus de deux heures; aussi, davantage de passagers et de
bagages arrivent. Puis finalement, le bus part, mais certains passagers commencent à suffoquer, il y a trop de
monde et il fait trop chaud. Au bout du compte, tout le monde panique.
Un des passagers, un vieil homme, s’énerve contre le chauffeur et menace de le frapper. Le chauffeur réplique
et arrête le bus.
Questions de discussion :
1. À votre avis, que s’est-il passé par la suite ?
2. Quelles sont les raisons qui expliquent cette situation ?
3. Quels parallèles existent entre cette situation et la sphère humanitaire (et les ONG) ?
Ce scénario a été élaboré par Goldan Gomara (de Vision Mondiale Sri Lanka) pour HAP. Pour plus de
renseignements, voir www.hapinternational.org
B) Notes pour l’animateur – éléments pouvant être évoqués
1. À votre avis que s’est-il passé par la suite ?
Parmi les idées, on entendra certainement :
Le chauffeur et la personne âgée se disputent et il est possible que d’autres passagers interviennent. Cela
peut se finir en bagarre, le chauffeur peut potentiellement se faire tabasser par le vieil homme et d’autres
passagers.
La situation se calme – personne d’autre n’élève la voix parce qu’ils craignent des répercussions.
Le vieil homme est expulsé du bus.
Le bus s’arrête – il repart avec beaucoup de retard ou annule le trajet.
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Le bus continue son voyage, les gens tombent malade à cause des conditions à bord du bus.
Commentaires de conclusion :
Il y a beaucoup de possibilités – aucune de celles-ci n’est favorable aux passagers, au chauffeur ou à la
compagnie des bus.
2. Selon vous, quelles sont les raisons qui expliquent cette situation ?
Il serait bon d’amener les participants à évoquer les points cités ci-dessous. Si besoin, vous pouvez retourner
à la question : « selon vous, comment cette situation aurait-elle pu être évitée ? » Pour référence, le critère de
1
référence (CR) de la Norme HAP 2007 , auquel se rapportent les points, figure entre parenthèse.
Important déséquilibre du pouvoir entre les passagers (qui doivent voyager) et la compagnie des bus (qui
est la seule à fournir ses services).
Absence de compétition et une demande/un besoin plus forts que l’offre ; aussi, le chauffeur et la
compagnie sont libres de faire ce qu’ils veulent sans redevabilité.
Mauvaise relation entre la compagnie des bus et les passagers – la seule manière de se faire entendre est
de crier ou menacer de violence.
Un service qui ne rend pas réellement service aux passagers et ne répond pas réellement à leurs besoins.
Aspects culturels comme par exemple l’art de la patience, l’inflexibilité face à la situation (ex : les choses
fonctionnent comme ça, elles ne changeront pas, etc.), l’hésitation à se plaindre ou prendre parole contre
des personnes représentant « l’autorité ».
Les éléments ci-dessus sont susceptibles d’être aggravés ou provoqués par :
Un service qui n’est pas axé sur la qualité, ou bien qui ne prend pas en compte les besoins des passagers
(CR1). Les passagers doivent attendre jusqu’à ce que le cargo soit placé dans le bus.
Absence de standards, ou absence de respect des standards, comme le nombre de personnes admises à
bord du bus, le temps d’attente, etc. (CR1). (nb : les participants peuvent réagir en se demandant comment
il est possible de respecter les standards avec des besoins si importants – si c’est le cas, demandez-leur
quel devrait être le rôle des standards et comment les standards peuvent être utiles dans ce type de
situation.)
Absence d’informations actualisées – ex : on ne sait quand le bus prévoit de partir, on ne connait la raison
du délai et nul ne connait les services que la compagnie des bus est sensée fournir (CR2).
Les passagers ne sont pas consultés à propos de leurs attentes par rapport à un service de qualité, la
compagnie n’est pas à l’écoute des besoins des passagers (CR3).
L’approche du chauffeur (ses capacités, son attitude et son comportement) lorsqu’il traite avec ses
« clients » (CR4).
Absence de moyens pour se plaindre du service (et de moyens pour traiter ces plaintes) (CR5).
Absence de suivi, comme l’heure de départ du bus, le nombre de passagers, l’opinion des passagers par
rapport au service, etc. (CR6)
Question supplémentaire : Qu’a-t-il pu se passer lorsque la femme a demandé au chauffeur de lui trouver une
place assise ? Rapporter la question à l’équilibre des pouvoirs et à l’abus potentiel de ces pouvoirs. Exemple :
il lui a peut-être demandé davantage d’argent ou une « faveur ».
Question supplémentaire : Le conflit qui a eu lieu dans le bus était-il la faute de la compagnie des bus ou bien
du chauffeur ? La compagnie crée l’environnement et les systèmes dans lesquels le chauffeur évolue, et cela
va nécessairement affecter les services. Par exemple, la compagnie n’a jamais signalé s’il existait un système
de réclamation, la compagnie n’a peut-être pas formé le chauffeur sur le traitement des délais du service ou sur
la surcharge des passagers ; il est également possible que la compagnie des bus ne dispose pas de système
d’amélioration des services adapté aux besoins des clients.
Commentaires de conclusion :
« La compagnie des bus opère-t-elle de façon redevable envers ses passagers ? » Non. La redevabilité
peut être définie ainsi : Une utilisation responsable de ses pouvoirs. Pour HAP, cela comprend trois axes :
o Tenir compteIdes besoins des bénéficiaires ciblés dans la prise de décisions qui les concernent.
o Rendre compteIdes décisions et mesures choisies aux bénéficiaires et à d’autres, expliquant ces
décisions et ces mesures.
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La norme HAP 2007 peut être téléchargée gratuitement sur www.hapinternational.org
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Rendre des comptesI aux bénéficiaires et à d’autres en leur offrant des moyens d’exprimer leurs
plaintes et leurs inquiétudes (ayant un rapport avec les décisions et mesures prises) et d’assurer
une réponse.
« Ce service, est-il un service de qualité ? » Non. La qualité peut être définie ainsi : Un service ou un
produit adapté aux besoins. Les éléments ci-dessus soulignent les manquements qui laissent entendre que
le service n’est pas adapté aux besoins des passagers parce qu’il ne tient pas compte des besoins
exprimés, ou implicites, comme la ponctualité, le nombre de passagers, l’espace suffisant, les
compétences du personnel, l’apport d’informations de base, etc.
o
Question supplémentaire : Selon vous, quel est le rapport entre la qualité et la redevabilité ? Renforcer la
redevabilité envers les passagers (c.-à-d. la relation entre la compagnie des bus et les passagers) en
améliorant CR2, CR3 et CR5 permettrait à la compagnie de mieux comprendre et mieux répondre aux besoins
des individus. Cela permettrait également à la compagnie de comprendre ce que les gens perçoivent comme
un service de qualité. Il faudrait aussi renforcer l’engagement envers et le respect des standards (CR1), le
calibre et les capacités du personnel (CR4), ainsi que le système d’amélioration du service (CR6) ; tout cela
permettrait d’améliorer nettement la qualité.
3. Quels parallèles existe-t-il entre cette situation et la sphère humanitaire (et les ONG) ?
Parmi les réponses, peuvent figurer :
Une insuffisance des ressources – les ONG fournissent également des services dont les gens ont besoin –
mais il existe souvent une insuffisance des ressources pour répondre à tous les besoins. Par conséquence,
les ONG doivent faire des choix souvent difficiles.
Déséquilibre des pouvoirs – il existe un déséquilibre des pouvoirs entre les « utilisateurs » (c.-à-d. les
bénéficiaires) et les fournisseurs (c.-à-d. les ONG).
Absence de choix – bien souvent, les utilisateurs n’ont pas de choix – c'est-à-dire que les bénéficiaires ont
très peu souvent l’occasion de choisir entre plusieurs ONG pour un même service. Les bénéficiaires ont
également souvent des attentes irréalistes en ce qui concerne les ONG.
Désavantage des groupes vulnérables ? – il est possible que parfois, la manière de travailler des ONG
lésera davantage certains groupes vulnérables. Ex : la distribution d’urgence ou la sélection des
représentants communautaires va déterminer à quel point les groupes vulnérables (comme les personnes
âgées, les handicapés, les enfants, etc.) vont avoir accès aux produits d’urgence ou bien vont pouvoir être
entendus ou représentés par rapport à leurs besoins.
Besoins divergents – les priorités varient entre les différents groupes et individus et les ONG doivent
prendre cela en compte. Ex : dans le scénario du bus, la priorité de certaines personnes est de parvenir du
point A au point B. Pour d’autres, le confort est une priorité tout aussi importante.
Coûts pour les utilisateurs finaux – accéder aux services d’une ONG peut être coûteuse pour les
bénéficiaires, en termes de temps, plus particulièrement, qu’ils pourraient être en train de consacrer à
d’autres activités. Ex : le déplacement et l’attente aux points de distribution requiert du temps.
Porte ouverte à l’exploitation – l’équilibre actuel entre les utilisateurs (ceux qui ont besoin du service) et les
fournisseurs ou les décideurs (ceux qui ont le pouvoir de décider à qui les ressources reviennent) signifie
qu’il existe souvent des situations pouvant être exploitées. Dans le secteur humanitaire, par exemple, on
entend parler de cas dans lesquels des agents humanitaires échangent de la nourriture contre des faveurs
sexuelles de la part des bénéficiaires, ou bien des leaders communautaires qui prennent de l’argent des
familles avant de les inscrire sur la liste des bénéficiaires.
Conséquences impliquant une piètre qualité – il existe également des répercussions négatives pour les
ONG qui fournissent des programmes de mauvaise qualité et qui n’ont pas de système de redevabilité –
parmi les répercussions on peut compter la dégradation des relations avec les communautés, des
programmes inefficaces, un impact minimisé, une réputation endommagée, un personnel démotivé, un
risque pour le personnel de l’agence (voir le point suivant), etc.
Risque pour le personnel de l’agence – des mauvaises relations avec la communauté et les bénéficiaires,
causées par une mauvaise approche de la part de l’agence et des systèmes qui visent avant tout la
réussite des projets plutôt que la prise en charge des besoins des victimes, risquent fortement de
provoquer des conflits avec le personnel de l’agence (en particulier le personnel sur le terrain).
Absence de méthodes de plainte/réclamation – souvent cette absence est traduite par un comportement
qui laisse entendre que les gens devraient se satisfaire du service qu’ils reçoivent. En outre, il existe un
réel manque de règlement chez les ONG.
Oubli/négligence de l’objectif premier de l’organisation – lors d’urgences, il est facile d’oublier les valeurs et
la mission d’une ONG (de la même manière que la compagnie des bus commença à favoriser le cargo par
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rapport aux passagers). Résultat : les priorités risquent de s’aligner sur le programme de groupes
particuliers. Par exemple, les ONG peuvent être tentées de répondre aux programmes des donateurs et le
département de la communication externe peut être tenté de couvrir les sujets « à la mode » plutôt que les
besoins des individus.
Mesure de la qualité/de la performance du service – existe-t-il des similitudes entre un service de qualité et
la manière qu’ont les ONG de mesurer le succès ? Le succès se traduit-il par l’arrivée à un point B depuis
un point A (en termes humanitaires, il pourrait s’agir d’un projet de distribution de 1000 paquets de produits
non-alimentaires) ? Ou bien faut-il prendre en compte le processus ? Pour le cas du bus, le processus est
le trajet ; pour les ONG, il pourrait s’agir du processus de sélection et de distribution des produits. Les ONG
demandent-elles aux « utilisateurs » (bénéficiaires) de partager leurs expériences lors de l’évaluation de
leur performance ?
Absence d’apprentissage – parfois nous répétons les mêmes erreurs (question à développer : selon vous,
était-ce la première fois que le bus offrait un service de mauvaise qualité ? Pourquoi cela n’a pas été
amélioré antérieurement ?)
Commentaires de conclusion :
Les points mentionnés ci-dessus soulignent un grand nombre de raisons identifiées par le secteur humanitaire
expliquant pourquoi il est nécessaire de renforcer la qualité et la redevabilité dans le travail humanitaire. Un
nombre d’entre eux ont été soulevés lors de l’évaluation commune de l’intervention internationale au Rwanda,
ainsi que lors de la coalition pour l’évaluation du tsunami.
NB – il est fréquent que les participants aient des exemples tirés de leurs propres expériences lors de
situations dans lesquelles la qualité et la redevabilité étaient compromises (soit à cause du mode opératoire de
l’ONG dans ce pays-là soit à cause de projets particuliers auxquels ils ont participé). Leur demander de
partager ces expériences peut les motiver à discuter pour trouver des solutions à ces situations.
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