MIRACLES D`AMOUR - Editions Persée

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MIRACLES D`AMOUR - Editions Persée
MIRACLES D’AMOUR
Edmond Botti
Miracles d’amour
Roman
Éditions Persée
Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages et les événements
sont le fruit de l’imagination de l’auteur et toute ressemblance avec des personnes vivantes ou ayant existé serait pure coïncidence.
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DU MÊME AUTEUR
LE MANTEAU D’OMBRES, roman,
Éditions du Scorpion, Paris, 1958.
ORAGES HUMAINS, roman, Éditions Éboris, Genève, 1996.
LETTRES D’AMOUR À L’ÉPOUSE DISPARUE,
roman de mémoire, Éditions Entre deux Rives, Lorgues, 2008.
DEMAIN LE CRI DES HOMMES,
Éditions Persée, Aix-en-Provence, 2010.
En mémoire de mon épouse
décédée en septembre 2007.
Pour nos trois fils.
Il faut avoir innée la puissance du rêve ;
on éduque, on renforce en soi celle de la pensée.
Mais s’il s’agit de poésie, où irons-nous chercher sa précieuse
et rare matière si ce n’est aux bords vertigineux du précipice ?
Pierre Reverdy, Pensées sur la poésie.
I
UNE LUEUR D’ESPOIR
ET NE PAS MOURIR
1
C
e mardi 9 février 2010, Raymond Derey, médecin généraliste de 62 ans, à la retraite depuis déjà cinq ans pour
cause de drame de conscience, avait quitté l’hôpital Cochin de
Paris à près de vingt et une heures. Et ce que lui avait appris le
docteur Drivière, médecin chef du service des Maladies sexuellement transmissibles, concernant Nathalie Moreau, la jeune étudiante haïtienne de 22 ans, à laquelle s’était attaché le praticien
retraité, portait malheureusement le poids d’une condamnation
sans appel. Sidéenne, atteinte déjà d’un cancer des cellules T4,
elle développait désormais non seulement une encéphalopathie
à évolution rapide, mais aussi une importante dégradation de sa
moelle osseuse, entraînant une baisse irréversible de ses globules
rouges et de ses plaquettes sanguines. Et ces détails fournis, le
pronostic du médecin chef était tombé comme un couperet sur la
tête du docteur Derey : la jeune fille était irrémédiablement perdue, peut-être même risquait-elle de mourir d’un instant à l’autre.
— Mais enfin, il faut encore espérer ! avait protesté Raymond
Derey. Certes elle est dans le coma pour la seconde fois, mais
lors de la première fois, rappelons-nous, elle a fait mentir tous les
pronostics pessimistes : du jour au lendemain elle avait retrouvé
sa pleine conscience. Pourquoi le miracle ne se produirait-il pas
une seconde fois ? Et puis, même si apparemment elle a peu de
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chances de s’en sortir, il vous faut lutter jusqu’au bout, Docteur
Drivière. Et surtout n’arrêtez aucun traitement !
— L’éthique médicale commande en effet de lutter jusqu’au
bout, même devant un cas désespéré, avait admis l’éminent médecin. Pourtant, voyez-vous, Docteur Derey, pour éviter d’infliger
des douleurs inutiles à cette pauvre enfant, je serais partisan d’un
aménagement de ses traitements.
— Précisez, je vous prie.
— Bon ! D’accord, on garderait les transfusions, un apport de
globules rouges et de plaquettes étant actuellement ce dont elle
a le plus besoin. Mais on arrêterait la chimiothérapie, traitement
trop lourd, et on veillerait au confort de ses derniers jours : on lui
administrerait de la morphine pour qu’elle parte sans souffrir.
Pour qu’elle parte sans souffrir ! Mots particulièrement atroces
à entendre, mais qui témoignaient de la clairvoyance et de l’humanité du chef de service. Aussi avaient-ils influencé Raymond
Derey, qui dès lors n’avait pu qu’accepter l’aménagement proposé.
Le praticien, cependant, n’était pas au bout de ses angoisses et
de ses surprises. À sa sortie du bâtiment de l’hôpital, abritant le
service des maladies sexuellement transmissibles, une infirmière
lui avait en effet remis une lettre de Nathalie Moreau.
— Elle l’a écrite hier soir, et elle m’a chargée de vous la
remettre, avait précisé la femme. Elle se sentait très mal, et peu de
temps après elle est retombée dans le coma.
Concernant cette lettre, redoutant d’avoir à y lire les phrases
d’un adieu, l’homme n’avait pas cherché tout de suite à en
connaître le contenu. Rapidement il avait gagné sa voiture, puis,
l’hôpital laissé derrière lui depuis déjà quelques minutes, il avait
emprunté la longue voie parisienne longeant les quais de la rive
droite de la Seine avant d’offrir une sortie vers Créteil, VilleneuveSaint-Georges et la Nationale 6. Une demi-heure plus tard, enfin
parvenu sur la courte déviation reliant Villeneuve-Saint-Georges à
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Brunoy, dans le département de l’Essonne, n’y tenant plus il avait
stoppé son véhicule sur la bande d’arrêt d’urgence et il avait sorti
la lettre de son enveloppe.
Sa lecture achevée, l’homme avait éclaté en sanglots. De
chaque côté de la route, recouverts de neige, les arbres de la forêt
de Sénart n’évoquaient plus qu’un désert de silence et de solitude
où seraient venues mourir les dernières espérances du praticien.
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