tragédie grecque - Ruben Global Economics

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tragédie grecque - Ruben Global Economics
La tragédie Grecque est un western spaghetti
Blondin disait à Tuco dans le bon, la Brute et le truand
« Si tu t’enfuies je te tue, si tu mens je te tue, si tu dis la vérité mais que cela ne me plait pas, je te tue,
vois-tu Tuco, il te faudra une sacré chance pour rester en vie »
Avec des finances publiques déjà au bord du gouffre avant la crise économique, la Grèce a depuis fait
un grand pas en avant, affichant fin 2009, une dette publique à 115% et un déficit à 13.7% du PIB
(130% et 8% sont attendus pour 2010). Très loin des critères fixés par le cadre du pacte de stabilité,
avec une dette publique notée désormais BB+ par l’agence Fitch, et Ba1 par Moody’s la Grèce a
multiplié les annonces de plan d’austérité1 afin de regagner en crédibilité budgétaire. Elle envisage
grâce à une réduction de ses dépenses publiques et une hausse de la pression fiscale d’atteindre à
horizon 2014, un déficit de l’ordre de 3%, ce qui correspond à un effort de consolidation budgétaire
de l’ordre de plus de 10% du PIB. Cet ensemble de mesures de consolidation budgétaire met la Grèce
dans la situation de Tuco susmentionnée.
Scénario 1 :
La Fuite ou sortir de la Zone Euro
Une solution capable de régler les problèmes de déficits jumeaux (budgétaire et de balance courante)
que connait la Grèce est une sortie de la Zone Euro disent certains politiques (voire quelques
économistes). La Zone Euro n’étant pas une Zone Monétaire Optimale et ne disposant pas d’un budget
fédéral capable d’amortir les chocs asymétriques, la Grèce devrait s’affranchir de la monnaie unique
disent-ils. En renouant de nouveau avec le « drachme », elle pourrait d’un côté décider de dévaluer
pour gagner en compétitivité prix ce qui aurait un effet positif sur l’économie du pays, permettrait des
rentrées fiscales et participerait à redresser la balance courante, et par ailleurs en retrouvant
l’autonomie de sa politique monétaire monétiser sa dette publique. Ce raisonnement rationnel
reposant sur l’effet positif d’une dévaluation n’est cependant guère raisonnable, le coût d’une sortie de
la Zone Euro pouvant être bien supérieur aux gains que la Grèce peut espérer retirer d’une telle
opération. Tout d’abord, l’ajustement de la Balance commerciale par la seule dévaluation n’est pas du
tout garanti. Dans la mesure où la Grèce n’est pas un grand pays d’industrie lourde2, l’effet prix négatif
(détérioration des termes de l’échange) risque de l’emporter sur l’effet volume (hausse des
exportations et baisse des importations)3, de telle sorte qu’en dévaluant, la Grèce risque de se
retrouver et de rester dans la partie basse de la courbe en J consécutive à une dévaluation tout en
devant gérer une inflation importée. De plus, les traités régissant la Zone Euro ne contenant aucune
clause de sortie d’un pays membre, la Grèce risquerait de se trouver en abandonnant la monnaie
unique dans une situation de grande improvisation institutionnelle. A cela nous pouvons ajouter une
longue liste de coûts potentiels : forte dépréciation de la nouvelle monnaie du fait d’une dégradation
importante de la confiance vis-à-vis des nouvelles autorités monétaires grecques, forte hausse des
taux d’intérêts avec hausse du coût du risque relative à la nouvelle monnaie, nécessité de détenir des
réserves de changes conséquentes afin de lutter contre d’éventuelle spéculation contre la nouvelle
monnaie, renchérissement de la dette (publique et privée) avec la dépréciation si non convertie,
problème d’ordre légal quand à la conversion des dettes privées et publique. Bref, si la Grèce sortait
de la Zone Euro, ce ne serait qu’une (mauvaise) façon de lutter contre le déséquilibre de sa balance
courante alors que son problème principal est relatif à la mauvaise gestion de ses finances publiques4 ;
et ce faisant, elle ajouterait au risque pays, un risque institutionnel (manque de crédibilité de la
nouvelle autorité monétaire grecque et problème légale liée à la conversion de la dette) et un risque
de change.
1
Décembre 2009, mars 2010, avril 2010
Le secteur tertiaire pèse pour 70% du PIB grec
3
Il conviendrait d’étudier les élasticités prix des importations et exportations de la Grèce (condition du MLR)
4
Même s’il est vrai que la Grèce souffre d’un défaut de compétitivité par rapport à d’autres pays membres de la Zone Euro où
les coûts salariaux sont restés maitrisés alors qu’ils explosaient en Grèce
2
Ruben Global Economics, juillet 2010
1
Encadré 1
Pour rappel, à être membre de la Zone Euro, La Grèce bénéficie d’un environnement non
inflationniste, de taux d’intérêts bas, d’une monnaie internationale (résultat de la crédibilité importée
de la Banque Centrale Européenne), d’effet de commerce positif lié à la disparition du risque de
change avec ses partenaires commerciaux de la Zone Euro, ne craint pas une crise spéculative sur le
change ce qui se traduit par une diminution du besoin en réserves de change, autant d’avantages qui
seraient perdus si elle venait à abandonner la monnaie unique.
Scénario 2 :
Le mensonge : la Grèce n’atteint pas les objectifs de réduction de déficit
En dépit d’un chiffrage précis des mesures d’austérité en Grèce et d’une parfaite identification des
foyers d’économie et de rentrée fiscale supplémentaire (hausse de TVA, coupe salariale dans les 13ème
et 14ème mois du secteur public, hausse des taxes sur l’alcool et le tabac, réduction des dépenses
militaires, allongement des cotisations retraites, nouvel impôt sur le patrimoine, lutte sans merci
contre la fraude fiscale), il est fort probable que l’objectif affiché par la Grèce (déficit budgétaire à 3%
à horizon 2013) ne soit pas atteint, tant l’effort de consolidation budgétaire (35 mds d’€) est colossal
(voire excessif). L’histoire récente de l’évolution des finances publiques grecques (en déficit alors que
le pays était en croissance économique) laisse supposer d’ailleurs qu’un tel ajustement est tout
bonnement impossible dans le temps imparti (encadré 2). Dans un tel scénario (objectif budgétaire
manqué), la Grèce perdrait le peu de crédit budgétaire qui lui reste, sa note souveraine serait de
nouveau dégradée (La BCE continuerait elle en pareille situation à accepter des titres d’Etat grecs en
collatéral ?), les taux d’intérêts sur les nouveaux emprunts augmenteraient significativement et la
Grèce serait obligée d’entrer dans un jeu de Ponzi qui consisterait à emprunter de plus en plus cher
auprès des marchés ou de devenir totalement dépendante du FESF (fond europééen de stabilité
financière) pour payer intérêts et dette arrivant à échéance. De facto, la Grèce rentrerait dans un
cercle vicieux de dette insoutenable avec des charges d’intérêts croissantes qui pourrait (devrait) la
conduire, malgré elle, à un défaut de paiement ; de devoir consacrer de plus en plus de sa richesse
nationale à honorer les intérêts sur sa dette (détenue à 72% par des non résidents) étant
politiquement intenable.
Encadré 2 :
Depuis son entrée dans la Zone Euro en 2000,
la Grèce connait une croissance soutenue (ce
qui est le cas depuis le milieu des années
1990). Néanmoins, les efforts d’assainissement
qu’elle a mis en place afin de satisfaire les
critères de Maastrich, ont été abandonnés avec
son adoption de l’Euro. Ainsi depuis 2000, elle
combine fort taux de croissance et déficits
publics. Alors l’objectif de passer d’un déficit de
plus de 10% à 3% à horizon 3 ans dans un
contexte de faible taux de croissance et de
charges d’intérêts élevées sur une dette
conséquente, parait être trop restrictif.
Ruben Global Economics, juillet 2010
Historique taux de croissance/déficit de la
GRECE
2
Scénario 3 :
La Vérité qui ne convient pas : la Grèce atteint les objectifs annoncés… avec en contrepartie un
ratio de sacrifice élevé
Si la Grèce atteint son objectif de maitrise du déficit public dans le temps programmé, cela ne se fera
que dans un environnement économique marqué par un fort ralentissement de l’activité. Avec la
hausse du chômage inévitable et la contraction de la dépense résultant de l’austérité, on devrait
assister en Grèce à une chute du sentiment économique avec pour conséquences des Entreprises
reportant leurs décisions d’investissement et des ménages réduisant leur consommation au profit de
l’épargne de précaution. Dans une telle situation, l’économie grecque risque de sombrer dans la
déflation chronique, avec retard considérable d’investissement, perte de croissance potentielle et
chômage structurellement élevé ; parallèlement, sa dette à plus de 100% du PIB, en dépit d’un déficit
public maitrisé, devrait lui couter près de 18 milliards d’euros d’intérêts par an. Alors le jeu de Ponzi
mentionné dans le scénario numéro 2 serait dans ce cas également inéluctable, la croissance étant
insuffisante pour payer les intérêts de la dette.
L’Argentine a connu trois programmes de consolidation du FMI avant de se rendre à l’évidence : la
Procrastination et l’entêtement ne sont pas la bonne solution pour éviter le défaut de
paiement. L’austérité ayant une certaine limite économique, il n’est pas bon d’aller au-delà en voulant
faire trop, trop tôt. Avec une dette de plus de 100% du PIB notée BB+,un taux de chômage élevé, une
population vieillissante, un ratio PIB/hab inférieur de 13% par rapport à la moyenne de la Zone Euro,
une dépense intérieure en R&D inférieure de 30% à la moyenne de la Zone Euro, la Grèce semble ne
pas être taillée pour une austérité aussi sévère, ne disposant pas de marges de manœuvres
suffisantes et d’un environnement économique propice. Il faut bien évidemment un assainissement
budgétaire en Grèce et une restructuration des dépenses publiques afin d’en augmenter l’efficacité,
mais puisqu’il s’agit de réformes budgétaires structurelles, elles devraient être effectuées non
pas dans le temps des marchés, mais dans le temps (et avec le concours) des institutions. « On
ne peut pas prévoir l’avenir économique, mais on peut le penser ». Ainsi nous ne participerons pas
« au jeu » qui consiste à évoquer une date à laquelle la Grèce pourrait (devrait) faire défaut. Nous
avançons juste que si elle ne dispose pas d’une stratégie claire et affirmée de restructurationrééchelonnement de sa dette (détenue à 80% dans la Zone Euro (Grèce comprise) et à 20% hors Zone
Euro) élaborée conjointement avec les pays de la Zone Euro et la BCE, prête à être utilisée avec en
contrepartie un cahier des charges précis dans le cadre de GOPE (grande orientation de politique
économique) visant à moderniser l’économie grecque et doper sa croissance, elle risque fort de devoir
faire appel au club de Londres… en improvisant5.
Encadré 3 :
La restructuration, un second best
La Grèce combine 3 éléments défavorables relatifs à sa dette : le niveau de la dette (plus de 100% du
PIB), la maturité de celle-ci (40% de la dette grecque arrive à échéance à horizon 5 ans6), et le fait
qu’elle ne puisse pas battre monnaie (contrairement au Royaume Uni ou aux USA où il y a
monétisation directe de la dette et garantie explicite de celle-ci par la Banque Centrale). Ces 3
éléments constituent la matrice de tous les dangers et tendent à rendre insoutenable la situation
grecque qui devra emprunter (de plus en plus cher) auprès des marchés pour se refinancer et payer
des intérêts. Dans ces conditions, un rééchelonnement-restructuration parait être « le second best »
permettant à la Grèce d’éviter le délitement et le déclassement de son économie. Toutefois une telle
solution n’est pas sans inconvénients, d’abord elle risque d’entrainer une défiance dans la monnaie
unique (chute brutale de l’Euro) et dans la signature souveraine des Etats de la Zone Euro (hausse des
taux d’intérêts souverains) par crainte de contagions. Par ailleurs, elle risque d’entrainer des
difficultés pour les institutions financières européennes détentrices de titres grecques voire une
nouvelle crise bancaire.
5
La stratégie de « haircut » prévue dans le cadre du mécanisme européen de stabilité va dans ce sens, mais on peut se
demander avec Charles Wyplosz « pourquoi une solution qui aura du sens plus tars (2013) n’est pas utilisée maintenant ?
6
Hellenic republic public debt bulletin
Ruben Global Economics, juillet 2010
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