Eléments économie emploi

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Eléments économie emploi
Conseil
d’orientation pour l’ emploi
Eléments sur la crise économique et la situation de l’emploi en France
Document de travail
1. Aux origines de la crise financière
La crise financière trouve son origine dans l’explosion de la bulle immobilière américaine. D’abord
circonscrite aux marchés du crédit subprime, la crise s’est rapidement propagée à l’ensemble de la
sphère financière en raison des mécanismes de titrisation des prêts hypothécaires.
1.1. L’expansion démesurée du crédit hypothécaire aux Etats-Unis
Entre 1997 et 2007, l’endettement des ménages américains est passé de 90 % à 140 % de leur revenu
disponible brut. Cette évolution a pour origine différents facteurs, qui rendent tous le crédit abondant
et peu cher : un excès de liquidité au niveau mondial, des prêts hypothécaires américains dont les
caractéristiques favorisent l’expansion du crédit en période de hausse du prix de l’immobilier, des
innovations financières qui permettent le contournement des règles prudentielles des banques.
1.2.1. Un excès de liquidité au niveau mondial
Alors que le rapport entre la masse monétaire au sens strict et le PIB était en moyenne de 18 à 20 %
pour six grands pays ou zones monétaires (Etats-Unis, zone euro, Japon, Chine, Royaume-Uni et
Canada) sur la période 1980-2000, il est passé à plus de 26 % à partir de 2002 et près de 30 % en
2006-2007.
Evolution de la masse monétaire en % du PIB
Source : CAE, La crise des subprimes, 2008.
1
Cette augmentation de la liquidité s’explique par différents facteurs, dont en particulier la progression
très rapide des réserves de change des banques centrales des pays émergents (la Chine en particulier)
et des pays exportateurs de matières premières, en raison d’importants excédents commerciaux et d’un
fort taux d’épargne.
Cet excès d’épargne des pays émergents, et notamment de la Chine, vient s’investir dans les pays
riches, poussant les taux d’intérêt à la baisse. Par exemple, les achats de titres publics américains par
les non résidents représentaient 5 % du PIB en 2008 contre 1,8 % en 2002.
Cette ample liquidité et la baisse des taux d’intérêt qu’elle entraîne conduit certains acteurs
économiques à chercher des actifs plus rémunérateurs, et donc plus risqués, pour leurs placements.
Mais, toujours en raison de l’ampleur de la liquidité, le risque a tendance à être moins bien rémunéré
que par le passé : les spreads de taux (écarts de taux entre les actifs risqués et les actifs non risqués)
diminuent nettement. En particulier, sur la période 2001-2004, on assiste à une très forte diminution
des écarts de taux d’intérêt entre les emprunts prime (accordés à des emprunteurs dont la solvabilité
est jugée élevée) et subprime (emprunteurs dont la solvabilité est plus douteuse), une diminution non
justifiée par les fondamentaux.
La très forte liquidité mondiale a donc favorisé une baisse des taux d’intérêt et des primes de risque, a
permis l’expansion d’un crédit abondant et bon marché, et, si elle n’a pas eu d’incidences sur le prix
des biens et des services, a poussé à la hausse le prix des actifs (notamment immobilier) dont l’offre
est davantage limitée. Or, les caractéristiques des prêts hypothécaires américains font que cette hausse
du prix de l’immobilier alimente en retour l’expansion du crédit immobilier.
1.2.2. Les caractéristiques des prêts hypothécaires américains
En effet, aux Etats-Unis, c’est sur la valeur du patrimoine que sont adossés les prêts hypothécaires. On
prête donc plus en fonction de l’évolution de la valeur du bien immobilier qu’en fonction de la
capacité de l’emprunteur à rembourser son prêt.
Cette caractéristique favorise le mécanisme de l’accélérateur financier : comme les actifs servent de
collatéraux, la hausse du prix des actifs suscite une expansion du crédit, donc alimente la demande
pour ces mêmes actifs. Il s’ensuit une nouvelle hausse du prix des actifs, etc.
Les caractéristiques des prêts hypothécaires américains favorisent plus largement la consommation.
Lorsque la valeur de leur bien immobilier augmente, les ménages américains peuvent renégocier leurs
prêts et accroître leur endettement à proportion de cette augmentation. Les ménages récupèrent alors la
différence entre la valeur du nouvel emprunt et celle de l’ancien. Ces capitaux supplémentaires extraits
sont appelés cash out. La partie de ces liquidités supplémentaires qui n’est pas destinée à financer
l’achat (ou la rénovation) du logement est appelée mortgage equity withdrawal (MEW). Les capitaux
extraits peuvent servir à financer des dépenses de consommation, des achats d’actifs non immobiliers,
ou à rembourser d’autres crédits.
En tout état de cause, la hausse des prix des logements garantissait l’endettement de l’emprunteur,
même subprime, puisqu’elle avait tendance à l’enrichir et donc le rendre solvable, et que, en cas de
défaut de ce dernier, la banque qui avait accordé le prêt pouvait espérer récupérer sa mise en vendant
un bien dont la valeur avait augmenté.
Entre 2001 et 2006, les encours de crédits subprime ont donc été multipliés par 7, passant de 94 à 685
milliards de dollars. Durant la même période, la part des emprunts à taux variables a augmenté au
détriment des emprunts à taux fixe, les premiers passant de 1 à 13 % tandis que les seconds passaient
de 41 à 26 %. Le reste était composé de prêts hybrides (taux fixe les premières années puis taux
variable) et de prêts « ballons » qui prévoient le remboursement d’une partie importante du capital à la
dernière période.
2
Mais l’expansion du crédit repose aussi sur un ensemble d’innovations financières qui ont permis aux
banques d’accorder des prêts en contournant les règles prudentielles portant sur leur ratio de fonds
propres.
1.2.3. Le rôle des innovations financières
Les banques sont soumises à un certain nombre de règles prudentielles. En particulier, l’encours des
prêts qu’elles accordent est limité par le montant de leurs fonds propres. Grâce au mécanisme de
titrisation, elles ont pu sortir de plus en plus de créances de leurs bilans, et, de ce fait, restaurer leur
capacité à accorder de nouveaux prêts.
La mécanique de la titrisation
La titrisation est une transformation des crédits en titres financiers selon un processus composé de
trois opérations :
- Pooling : une banque d’investissement rachète des crédits à ceux qui les ont émis. Il en
résulte un pool de crédits structurés, homogènes ou hétérogènes : MBS (mortgage-backed
securities), ABS (asset-backed securities), CDO (collateralized debt obligations)…
- Offloading : les crédits mis en pool sont sortis du bilan de la banque d’investissement pour
être logés dans des structures spéciales, les “véhicules ad hoc” (SPV special purpose
vehicles), appelés aussi “conduits” ou SIV (special investment vehicles). Ces structures sont,
en fait, équivalentes à des banques de marché non régulées et non supervisées. En
contrepartie des pools de crédits, elles émettent des titres pour les vendre à des investisseurs
(fonds spéculatifs, gérants d’actifs pour le compte d’investisseurs…), mais aussi à des
banques.
- Tranching : les titres sont émis en tranches hiérarchisées selon leur niveau de risque. À
partir d’un pool de MBS noté BBB par exemple, le véhicule parvient à proposer aux
investisseurs des tranches de titres présentant des niveaux de risque et de rendement
différents : tranches “super senior” notées AAA, “senior” notées AA et A, “mezzanine”
notées BBB et BB, jusqu’aux tranches “equity” non notées . La bonne notation des tranches
supérieures se justifie par le fait que, selon le principe dit de subordination, en cas de
détérioration des revenus du pool, ce sont les tranches inférieures qui subissent d’abord les
pertes et protègent ainsi les tranches supérieures.
Source : Aglietta M., « Comprendre la crise du crédit structuré », La lettre du CEPII n° 275, février 2008.
Entre 2002 et 2005, la part des crédits hypothécaires vendus pour être titrisés par les banques
d’investissement est passée de 30 % à 55 %. D’une façon plus générale, le développement de la
titrisation a été spectaculaire. Si l’on considère le marché des MBS (titres adossés à des prêts
hypothécaires) et des ABS (titres adossés à des actifs), leur encours fin 2007 aux Etats-Unis
s’élevaient à près de 10 000 milliards de dollars, soit une multiplication par près de trois en dix ans.
Ce marché représentait alors près de 40 % du marché obligataire, loin devant les obligations émises
par les entreprises (5800 milliards de dollars) ou par le Trésor (4500 milliards de dollars).
Pour une banque, le fait d’avoir la possibilité de vendre les crédits qu’elle a distribués, outre qu’elle
restaure sa capacité à prêter de nouveau, affecte la qualité de son évaluation du risque : elle est moins
incitée à l’évaluer convenablement dès lors qu’elle sait qu’elle va pouvoir le vendre. C’est une des
raisons qui expliquent le fort développement des crédits subprime.
Les banques avaient par ailleurs d’autres moyens de se prémunir du risque de défaut. Elles pouvaient
en effet recourir aux Credit Default Swaps, qui sont des primes d’assurance payées pour se protéger
3
contre la faillite d’un emprunteur : celui qui achète la protection verse une prime annuelle au vendeur,
calculée en fonction du montant de l’actif protégé, à charge pour le vendeur de la protection de
compenser les pertes de l’actif protégé en cas de faillite de l’emprunteur. Tout comme la titrisation, les
CDS ont permis de prêter toujours plus en transférant (ou en croyant transférer) le risque à d’autres1.
Dans l’explication de l’explosion des encours de prêts hypothécaires aux Etats-Unis, il faut encore
citer le rôle des « Government sponsored enterprises » Freddie Mac et Fannie Mae. Ces agences
« gouvernementales » (en fait des entreprises privées qui bénéficient d’une garantie implicite de l’Etat)
avaient pour rôle de financer le marché immobilier. Elles le faisaient directement en détenant des prêts
hypothécaires et indirectement en apportant leur garantie à des titres hypothécaires (étant elles mêmes
notées AAA).
Créée en 1938, Fannie Mae (Federal National Mortgage Association) avait été privatisée en 1968 et
pris le statut sur mesure de Government Sponsored Enterprise, permettant au gouvernement fédéral de
sortir des montants importants de dettes de son bilan et améliorant ainsi sa capacité d’emprunt. Freddie
Mac (Federal Home Mortgage Association) fut créée en 1970 par le gouvernement Nixon afin de
créer de la concurrence sur le marché du crédit hypothécaire et de couvrir l’ensemble des prêts
d’accession à la propriété.
Comme les banques, elles ont sorti de leur bilan une grosse partie de leurs actifs via la titrisation. Elles
ont apporté leur garantie à des sommes de plus en plus importantes : 5200 milliards de dollars, dont
moins d’un tiers figurait dans leur bilan, pour des fonds propres évalués à 81 milliards de dollars.
Certains observateurs2, pour expliquer le manque de prudence des deux GSE, ont mis en accusation
l’action du US Department of Housing and Urban Development (HUD), qui est devenu l’organisme de
tutelle de Freddie Mac et Fannie Mae à partir de 1992. Pour faciliter l’accès à la propriété des ménages
les moins aisés, en particulier ceux issus des minorités, en 1995 le HUD demanda en effet aux GSE de
compter au moins 42 % de prêts accordés à des populations à revenus modestes (« affordable loans »)
dans leurs portefeuilles, proportion portée en 2000 à 50 %, puis en 2004 à 56 %. Et les deux agences
obtinrent le droit de compter les dérivés de crédits subprime comme faisant partie de ces « prêts
abordables » (alors même que le taux d’intérêt demandé pour ces prêts est bien souvent extrêmement
élevé). En 2003, les deux agences achetèrent pour 81 milliards de dollars de titres adossés à des prêts
subprime, en 2004, elles en achetèrent pour 175 milliards de dollars (44 % du marché), puis pour 169
milliards de dollars en 2005 et encore 90 milliards de dollars en 2006.
Ces décisions encouragèrent les banques à vendre du crédit subprime, car elles savaient que les GSE
rachèteraient ces crédits ou leurs dérivés titrisés.
1.2. Le retournement du marché immobilier et le déclenchement de la
crise
Le point de départ de la crise est le retournement du marché immobilier. Ce retournement du marché a
provoqué une augmentation du nombre de défauts des emprunteurs et donc une méfiance généralisée à
l’égard des créances titrisées. Cette méfiance et l’incapacité dans laquelle se trouvaient les
investisseurs à évaluer les risques contenus dans les dérivés de crédits ont conduit à une évaporation
de la liquidité sur ce marché, mais aussi sur celui des commercial papers et sur le marché
interbancaire.
1
En 2004, les encours de CDS représentaient 6000 milliards de dollars. En juin 2008, ils s’élevaient à près de
60 000 milliards de dollars.
2
Cf. Carol D. Leonid, « How HUD Mortgage Policy Fed the Crisis », Washington Post, 10 juin 2008 :
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2008/06/09/AR2008060902626.html.
4
Les banques ont dû alors enregistrer des pertes importantes pour dépréciation d’actifs.
1.2.1. L’augmentation du nombre de défauts sur les crédits subprime
A partir de la fin 2005, la Réserve fédérale a commencé à relever ses taux d’intérêt. Comme bon
nombre de ménages américains s’étaient endettés à taux variable, le taux de défaut s’est mis à monter.
Par ailleurs, l’augmentation des taux, mais aussi les ventes de biens après saisies, ont contribué à faire
baisser le prix des biens immobiliers.
L’évolution du prix de l’immobilier aux Etats-Unis
La baisse de prix atteint 26 % en moyenne sur le marché immobilier américain entre avril 2006 et
février 2009. Cette baisse du prix de l’immobilier a, à son tour, contribué à l’augmentation du taux de
défaut, car pour certains types de prêts, le taux de l’emprunt est variable et dépend, entre autres
choses, de la valeur du bien : lorsque la valeur de la maison baisse, le montant des remboursements
augmente. La spirale « baisse du prix de l’immobilier – augmentation du taux de défauts » était
enclenchée.
Le taux de défaut de paiement sur les prêts hypothécaires subprime est passé de 10 % en 2005 à 14 %
fin 2006 et 18 % fin 2007 (25 % fin 2008).
5
Taux de défaut des ménages sur les crédits hypothécaires aux Etats-Unis
Source : CAE ; La crise des subprime, 2008.
D'après les données de l'OFCE, ce taux a continué à progresser pour atteindre 30 % au mois de février
2009. Sur un encours total de 2 300 Mds$, ce sont plus de 700 Mds$ qu'il faut absorber rien qu'au titre
des subprimes.
1.2.2. La détérioration des actifs issus de la titrisation des crédits
En juin 2007, l’information sur l’augmentation des taux de défauts des emprunteurs et donc sur la
détérioration des dernières vagues accordées de crédits subprime se diffuse. Les agences de notation
déclassent alors toute une série titres adossés sur des prêts hypothécaires (i.e. elles baissent leur note).
Il faut rappeler ici que le processus de titrisation provoque un dépérissement de l’information sur les
crédits au fur et à mesure qu’il devient plus complexe et que le nombre d’intermédiaires entre les
investisseurs et les emprunteurs s’accroît. Du coup, les investisseurs qui achètent les titres dérivés des
crédits se fient presque totalement aux agences de notation pour évaluer le risque attaché à ces titres.
Or il semble bien que le processus de notation ait souffert de plusieurs lacunes. D’une part, le marché
de la notation est un marché très concentré : les trois grandes agences de notation (Standard and
Poor’s, Moody’s, Fitch) contrôlent plus de 90 % du marché mondial de la notation. Par conséquent, les
méthodes de contrôle sont très homogènes et l’évaluation des risques ne bénéficie pas de regards
critiques. D’autre part, il peut y avoir des situations de conflit d’intérêt : les agences de notation sont
des organismes privés, financées par les entreprises qu’elles sont chargées de noter. Elles sont donc au
service de celui qui vend le risque et non de celui qui l’achète.
En tout état de cause, les agences de notation n’ont pas vu venir le risque, et notamment n’ont pas
intégré le fait que les risques sur les dérivés de crédits subprime étaient très corrélés entre eux : en cas
de retournement du marché immobilier, les défauts des emprunteurs ne résultent pas de défaillances
personnelles mais d’un renchérissement du crédit qui touche tous les emprunteurs en même temps.
Lorsque les premières informations sur les défauts ont filtré, les agences de notation ont surréagi, en
dégradant trop fortement et trop rapidement des notes qui auraient du être progressivement ajustées.
Comme la plupart des investisseurs institutionnels s’imposent des règles d’achats et de ventes de titres
en fonction de leur notation, cette dégradation de la notation a entraîné une baisse rapide du prix de ces
titres (puisque beaucoup d’investisseurs voulaient alors s’en débarrasser).
Les « véhicules de titrisation » chargés de transformer les prêts hypothécaires en titres finançaient la
détention de ces titres en émettant du papier commercial (titres de créance à court terme), les assetbacked commercial papers. Cette dette étant à court terme, elle devait être renouvelée régulièrement.
Or les investisseurs doutant de la qualité de l’actif détenu par ces véhicules de titrisation vont refuser
d’acheter le papier commercial que ces derniers émettent régulièrement. Avec le tarissement du
6
marché des asset backed commercial papers, les banques doivent financer elles-mêmes les véhicules
de titrisation qu’elles avaient créés pour sortir les créances hypothécaires de leurs bilans. Les banques
ont ainsi réintégré les crédits subprime dans leurs bilans, ce qui leur fait directement supporter le
défaut des emprunteurs.
1.2.3. Le retour massif des pertes sur les banques et l’alimentation de la spirale à la
baisse des marchés des actifs
La crise financière a affecté les résultats des banques d’au moins deux façons. D’une part, pour les
prêts qui n’ont pas été titrisés, les banques ont subi des pertes directes en raison de la hausse des
défauts des emprunteurs immobiliers aux Etats-Unis, et à un moindre degré au Royaume-Uni et en
Espagne. Même en vendant les maisons saisies, les banques ne peuvent récupérer le montant des
crédits accordés, puisque le prix des maisons a baissé et que la saisie d’un bien entraîne par elle-même
des coûts élevés.
D’autre part, les banques ont subi des pertes liées aux moins-values en capital sur les créances titrisées
ou en cours de titrisation qu’elles ont dû réintégrer à leur bilan puisque ces créances ne pouvaient plus
être financées dans les véhicules dans lesquels elles avaient été placées, en raison de l’effondrement du
marché des asset-backed commercial papers (cf. supra).
Avec les normes IFRS (adopté depuis le 1er janvier 2006 dans toute l’Union européenne), chaque actif
détenu par un établissement financier est valorisé non plus à son coût historique (son coût
d’acquisition), mais à sa valeur du jour (mark to market). Ainsi, lorsqu’une banque ou une compagnie
d’assurance ou un fonds d’investissement a des participations dans une entreprise, la valeur de cette
participation varie en fonction de l’évolution du cours de la Bourse. L’interaction de ces nouvelles
normes comptables et des normes prudentielles est largement procyclique. Lorsque le cours d’un actif
baisse d’une manière significative, l’établissement financier qui le détient doit enregistrer des
dépréciations qui se traduisent par une réduction des fonds propres. Cette contraction des fonds
propres appelle, en raison des normes prudentielles, une diminution de la proportion d’actifs risqués
détenus par la banque. Cette cession d’actifs alimente la spirale à la baisse du marché des actifs.
1.2.4. Le gel du marché interbancaire
La distribution et les montants des pertes sur les titres adossés aux prêts subprime étaient pratiquement
impossibles à valoriser. En conséquence, les banques sont devenues très réticentes à se prêter de
l’argent. En temps normal, les taux interbancaires à trois mois ne dépassent pas de plus de 20 points de
base le taux directeur de la banque centrale, considéré comme sans risque. A partir d’août 2007, le
différentiel de taux est deux à six fois plus élevé. C’est donc l’ensemble du marché interbancaire qui
s’est asséché.
La crise de liquidité culmine avec deux paralysies quasi-complètes du marché bancaire les 10 août
2007 et 15 septembre 2008, qui ont nécessité des interventions massives et coordonnées des banques
centrales (injections massives de liquidités accompagnées de fortes baisses des taux directeurs). Dans
le même temps, les flux de liquidités provenant précédemment des opérations de titrisation se sont
taris, ce type de produit ne trouvant plus guère d'acquéreur.
1.3. La crise se propage malgré l’intervention des autorités monétaires et
budgétaires
Face à la crise financière, les autorités ont été très réactives, en cherchant à restaurer la solvabilité des
emprunteurs, en redonnant de la liquidité aux marchés qui l’avaient vu disparaître ou en sauvant
certains établissements financiers de la faillite. Mais, avec la faillite de la banque Lehman Brothers, on
7
assiste à un véritable mouvement de panique sur les marchés qui déstabilise profondément et
durablement l’économie mondiale.
1.3.1. Des interventions variées pour enrayer la crise…
Pour endiguer la crise, plusieurs actions ont été menées. On a d’abord cherché à restaurer ou à assurer
la solvabilité des emprunteurs. Un ensemble de mesures visant à prévenir les situations de défaut de
paiement des ménages a ainsi été annoncé dès la fin août 2007 puis présenté officiellement en
décembre 2007 par Henry M. Paulson, secrétaire du Trésor. La principale mesure de ce programme
intitulé « Hope Now Alliance » est le gel pendant cinq ans des taux d’intérêt sur les prêts subprime à
taux variable. L’impact macroéconomique de cette mesure, par ailleurs difficile à mettre en œuvre
d’un point de vue juridique, est nécessairement limité car ce gel ne concerne qu’une petite partie des
prêts subprime
De leur côté, les autorités monétaires ont été très actives. Les banques centrales ont réagi à la
disparition de la liquidité sur le marché interbancaire en réalisant plusieurs opérations visant à y
injecter massivement de la liquidité et en abaissant leurs taux directeurs.
Evolution de la base monétaire
(en monnaie nationale, glissements annuels en %)
Evolution des taux directeurs
Les autorités interviennent également pour assurer le sauvetage de certaines banques très en
difficultés, soit en facilitant les solutions de rachats par d’autres banques, soit en nationalisant les
établissements, purement et simplement.
8
Ainsi, en septembre 2007, Northern Rock, banque hypothécaire britannique dont les actifs sont
pourtant jugés sains, fait face à d’importants problèmes de liquidités car les papiers qu’elle émet ne
trouvent plus preneurs et ne sont donc pas renouvelés (crise de liquidité sur le marché des commercial
papers, cf. supra). La Banque d’Angleterre lui fournit un apport massif de liquidités. Cette
intervention de la Banque d’Angleterre a paradoxalement l’effet d’inquiéter les déposants, qui
commencent à faire la queue pour retirer leurs avoirs : c’est le « bank run ». Devant la panique, la
banque est nationalisée en février 2008.
En mars 2008, JP Morgan rachète Bear Stearns, cinquième plus grande banque d’investissement
américaine, pour dix dollars par action3. Elle en valait 170 au début de l’année 2007. 30 milliards de
dollars d’actifs, les moins liquides, sont logés au sein d’une structure de défaisance : JP Morgan
s’engage à supporter le premier milliard de dollars de pertes, la Fed finançant, via un prêt spécial à un
taux de 2,5 %, les 29 milliards de dollars de pertes potentielles suivantes.
En août 2008, IKB, banque allemande de financement des PME, qui connaît également des difficultés,
est d’abord refinancée par l’équivalent allemand de la Caisse des dépôts, puis cédée à Lone Star, un
fonds américain, avec une garantie de l’Etat allemand à hauteur de 600 millions de dollars pour
couvrir ses futures pertes.
Toujours au cours du mois d’août, le Trésor américain prend le contrôle des agences Freddie Mac et
Fannie Mae, au cœur de la crise des subprime. Le gouvernement américain injecte 200 milliards de
liquidité et prend une option pour acquérir jusqu’à 80 % du capital des deux agences, leur imposant de
réduire leurs risques de 10 % par an.
1.3.2. …mais une confiance durablement atteinte, notamment après la faillite de
Lehman Brothers
Alors que le gouvernement américain est intervenu pour faciliter le rachat de Bear Stearns et pour
secourir Freddie Mac et Fannie Mae, il laisse Lehman Brothers faire faillite en septembre 2008. C’est
la plus grosse faillite de l’histoire des Etats-Unis : 600 milliards de dettes sont en défaut. Le
gouvernement américain semble avoir voulu faire un exemple.
L’annonce de la faillite de Lehman Brothers provoque la panique sur les marchés. Le 15 septembre, le
Dow Jones s’effondre. Le 18, le cours de Morgan Stanley est à 12 dollars (contre 77 un an avant),
celui de Goldman Sachs à 86 dollars (248 dollars un an plus tôt). La liquidité est totalement gelée. Le
secrétaire du Trésor, Henry Paulson, annonce un plan massif de 700 milliards de dollars pour racheter
les actifs toxiques des banques. D’abord rejeté par la Chambre des représentants (le 29 septembre), il
sera finalement adopté le 3 octobre.
Entre-temps, l’Europe est à son tour rentrée dans la tourmente. Les Etats français, belge et néerlandais
injectent plus de 11 milliards d’euros dans la banque Fortis avant de laisser BNP Paribas prendre 75 %
de Fortis Belgique et Luxembourg et de créer une structure de défaisance pour ses actifs toxiques.
Hypo Real Estate (HRE), une banque hypothécaire allemande, également en difficulté, bénéficie d’une
garantie de 35 milliards d’euros puis de 15 milliards d’euros supplémentaires. Bradford et Bingley,
banque hypothécaire britannique, est pour partie nationalisée et pour partie cédée à Santander. Dexia,
cumulant problème américain de solvabilité (elle avait des engagements importants dans un rehausseur
de crédit aux Etats-Unis) et problème européen de liquidité (elle prêtait à long terme aux collectivité
locales tout en disposant de ressources limitées et à court terme) est nationalisée de fait le 29
septembre.
3
Le rachat a été un temps envisage à 2 dollars par action.
9
Au final, on assiste à une crise boursière mondiale, avec un effondrement de la capitalisation des
principales places de marché. Entre le 19 juillet 2007 et le 19 mars 2009, le CAC 40 a fondu de 54 %,
le DAX de 49 %, le Footsie de 42 %, le Nikkei de 56 % et le Dow Jones de 46 %.
2. De la crise financière à la crise économique
La crise financière s’est transmise à l’économie réelle par plusieurs canaux qui vont être présentés
infra. La crise économique se traduit elle-même par une dégradation rapide de l’emploi.
2.1. Les canaux de transmission de la crise financière à l’économie réelle4
Les phénomènes financiers se transmettent à l’économie réelle via plusieurs canaux. Le premier
concerne le crédit, dont les conditions d’octroi ont tendance à se resserrer. Le deuxième concerne le
commerce mondial : dans une économie mondialisée, dans laquelle une partie de la croissance de
chaque pays dépend de ses exportations, chacun est affecté par la baisse de la demande constatée chez
les autres. Enfin, plus globalement, la perte de confiance des acteurs économiques génère des
comportements attentistes qui freinent la consommation et l’investissement.
2.1.1. La restriction des conditions de crédit
L’augmentation des écarts de taux entre taux d’intérêt des obligations émises par les entreprises et taux
d’intérêt sans risque, évoquée supra, constitue une première traduction du renchérissement des
conditions de financement des entreprises.
Par ailleurs, lorsque les entreprises se tournent vers les banques, elles font face à des conditions
d’octroi beaucoup plus restrictives. Ainsi, en France comme dans la zone Euro, le pourcentage de
banques qui déclarent avoir resserré leurs conditions d’octroi est en nette augmentation à partir de l’été
2007. C’est ce qu’indique le graphique suivant tiré d’une enquête réalisée par les banques centrales
auprès des banques commerciales.
Les banques durcissent leurs conditions d’octroi de crédit d’une part parce que leurs fonds propres se
sont dégradés (or les règles prudentielles leur interdisent de prêter au-delà d’un certain ration
4
Cette partie reprend l’analyse et les graphiques présentés par P. Bouyoux lors de la séance plénière du COE du
3 mars 2009.
10
prêt/fonds propres) et d’autre part parce qu’elles anticipent des difficultés pour les entreprises qui
doivent faire face à une conjoncture qui se dégrade rapidement.
2.2.2. Le ralentissement du commerce mondial
Le commerce mondial constitue un deuxième mécanisme de transmission de la crise : lorsque la
situation se détériore aux Etats-Unis, cette détérioration se transmet aux pays partenaires des EtatsUnis, puis aux partenaires économiques de ces pays, etc. Or le commerce mondial est en net repli avec
la crise comme le montre le graphique suivant.
2.2.3. La perte de confiance des agents économiques
La perte de confiance constitue un troisième mécanisme de transmission de la crise : le manque de
confiance peut générer des comportements attentistes et donc le renvoi à plus tard de certaines
dépenses et notamment des dépenses de consommation et d’investissement. Le graphique suivant, qui
représente l’évolution d’un indicateur synthétique de confiance qui agrége les résultats d’enquête
auprès de l’industrie, du BTP, du commerce de détail, des services et des ménages, met en évidence
une dégradation extrêmement marquée de la confiance des agents économiques.
11
2.2.4. Un effet visible sur le PIB
La transmission de la crise financière à la sphère réelle a entraîné une dégradation rapide et importante
de l’activité économique, inconnue depuis la crise de 1974. Le PIB s’est ainsi contracté de 1,5 % au
quatrième trimestre 2008 par rapport au trimestre précédent.
2.2. Les évolutions de l’emploi en France depuis le déclenchement de la
crise
Le retournement du marché de l’emploi, entamé à partir du deuxième trimestre 2008, s’est fortement
accéléré au quatrième trimestre de cette année. Il s’agit d’un retournement à la fois brutal dans sa
rapidité et exceptionnel dans son intensité.
2.2.1. La baisse de l’emploi
Le quatrième trimestre 2008 a été le quatrième trimestre consécutif de baisse de l’emploi salarié (ici, il
s’agit de l’emploi salarié affilié à l’UNEDIC). La baisse a été de 0,5 % au quatrième trimestre, soit une
baisse considérable si on la compare à celles que l’on a connues précédemment : en 2003 par exemple,
la baisse de l’emploi n’avait été que de 0,1 % par trimestre.
Emploi salarié (champ Unédic) – glissement trimestriel CVS en %
2008T1
2007T1
2006T1
2005T1
2004T1
2003T1
2002T1
2001T1
2000T1
1,4%
1,2%
1,0%
0,8%
0,6%
0,4%
0,2%
0,0%
-0,2%
-0,4%
-0,6%
Source : Unédic
12
L’essentiel de la chute de l’emploi provient du secteur de l’intérim, qui a perdu 81 000 emplois au
quatrième trimestre 2008, après une chute de 57 000 emplois au deuxième trimestre, et de 21 000
emplois au troisième trimestre. La chute de l’emploi intérimaire s’est poursuivie en 2009. En un an,
de fin mars 2008 à fin mars 2009, l’intérim a vu ses effectifs diminuer de 34,4% (- 243 400
intérimaires).
Emploi dans l’intérim en fin de mois (données CVS)
Source : Pôle Emploi
Dans l’intérim, c’est surtout l’industrie qui perd des emplois (96 000 emplois perdus en 2008) et dans
une moindre mesure, le tertiaire et la construction.
Répartition de la perte d’emplois dans l’intérim en 2008 par secteurs
Source : Pôle Emploi
Les informations les plus récentes sur l’évolution au 1er trimestre 2009 de l’emploi dans les
secteurs principalement marchands hors agriculture confirment la poursuite de la baisse
sensible du nombre de salariés dans ces secteurs (-138 000) et l’importance des réductions
d’emplois en intérim (-78 000).
13
Evolution de l’emploi dans les secteurs principalement marchands hors agriculture
Variation trimestrielle en milliers
200
150
100
50
0
-50
-100
-150
emploi
2009T1
2008T3
2008T1
2007T3
2007T1
2006T3
2006T1
2005T3
2005T1
2004T3
2004T1
2003T3
2003T1
2002T3
2002T1
2001T3
2001T1
2000T3
2000T1
-200
emploi hors intérim
Source : DARES – Les chiffres, encore provisoires, sur le premier trimestre 2009 sont extraits de la publication
« Activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre au 1er trimestre 2009 – Résultats provisoires », Premières
informations - Premières synthèses, mai 2009, n° 20.2.
Champ : secteurs principalement marchands hors agriculture (EB-EP)
2.2.2. L’envolée récente du chômage
Cette contraction de l’emploi s’est traduite par une envolée brusque du chômage. On a observé des
augmentations mensuelles de demandeurs d’emplois en fin de mois tout à fait exceptionnelles, surtout
à la fin de l’année 2008 et au début de l’année 2009. Ainsi, au mois de janvier 2009, l’augmentation
du nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A 5 a été de 100 000, au mois de février de 80 000 et
au mois de mars de 63 000.
5
La catégorie A regroupe les demandeurs d’emploi, en recherche d’emploi, et sans emploi actuellement. Cette
catégorie correspond aux demandeurs d’emploi hors activité réduite des anciennes catégories 1,2 et 3.
14
Variation mensuelle (en milliers) du nombre de demandeurs d’emploi de la catégorie A
120
100
80
60
40
20
0
-20
-40
-60
-80
juil-08
janv-09
juil-07
janv-08
juil-06
janv-07
juil-05
janv-06
juil-04
janv-05
juil-03
janv-04
juil-02
janv-03
juil-01
janv-02
juil-00
janv-01
juil-99
janv-00
juil-98
janv-99
janv-98
-100
Source : Pôle Emploi
On notera ici que l’évolution du nombre de demandeurs d’emplois inscrits à Pôle Emploi en catégorie
A est cohérente avec celle du chômage au sens du BIT.
Taux de chômage au sens du BIT
10,0
9,5
9,0
8,5
8,0
7,5
métropole
T1.2008
T1.2007
T1.2006
T1.2005
T1.2004
T1.2003
T1.2002
T1.2001
T1.2000
7,0
métropole + DOM
Source : INSEE
S’agissant de l’augmentation du nombre de demandeurs de catégorie A intervenue entre mars 2008 et
mars 2009, on observe que les hommes sont beaucoup plus touchés que les femmes (augmentation de
31,5 % pour les premiers et de 13,3 % pour les secondes) et qu’en particulier, les jeunes hommes de
moins de 25 sont particulièrement touchés par la crise (augmentation de 49,9 %), parce qu’ils sont très
largement représentés dans l’industrie et dans l’intérim.
15
Evolution annuelle des DEFM de catégorie A par sexe et âge
Glissement en % de mars 2008 à mars 2009 – données CVS
Femmes de 50 ans ou plus
Femmes de 25 à 49 ans
Femmes de moins de 25 ans
Hommes de 50 ans ou plus
Hommes de 25 à 49 ans
Hommes de moins de 25 ans
50 ans ou plus
entre 25 et 49 ans
moins de 25 ans
Femmes
Hommes
Ensemble
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Source : Pôle Emploi
L’augmentation du chômage affecte aussi de manière différenciée les catégories professionnelles.
Ainsi, les ouvriers qualifiés, et dans une moindre mesure les ouvriers professionnels et les manœuvres
sont plus touchés que la moyenne, alors que les employés, les agents de maîtrise et les cadres le sont
relativement moins.
Evolution annuelle des demandeurs d’emploi des catégories A, B et C6, par qualification
Glissement en % de mars 2008 à mars 2009 – données brutes
Ouvriers qualifiés
Ouvriers professionnels
Manœuvres
Ensemble
Employés qualifiés
Agents de maîtrise, techniciens
Cadres
Employés non qualifiés
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
Source : Pôle Emploi
Enfin, l’augmentation du nombre de chômeurs affecte inégalement les différentes régions. Les régions
les plus touchées sont les régions les plus industrielles.
6
Les catégories A, B et C correspondent ensemble aux anciennes catégories 1, 2, 3, 6, 7 et 8.
16
Evolution du nombre de demandeurs d’emploi catégories A, B, C de mars 2008 à mars 2009 (données
brutes) par régions
22,5
20,0
17,5
15,0
13,5
12,5
10,0
7,5
5,0
2,5
G
M
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t
é
ne
-A
lp
es
0,0
Source : Pôle-Emploi
Si l’augmentation du nombre d’entrées à Pôle Emploi est spectaculaire à partir de septembre 2008, elle
a d’abord surtout été le fait d’une augmentation des fins de CDD et de missions d’intérim.
17
Entrées à Pôle Emploi par motifs (cvs-cjo en milliers)
Source : Pôle Emploi, Dares
3. Un contexte qui rend difficile le travail de prévision
Le travail de prévision, déjà difficile en temps normal, l’est encore plus dans ce contexte exceptionnel.
A ce stade, la situation sur les marchés financiers n’est pas entièrement normalisée. Elle ne pourra
l’être qu’avec le retour de la confiance et la levée des craintes d’insolvabilité au sein du système
bancaire. Par ailleurs, le secteur financier subit à son tour les effets du ralentissement de l’économie
réelle. Dans la zone euro, la production de crédits nouveaux a fléchi sensiblement sous l’effet de la
contraction de la demande de crédit émanant des ménages comme des entreprises.
Durcissement des conditions de crédit, remontée du chômage et attentisme sur les prix immobiliers
conduisent les ménages à reporter leurs dépenses, notamment de logement. De leur côté, les
entreprises révisent à la baisse leurs projets d’investissement dans un contexte de perspectives
d’activité assombries, d’une sous-utilisation des capacités de production et d’une baisse de la
rentabilité.
18
3.1. La rapidité des révisions sur les prévisions de croissance pour l’année
2009 illustre la soudaineté et l’ampleur de la crise
Les prévisions de croissance du PIB pour 2009 ont été continuellement révisées à la baisse depuis le
début de l'année 2008, avec des ajustements particulièrement sensibles à partir du mois de septembre
2008.
Alors que le Consensus Forecasts 7 anticipait en janvier 2008 une croissance d'un peu moins de 2 %
pour la France en 2009, sa prévision n’était déjà plus que de 1 % en septembre. L’ajustement à la
baisse des prévisions s’est ensuite accéléré au rythme d’environ 0,5 point tous les mois. Courant avril,
le Consensus Forecasts anticipait une contraction du PIB de 2,5 % en France alors qu’il tablait sur un
recul de 2 % un mois auparavant.
Les projections réalisées par les organismes internationaux n’ont pas échappé à ce mouvement de
correction d’une rare ampleur. C’est notamment le cas du FMI qui a abaissé ses prévisions de
croissance 2009 pour la zone euro de 2,2 points dans les trois mois qui ont suivi l’éclatement de la
crise financière, puis à nouveau de 2,2 points au cours des trois mois suivants. Au final, selon le FMI,
l’activité devrait se contracter de 4,2 % dans la zone euro et de 3 % en France. Ces prévisions
rejoignent celles de l’OCDE, publiées fin mars, qui faisaient état d’un repli du PIB de 3,3 % en France
et de 4,1 % dans la zone euro.
Prévisions du FMI pour 2009
Avril 2008
Juillet 2008
Oct. 2008
Nov. 2008
Janv. 2009
Avril 2009
Zone euro
1,2
1,2
0,2
- 0,5
- 2,0
- 4,2 %
France
1,2
1,4
0,2
- 0,5
- 1,9
- 3,0 %
3.2. L’économie européenne plongée dans une récession profonde en 2009
3.2.1. L’Europe est entrée en récession à la fin de 2008
Les comptes du 4ème trimestre 2008, publiés par Eurostat, montrent une nette accélération de la
dégradation de l’économie européenne en fin d’année. Après un recul limité à 0,2 % aux deuxième et
troisième trimestres, le PIB de la zone euro a enregistré une baisse de 1,6 % au cours du 4ème
trimestre. Sur l’ensemble de l’année 2008, la croissance n’a été que 0,8 % dans la zone euro.
Les grands partenaires de la zone euro ont également vu leur économie entrer en récession. Au dernier
trimestre 2008, le PIB a reculé de 1,6 % au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, et de 3,2 % au Japon.
Mais la situation a continué de se détériorer au 1er trimestre 2009 à un rythme plus rapide qu’attendu.
Cette récession résulte principalement de l’aggravation de la crise financière mondiale, de la
contraction du commerce mondial et de l’ajustement brutal sur le marché immobilier dans certains
pays de l’Union. Le marché du travail est durement touché et le taux de chômage de la zone euro a
atteint 8,9 % au mois de mars, soit le niveau le plus élevé depuis trois ans.
Dans ses prévisions économiques de printemps, la Commission européenne anticipe une dégradation
de l’activité économique en 2009 nettement plus marquée qu’elle ne l’envisageait en janvier. Le PIB
de la zone euro devrait ainsi reculer de 4 %, soit une évolution très proche des prévisions du FMI
(-4,2 %) et de l’OCDE (- 4,1 %).
7
Moyenne des prévisions publiées par les principaux organismes de prévision dans le monde
19
3.2.2. La situation de la France
La France a paru dans les premiers stades résister un peu mieux à la crise que nombre de pays
européens. La croissance n’a été que faiblement négative au 3ième trimestre (-0,2 %) et le recul du PIB
de 1,5 % au 4ième trimestre 2008 a été moins sévère qu’en Allemagne (- 2,2 %) ou en Italie (-2,1 %).
La consommation des ménages a encore affiché une (légère) croissance au 4ième trimestre 2008
(+0,2 %), se portant essentiellement sur les services. Et les ménages ont légèrement réduit leur
épargne.
Certains facteurs qui, en période de bonne conjoncture, constituent plutôt des handicaps ont
incontestablement contribué à atténuer l’impact du retournement de l’économie mondiale. C’est à la
fois une force dans cette crise et une faiblesse pour l’avenir. Les exportations françaises qui avaient
moins profité de la croissance mondiale au cours du dernier cycle que notamment celles de
l’Allemagne, ont a contrario un peu moins souffert du retournement du commerce mondial. Les
dépenses publiques qui, rapportées au PIB, sont parmi les plus élevées d’Europe, ont joué un rôle
d’amortisseur. Par ailleurs, les prix immobiliers ayant connu moins d’excès, le retournement du
marché a été moins violent que dans d’autres pays comme l’Irlande ou l’Espagne. Enfin, le poids du
secteur financier dans l’économie et son implication dans la crise financière sont tous les deux
moindres qu’au Royaume-Uni par exemple.
La publication récente de la croissance du PIB pour le 1er trimestre 2009 (- 1,2 %) laisse craindre que
2009 ne soit une année de forte récession. Fin mars, l’INSEE avait indiqué dans sa note de conjoncture
que le recul du PIB se poursuivrait au cours des deux premiers trimestres de l’année (-1,5 % au 1er
trimestre et -0,6 % au 2ème), conduisant à un acquis de croissance 8 à la fin juin de - 2,9 %. Ce chiffre
est très proche de celui publié au début du mois de mai par la Commission européenne, qui prévoit une
baisse de 3,0 % du PIB en 2009. A la mi-mai, le gouvernement a annoncé qu’il s’attendait à une
réduction du PIB en 2009 qui se situerait « autour de 3 % ».
3.2.3. Pas de risque de déflation à court terme
Dans la zone euro, le ralentissement de l’inflation à partir de l’été 2008 a été très rapide, et nettement
plus qu’anticipé dans le sillage de la disparition du choc sur les prix de l’énergie et le ralentissement
de l’économie. Le glissement annuel des prix est passé de 4 % en juillet à 1,6 % en décembre 2008,
puis à 0,6 % en avril 2009, le taux le plus bas depuis 1996. La tendance devrait se poursuivre durant
les 2ième et 3ième trimestres de cette année, l’inflation atteignant un plancher au cours de l’été. Au total,
les services de la Commission européenne prévoient une augmentation des prix de l’ordre de 0,5 % en
moyenne annuelle dans la zone euro.
Cette décélération de l’inflation porte en elle une bonne nouvelle. En restituant du pouvoir d’achat aux
ménages et aux entreprises, le reflux de l’inflation constitue un puissant facteur de rebond dont l’effet
viendra s’ajouter aux mesures de relance budgétaire.
3.3. Stabilisation en vue pour 2010, mais entourée d’une grande incertitude
S’agissant de la reprise, la prudence est de mise. Si quelques indicateurs récents suggèrent un arrêt
dans l’aggravation de la situation, il est encore trop tôt pour y voir des signes de retournement et
affirmer que l’économie européenne est tirée d’affaire. Le moment et la vigueur de la reprise sont
encore très incertains.
Dans ce contexte particulier, les organismes internationaux n’entrevoient qu’une lente reprise de
l’économie européenne en 2010, sous l’effet des mesures de relance budgétaire et monétaire. Les
8
L’acquis de croissance correspond à ce que serait la croissance sur l’ensemble de l’année sous l’hypothèse
d’une stabilité du PIB au second semestre.
20
facteurs de risques tiennent tout particulièrement à l’incidence de la crise financière sur les différents
secteurs de l’économie.
L’OCDE estime que la reprise attendue sera faible en raison notamment d’une demande étrangère
toujours atone. Le PIB devrait cesser de diminuer vers la fin de l’année 2009 pour ne progresser que
lentement au cours des trimestres suivants. En France, le PIB serait ainsi proche de la stabilisation en
moyenne annuelle en 2010 (-0,1 %). C’est également le scénario privilégié, pour l’instant, par la
Commission européenne qui prévoit un léger recul du PIB de -0,2 % en France et de -0,1 % pour
l’ensemble de la zone euro.
De leur côté, les services du FMI n’anticipent pas de véritable sortie de crise au niveau mondial avant
le courant de l’année 2010. Quelques signes positifs apparaissent aux Etats-Unis et en Chine et la
croissance du PIB mondial pourrait redevenir positive (+1,9 % en 2010). La zone euro resterait
toutefois en territoire négatif (-0,4 %) tandis que l’économie française progresserait modestement de
0,4 %. La reprise mondiale reste conditionnée à la conjonction de trois éléments : des mesures
financières de grande ampleur et mieux coordonnées pour restaurer la fonctionnalité des marchés
financiers, l’action des Banques centrales, via des mesures le cas échéant non conventionnelles, pour
soutenir l’intermédiation du crédit et une vaste relance budgétaire dans les pays avancés qui ont des
marges de manœuvre pour le faire. Le risque principal porte sur les tensions financières et les
incertitudes sur la solvabilité à long terme des institutions financières qui, si elles devaient persister,
pourraient affaiblir l’efficacité des plans de relance et continuer d’aggraver la crise de l’économie
réelle.
Prévisions économiques pour 2009 et 2010
2008
2009
2010
Croissance du PIB
0,8
-4,0
-0,1
Croissance du PIB
0,7
-3,0
-0,2
Inflation
3,2
0,2
0,9
Déficit public (en pourcentage du PIB)
-3,4
-6,6
-7,0
Dette publique (en pourcentage du PIB)
68
79,7
86,0
Taux de chômage
7,8
9,6
10,7
3,2
-1,3
1,9
Pays avancés
0,9
-3,8
0,0
Pays émergents
6,1
1,6
4,0
Zone euro
0,9
-4,2
-0,4
France
0,7
-3,0
0,4
Commission européenne (4 mai 2009)
Zone euro
France
FMI (22 avril 2009)
Croissance du PIB
Monde
21