KATIA BOURDAREL (Page 1)

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KATIA BOURDAREL (Page 1)
GALERIE
EVA HOB E R
K ATI A B O U R D A R E L LES NUITS DE PSYCHÉ
11 o ctobre - 17 n ovembre 2012
Ve rnissage le jeudi 11 o c tobre 2012 de 18 H à 21 H
+ le jeudi 18 o c tobre : No cturne des galeries
en par tenariat a ve c la FIAC - parcours dans le Marais
Lancement du catal o gue “Les larmes l o urdes”
de Katia Bourdarel de 18 H à 23 H
L’exigence circulaire… Cette exigence mise en scène, exposée, libérée, révélée ;
exigence qui veut que l’être se déploie dans une oscillation tournant en cercle,
mouvement qui va du plus intérieur au plus extérieur, de l’intériorité non développée
à l’extériorisation qui aliène. Maurice Blanchot a sans doute été l’un des premiers
à identifier clairement cette tournure de l’esprit avant de préciser « … aliénation
qui s’extériorise jusqu’à la plénitude accomplie et réintériorisée. Mouvement sans
fin et cependant toujours achevé ». Il y a effectivement ce vertige dans les œvres
de Katia Bourdarel, une sorte de mise sous tension qui au-delà des figures, audelà même de ce qui est à voir, ouvre sur l’insondable relation que chacun entretient
avec le réel. Question essentielle, massive, sans doute la seule qui vaille aujourd’hui
la peine d’être posée. De ce rapport à soi qui découvre l’insondable difficulté à
retranscrire ce que nous donne le monde et ce que lui donnons en retour surgit
l’étrange conviction qu’il y a dans cet acte quelque chose qui se perd et s’altère.
D’où chez cette artiste la volonté de travailler à partir de son environnement le plus
immédiat, de son expérience de femme et aussi de mère. Il ne faudrait pas pour
autant percevoir cette pratique artistique sous l’angle facile d’une position féministe
voire d’une revendication sociale. Ce serait même l’inverse. Chez Katia Bourdarel,
ce besoin de parler d’elle et du monde est implicite, presque caché, dissimulé,
s’incarnant dans quelques thèmes qui sont autant de voiles qu’il convient de soulever
avec précaution. Finalement, toute l’œuvre de cette artiste secrète lutte contre
notre univers, contre l’abandon de tous à la férocité sans limite d’un libéralisme
outrancier qui n’a pour but que de transformer nos rêves en besoins dûment
quantifiés. Katia Bourdarel prend donc acte de cette résignation euphorisée qui est
l’apanage de nos civilisations et la retourne, l’inverse, démontrant par la même
occasion qu’il est encore possible de ré-enchanter notre monde.
Dans l’exposition Les nuits de Psyché, présentée à la galerie Eva Hober, à Paris, en
2012, il est donc question de Psyché et Éros. On se souvient combien, dans l’épisode
de la mythologie grecque, Psyché symbolise l’âme humaine en quête d’une forme
d’absolu : l’amour. Mais derrière l’absolu se cachent aussi d’autres forces, plus
sombres, plus terribles. L’histoire de Psyché et d’Éros est avant tout l’histoire d’une
mise à l’épreuve, d’une suite ininterrompue de blessures faites à l’âme,
d’égarements, d’errances, d’impossibilités à voir l’autre, à le comprendre, à l’accepter
dans son irréductible singularité. Bien des épisodes restent sous le sceau d’une
violence visible dans l’asservissement des personnages par leurs proches et leurs
ennemis. Il faut donc l’intervention des dieux pour dénouer les fils de ces destins
tragiques. Depuis la Renaissance, les artistes ont usé de ce thème non seulement
pour chanter les vertus de l’amour mais aussi pour exposer les sombres ressorts
de la nature humaine. Des fresques de Raphaël à la villa Farnesina de Rome (1513)
en passant par Le Caravage (Psyché reçue dans l’Olympe, 1524), Boucher (Mariage
de Psyché et l’amour, 1744), ou même Fragonard (Psyché montrant à ses sœurs les
cadeaux de Cupidon, 1753), tous ont évidemment insisté sur le caractère sensuel
de la rencontre, affirmant combien un tel thème permettait, à défaut d’exposer les
ressorts de l’âme humaine, de mettre à nu les secrets du corps féminin. Mais audelà d’un érotisme magnifié et trop souvent factice (notamment chez Bouguereau
avec son Enlèvement de Psyché de 1895), Psyché et Éros libèrent des forces
terribles qui vont constituer le terreau d’une forme de mélancolie. C’est évidemment
de ce côté-là que se situent les œuvres de Katia Bourdarel. En puisant son inspiration
chez Antonio Canova dont le Psyché ranimée par le baiser de l’Amour (1793) et
L’Amour et Psyché (vers 1793) constituent un summum de l’art classique, Katia
Bourdarel amplifie une tension entre ce qui est porté à la visibilité – deux corps
amoureux – et ce qui demeure caché mais n’en est pas moins le sujet principal de
l’exposition même si, sur un mode faussement détaché, elle n’hésite pas à affirmer
: « La plupart du temps, mon travail commence par une vague intuition nourrie par
des restes de connaissances du mythe ou du conte. C’est après cette première
envie que je me documente. La narration est un prétexte à la forme et à la matière,
et c’est peut-être aussi une sorte de filtre, un moyen de cacher ou de légitimer mes
interrogations derrière la permanence du mythe. C’est la petite histoire qui côtoie
la grande histoire. Ce qui demeure le plus important, ce sont les sentiments vécus
ou sublimés, et par conséquent les errances poétiques davantage que les
connaissances. »
35-37 rue Chapon - 75003 Paris
T:+33 1 48 04 78 68
[email protected]
www.evahober.com
mardi-samedi : 11H-19H
Damien Sausset
Extrait du catalogue monographique
de Katia Bourdarel “Les larmes lourdes”, 2012.
Damien Sausset est directeur du centre d’art Transpalette
à Bourges et critique d’art.